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Accueil du site > Tribune Libre > IL Y A URGENCE...

IL Y A URGENCE...

 

Vite, toujours plus vite !
                          Il y a urgence....à ralentir 

          La vitesse est devenue une dimension de plus en plus présente dans la vie quotidienne de nos concitoyens, à des degrés divers, toujours pressés par le temps, les rythmes imposés par une vie trépidante, vivant montre en main. même dans les loisirs, où l'échappée psychologique hors des contraintes quotidiennes devient problématique, psychologiquement surtout.
  Cette propension/pression tend à envahir tous les aspects de la vie quotidienne et devient une nouvelle manière d'exister. Jusque dans nos rêves. Le domaine du sport n'échappe pas à la règle : toujours plus vite, toujours plus loin, toujours plus haut...
  Prendre son temps apparaît parfois comme culpabilisant. Pas seulement dans l'atelier de confection pakistanais ou l'usine de montage japonais... Prendre son temps auprès des malades pour l'infirmière stressée par un mode d'organisation et de gestion de l'hôpital très tendance new public management est devenu rare. Nous sommes asservis à une logique de production et de ses dérivés, qui retentit sur tout le reste de la vie. Les nouveau modes de management vont dans ce sens, parfois brutaux, souvent source de souffrances.
   Dans la production de masse depuis le fordisme, le temps est devenu de plus en plus un facteur de productivité, donc de richesse, un aspect de l'organisation du travail et, partant, des loisirs, un mode de vie. C'est les Temps Modernes.
 Nous sommes devenus prisonniers et malades de la vitesse même devant notre smartphone.
 Gagner du temps, même la finance s'y met : pour le trading haute fréquence, cette guerre 2.0, la milliseconde compte et il n'y a nul repos pour le jeu des algotithmes. Un jeu dangereux, comme dit Krugman.
 Il serait temps de trouver les conditions de rephasage entre notre vie et nos activités. Nos esprits tendent à s'emballer, devenant moins disponibles pour l'essentiel. Le problème est global, économique, civilisationnel.
     Pourtant, l'ébauche de la nécessité d'un autre monde commence à s'esquisser, du moins en pensée, contre cette compression du temps qui n'est pas sans conséquences sur la vie psychologique, sociale et économique, cette " course effrénée aux profits ­immédiats et ses conséquences sur la planète et sur la ­société tout entière. Un monde soumis aux serveurs informatiques et aux algorithmes, qui échappent à tout contrôle, dont l’espace temps n’est plus celui des hommes mais celui des ordinateurs. Un secteur financier qui ne bénéficie qu’à quelques personnes dans le monde. A l'image de l'Américain Thomas Peterffy, fondateur et président d'Interactive Brokers, une entreprise située dans le Connecticut. Ce malin, milliardaire et cynique programmeur informatique, pour qui « le capitalisme reflète la nature intrinsèque de l’Homme », est persuadé que ce modèle ne s’écroulera jamais. « Celui qui aura les meilleurs logiciels aura les meilleures chances de l’emporter sur les autres. »
 L'immédiat et la vitesse sont devenus la norme. L’accélération, notre rythme quotidien. « Mais à quel prix ? Et jusqu’à quand ? » interroge le réalisateur Philippe Borrel  dans son dernier film, L’urgence de ralentir« Ce que nous vivons, appuie l’économiste Geneviève Azam, c’est vraiment la colonisation du temps humain dans toutes ses dimensions – biologique, social, écologique – par le temps économique. C’est un temps vide, sans racine, sans histoire, seulement occupé par la circulation des capitaux ». Directement pointés du doigt, les milieux financiers et la logique d’actionnaires en attente d’une rentabilité immédiate. 
 Parfois jusqu'à la frénésie... 
