Jules César et Rome ont-ils pillé la Gaule ?
Suite à l'excellente émission de France 2 "Secrets d'histoire" intitulée "Jules César ou la gloire de Rome", émission où nos ancêtres les Gaulois ont été toutefois présentés d'une façon très discutable, Monsieur le Président de France télévision, j'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir rectifier les jugements erronés qui ont été portés sur les très honorables populations celtes qui nous ont précédés sur le sol de la patrie.
Lointains immigrés venus du Proche-Orient à la suite du héros Héraklès, descendants des Chaldéens dont l'illustre histoire rappelle qu'ils étaient protégés, sauf accident babelique, par les puissances du ciel, les Celtes n'étaient pas les sauvages du mont Beuvray, telle est ma thèse (1) http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/bibracte-cabillodunum-aveuglement-158704. Élite guerrière au sein d'une population de cultivateurs et d'éleveurs gaulois prospères, ils n'habitaient pas dans des huttes plantées sur pieux mais dans des maisons confortables en pierres chauffées au feu de bois. Ils ne s'entassaient pas dans des "insula "insalubres à l'image de celle où César a vécu sa jeunesse. Il ne s'y trouvait pas des égoûts qui exhalaient leur puanteur car la règle était que les habitants fassent leurs commodités à l'extérieur des remparts, le mieux étant de les déposer au pied des murailles pour en renforcer la défense (2).
Au moment où César entre en Gaule, nos ancêtres les Gaulois, cheveux blonds (3) et têtes de bois, étaient gouvernés suivant une institution très ancienne qui assurait aux hommes du peuple une aide contre plus puissants qu'eux. En effet, en Gaule, tout fonctionne suivant un système d'associations, de l'échelon de la cité jusqu'au sein même des familles. À leur tête, on place ceux auxquels on fait le plus confiance, mais si ces derniers ne protègent pas leurs gens contre les entreprises de violence et de ruse, ils perdent toute crédibilté. (DBG VI, 11 traduction Constans corrigée).
Oui, je sais qu'on va me reprocher de ne pas suivre les traductions courantes qui, en brodant sur le mot "factio", ont dérapé jusqu'à imaginer, avec exagération, des partis rivaux et des conflits incessants auxquels seule la mansuétude d'un César pouvait mettre fin. Qu'y puis-je si dans son sens premier, le mot "factio" a le sens d'association, je ne peux aller contre. Le seul problème de ce système généralisé de type syndical, c'est qu'il n'existait pas à l'échelon du gouvernement de la Gaule ; et c'est bien pour remédier à cette lacune dont César a profité que Vercingétorix se souleva en proclamant devant les plus hauts représentants du pays : Je ferai de toute la Gaule un seul conseil contre les décisions duquel personne ne pourra aller dès lors qu'elles auront été prises dans un accord commun (DBG VII, 29). (4)
Dans les années précédant l'an -121, le roi Bituit régnait paisiblement au milieu de son peuple arverne bien aimé, un peu comme plus tard le roi Pausole. Florus écrit que lors de cette année funeste qui le vit s'affronter aux Romains, pour le grand malheur de la Gaule, on le vit parcourir le front de son armée ; ses armes brillantes d'or, ornées de ciselures précieuses, étaient enrichies de pierreries ; Il portait sur ses épaules un sagum teinté de pourpre, surchargé de broderies étincelantes ; tout en lui respirait la confiance et la fierté. Strabon ajoute que son père, Luern, était si extraordinairement riche et fastueux qu'un jour, pour démontrer à ses amis son opulence, monté sur un char, il parcourut la plaine en semant de tous côtés des pièces d'or et d'argent. Enfin, citant Posidonios, Athénée ajoute que, se faisant donner une bourse d'or, il la jeta à un poète qui courait à côté de lui, lequel la ramassant, continua son chant en disant que la terre où Luernius poussait son char, devenait sous ses pas une source d'or et de bienfaits pour les hommes (5). Nous sommes à Gergovie, au Crest, la Gorgone habillée de pourpre http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-epopee-des-atlantes-capitale-125152
(reconstitution dessin E. Mourey).
À Rome, alors que les festins se transformaient en orgies au profit d'une classe privilégiée et dominante, Luern, toujours selon le propos de Posidonios rapporté par Athénée, avait tracé une enceinte carrée de douze stades, où l'on tint, toutes pleines, des cuves d'excellente boisson, et une si grande quantité de choses à manger, que pendant nombre de jours ceux qui voulurent y entrer eurent la liberté de se repaître de ces aliments, étant servis sans intermission.
Les archéologues ont retrouvé la trace de ces festins sur le site sacré de Corent, au pied de la citadelle du Crest ; festins bien différents de ceux des Romains, festins funèbres à l'occasion de la mort d'un personnage illustre, festins religieux s'accompagnant du sacrifice d'un animal à la divinité.
J'ai visité, au Crest, le temple de Gergovie, toujours existant, qu'ont fréquenté Luern et Bituit. Je n'y ai pas vu de dieux romains, mais seulement les deux luminaires de la Genèse (Gn 15), ainsi que la présence du dieu invisible qui plane au-dessus des eaux. Également, la fantastique luxuriance de la nature, oeuvre bien visible de la création divine.
Mais qu'y avait-il à Rome avant que les Romains pénètrent en Gaule ?
Des aqueducs certes pour y amener de l'eau indispensable à sa survie, quelques basiliques pour les manifestations publiques, quelques colonnes certes, mais l'arc de Fabius, construit en -121, a probablement été financé par une partie du butin récupéré sur les Allobroges et sur les Arvernes, de même que le sera, en 70, le Colisée sur les trésors d'une Jérusalem vaincue.
