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France Inter : « Boomerang », lundi 8 juin 2020 par Augustin Trapenard, une émission particulièrement bien nommée ce jour

https://www.franceinter.fr/emissions/boomerang/boomerang-08-juin-2020

Ce qui fait d’une émission, quelle que soit sa qualité par ailleurs, un jour un moment exceptionnel, comme une trouée dans le quotidien de l’exercice, c’est le plus souvent l’invité.

Aujourd’hui, l’invitée est  Barbara Cassin, philosophe, philologue et académicienne depuis 2018.

Malicieuse et grave, elle s’échappe de l’autopromotion traditionnelle si courante dans ces circonstances et nous dit ce qu’elle a sur le cœur avec la simplicité et l’humilité du témoignage personnel. En usant du paradoxe d’exposer son désarroi grâce à une force et une lucidité difficilement détournables. Une façon de dire que les rois et les courtisans sont nus et nous, leurs sujets bien démunis devant leur puissance et leur persévérance à vouloir nous conduire. Et que, quequefois courtisans par défaut, sujets pour la plupart, nous en sommes tous à peu près au même point, pris par la fatigue et la lassitude,réduits au chacun pour soi, coincés par l’urgence du lendemain , la force de l’habitude, l’intensité et le brouillage des informations dont nous sommes saturés.

Dans cette présentation, j’ai bien entendu apporté ma subjectivité. Je pense que ce texte intitulé "Désemparée" par son authenticité est de nature à nous communiquer de l’énergie, du courage et à stimuler notre désir de comprendre et de ne pas toujours subir. Ne vous privez pas du plaisir de la lecture intégrale et des résonnances appelées à durer et se développer que ce texte ne manquera pas de vous procurer à vous aussi. Je pense sans illusion que ce type de message dont on pourrait craindre la contagion est appelé à se faire rare.

Pour sa carte blanche, Barbara Cassin a écrit un texte inédit, le voici dans sa version intégrale : 

 

Désemparée

« Ce texte n’est ni un texte de colère ni un texte de protestation. C’est pire : je suis désemparée.

Il y a de quoi pourtant être en colère. Côté histoire lourde, entre le meurtre de Georges Floyd et celui d’Adama Traore, quelles que soient les différences dans les racismes ordinaires, il y a de quoi s’indigner. Côté petite histoire, aucun démocrate ne peut digérer les volte-face officielles sur les masques et les tests. Entre pénurie et mensonge, nous sommes un nouveau genre de nation du tiers-monde, sauvée par le bricolage et l’héroïsme, dont celui des invisibles. Le virus vient de rendre cela parfaitement clair.

Le virus de la covid est darwinien : il tue de préférence les pauvres et les vieux. Il met en visibilité et il accroît les inégalités économiques et sociales. De quels enfants de Seine Saint-Denis a-t-on perdu la trace ? Qui a faim en bas de chez nous ? Où meurt-on « le plus » dans le monde ? 

Bien sûr que ça ne doit pas recommencer comme avant. 

Mais moi, j’ai peur, horriblement peur que cela ne recommence comme avant, en pire. 

D’abord, c’est vrai, je n’ai plus confiance. Un exemple à ma portée : nous allons consacrer enfin à la recherche le même pourcentage du PIB qu’en Allemagne ! Oui, mais ne regardez pas comment on compte, car le crédit impôt-recherche ressemble à un jeu comptable donné aux entreprises par les entreprises pour les entreprises ; les chercheurs, syndiqués ou non, savent que cela ne concerne pas leur / la recherche. A présent, nous allons remettre à plat l’hôpital après l’avoir défait, récompenser sa résilience, ouf ! Faites donc voir autre chose que des tarifications, des files actives et des primes. Commençons par arrêter de tricher, s’il vous plaît ! Je commencerais peut-être à être moins désemparée.

Que l’on tâtonne avec la pandémie, c’est « scientifique ». Que l’on fasse passer à l’arrière-plan des maladies qui tuent davantage d’enfants, comme le paludisme, c’est européen. Que l’on choisisse de mauvaises solutions, insuffisantes ou hypertrophiées, c’est dommage. Tout cela est essentiel, mais ça n’est pourtant pas l’essentiel. 

Si je suis à ce point désemparée, c’est parce que je ne comprends pas ce qui arrive aux hommes, au genre humain. Pour le dire comme je le pense : je ne comprends pas pourquoi nous sommes devenus si cons. 

