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L’empire du laid

La France peut-elle décemment revendiquer le titre de pays des droits de l’homme ou de berceau des Lumières alors que nous subissons encore les diktats de la bourgeoisie prostatique, ventripotente et conservatrice qui veut nous imposer son goût prémâché pour le beau ?

Il ne faut cependant pas désespérer, la révolution (ou son prolongement, plus exactement) est en marche camarades. Bientôt nous auront frappé au cœur ces odieux réactionnaires quand, à force de statues mangas en papier mâché et de débris en fer rouillé, nous auront enseveli le château de Versailles et ainsi fait disparaitre un symbole de plus de cette France qui produisait du beau en épuisant jusqu’à la mort nos courageux prolétaires.

Quelle humanisation que celle qui nous a amené à produire du laid en épuisant jusqu’à la mort les courageux prolétaires asiatiques à qui l’on permet gracieusement, en contrepartie, d’accéder aux petits plaisirs de la société occidentale tels que le Mac Donald’s et la variété Pop. D’ailleurs, ces petits chanceux semblent bien plus en profiter que nous, puisque, selon une étude réalisée par le gouvernement nord-coréen, la Chine est le pays du monde où la qualité de vie est la plus élevée ! Alors vous pouvez oublier les lâches tentatives de culpabilisation selon lesquelles notre « mode de vie occidental » permettrait la perpétuation des « conditions de vie lamentables des malheureux travailleurs chinois. ». Je me sens même plutôt altruiste quand j’achète un Ipad et que je sais que sa fabrication aura rapporté à un ouvrier chinois de quoi s’acheter un bon Big Mac, plein de qualités nutritives et gustatives, surtout en comparaison de la nourriture pauvre en viande à laquelle il avait le droit autrefois.

Mais ne nous écartons pas du propos initial. Il est de notre devoir moral de lutter pour que les dernières formes de beauté disparaissent dans ce pays. L’esthétique est une norme odieuse à partir de laquelle, on entendait autrefois ordonner la société. Mais la défaite est proche pour le camp adverse. Il faut dire que nous avons déjà marqué beaucoup de points. Par exemple, aujourd’hui, les gens ont deux choix vestimentaires face à eux : Soit ils s’habillent à partir de baskets, de pantalons multi-poches et de sweat-shirt, autrement dit, ils manifestent un renoncement total au moindre amour propre, soit ils se sentent le besoin d’accorder de l’importance à leur apparence et suivent donc la mode, un merveilleux principe selon lequel le beau ne compte absolument plus mais l’objectif est d’avoir les vêtements que le maximum de personnes ont (ou auront, histoire de montrer à quel point on est visionnaire). On lui a donné, au passage, un caractère religieux pour pallier aux pulsions ésotériques de nos contemporains. Ainsi, des grand-messes de la mode se déroulent régulièrement, menées par des gourous insoupçonnables du moindre sens du beau comme ils tiennent à le rappeler par leurs tenues composées notamment de mitaines ou de lunettes de soleil difformes en toute occasion. Bref, en dépit des poches de résistance crées par quelques exaltés réunis autour des derniers tailleurs, nos contemporains semblent bien en voie de renoncer à la moindre velléité esthétique dans leur tenue vestimentaire, ce qui est formidable. Mais le combat ne se mène pas que sur ce front, l’une de nos victoires les plus significatives est en train de se réaliser dans le monde, tout simplement. Nous transformons les paysages. Là où il y avait nature abondante, maisons harmonieuses, simples routes et sobres boutiques, nous remplaçons tout cela par des immeubles apparentés à des blocs de béton, des chaines d’hypermarchés, des panneaux publicitaires et des routes goudronnées qui détruisent les paysages, ruinent l’existence des riverains et servent éventuellement à mettre un terme à l’existence de ceux qui ont eu la mauvaise idée de prendre la route au même moment qu’un conducteur imbibé d’alcool. Et comment le vendons-nous aux crétins moyens, encore peu enclins à accepter la fin du règne du beau ? En leur expliquant qu’ils gagneront du temps qui leur permettra de travailler plus, de gagner plus d’argent et de consommer davantage de choses laides, c’est merveilleux.

