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L’effritement de la laïcité ; conséquence de l’évolution de la nation multiculturelle ?

 

La laïcité « allait de soi » pendant deux siècles

La laïcité, donnée cardinale de la nation républicaine, a été largement admise en France depuis la révolution jusqu’à la fin du XXe siècle. Pendant cette période le concept de « nation française » s’entendait sans que se pose la question de sa caractérisation culturelle. C’était la période réussie du mariage entre la laïcité et la nation. Les déistes révolutionnaires introduisaient « l’être suprême » en préambule à la constitution qui l’enfermait dans le carcan de l’Article 10 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »

Les athées révolutionnaires concédaient la pratique de la religion en la subordonnant à l’ordre public, ce qui était d’autant plus concevable que les pouvoirs et privilèges ecclésiastiques avaient été confisqués par la révolution. L’ordre était établi ; d’abord l’Etat ensuite la religion, catholique principalement alors. La laïcité s’imposait à une nation cimentée par la communauté des valeurs dont elle était héritière ; gréco-romaine et chrétienne.

Cette idée sous-jacente dans la vie de la République, a été silencieuse pendant plus de deux siècles jusqu’à ce qu’elle soit réveillée en 2015.

Des croyants (musulmans islamistes) s’attaquaient aux valeurs républicaines, à la laïcité.

La « presque » totalité du peuple français l’a reprise en cœur en écho aux attentats dans sa capitale. La laïcité, totem de la nation, avait été bousculée. Cette valeur éclatait au visage de la République qui l’avait négligée comme une évidence inutile à entretenir. Comment la République a-t-elle réagit ? Par des actions sécuritaires destinées à contrer les extrémistes et la diffusion de chartes dans les écoles et dans les hôpitaux destinées aux laïques pour qu’ils puissent s’y référer et aux « non laïques » pour qu’ils soient informés. Nos ethno-sociologues sauront dire qui et combien sont ces derniers. Les timides présentations médiatiques de ces chartes montrent la prudence de l’Etat et leurs contenus celle de ses auteurs face aux communautés concernées. Cette prudence reflète une situation très sensible dans le pays, elle s’apparente à une faiblesse de l’Etat incapable d’imposer énergiquement la laïcité par des lois appropriées.

Pourquoi est-ce une nécessité ? Parce que la nation a changé.

 

La laïcité s’entendait lorsque la nation française était mono-culturelle

Ces dernières décennies nous ont montré une laïcité contorsionnée suivant en cela les transformations de la nation, alors que la nation tout entière aurait dû s’adapter au carcan de la laïcité. Pendant que les rodomontades politiciennes nous rappelaient l’exigence de laïcité pour le pays, les actes d’accommodation avec les particularismes communautaires se multipliaient.

Pour se convaincre de l’évolution de la nation, il suffit de parcourir ses définitions depuis l’origine. La définition de la nation a été amendée au gré des époques. C’est le signe à postériori de son changement.

Plusieurs définitions au fil du temps vont faire émerger des distinctions que la prise en compte des différences entre individus vont rendre nécessaires. La nation est en continuelle évolution. Elle a de tout temps, agrégé des individus d’origines et de cultures différentes, régénérant la Nation avec la volonté et la capacité culturelle d’adaptation des arrivants.

Le « dictionnaire historique de la langue française » nous donne une indication quant à son sens originel. Le peuple ici, n’a pas besoin d’être défini, il est « homogène ».

« La notion moderne de nation émerge véritablement au XVIIIe s. avec la Révolution la nation devient une entité politique identique au tiers état (1789 Sieyès), au peuple révolutionnaire, et prend sa définition de "personne juridique constituée par l'ensemble des individus composant l’État. »

Le « Nouveau dictionnaire universel des synonymes de la langue française » de François Guizot en1822, distingue le peuple et la Nation en introduisant un complément de définition.

« Un peuple est une multitude d'hommes, sous les mêmes lois et vivant dans le même pays.

Une nation est une multitude d'hommes, sous les mêmes lois, vivant dans le même État et ayant la même origine ».

