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Accueil du site > Tribune Libre > L’eau : patrimoine commun de l’humanité

L’eau : patrimoine commun de l’humanité

La tendance actuelle, sous l'impulsion des politiques néolibérales, est de considérer l'eau comme un bien économique privatisable pour en faire une source de profit.

La priorité n’est plus dès lors de répondre à un besoin, mais d’être rentable.

Une des conditions mises par la Banque mondiale (BM) à l'allègement de la dette des « pays pauvres fortement endettés » est précisément la privatisation de la distribution de l'eau dans les villes. Ce qui fut le cas du Mozambique en 1998.

Aujourd’hui, la quasi totalité des pays du Sud ont appliqué les formules néolibérales du FMI et de la BM et ont privatisé, ou sont en voie de privatiser, la gestion de l'eau.
Ce faisant, on supprime le droit à l'eau pour en faire une marchandise.

Au niveau local, national, européen et international, la Lyonnaise des eaux, Vivendi Environnement et SAUR INTERNATIONAL (Bouygues) se partagent géographiquement les marchés de l'eau.

Ainsi, soumis aux lois du marché, le prix de l'eau est devenu de plus en plus élevé pour les populations livrées aux intérêts égoïstes des sociétés transnationales.

Au Ghana, les redevances pour l'eau ont augmenté d'au moins 95% et pourraient monter de près de 300% puisque le FMI et la BM exigent qu’on les amène au prix du marché.

Exemple : un recouvrement total des frais d’électricité et d’eau fait partie des exigences que doit satisfaire le Ghana pour continuer à recevoir des fonds des institutions financières internationales et un allégement de sa dette conformément à l'initiative des pays pauvres très endettés.

Au vu de ce qui précède, l'eau, en tant que patrimoine universel de l’humanité et besoin vital à la survie des être humains, ne peut pas être traité comme une marchandise, mais comme un bien commun de l’humanité et un droit de l'homme, conformément au droit international en vigueur.
La réaffirmation du droit à l’eau, et son traitement en tant que droit de l’homme, permettra d'éviter de futurs conflits - que certains prédisent - autour de cette denrée devenue rare et assurera la survie des générations futures.

La plupart des données citées dans ce texte ont été tirées du livre intitulé « L'eau : patrimoine commun de l'humanité »

 

Privatisation de l'eau?

Plus d'information :

900 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et 2.6 milliards vivent sans assainissement. Comment de tels chiffres sont-ils possibles au XXIe siècle ?

En réalité, ce chiffre est plus élevé. Pour l’ONU, le chiffre de 900 millions constitue un progrès pour atteindre les objectifs du millénaire, mais il est le fruit d’une opération statistique. La Chine prétend que 400 millions de personnes ont aujourd’hui accès à l’eau potable, ce qui est très controversé par les observateurs étrangers. Quoi qu’il en soit, ce chiffre doit être dénoncé et être une source de révolte, d’étonnement et d’indignation de la part de nous tous. Il est inacceptable qu’une société se qualifiant de modernisée et de technologiquement avancée ne soit pas capable d’assurer l’accès à l’eau pour tous. On continue d’accepter qu’il y ait 2.6 milliards de personnes qui n’ont pas accès à des toilettes. C’est un scandale ! Contrairement au sentiment qui existe au sein des instances internationales où on est plutôt content sur l’eau potable, il faut dénoncer son caractère inacceptable.

Qui devrait, selon vous, assurer la gestion des ressources hydriques de la planète ? Le partenariat public-privé est-il une voie viable pour la gestion de l’eau ?

L’eau est essentielle et insubstituable. Il appartient aux collectivités publiques d’assumer l’entière responsabilité de la gestion de l’eau, dans tous ses aspects. Les financements doivent être entièrement publics, comme c’est le cas pour l’armement et les dépenses militaires qui génèrent des coûts encore plus énormes. La défense militaire n’est pas plus importante que l’eau. La coopération avec le secteur privé est naturelle, pour adopter des mesures chimiques, pour le traitement par les entreprises. Mais la gestion des services hydriques ne doit pas appartenir aux capitaux privés, même dans le cadre d’une délégation de service public. La privatisation de la gestion de l’eau se fait au profit de grandes multinationales, qui privent de sens l’autonomie locale des municipalités. Il appartient à la collectivité de gérer démocratiquement, de manière transparente et efficace les eaux d’un pays.

L’eau a été souvent comparée au pétrole, en raison des mouvements d’appropriation privée et de marchandisation de ce bien. Comment lutter contre ce phénomène de « pétrolisation » de l’eau ?

La condition principale pour lutter contre la « pétrolisation » de l’eau est de se libérer de cette analogie. Il faut refuser la conception que l’eau puisse être comparée au pétrole. C’est inacceptable, cela ne devrait avoir aucun fondement. Le pétrole n’est pas insubstituable, il n’est pas essentiel à la vie. Comparer l’eau au pétrole est un abus, une mystification de civilisation. Il faut partir contre cela, il faut penser autrement. L’eau est une sacralité civile, source essentielle. Il faut libérer la gestion de l’eau des logiques marchandes, il faut re-publiciser là ou l’on a privatisé, il faut sortir du cadre opérationnel privé. L’eau n’appartient pas au marché, il s’agit de l’eau pour la vie, non pas pour les piscines ou les terrains de golf. Les abus doivent être interdits.

