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Irréductible réalité

La réalité est impitoyable. Elle finit toujours par confondre les imposteurs. Aux dépens de ceux qui l'ont travestie. On vient d'en avoir un exemple spectaculaire.

Depuis des années, nous disons dans notre journal B. I., pratiquement seuls face à la puissante machine de propagande américaine, que le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) est une mascarade juridique montée de toutes pièces pour justifier la guerre aux Serbes. Ce simulacre de tribunal n'a cessé de les écraser sous la vengeance des vainqueurs, les poursuivant pratiquement en exclusivité pour avoir osé résister à une des plus puissantes coalitions militaires de tous les temps.. Quelques inculpations accessoires de non-Serbes ont servi à sauver la face des marionnettes en robe et à faire croire à un semblant d'impartialité.

Mais même ces rares exceptions étaient de trop. Aucune équivoque ne devait subsister. Les Serbes devaient être figés dans l'Histoire comme les seuls responsables de l'explosion dans les Balkans. On n'avait pas réussi à prouver leur culpabilité unique (notamment avec Milosevic qui avait si bien réfuté toutes les accusations portées contre lui qu'il a fallu l'aider à mourir pour ne pas être obligé de le libérer, et les Karadzic, Mladic et Seselj, dont les procès traînent en longueur faute de réquisitoires convaincants). Mais si on n'arrivait pas à noircir les barbares, il fallait au moins blanchir leurs adversaires. C'est ce qui vient d'être fait.

Une chambre d'appel du TPIY vient de libérer – à la stupéfaction générale – deux criminels de guerre croates, l'ex-général Ante Gotovina et l'ex-chef de la police Mladen Markac, qui avaient été condamnés respectivement, par ce même tribunal, à 24 et 18 ans de prison pour "meurtre, persécution et pillage". Les deux hommes avaient dirigé, en 1995, l'expulsion de 200.000 Serbes d'une province qu'ils habitaient depuis des siècles, la Krajina, au cours d'une offensive organisée et soutenue de l'air par l'armée américaine. D'après l'International Herald Tribune du 17-18 novembre 2012 – peu suspect de penchant pro-serbe – "la campagne de quatre jours fut particulièrement rapide. Elle fut critiquée par des observateurs militaires de l'ONU pour son bombardement excessif de villes comme Knin et sa mise en œuvre sanglante, due aux combattants croates et autres se livrant à un festival d'incendies et de pillages de foyers civils." L'opération fut ensuite occultée par l'énorme battage fait autour du soi-disant "massacre" de Srebrenica, et les deux responsables croates de centaines de morts au cours de l'épuration ethnique d'une région entière sont désormais innocentés.

Peut-on imaginer preuve plus évidente de la parodie de justice du TPIY ? La réalité éclate derrière la mise en scène. Une réalité qui apparaît au grand jour malgré les rideaux de fumée de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de méfaits insensés attribués au seul côté serbe. Les Serbes ont sans doute commis des atrocités comme hélas tous les participants à une bataille, mais ils n'ont pas été les seuls à le faire, et surtout ils n'ont ni provoqué un exode de population civile comme les Croates, ni bombardé de l'air des hôpitaux ou des écoles comme les Américains.

La preuve de l'action bancale du TPIY a été faite avec la dernière décision de ses magistrats. En cajolant la Croatie qui a rejoint l'Occident atlantiste, ils satisfont les financiers américains de leur tribunal. Mais la vérité sur les raisons de cette entorse à la justice, ainsi que sur la nature et le rôle de cette "cour de kangourou" comme disent les anglo-saxons, a fini par percer la croûte du mensonge.

Elle commence à percer aussi dans des domaines bien plus importants que celui de la boiteuse justice des dépeceurs de la Yougoslavie. De nombreux historiens s'interrogent par exemple sur l'équité des fameux procès de Nuremberg. Bien sûr que les monstres du nazisme méritaient de répondre de leurs horreurs perpétrées avant et pendant la Seconde guerre mondiale, et d'en subir la sanction. Mais était-il juste d'ignorer les centaines de milliers de victimes innocentes des bombardements de villes allemandes ou des atomisations d'Hiroshima et de Nagasaki, ces dernières considérées par beaucoup comme inutiles à la fin d'une guerre déjà gagnée à l'époque ? La réalité de ces massacres sème des doutes sur l'équilibre de ces règlements de comptes a posteriori pesant sur un seul plateau de la balance.

Plus près de nous, est-il juste que restent impunis ceux qui ont tué des multitudes d'Irakiens en les affamant avant de lancer une croisade justifiée par de fausses informations ? Est-il normal que personne ne réponde des nombreuses morts civiles et militaires de la guerre perdue en Afghanistan ? Est-il logique qu'on ne juge pas – aussi – les responsables occidentaux du chaos en Lybie, les assassins par drones à distance de familles ordinaires ou les sponsors cyniques qui alimentent en armes et en mercenaires la rébellion syrienne ? Que l'on fasse payer leurs crimes aux criminels, soit. Mais les criminels ne sont jamais d'un seul côté. La justice est toujours souhaitable. Encore faut-il qu'elle soit la même pour tous.

Il n'est pas étonnant que les Etats-Unis aient refusé de s'associer à Rome à la création d'une Cour internationale plus indépendante. Elle pourrait se distinguer de leur succursale judiciaire de La Haye. Et ils ont trop peur que la réalité pousse des magistrats échappant à leur contrôle à les mettre, eux et leurs serviteurs européens, aussi en accusation.

Louis DALMAS.

Directeur de B. I.

 


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1 réactions à cet article    


  • Francis, agnotologue JL 20 novembre 2012 11:22

    Bonjour Louis Delmas,

    Je n’ai rien à ajouter ni à retrancher, de cet article que j’approuve à 100%. Sauf peut-être la première phrase : je ne crois pas que « la réalité finit toujours par confondre les imposteurs ».

    Hélas.

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