Pour le dictionnaire de la langue française, la nation est un « Ensemble de personnes vivant sur un territoire commun, conscient de son unité (historique, culturelle, etc.) et constituant une entité politique. »

Pour le dictionnaire Hachette, « la nation est une communauté humaine caractérisée par la conscience de son identité historique ou culturelle, et souvent par l'unité linguistique ou religieuse. C'est aussi une communauté, définie comme entité politique, réunie sur un territoire et organisée institutionnellement en État. » 

Gérard Bouchard (Université de Québec- 2011) ajoute : « …que la langue officielle, le cadre juridique et la référence territoriale ne suffisent pas à fonder une nation ; il faut y ajouter toute la symbolique qui nourrit l'identitaire, la mémoire et l'appartenance… »

On voit que l’évolution de l’idée de la nation repose sur un triptyque ; « identité politique, territoire donné, communauté d’individus » et que seule la « communauté d’individus » fait l’objet de rectifications. Initialement il est fait référence sans distinctions aux « … individus » en précisant plus tard « ayant la même origine », qu’il conviendra de compléter par « l’unité culturelle » et ce qu’elle comporte ; « l’unité historique, l'unité linguistique ou religieuse…. »

Le changement de définition de la nation acte la diversité grandissante de la population française pendant le XXe s. siècle principalement.

 

L’UNESCO atteste de ce changement avec la définition de l’Etat et de la nation. « Après la première guerre mondiale (…) l’état et la nation en sont arrivés à signifier la même chose et ont commencé à être utilisés de façon interchangeable. Le terme « national » en est arrivé à signifier tout ce qui est conduit et régulé par l’état… »

Le Petit Robert confirme cette définition actuelle qui se confond, pour la France par exemple, avec celle de peuple français, « une nation est un groupe humain constituant une communauté politique, établie sur un territoire défini (…) et personnifiée par une autorité souveraine ». Il n’est plus fait référence à « … la même origine » ou à « ll'unité historique, l'unité linguistique ou religieuse…. »

Ce qui se traduit par le « mélange » de la notion de pays et de nation, comme dans le tournoi de rugby des « 6 nations » qui oppose l’Angleterre, l’Irlande, l’Écosse, le Pays de Galle, la France et l'Italie.

Par exemple, la Ligue celtique et le Congrès celtique reconnaissent six nations : l’Écosse, l’Irlande, l’Ile de Man, le Pays de Galles, la Cornouailles et … la Bretagne.

Le récent référendum nous a rappelé l’attachement des écossais à la nation, leur volonté d’indépendance et l’importance de leur différence culturelle y compris avec celles des autres nations du Royaume-Uni. C’est une manifestation de la vigoureuse unité de la nation et de l’importance que certains peuples lui accordent encore.

La nation multiculturelle n’existe pas, la société multiculturelle se substitue à la nation.


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5 réactions à cet article    


  • genrehumain 3 décembre 2016 18:12



    « Que votre vision embrasse le monde, plutôt que de la confiner à vous-mêmes  »
      (Baha’u’llah 1817-1892)

    «  Nous sommes tous sur cette planète bleue et les diffèrences nationalistes n’ont plus de sens. Nous appartenons à la grande famille humaine. »

    Le dalaÏ-lama, chef spirituel des bouddhistes tibétains, le 14 septembre 2016 à Paris

    Le défi majeur de notre époque, c’est de passer d’un monde divisé en un monde uni.
      C’est un changement de Paragdime.

      »En effet combien sont en vérité pathétiques les efforts de ces dirigeants d’institutions humaines qui, avec la plus profonde méconnaissance de l’esprit de leur époque, s’efforcent d’adapter des méthodes nationale - appropriées au temps passé, lorsque la vie des nations était autonome , à un moment qui doit ou réaliser l’unité du monde , ou périr. »


    Nous servirons en effet mieux notre pays si nous nous efforçons, en notre qualité de citoyen du monde, de favoriser l’application définitive du principe fédéraliste , aux relations existant à l’heure présente entre les peuples et nation du monde

     

     »

    L’unification de l’humanité tout entière est le signe du stade qu’approche à présent la société humaine. L’unité de la famille, celle de la tribu, de la cité, de la nation ont été successivement tentées et pleinement établies.
     L’unité du monde est maintenant le but que s’efforce d’atteindre une humanité harassée. L’édification des nations a pris fin. L’anarchie inhérente à la souveraineté de l’Etat va vers son point culminant.
    Un monde qui progresse vers sa maturité doit abandonner ce fétiche, il doit reconnaître l’unité et la totalité organique des relations humaines, et établir une fois pour toutes le mécanisme qui incarne le mieux ce principe fondamental de son existence.


