Je ne suis pas Grec
Si en Suisse des blogs se sont enflammés pour la Grèce depuis le référendum, certains blogueurs français ont carrément joui ! Pour témoin ce titre emblématique : « Je suis Grec. » Pour ma part, réflexion faite, je ne suis pas Grec.
D’abord ce « Je suis machin » n’a aucun sens ici. Mis à toutes les sauces il devient comme un vieux torchon qui a trop servi. L’inflation du langage tue le sens. A moins de l’utiliser en provocation, comme l’excellent site la cause des hommes qui diffuse l’image 1.
Plus symptomatique : tous ces tenants du « Je suis Grec » ont en commun d’utiliser la posture de Tsipras pour exprimer leur excrétion du monde qui les nourrit. Le mythe de David contre Goliath fait recette chez nos voisins. La victimisation est un business. Je lis ailleurs : La Grèce esclave de la dette. Cela voudrait-il dire esclave d'elle-même ?
Je ne suis pas opposé aux frontières quand elles permettent de poser une identité et d’ouvrir un champ de négociations avec d’autres communautés. Poser les différences par des frontières c’est reconnaître que l’amitié entre les peuples n’est pas un fait acquis et qu’elle se construit sur la reconnaissance et le respect mutuel. Mais je ne suis pas non plus opposé par principe à l’Union européenne, bien que je lui trouve un déficit de démocratie et une volonté hégémonique sur trop de choses. Quoique que cela se discute aussi.
Et surtout je pense qu’elle s’est faite un peu trop vite. Mais c’est un autre débat. Je suis enclin favorable à un régionalisme intégré dans un plus vaste ensemble, pour de nombreuses raisons, tout en constante que l’on ne peut freiner certaines décisions supra-régionales au nom de la défense de trois arbres et deux cascades. On ne peut aller trop loin dans ce sens sans risquer la décomposition ou l’incohérence des Etats dont, jusqu’à preuve du contraire, l’utilité se fait encore sentir. Sans cohérence, le pouvoir devient aussi dangereux qu’un tigre acculé.
Dans la question grecque l’UE a commis des erreurs. Ce pays n’était visiblement pas prêt à l’euro. La Grèce a reçu beaucoup d’aide de l’UE. Où en est-elle ? Qui est responsable de la situation ? La Grèce d’abord en tant que nation. Mais l’UE aurait pu être plus circonspecte. Elle a fait un pari. Son empressement lui confère une part de responsabilité. Pour autant on peut aussi comprendre que les créanciers soient aujourd’hui refroidis.
Gueule de bois
Aujourd’hui les pourfendeurs de l’Europe doivent déchanter. La gueule de bois les guette. Car ce 10 juillet le premier ministre grec, monsieur Tsipras, admet quasiment toutes les demandes européennes. Le seul point qui sera discuté est la gestion de la dette. Pour le reste c’est comme si le référendum n’avait pas eu lieu.
Qu’en penser ? Tsipras a-t-il cherché une nouvelle légitimité ? Un supplément d’honneur ? Ou simplement à découpler l'aide financière de la gestion de la dette ? Possible. Mais j’y vois aussi un potentiel défaussement : si les choses se passent mal ce sera la faute au peuple qui a voté non, pas à ses gouvernants. Drôle de manière de faire.
Au-delà d’un référendum organisé très, très rapidement, donc sans le temps d’un véritable débat public (tant pis pour la démocratie), que penser de ces appels à la solidarité avec les grecs ? Ils viennent principalement d’une gauche désorientée, qui croyait encore il y a peu que la dignité des peuples était retrouvée grâce au référendum. Or le peuple grec agit selon les règles d’un nationalisme que l’extrême-droite ne renierait pas. La confusion règne. Mais ça on le sait, et pas qu’en politique. D’un autre côté c’est peut-être une bonne période pour changer les paradigmes et les vieux clivages éculés. Les crises ont souvent une fonction correctrice.
Une femme grecque disait aux infos, il y a quelques jours, que l’Europe s’occupait trop de finance et pas assez des humains. Cette accusation est discutable. Elle se nourrit justement du mythe de David contre Goliath. Le mythe remplace-t-il désormais la lucidité ? Je le crains et je n’exclus pas que l’on ouvre ainsi la porte à toutes les dérives émotionnelles, dont on sait qu’en politique elles mènent parfois en enfer. Mais en positif on peut aussi voir que la construction européenne est en panne d’un nouveau mythe pour l’ancrer dans les coeurs, et que sans mythe les garde-fous politiques sont plus faibles. Après tout la gauche a bien ses mythes : pourquoi l'UE n'aurait-elle pas les siens ? Le désir d'Europe a du sens.
Je n’ai pas d’idée sur ce qui serait bon pour les Grecs, ni sur ce qui se passe dans les couloirs. Je suis un simple spectateur, sensible à la solidarité nécessaire entre les humains, mais convaincu que l’on doit aussi s’aider soi-même sans tout attendre des autres. Le souci de l’humain n’est d’ailleurs pas entièrement du ressort des nations. A moins que l’on ne désire l’instauration d’un contrôle toujours plus grand de l’Etat sur les individus.
Alors, non, je ne suis pas Grec.
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