Héritage = Le jackpot pour les héritocrates

Tout dans la transmission intergénérationnelle et non plus dans le travail ou dans l’épargne personnelle. Ainsi, environ 40 % des ménages français déclarent avoir déjà reçu un héritage au cours de leur vie. Ce phénomène contribue à figer les positions sociales, et ainsi, les individus issus des milieux modestes commencent leur vie adulte avec peu ou pas de patrimoine, ce qui freine leur accès à la propriété, à l’entrepreneuriat ou à des investissements productifs. Il faut savoir que la part du patrimoine issu d’un héritage est passée de 35 % dans les années 1970 à près de 60 % aujourd’hui,[i] autrement dit, le pays est en train de basculer dans une société d’héritocratie, et de s’éloigner de la méritocratie prônée à tout bout de champ. Le niveau élevé des inégalités de patrimoine et de fortune héritée observée aujourd’hui rappelle celui de la France de Napoléon III. Un phénomène inquiétant, synonyme d’ascenseur social bloqué, et alimentant le ressentiment des classes laborieuses et productivistes, qui malgré leurs efforts seront privées en majorité d’ascension sociale, et seront vouées à vie à rester des locataires et des employés, sans espoir de retraite dorée au soleil.[ii] Bienvenue au pays du spleen !

Bon, prenons un exemple concret pour observer ce glissement. Cet article veut décrire ce qu’est l’héritage pécuniaire et immobilier des classes qui dans leur jeunesse furent considérées comme étant « prolétaires » et qui au fil du temps aspirèrent au modèle bourgeois installé. Voici l’histoire : j’ai connu une dame simple postière mutée à l’ile de Ré. Dans les années 60, elle acheta une petite maison à saint Martin, la « capitale » de l’île. Pas plus de 10 000 de nos euros actuels. De nos jours, son bien a été estimé à huit cent mille euros… Pour diverses raisons, elle demanda des années plus tard sa mutation à Paris. Là, la poste lui prêtât à taux préférentiel pour l’achat d’un appartement dans le 13e arrondissement. Bien estimé actuellement à quatre cent cinquante mille. Ainsi, une petite postière derrière son guichet, sans être une affairiste forcenée est à la tête d’un patrimoine d’au moins 1,2 million d’euros… Son cas est symptomatique des générations nées après la guerre, qui flambée de l’immobilier faisant se retrouvent à la tête de patrimoine, non pas généré par le travail, l’intelligence créative, mais simplement d’avoir été là, au bon moment. Grand bien lui fasse, car ce n’est pas elle qui a choisi. Cependant, de simple employée à « millionnaire », il est certain que la mentalité change. Le sentiment de classe sociale dite laborieuse, ouvrière se transforme en celle de petit-bourgeois, votant à droite, pour Macron par exemple, conservateur et surtout pouvant transmettre un joli pactole à ses deux enfants, pour le biais de droits (nombreux) de successions cette opportunité a permis à ses descendants d’obtenir des crédits immobiliers pour devenir propriétaire et des crédits afin de créer leur outil de travail et de devenir petits patrons. Pour cette dame, l’échelle sociale a fonctionné. Quant aux « autres » ? Les générations qui ont suivi ? Le temps passant, l’argent est devenu plus cher, le prix de l’immobilier a explosé et les salaires ont stagné depuis les années 2000. Alors, à moins d’avoir une grand-mère ayant acheté sur l’ile de Ré pendant les années 60, et bien, vous ne serez jamais propriétaire à moins de vous saigner aux quatre veines pour trente ans sur un crédit d’un bien qui appartiendra à la banque tout ce temps-là, quant à devenir votre patron… Bonne chance dans le monde de 2025 sous macron.

Ce sont donc les héritocrates qui mènent le bal, et les méritocrates qui font banquette.[iii] Vous me direz, il est possible d’être les deux, j’ajouterais cependant qu’une vie trop facilement commencée ne fait pas des êtres combattifs et pugnaces, mais ce n’est que mon avis. Quant aux successions ? Contrairement à une idée reçue, près de 85 %, des successions en France ne sont pas soumises aux droits de succession, rapporte le ministère de l'Économie, grâce à des abattements et exonérations. Ces impôts sont largement atténués par une série de dispositifs fiscaux tels que le pacte Dutreil – qui facilite la transmission des entreprises – ou les donations en démembrement de propriété. Par exemple, dans le cadre d’une transmission d’entreprise valorisée à 100 millions d’euros à deux enfants, l’application du pacte Dutreil peut ramener le taux effectif d’imposition à 10,7 %, contre 44,4 % sans ce dispositif, explique la Cour des comptes ; bref, tout va bien pour ceux qui sont nés du bon côté de la barrière… Quant aux autres ? Direction pour vos enfants vers les restos du cœur.

Comme énormément de Français sont devenus des « bourgeois petits ». L’impôt sur la succession est sûrement le moins aimé des Gaulois. Si certains impôts sont perçus comme légitimes – celui sur les sociétés (81 %), la fortune immobilière (79 %) ou même sur le revenu (73 %) –l’impôt sur les droits de succession est perçu comme illégitime par 77 % des Français. C’est d’ailleurs un impôt si impopulaire que les Français demandent unanimement qu’il soit baissé plutôt qu’augmenté : 84 % pensent qu’il faudrait diminuer l’impôt sur l’héritage, contre seulement 13 % qui pensent qu’il faudrait l’augmenter.[iv] Ainsi, dans un pays à deux vitesses, où une partie se goberge, descendants inclus et une autre qui galère, ce n’est pas demain qu’il y aura concordance d’idées et de vision commune du futur.[v] Tous les germes de la révolte sont là, et eux, les héritocrates tremblent et en implorent les Retailleau, le Pen and Co, pour que la loi de la matraque l’emporte sur celle des mots et de l’entente sociale. Deux camps arc-boutés… D'une flèche empennée, l’homme déplorait sa triste destinée, et disait : « Faut-il contribuer à son propre malheur ? »

Georges ZETER/mai 2025

Prochain article : les super héritiers de milliardaires

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