Jacques Chirac : la peur du vide
Jacques Chirac n’a pas cessé, depuis 1967 (date où il élu pour la première fois député de Corrèze), d’occuper des fonctions importantes, soit dans l’Etat, soit dans des partis, et souvent dans les deux. En 2007, Jacques Chirac pourra-t-il laisser son fauteuil et ainsi ne plus exercer de pouvoir politique ?
Un certain lundi 26 juin 2006, Jacques Chirac reçoit Arlette Chabot à l’Elysée pour une interview. Tout cela se passe quelques jours avant la traditionnelle intervention du 14 juillet. Le président veut mettre les choses dans l’ordre avant le défilé de son armée sur la plus belle avenue du monde. En effet, ces derniers mois se sont vu se succéder le CPE et l’affaire Clearstream, impliquant les numéros un (Villepin) et deux (Sarkozy) de son gouvernement ; tout cela ayant donné lieu à une motion de censure, évidemment rejetée. En ce lundi de juin, certains s’attendent à un changement de Premier ministre, tandis que d’autres pestent de voir une année de pré-élection où rien ne va changer.
Chirac se lance, il a beaucoup de projets pour cette dernière année quinquennale. Il ne me donne pas l’impression de quelqu’un qui, dans un an, sera à la retraite. L’interview arrive à sa fin, et Chabot pose la question, moins naturelle que d’habitude : "D’un mot, dernière question qui vous agace avant de parler un peu de football : quand direz-vous si oui, vous aussi, vous êtes
candidat à l’élection présidentielle ?« Jacques Chirac, amusé et heureux qu’on lui pose cette question, lui qui aurait pu craindre qu’on l’enterrât vivant, répond : »Cela, c’est une question qui se pose : eh bien, vous le saurez
normalement, dans le courant du premier trimestre de l’année prochaine,
lorsque j’aurai pris ma décision et que je déciderai de l’annoncer." Là, mon doute persiste. Alors qu’il me donnait l’image de quelqu’un qui ne s’arrête pas, il pose une nouvelle pierre au doute : il dira plus tard s’il se présente. Chose pourtant impensable, compte tenu du ras-le-bol ambiant.
Les journalistes n’en ont pas fait un évènement. Ils le pensent fichu. En 2002, ils le voyaient déjà perdant contre Jospin. En 1995, tout le monde pariait sur Balladur. Et l’on peut remonter loin ainsi. Jacques Chirac aime être l’outsider, aime se faire oublier pour mieux surgir à la fin de la campagne. D’ailleurs, selon lui, une élection se gagne au cours des deux derniers mois.
Mais là, pour tout le monde, ce serait la fois de trop, et puis aucun président n’a tenté un troisième mandat. Impensable donc, et on oublie. Le duo de choc Sarkozy-Royal fait plus d’audimat que Chirac et que tout autre.
Quelques mois plus tard, j’écoutais une émission à la télévision où était invité PPDA. On en vient à parler de 2007, et PPDA glisse à peu près : je connais bien Chirac, et s’il a une chance sur un milliard d’être élu, il se représentera. Sursaut dans mon moi intérieur à moitié endormi : je ne suis pas le seul ! Pas le seul à penser ça ! Enfin ! Moi qui, quelques mois plus tôt, avais subi les railleries de chacun devant cette hypothèse que je présentais fièrement.
Et puis les choses se sont accélérées. Un matin, à moitié endormi, je lis en diagonale un journal gratuit du matin, comprenez un torchon. Qui fait la une ? Jacques Chirac. A l’intérieur, un philosophe, qui serait un spécialiste de notre président, dit voir les mêmes signes qu’en 2002 : Chirac renforce son positionnement international avec nombre de réunions prévues au premier semestre 2007, il fait des cadeaux fiscaux... Il placerait ses pions tranquillement, discrètement.
Quelques semaines après, il donne une interview au Figaro sur la politique intérieure. Chose rare et fait inhabituel de la part de cet homme qui n’a cessé de prendre de la distance avec la politique intérieure, depuis qu’il habite l’Elysée. Là encore, il laisse planer le doute sur sa candidature. Les journalistes, toujours sans y croire, en font un non-évènement. Cela reste discret.
Jacques Chirac pourrait-il vraiment tenter un troisième mandat, soit dix-sept ans de fonction présidentielle ? Outre ces articles et le comportement de l’homme, plusieurs hypothèses accréditeraient cette thèse. La première est de l’ordre de l’anecdote : il souhaiterait rentrer dans l’histoire. En effet, il dépasserait alors Mitterrand, dans le nombre d’années à la tête de la France. La seconde hypothèse serait qu’il a l’intention de barrer la route au clan sarkozyste, soit en se présentant, soit en plaçant les pions pour un autre (Villepin ? MAM ?). La troisième serait moins politicienne et plus humaine : la drogue. Non que Chirac se fasse des rails ! Mais le fait d’avoir exercé sans interruption le pouvoir, à différents niveaux, depuis quarante ans, laisse des traces. Que ferait-il à la retraite ? Il s’ennuierait sûrement, car Jacques Chirac ne connaît qu’une chose : le pouvoir. Et quel homme politique n’a jamais rêvé de mourir, tel un roi, sur le siège du plus haut pouvoir ?
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