La loi marocaine tente d’instaurer le principe du pollueur-payeur. Cette initiative constitue-t-elle une solution ?

Le principe du pollueur-payeur n’est pas bon. On ne consomme pas l’eau ou la vie. L’eau est un élément vital qu’il faut conserver, sauvegarder et recycler. L’eau est renouvelable, on ne la consomme pas. C’est une mauvaise logique de dire que si une société pollue, à condition qu’elle paye, elle peut encore polluer. Ce n’est pas parce qu’on paye qu’on peut provoquer une détérioration structurelle de cette ressource. Les dommages ne sont pas réparables. A quoi sert de donner de l’argent si on ne peut pas réparer ? Le principe du pollueur payeur est mercantile. C’est une logique de pensée où tout peut s’acheter à condition qu’on y mette le prix. C’est un principe anti-humain et anti-social.

On observe des lacs qui rétrécissent, des fleuves qui se meurent, des nappes phréatiques qui baissent… Évolue-t-on vers une raréfaction de l’eau ? Ira-t-on jusqu’à ce qu’on pourrait appeler une crise de l’eau ?

Actuellement, on peut parler de crise mondiale de l’eau sur le plan qualitatif. En termes de quantité, on est à l’équilibre. Aux États-Unis, 30 à 40 % des eaux ne sont plus utilisables pour l’usage humain car leur qualité biochimique est détériorée et leur coût de recyclage est énorme. Les groupes dominants de nos pays disent qu’on ne peut plus rien faire.Ils acceptent cette idée biscornue que l’eau est devenue l’or bleu et qu’on ne peut changer les facteurs à l’origine de la raréfaction de l’eau de qualité (croissance, industrie, agriculture…). Or cette raréfaction est produite par notre mode de vie, de production et de consommation, non pas par des causes naturelles. Les Américains jettent 30 à 40% des aliments qu’ils achètent dans les grands magasins. Cette surconsommation est insoutenable. Pour résoudre la crise mondiale de l’eau, les dirigeants disent qu’ils vont dessaler l’eau de mer. Cette pratique est assez développée sur tout le pourtour méditerranéen, en Espagne et au Maroc notamment, et à présent en Inde et en Chine. Finalement, l’eau dessalée deviendra la grande réponse pour les cent prochaines années. C’est la réponse de l’eau technologique. On peut le faire mais il faut s’interroger sur pourquoi on dit qu’on ne peut plus changer notre mode de vie ? C’est pour les terrains de golf et pas pour les gens. Ce devenir est un scénario préoccupant et dévastateur.

La question de l’eau revêt un caractère géopolitique important. C’est le cas notamment dans les relations entre Israéliens et Palestiniens en raison de la situation de « stress hydrique » que connaît le Proche-Orient. Comment et dans quelle mesure cet élément naturel peut-il devenir un élément important sur le plan politique ? Peut-on voir apparaître des conflits pour l’eau ?

Les guerres auront lieu si on le veut. Il n’y a pas d’inévitabilité de la guerre de l’eau. Si nos dirigeants en ont la sagesse et l’intelligence, ils prendront la voie d’un développement commun. L’eau doit devenir un bien commun à l’échelle mondiale. Assurer la souveraineté de l’État sur les ressources naturelles est la meilleure façon de provoquer des guerres. Comme c’est le cas pour le Niger, le Nil ou le Mékong, la plupart des sources d’eau s’installent sur les territoires de plusieurs pays et aucun État ne peut prétendre, au nom de sa souveraineté, à user et abuser de l’eau dans son propre intérêt. Il est plus sage d’envisager le principe de la sécurité commune, comme dans le bassin du Nil. Une véritable politique, qui va dans l’intérêt de tous les pays du même bassin hydrologique doit être mise en place. La sécurité commune est un concept fondamental pour avancer de manière positive afin que l’eau soit pour le bien-être et la vie de tous.

Riccardo Petrella

 

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2 réactions à cet article    


  • Rensk Rensk 7 avril 2012 14:13

    Sachez que même des « coopératives » sont très alléché par... une escroquerie...

    La Fédération des coopératives Migros (FCM) a été victime d’une grossière escroquerie...
    Trente containers, contenant des millions de bouteilles de « Valais », ont pris la mer. Migros aurait en plus mis 100’000 dollars à disposition de Swisscorp Prime Products pour financer des pubs révélant les vertus de cette eau minérale. Curieusement, le destinataire a rapidement trahi des difficultés de paiement. Non seulement pour le breuvage mais aussi pour le transport.

    Vous constatez que l’eau est déjà une raison d’escroquerie... c’est dire la valeur qu’on lui donne...

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Baptiste L

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