Tout ce qui a été construit en Narbonnaise n'a pu se faire qu'avec l'aide des Arvernes même s'ils n'en ont pas eu la gloire. Et même à Arles, je ne vois rien de romain dans sa somptueuse basilique mais que du biblique dans l'héritage originel des chapiteaux de Gergovie et dans la suite d'une longue histoire http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/splendeur-de-l-antiquite-tardive-143329. Q'une légion romaine ait cantonné de l'autre côté du fleuve, je ne le conteste pas mais je m'explique parfaitement qu'à l'avènement des empereurs gaulois, les autochtones se soient débarrassés du buste encombrant de César en le jetant dans les méandres du fleuve (où il a été récemment retrouvé).
César et Rome ont-ils pillé la Gaule ?
Le jugement de Suétone est sans appel : En Gaule, il pilla les sanctuaires et les temples des dieux qui étaient remplis d'offrandes ; et quand il détruisit des villes, ce fut plus souvent pour faire du butin que par représailles ; aussi arriva–t–il à regorger d'or. Quant aux autres auteurs, Tacite, Strabon, ils ont plus d'une fois mis en exergue la richesse de la Gaule comparée à la pauvreté de l'Italie.
César écrit par ailleurs que les Gaulois sont un peuple très religieux. Le dieu qu'ils honorent le plus est Mercure, ensuite Apollon, Jupiter étant le maître des cieux (DBG VI,17). Tout cela prête à interrogation, car dans les hypothèses que je développe, le temple de Mont-Saint-Vincent existait déjà depuis plusieurs siècles ainsi que celui plus récent de Gourdon, et César les a certainement visités. Les a-t-il compris ? J'en doute. Notons, par exemple, l'ambiguïté d'Apollon qui, au tournant de notre ère, semble se confondre avec un Jésus adolescent, tel qu'il est représenté sur des sarcophages à Rome. Et je ne cite que pour mémoire les temples d'Apollon évoqués par le rhéteur Eumène, toujours existants, mais dans lesquels on ne trouve que l'espérance dans un christ essénien, qui, toutefois, se fait voir comme dans une apparition... d'Apollon.
Assurément, cela ne fait aucun doute, il devait y avoir beaucoup de riches temples en Gaule, construits en solides pierres de taille, beaucoup plus qu'en Italie, et à l'intérieur de ces temples, beaucoup d'offrandes, beaucoup d'or, beaucoup de statues, beaucoup de richesses consacrées à Dieu et aux dieux. Dieu merci, il en reste encore.
E. Mourey, 27/11/2014 www.bibracte.com
Renvois.
1. C'est Hécatée qui, au VI ème siècle avant J.C. mentionne, pour la première fois, l'existence des Celtes en les situant au-delà de Marseille, sur l'accés aux sources du Danube. Suivant les indications d'autres auteurs, on est naturellement amené à les identifier aux Celtes éduens de Chalon-sur-Saône et de Bibracte que j'identifie à Mont-Saint-Vincent. Qui sont ces Celtes/Keltos, sinon des Chaldéens/Kaldaï - nom générique - venus du Proche-Orient, plus généralement désignés sous le nom de Phéniciens. Voir mes articles.
2. Plusieurs siècles plus tard, Mahomet s'était accroupi le dos appuyé contre le rempart, à moins que cela soit le commando qu'il avait envoyé pour investir une ville fortifiée ; cette astuce pour pouvoir y entrer subrépticement avec la population sans se faire remarquer.
3. Est-ce parce que certains s'enduisaient la chevelure de beurre ? Est-ce parce qu'ils se représentaient sur leurs monnaies avec une chevelure flamboyante à l'image des rayons du soleil ? Je ne sais pas où Henri Salvador trouve ses sources.
4. D'après César, cette déclaration aurait été faite pendant qu'il faisait le siège de Bourges. Il me semble beaucoup plus logique qu'elle ait été faite lors du rassemblement de tous les notables de la Gaule à Bibracte (Mt-St-Vincent) DBG VII, 63).
5. traductions anciennes.
6. Jules César, extrait de la vie des douze Césars de Suétone, traduction de Mr Aillard, collection Universités de France.
Rappel de mon commentaire suite à l'émission de Stéphane Bern "Jules César ou la gloire de Rome" du 25/11/2014
Excellente émission, comme d’habitude. Excellente prestation de Stéphane Bern. Mais il y a les gros mensonges/bourrage de crâne que personne ne remarque. Personne n'a été invité pour contester la traduction/interprétation erronée que Mme Porte fait des Commentaires de César. Le champ de bataille qu'elle nous propose dans le Jura pour Alésia ressemble à un paysage de l'Everest couvert de forêts, c'est du délire, que dire, c'est du delirium tremens. Quant au site bourguignon, la description du retranchement césarien est nulle ; une cavalerie gauloise qui monte à l'assaut d'un "vallum" de 3m50 de haut et qui tombe dans des trous de loup ? Pure invention ! Au mont Beuvray, site supposé de Bibracte, le flou le plus complet du côté de Vincent Guichard. Comme champ de bataille des Helvètes, un paysage vague sans localisation précise. Un buste de son musée présenté comme celui d'un Gaulois alors qu'il a été trouvé en Bohème. Des amphores en pagaille qui font plus penser au passage de troupes militaires qu'il faut ravitailler qu'à l'emplacement d'une capitale de cité agricole. Des Éduens qui fraternisent avec les Romains sur fond d'amphores de vin ! Encore du délire ! Plus les mensonges sont gros, plus ils passent. Et aucune rectification de la part des responsables de chaîne.
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