 Illustration de cette accélération financière et technologique : le trading haute fréquence dans lequel les algorithmes ont remplacé les hommes. « Le marché est un serveur mettant en relation des acheteurs et des vendeurs qui sont désormais des algorithmes, relate Alexandre Laumonier, auteur de 6Un ordre est exécuté au New York Stock Exchange en 37 microsecondes, soit 1350 fois moins de temps qu’il n’en faut pour cligner de l’œil... » Le rythme est désormais dicté par les machines. « Celui qui compressera le temps le plus rapidement possible gagnera la partie », assène le sociologue Douglas Rushkoff. A moins que les catastrophes écologiques, économiques et sociales annoncées ne prennent les devants...
 Le court-termisme et la financiarisation de l'économie sont potentiellement destructeurs des fondamentaux de l'économie elle-même.
 " La logique de rentabilité et de compétitivité, propre à l’activité économique («  la concurrence ne dort jamais  »), s’étend à tous les domaines de la vie. Le temps libre, d’autant plus précieux qu’il a été "gagné", doit lui aussi être géré efficacement  ; mais cette réticence à courir le risque de le dilapider a de lourdes conséquences. Il en résulte un handicap qui, pour le coup, est également partagé du haut en bas de l’échelle sociale : «  Pas plus que l’exploiteur, l’exploité n’a guère la chance de se vouer sans réserve aux délices de la paresse  », écrit Raoul Vaneigem. Or, «  sous l’apparente langueur du songe s’éveille une conscience que le martèlement quotidien du travail exclut de sa réalité rentable  » . 
  Rosa ne dit pas autre chose : selon lui, si l’on veut reprendre la main sur le cours de l’histoire individuelle et collective, il faut avant tout se dégager des «  ressources temporelles considérables  » pour le jeu, l’oisiveté, et réapprendre à «  mal  » passer le temps, en se désimpliquant de cette logique, où au bout du compte la vie perd sa substance comme le temps perd son poids, sa densité. De s'arrêter souvent au bord du chemin pour se sentir seulement exister.
   Ce qui est en cause, ajoute-t-il, c’est la possibilité de «  s’approprier le monde  », faute de quoi celui-ci devient «  silencieux, froid, indifférent et même hostile  »  ; il parle d’un «  désastre de la résonance dans la modernité tardive  ». La chercheuse Alice Médigue, elle aussi, identifie un «  phénomène de désappropriation  » qui maintient le sujet contemporain dans un état d’étrangeté au monde et à sa propre existence. Avant le règne de l’horloge — que les paysans kabyles des années 1950, rapporte Pierre Bourdieu, appelaient «  le moulin du diable  » —, les manières de mesurer le temps reliaient d’ailleurs naturellement les êtres humains à leur corps et à leur environnement concret. Les moines birmans, raconte Thompson, se levaient à l’heure où «  il y a assez de lumière pour voir les veines de la main  »  ; à Madagascar, un instant se comptait à l’aune de la «  friture d’une sauterelle  »
   Parce qu’elle plonge ses racines très profondément dans l’histoire de la modernité, la crise du temps ne se satisfera pas de solutions superficielles. D’où la prudence avec laquelle il faut considérer des initiatives comme le mouvement européen slow — «  lent  » : Slow Food pour la gastronomie , Slow Media pour le journalisme, Cityslow pour l’urbanisme… 
  Aux Etats-Unis, le penseur Stewart Brand supervise dans le désert du Texas la construction d’une «  Horloge du Long Maintenant  » censée fonctionner pendant dix mille ans et redonner ainsi à l’humanité le sens du long terme. Le projet perd toutefois de sa poésie lorsqu’on sait qu’il est financé par M. Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon : on doute que ses employés, obligés de cavaler toute la journée dans des entrepôts surchauffés, y puisent un grand réconfort existentiel..."  
  Immense défi que celui qui consiste à s'abstraire de la tyrannie du court-terme, qui est un aspect de la crise que nous vivons, anthropologique autant qu'économique. 
                             Est-ce ainsi que les hommes vivent ? ♪♫♪


