J’ai été congédiée sans ménagement au bout de huit mois
Française, expatriée au Canada depuis trois ans maintenant, j’ai vécu la crise du CAPE comme la plupart des résidents étrangers, à travers les médias. Et voir les lycéens et étudiants battre le pavé pendant des semaines m’a plutôt fait sourire. J’ai eu envie de leur dire : « Venez voir ce qui se passe ici, au Québec, il n’y a aucune sécurité de l’emploi, les employeurs peuvent vous congédier du jour au lendemain, vous avez constamment une épée de Damoclès au-dessus de vous. ». Et je sais de quoi je parle.
J’ai trouvé mon premier emploi trois mois après la naissance de mon fils. Je n’avais pas spécialement envisagé de travailler tout de suite, préférant m’occuper de mon bébé encore très jeune, mais lorsque j’ai vu l’offre d’emploi, je me suis dit que je ne pouvais pas rater une occasion pareille. D’autant plus qu’ici, les emplois de ce type sont rares (faire la mise en page d’un hebdomadaire économique). C’était un remplacement de congé maternité d’un an. Une occasion en or pour me faire une place dans le métier. J’avais le profil idéal. Alors j’ai postulé. J’ai même passé deux entretiens de sélection.
Finalement, je me suis retrouvée en compétition avec une autre Française pour le poste. Le journal a décidé de nous garder toutes les deux et de diviser le poste en deux. Il nous a donc engagées à temps partiel. Moi, deux jours par semaine, et l’autre Française, trois jours.
J’ai débuté ma formation sur le logiciel de mise en page (QuarkXpress) que je ne connaissais pas du tout, ayant travaillé en France sur un seul logiciel de mise en page. Au cours de ma formation, j’ai eu des moments de découragement, car je voyais bien qu’il allait me falloir du temps pour m’adapter à cette nouvelle technique, et que je ne pourrais pas maîtriser parfaitement le logiciel tout de suite. Mais tout le monde (mon supérieur en tête) me disait que c’était normal. De plus, je voyais que l’autre Française était beaucoup plus à l’aise que moi, et cela me décourageait encore plus.
Après la formation, les vacances d’été sont arrivées et je n’ai pratiquement pas travaillé. Selon mon supérieur, une seule personne suffisait pour remplacer les collègues en vacances, le journal ayant une pagination réduite. Donc, c’est l’autre Française qui a travaillé tout l’été. Là, j’ai commencé à trouver cela un peu bizarre.
Mois de septembre ; pas d’appel du journal non plus. J’ai commencé un peu à me poser des questions, d’autant plus que l’autre Française faisait tranquillement ses trois jours par semaine, et moi, rien !J’ai enfin été appelée en renfort à la fin du mois de septembre, la collègue que nous devions remplacer ayant eu son bébé.
J’étais super contente, j’allais enfin pouvoir montrer mes compétences et faire le travail que j’aime tant. Les débuts se sont bien passés, nous travaillions beaucoup car le journal avait une grosse pagination. Notre supérieur était apparemment satisfait de notre travail. Mon adaptation sur le logiciel se faisait bien, selon lui. Bref, tout allait bien. Il n’empêche que je voyais bien que ma collègue française faisait plus d’heures que moi, et je ne comprenais pas pourquoi.
Les fêtes de fin d’année se sont passées tranquillement. Nous avons même fait un party de Noël au bureau. Le 13 janvier, mon supérieur me convoque à 16 h 15 dans son bureau, alors que je finissais mon travail à 17 h. Sa collègue des Relations humaines est là aussi. Je me demande ce qui se passe. Mon supérieur m’annonce qu’il a décidé de mettre un terme à mon emploi à partir de ce jour, car, selon lui, « je ne suis techniquement pas assez autonome sur le logiciel et que ma progression n’est pas suffisante », et me demande de quitter les lieux sur le champ. Je suis effondrée, abasourdie. Je ne comprends pas.
Cinq mois après, j’ai encore du mal à avaler l’amère pilule. Mais j’ai réalisé qu’ici, au Québec, lorsqu’un employé n’est pas performant, il est persona non grata. C’est la productivité avant tout. En France, jamais je n’aurais vécu une telle expérience, que j’ai ressentie comme une véritable humiliation. Mais quelle leçon d’humilité !
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