Comme le disait il y a vingt ans un Président du CNRS : « On va dans le mur, mais on a allumé les phares ! » Nous savons tous (Trump inclus, dont les terrains de golf vont s’enfoncer dans la mer de Floride s’il ne parvient pas à les vendre avant), nous savons tous que le dérèglement climatique est devant nous avec des conséquences terrifiantes. Ces conséquences, nous les expérimentons chaque jour. Il y a deux jours, c’était la fonte du permafrost et l’effondrement des réservoirs de diesel à Norilsk en Sibérie - 20 degré au Pôle, avec possible libération de virus inconnus, comme c’est exotique ! 

Mais nous savons tous aussi qu’avec le confinement les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de manière « spectaculaire » (dixit Le Monde, 30% ai-je cru lire). Cette expérience mondiale involontaire est une réussite à laquelle personne ne s’attendait. Inimaginable ! On n’y croyait pas et pourtant on peut. On peut… On pourra… On pourrait… 

Je suis désemparée parce que je ne crois même pas que l’on soit en train d’essayer. Malgré les litanies de Nicolas Hulot (« Le temps est venu de transcender la peur en espoir ». « Le temps est venu de croire en l’autre ». « Le temps est venu de la dignité pour tous ». Oui, cent fois, il est venu, le temps…), malgré Jeanne d’Arc-Greta Thunberg que je salue, malgré les justes tribunes que l’on pourrait toutes signer, j’ai bien peur que le pays, le monde, ne courre encore et toujours après la même chose. On va seulement repeindre en vert une croissance grise et brune. Voilà pourquoi je suis désemparée. 

Qu’est-ce qui arrive à l’homme pour qu’il voit, pour qu’il veuille, et qu’il ne fasse pas ? Pour qu’il se ligote entre Trump, Bolsonaro, Kim Jong Un etc. etc... Pour qu’il ait tout faux ? 

L’émission de gaz à effet de serre diminue, la dette augmente. Drôles de vases communicants ! C’est pourtant bien là qu’on en est, je crois. Nous allons changer de paradigme. Faire de la croissance avec du vert. Ça va coûter, mais ça va rapporter, on va calculer. Calculer ? Mais avec quelle unité, commune au désastre et à l’économie ? 

Un comité ou deux d’économistes, pourquoi pas ! Je n’ose attendre des solutions, mais j’attends en tout cas qu’ils me permettent de comprendre. Qu’est-ce-que c’est que ça, la dette ? J’ai beau essayer de lire, d’écouter, je ne sais toujours pas. Ça ressemble un peu à l’attestation de déplacement dérogatoire. On se la signe à soi-même, on la remplit au crayon, on en garde une autre dans la poche. On se prête entre soi, à soi-même, et on bat monnaie. On pourrait l’annuler, ou tout comme, la reporter ad vitam æternam. Pour certains ? Pour tous ? Je veux bien croire que tout est verrouillé avec le « capitalisme néo-libéral », mais comment ? Il suffit d’y croire. Et si personne ne m’explique assez clairement ? Et si je n’y crois plus ? Et si plus personne n’y croit ? Y a-t-il des gendarmes qui ne soient pas des voleurs ? Suffit-il d’inscrire sur le dollar « In God we trust » ? Et qu’est-ce qu’on va mettre sur l’euro ? 

Désemparée, je vous dis. »


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11 réactions à cet article    


  • Daniel PIGNARD Daniel PIGNARD 9 juin 2020 10:01

    L’émission des gaz à effet de serre diminue ?

    D’une part, pour les opposants à la théorie de l’effet de serre, le grand responsable du réchauffement actuel (et aussi des réchauffements et des refroidissements passés), c’est tout simplement... le SOLEIL ! Pour eux encore, le CO2 émis par l’homme n’a qu’une influence négligeable dans cette affaire ! Tout est de la faute aux éruptions solaires vues comme des tâches plus brillantes que le reste de l’astre.

    D’autre part cette diminution n’a pas changé le climat pour autant et surtout pas dans le sens d’un refroidissement.


    • nanobis nanobis 9 juin 2020 10:44

      @Daniel PIGNARD
      Ben non ! les tâches solaires sont noires et apparaissent périodiquement ou presque ! (tous les neuf ans je crois)
      Mais néanmoins, elles sont le signe d’une activité accrue de notre soleil : lui aussi il vit !