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20 réactions à cet article    


  • Diogène diogène 21 décembre 2017 08:33

    La recherche de la vitesse s’explique pat celle de l’ubiquité que l’homme cherche à obtenir pour devenir l’égal des dieux.

    Avec internet et l’iPhone, la question a été résolue autrement et le syndrome « TGV-Concorde » va s’infléchir puis retomber. C’est déjà du passé. On n’en est plus à « toujours plus vite », mais à « en même temps ». Jupiter a vaincu Kronos.

    • Drugar Drugar 21 décembre 2017 09:18

      @diogène
      Oui, il faut lâcher Kronos et saisir beaucoup plus souvent Kairos. Prendre le temps de vivre, tout simplement.


    • gogoRat gogoRat 21 décembre 2017 14:49

      « Les blancs ont tous des montres ... mais ils n’ont jamais le temps »
       disait l’Africain


    • BOBW BOBW 21 décembre 2017 09:57

      D’accord sur le principe général pour prendre le temps de vivre mais pas du tout s’il s’agit de prendre la défense des limitations de vitesse sur les routes qui sont un piège du systême contre les utilisateurs de la route pour les racketter au profit des constructeurs de radars et des sociétés privées des voitures mouchards ! Voir :https://www.liguedesconducteurs.org/


      • Konyl Konyl 21 décembre 2017 17:09

        @BOBW
        Le temps de vivre et rouler vite... ça ne va pas ensemble.

        Heureusement qu’il y a des limitations sur les routes, certaines sont plus ou moins discutables mais bon dans l’ensemble ça va.
        Se faire avoir par un radar automatique aujourd’hui ne prouve qu’une seule chose, qu’on manque d’attention. Si les règles ne vous plaisent pas, dites le mais respecter la règle en attendant, surtout sur la route.


      • BOBW BOBW 22 décembre 2017 17:19

        @Konyl : Et les milliers de « pigeons » piégés pour 1 ou 2 km/h,alors que souvent les compteurs de vitesse son mal étalonnés ??...


      • devphil devphil 21 décembre 2017 10:05

        C’est juste en voiture qu’il faut ralentir ...

        Une mesure à l’encontre de la vie actuelle , se trainer à 80 Km/h sur un nationale.
        Même en 2 Cv on risque le PV maintenant.....

         


        • Francis, agnotologue JL 21 décembre 2017 10:16

          Bonjour Zen,
           
          ’’Dans la production de masse depuis le fordisme, le temps est devenu de plus en plus un facteur de productivité, donc de richesse, un aspect de l’organisation du travail et, partant, des loisirs, un mode de vie.’’
           
          On dit que le temps c’est de l’argent : pour le capitaliste, le temps des autres c’est de l’argent.
           
          Vous avez sans doute remarqué que plus on vieilli plus le temps s’accélère ; suivant une loi logarithmique, il parait.

          Moins on dispose de temps et plus il faut distinguer entre ce qui est important et ce qui ne l’est pas : la liberté c’est d’avoir la maîtrise de l’évaluation.


          • ZEN ZEN 21 décembre 2017 11:43

            @JL

            Bonjour,
             ....la liberté c’est d’avoir la maîtrise de l’évaluation.
            Pas mieux !

          • gogoRat gogoRat 21 décembre 2017 15:24

            « Celui qui aura les meilleurs logiciels aura les meilleures chances de l’emporter sur les autres. »

             Voilà bien une faute d’entendement très commune de nos jours, sinon une belle marque de stupidité !
            Nota Bene : même étymologie que « Stupéfait », qui vient du latin « stupefere » (demeurer immobile)
             Cette stupidité est donc bien en lien étroit avec le sujet de cet article !

             En effet, qui peut entretenir cette illusion de pouvoir donner un sens humainement concevable à cette lubie de ’l’emporter sur les autres’  ? Tout un programme ! Qui en dit long sur l’immaturité et l’indigence en finesse psychologique et la vacuité philosophique de bien des illusions de ’réussite’ !
             
             Car à quoi pourrait bien rimer ce non-sens qui consiste à croire que l’on puisse ’avoir’ (posséder) un logiciel ? ( resterait ensuite à s’entendre sur les critères pouvant laisser penser qu’un logiciel soit ’meilleur’ qu’un autre ... )
             Pour une première approche et perspective triviale, rappelons d’abord déjà, tout bêtement, l’existence incontournable du logiciel libre (et open source) ... !!
             
             Mais surtout, est-ce le fait de pouvoir utiliser un logiciel, vu comme une boîte noire (que l’on
            posséderait ?) suffit à établir que l’on se soit approprié ce logiciel ?
             Comment prétendre s’approprier un logiciel tant qu’on est pas capable de le repenser et de le reconstruire soi-même, tout seul, de la première à la dernière monade ?

