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L’Ademe 100% Renouvelable : les dessous d’un rapport trop optimiste

La publication du rapport de l'Ademe (Agence pour l'environnement et la maîtrise de l'énergie) "pour une production d'électricité 100% renouvelable à l'horizon 2050", annoncée dans un premier temps pour le début du mois d'avril n'aura finalement pas eu lieu comme escompté. Si certains y ont vu ici non sans ironie la main toute puissante du gouvernement, pour lequel un rapport émanant d'une agence gouvernementale et décrédibilisant la place du nucléaire dans notre mix énergétique, s'avérerait plus que déplaisant, il convenait avant toute conclusion hâtive d'en étudier le contenu avec attention afin de percer la part de vérité dans ce rapport comme dans le flou qui l'entourait.

Publié par Mediapart dans un premier temps, puis repris avec délectation dans l'ensemble des médias français, le rapport de l'Ademe sur une France 100% renouvelable à l'horizon 2050 (que l'Agence publiera finalement bon grès mal grès à la mi avril) n'avait semble-t-il pas vocation à sortir si tôt du tiroir. Et pour cause, comme l'expliquait à cette occasion l'Ademe au journal Le Monde, il nous fallait "consolider certains points, mener des vérifications supplémentaires, confronter les hypothèses avec les professionnels du secteur, intégrer davantage de paramètres, affiner les implications économiques et technologiques… ". En résumé, le rapport n'était donc pas vraiment finalisé et il semblait prématuré de divulguer des conclusions qui "comporteraient des manques et ne seraient pas à 100 % fiables". Des conclusions prématurées donc mais qui n'ont pas empêché les interprétations en tous genres et l'élévation de ce rapport au rang de désaveu pour le gouvernement et le processus de transition énergétique en cours. Un emballement caractéristique de certains médias français plus enclin à faire le "buzz" qu'à vérifier la pertinence de leurs informations. 

Cela étant, certaines études plus poussées de ce rapport ont finalement vu le jour ces dernières semaines laissant ainsi la place au doute quant à la qualité et à la rigueur des auteurs et spécialistes de l'Ademe. En effet, l'étude d'Alain Marcadé notamment, ancien directeur-technique de la centrale nucléaire de Saint-Alban, révèle dans les colonnes du site Techniques de l'Ingénieur de nombreuses irrégularités conduisant à une conclusion certes alléchante, mais fondamentalement irréaliste. 

Selon les hypothèses de base de ce rapport, la demande d'énergie en France devrait diminuer de 14% d'ici 2050, une évolution très optimiste au regard de la composition des consommations actuelles et de l'évolution démographique de notre société (la France devrait compter 6 millions d'habitants en plus à cette période). Concernant la production, l'Ademe estime que l'ensemble des moyens de production renouvelables associés à des moyens de stockage de l'électricité à différentes échelles de temps, pourront assurer une production stable et durable à un prix relativement abordable. Et c'est bien là que le bas blesse. Car si dans l'absolue, une production 100% renouvelable est possible, via des investissements lourds dans de nouvelles structures de production, le stockage de l'électricité nécessaire à la stabilité du réseau semble franchement irréaliste dans les proportions évoquées par l'Ademe. 

Le rapport propose ici trois types de stockage : un stockage dit de court-terme (6 heures de durée de décharge) de type batteries ; des Stations de transfert d'énergie par pompage (dites STEP), constituées de deux bassins hydrauliques à des altitudes différentes permettant un stockage infra-hebdomadaire (32 heures de durée de décharge) et le stockage power-to-gas par méthanation. Un dispositif intéressant par sa complémentarité mais qui semble largement sur-estimé. En effet, comme l'explique Alain Marcadé, le "sous-dimensionnement important des moyens de production et de stockage est ici problématique, car ont été purement et simplement omis dans le calcul les pertes d'énergie dans le réseau, et, plus grave, le très faible rendement du procédé de méthanation utilisé pour réaliser le stockage inter-saisonnier, (même si une valeur optimiste de ce rendement est mentionnée dans le rapport.)". Cette compensation très insuffisante de l'intermittence des EnR conduirait donc avec le mix proposé à plusieurs "black-out" par hiver dans notre pays.

D'autre part et quand bien même un tel mix énergétique serait efficient, il nécessiterait pour une mise en place dès 2050, au minimum 600 milliards d'euros d'investissements dans les trois prochaines décennies (estimation compte tenu de l'évolution des technologies et d'une baisse des prix). Un effort inenvisageable pour le gouvernement actuel comme pour les suivants et qui paraît considérable en comparaison au coût de 240 milliards d'euros évalué pour la reconstruction d'un parc nucléaire nouvelle génération basé sur la technologie EPR. Des installations d'une durée de vie moyenne de 60 ans contre seulement 20 ans pour les centrales solaire ou éolienne. 

En conclusion, si l'étude de l'Ademe a le mérite de mettre en perspective un mix idyllique composé de 100% de moyens de production renouvelables en utilisant, pour compenser l'intermittence, des moyens de stockage à différentes échelles de temps, elle a manifestement sous-estimé les conséquences de cette intermittence en s'appuyant sur des capacités de stockage dont la mise en place dans les délais impartis semble tout bonnement utopiste. Les moyens de production pilotables seront donc toujours incontournables à l'horizon 2050, en particulier le nucléaire qui est la seule énergie à ne pas émettre de CO2. Le mix optimal à moyen terme sera donc constitué d'une base de production nucléaire complétée par des énergies renouvelables, hydraulique en tête.


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4 réactions à cet article    


  • Le p’tit Charles 14 juin 2015 07:20

    A la lecture de cet article....le nucléaire à encore de beaux jours.. ?


    • Jacques_M 14 juin 2015 16:01

      Le gros problème étant le stockage, voici la solution que je propose :


      - utilisation de piles et électrolyseurs haute température 700 à 900°C (technologie SOFC ou autre),

      - la chaleur perdue par la pile est récupérée par des sels fondus (technique existante utilisée dans les centrales solaires à concentration),

      - cette chaleur, à haute température, est utilisée lors de l’électrolyse pour maintenir la haute température souhaitée : ainsi, l’électrolyse de H2O, dans un électrolyseur SOFC,
       à 1.000 °K (727 °C), exige un apport en électricité de 193 KJ/mole,
       au lieu de 405 KJ/mole à 25 °C.

       Taux de restitution de l’énergie électrique :
      énergie électrique produite par la pile / énergie dépensée pour l’électrolyse =
       0,886 pour un rendement de la pile de 70%,
      0,762 pour un rendement de la pile de 60%.


      • raymond 2 15 juin 2015 07:15

        Petit rappel 2050 c’est dans 35 ans ! Visualisez simplement ou en étaient les éoliennes les panneau photovoltaïque et les systèmes de stockage d’énergie il y a 35 ans !
        Ou on en sera dans 35 ans personne ne peu le savoir mais on peu être tout de même être optimiste.


        • Athies Méthanisation 5 juillet 2015 17:34

          Bonjour,

          Pour commencer, il serait bon de lever les freins administratifs qui pèsent sur les projets d’énergie renouvelable. Pour prendre un exemple, un dossier pour monter une unité de méthanisation prend 4 à 5 ans pour se concrétiser. Un même dossier en Allemagne est bouclé en à peine 2 ans.

          Athies Méthanisation

          http://www.athies-methanisation.fr

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