    • sylvain sylvain 9 juin 2020 10:20

      oui bon, c’est la merde en gros

      malgré les justes tribunes que l’on pourrait toutes signer

      effectivement, les tribunes c’est jamais que du blabla, et c’est pas ce qui change grand chose en général . Surtout des tribunes comme celle là qui répètent du début à la fin que l’homme est con, la société pourrie... pas besoin d’être académicienne pour balancer des banalités pareilles .

      Le problème des gens qui font que causer, c’est qu’ils sont persuadés que le fait d’exprilmer un problème suffit à le changer . Il semblerait même que le fait qu’il perdure puisse être pris pour un affront personnel qui désespère l’auteur, le poussant à dénigrer un monde qui ne marche pas



      • Francis, agnotologue JL 10 juin 2020 07:51

        @sylvain

         
         ’’Le problème des gens qui font que causer, c’est qu’ils sont persuadés que le fait d’exprimer un problème suffit à le changer ’’
         
        Non pas le problème des intellectuels, mais le problème

        avec les intellectuels. Nuance.
         
         
        « L’ennemi des classes populaires est le surmoi des élites de gauche » (Daniel Cohen citant Michael Sanders)


      • sylvain sylvain 9 juin 2020 10:23

        je suis curieux de savoir ce que l’auteur a vu dans ce texte narcissique pour le publier tel quel . Et les modérateurs ????


        • Octave Lebel Octave Lebel 9 juin 2020 19:32

          Savez-vous que lorsque je trouve un texte peu ou pas intéressant selon mon point de vue, du moment qu’il entre dans le cadre de la charte d’Agoravox (respect du cadre de la loi+ cohérence et lisibilité minimales) je le valide parce que je suis curieux de voir d’autres réactions et aussi parce qu’il me semble que l’esprit du site c’est de permettre l’expression de la diversité des centres intérêts et opinions. Et selon l’envie de chacun l’échange d’informations et d’arguments. J’avoue que quelquefois l’omniprésence d’un thème ces derniers temps me fatigue mais c’est la vie et j’imagine bien que d’autres peuvent en avoir autant à mon encontre. Quand c’est un texte contraire à mes opinons, je le valide à tous les coups avec la curiosité que j’ai évoquée. Je crois aussi que l’on se mutile de lire et de discuter qu’avec des gens avec qui on est d’accord. Si cette tendance l’emportait à Agoravox, je pense que cela équivaudrait à un sabordage du projet à brève échéance.

          Merci de votre interrogation.

           


        • Francis, agnotologue JL 9 juin 2020 13:34

          ’’ Qu’est-ce-que c’est que ça, la dette ? J’ai beau essayer de lire, d’écouter, je ne sais toujours pas. Ça ressemble un peu à l’attestation de déplacement dérogatoire. On se la signe à soi-même, on la remplit au crayon, on en garde une autre dans la poche. On se prête entre soi, à soi-même, et on bat monnaie. On pourrait l’annuler, ou tout comme, la reporter ad vitam æternam.

          .’’

           

          Qu’est-ce qu’une dette que l’on reporte ad vitam aeternam et qui donne lieu à paiements d’intérêts ?

           

          C’est Le Capital, et les intérêts versés sont des dividendes, qui ne disent ni l’un ni les autres leur nom.

           

          Des gens que l’on n’a pas su ou pas voulu assujettir légitimenet à un impôt juste ont soustrait cet argent au bien commun et s’en qont servis pour s’approprier des parts de la nation qu’ils ont mise en déficit par leur manque de civisme. Et je suis gentil.

           


          • Octave Lebel Octave Lebel 9 juin 2020 15:11

            @JL

            C’est simple et clair. Je suis d’accord. Et pourtant, on ne peut pas dire que ce genre d’explication court dans les médias de grande écoute même si sur ce sujet l’intimidation de nos concitoyens a reculé du fait du travail d’information parallèle.

            Je pense que c’est l’intérêt de ce type de texte de montrer avec talent le trouble, les incertitudes, les confusions, les questions qui traversent notre société sur fond de méfiance envers les fanfares médiatiques et politiques. Personne ne sait tout sur tout ni n’est en mesure de faire tous les liens utiles.

             Merci de votre contribution.


          • Esprit Critique 9 juin 2020 17:42

            C’est sur que faire la Promo de La « Despentes » en lisant ses torchons, c’est de la radio de caniveau. L’émission portera bien son nom le jour ou elle s’arrêtera et son auteur dégagera sur un retour de Boomerang bien senti !


            • Old Dan 10 juin 2020 00:58

              A l’auteur de cet article :

              Merci de tenter qqchose pour AGV. Le bon sens s’y fait discret...

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