             Contrairement à bien des idées reçues, le réel développement informatique, rend humble, tout au contraire de ces utilisations aveugles d’outils qui illusionnent les utilisateurs inconscients des masquages de complexité.
             Confondre l’outil et l’art qui permet cet outil sera considéré comme une « chance » par quel genre d’individus ?
             Un certain Goethe ne disait-il pas :
             L’art est long - Le temps est court  ?  !


            • eddofr eddofr 21 décembre 2017 15:40

              Trop pressé !

              Pas eu le temps de lire votre article !
              Trop long !
              Viiiiiiiite !

              • ZEN ZEN 21 décembre 2017 16:14

                @eddofr

                          CQFD...Excellent !

              • velosolex velosolex 22 décembre 2017 01:16

                Bon article...L’éloge de la lenteur et du temps libre, j’adore. 

                Rien de plus débile au fond que la vitesse ! Je ne sais quand cela a commencé à se gâcher sérieux,..
                .Etait ce quand sylvie vartan chantait « deux minutes 35 de bonheur »... ?

                J’ai entendu ce vieux morceau quand je me trouvais la dernière fois à la ressourcerie de Carhaix, au milieu d’autres vieilles charrues attendries. Je vous l’impose ; 
                Sylvie Vartan 2’35 De Bonheur - YouTube
                J’avais envie de lui dire« Cool sylvie ! Take au walk on the wide side ! ....Hey Honey.... »
                J’ai acheté un vieux fauteuil des années 30 à 15 euros,.Une affaire. Le temps n’avait eu aucune prise sur lui. A coté de moi des anglais s’interrogeaient gravement s’ils devaient acheter une théière supplémentaire. 
                Combien de temps faut il pour infuser un bon thé dans une tea pot ?
                Et combien de temps pour obtenir un bon œuf à la coque ?
                .
                Blowin’ in the wind.

                • nono le simplet 22 décembre 2017 06:51

                  vivant à la campagne, j’ai appris à vivre un peu plus calmement , au rythme des saisons ...

                  il m’arrive de temps en temps d’être « coincé » dans un « embouteillage » parce que deux tracteurs se sont arrêtés côte à côte, les deux agriculteurs sont descendus pour discuter ... j’attends tranquillement qu’ils aient fini en écoutant la radio ou, si je les connais, je descends leur dire bonjour ...
                  j’ai aussi aidé mon voisin pour les moissons, les préparations de sol avant semis ... et quand on fait des aller-retour avec un cover crop dans un champ de 20 ha à moins de 10 kmh on apprend la patience smiley


                  • Yanleroc Yanleroc 22 décembre 2017 08:37

                    @nono le simplet, sa...a...l...u....t... ! (Tu peux me dire ce q’il se passe avec S.et F.V. ?..) Salut Nabum.


                  • nono le simplet 23 décembre 2017 03:23

                    @Yanleroc

                    salut yan
                    je ne peux pas te dire grand chose ... j’ai décroché ...

                  • nono le simplet 23 décembre 2017 03:58

                    @Yanleroc

                    Sh et Se mènent une quête qui n’est pas la mienne ... ils gardent ma sympathie mais bon ...


                  • Yanleroc Yanleroc 22 décembre 2017 08:41

                    Répond ici plutôt si tu veux.


                    • MYALGOTRADE 13 janvier 2018 21:07

                      Excellent article qui fait prendre conscience de l’enjeu de l’automatisation du trading sur les marchés financiers. Olivier pour myalgotrade.com


                      • Alfred Ledingue Alfred Ledingue 22 janvier 2018 19:20

                        D’une conférence vue il y a quelques jours sur les ondes gravitationnelles, j’ai gardé que si nous nous activons dans nos 3 dimensions, nous n’utilisons pas cette energie pour le dimension du temps et donc celui passe moins vite. donc hyperactif =jeunesse.


                        Mais plus serieusement, c’est un mal de fin de 20 S et debut de celui-ci- Moi qui me suis volontairement placé hors de l’oeil du cyclone, je vois les gens comme des extra terrestres chaque année un peu plus...

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