     ( Appel aux Nations, Shoghi Effendi, 1936 )

    «   Cette Unité est loin de viser à détruire les fondations existantes de la société, elle cherche à en élargir la base, à transformer ses institutions pour les rendre compatibles avec les besoins d’un monde en constante évolution.
     Elle ne peut entrer en conflit avec aucune allégeance légitime de même qu’elle ne peut ébranler les loyautés essentielles. 
    Son objet n’est point d’étouffer dans le coeur humain l’ardeur d’un patriotisme sain et intelligent, ni d’abolir le régime de l’autonomie nationale, indispensable Si l’on veut éviter les maux d’une centralisation excessive.
     Elle n’ignore ni ne tente de supprimer la diversité d’origines ethniques, de climats, d’histoires, de langues et de traditions, de pensée et de coutumes qui distinguent les nations et les peuples du monde. 
    Elle fait appel à une loyauté plus vaste et une aspiration plus élevée que celles qui aient jamais animé la race humaine. 
    Elle insiste sur la nécessité de subordonner les impulsions et les intérêts nationaux aux besoins impérieux d’un monde unifié. 
    Elle répudie toute centralisation excessive, d’une part, et repousse toute tentative d’uniformité, de l’autre. Son mot d’ordre est l’unité dans la diversité  ».

    Shoghi Effendi (1897-1957 )

    •  C BARRATIER C BARRATIER 3 décembre 2016 19:37

      La laïcité s’impose d’elle même, c’est pourquoi elle est combattue ouvertement par les catholiques intégristes qui la travestissent. Des politiques s’imaginent qu’en aidant le catholicisme, cette religion en recul, se développera. Elle est combattue par les musulmans qui la grignotent (vêtement marquant une prétendue inégalité fondamentale des hommes et des femmes, exigences inacceptables à l’hôpital ou à la cantine, )

      Voir en table des news :

      Laïcité travestie en laïcisme par ses détracteurs

       

      http://chessy2008.free.fr/news/news.php?id=192


      • Esprit Critique 3 décembre 2016 20:11

        Excellente analyse.

        Elle explique et démontre pourquoi ceux qui étaient présentés comme des adversaires de la Laïcité, sont devenus ceux qui l’invoquent aujourd’hui pour défendre leurs intérêts, parfois communautaires.

        La solution : Un ajout dans les premiers article de la constitution :

        "Nul précepte religieux n’est opposable a personne"


        • JBL1960 JBL1960 4 décembre 2016 01:14

          La dernière résolution sur Jérusalem à l’UNESCO n’est pas vraiment rassembleuse et un certain député israélien a même vu dans les derniers séismes en Italie une « punition divine » ! Tenez, tout est résumé là = https://jbl1960blog.wordpress.com/2016/11/13/un-divin-mensonge-de-plus/

          Maintenant il est utile de reconsidérer à l’aune de ce que nous savons vraiment les mythos qu’on essaient de nous faire gober depuis près de 2300 ans quand même non ? Tenez, des pistes, c’est documenté et argumenté = https://jbl1960blog.wordpress.com/2016/12/03/des-racines-pas-si-chretiennes-que-ca/


          • L'apostilleur L’apostilleur 4 décembre 2016 12:15

            « La nation française n’a jamais été monoculturelle !.... » 

            L’idée de nation française est née avec la révolution, « l’agglomérat » était constitué alors. 

            La nation était constituée d’individus ayant la même culture au sens de l’UNESCO.
             
            « ... ensemble des signes auxquels les membres d’une société se reconnaissent mutuellement tout en se distinguant de ceux n’appartenant pas à cette société ... ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social » englobant « outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ». La culture est au cœur de l’identité individuelle et sociale et elle constitue un élément majeur de la conciliation d’identités de groupe dans un cadre de cohésion sociale."

            Les individus qui la compose n’ayant plus la même culture (condition sine qua non de la nation), la société multiculturelle l’a remplacée.

            Sauf que les dernières décennies ont mis en évidence l’échec du multiculturalisme (*), d’où la nécessité d’imposer la laïcité à tous, quoi qu’il en coûte.

            Quant à votre conclusion anticléricale ; les manifestations religieuses de notre siècle ont moins valeur de prosélytisme que de volonté d’exister avec pour l’islam, la difficulté de s’imposer sur un territoire de tradition chrétienne dans une Europe laïque.

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