On peut être convaincu que la norme, c’est désormais renoncer à tout attrait pour le beau comme en a témoigné le candidat à la primaire socialiste François Hollande. En effet, celui qui a voulu se présenter comme le candidat « normal » tient absolument à mettre en évidence son manque de goût notamment en répondant par la négative à un journaliste qui lui demandait s’il avait un roman préféré, en mettant en avant son goût pour le football ou encore en s’exprimant régulièrement dans une prose dont la richesse lexicale évoque immanquablement celle d’une annonce SNCF. Certains de nos contemporains cherchent bien à faire de la résistance, mais il est aisé de les marginaliser. Il suffit pour cela d’assimiler leur attirance pour le beau à un fascisme du goût, à une atteinte au proverbe érigé en règle morale « Les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas. » ou à une insulte à la diversité culturelle et à la tolérance. L’emploi du langage soutenu a autant d’avenir que celui d’un ouvrier français dans une multinationale.

La télévision a depuis longtemps fossilisé le théâtre ou la lecture, le bruit assourdissant des productions « musicales » modernes a fait taire Mozart, Beethoven et les autres, qui ne peuvent guère plus aspirer à une autre gloire que celle que leur procurent les films de Coppola ou de Kubrick et la vulgarité et le franc-parler ont étouffé le raffinement et la politesse au nom la de franchise et de l’honnêteté. Bref, en dépit de toutes les résistances que nous combattons et combattrons avec acharnement, l’espoir grandit que s’imposera demain l’empire du laid.


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24 réactions à cet article    


  • BisonHeureux BisonHeureux 22 juillet 2011 12:17

    Pas si sûr,2012 peut être l’occasion de donner à nouveau à la France son rayonnement !
    Il y a une femme courageuse,honnête,sincère et compétente ;qui plus est révoltée contre l’oligarchie et ses pratiques mafieuses ;qui se présente à la présidentielle !
    Elle s’appelle Eva Joly et de nombreux citoyens ont déjà compris la portée révolutionnaire de ses actes !
    Hasta la libertad
    Salut et fraternité


    • Kalki Kalki 22 juillet 2011 12:56

      Rien n’’est beau tout est affaire de gout , de fiction : on a des cerveaux de singes, pour le moment

      et des gens crèvent a votre porte


    • Kalki Kalki 22 juillet 2011 12:57

      c’est ce la singerie du singe qu’il faut retirer

      son infinie capacité a la fiction, l’abstraction, la connerie

      la vanité


    • zaeus 22 juillet 2011 12:30

      « le beau ».... C’est plutôt vague comme concept non ? 


      • jef88 jef88 22 juillet 2011 12:44

        Dans mon coin on a dressé un tas de ferraille (prétendument artistique) dans la cage d’un escalier du 18ème siècle dont la rampe a été forgée par Jean Lamour qui a aussi réalisé les grille de la place Stanislas à Nancy.....

        Si ce n’est pas un signe évident de décadence !


        • Márcia Marques Rambourg 22 juillet 2011 12:59

          Petite remarque de style, « La télévision a depuis longtemps fossilisé le théâtre ou la lecture, le bruit assourdissant des productions « musicales » modernes a fait taire Mozart, Beethoven et les autres, qui ne peuvent guère plus aspirer à une autre gloire que celle que leur procurent les films de Coppola ou de Kubrick et la vulgarité et le franc-parler ont étouffé le raffinement et la politesse au nom la de franchise et de l’honnêteté. » = quelle beauté.

          Abraços,
          Marcia

          • Ariane Walter Ariane Walter 22 juillet 2011 13:57

            perso, j’aime les femmes qui ont des tailleurs gris, comme les héroïnes d’Hitchkok, une tenue élégante qui est obligatoirement liée à une belle tenue du corps, une recherche , non pas de l’excès, mais de la modestie dans la mise cad, comme dans les tragédies de racine, « un minimum de moyens pour un maximum d’effet. »
            oui, les amateurs de beauté souffrent.
            Mais il suffit de zapper la rue, sauf la nuit, de lire de merveilleux livres de gens séduisants, intelligents qui sont morts et n’en sont que plus vivants. plus regarder les merveilleux nuages comme baudelaire.
            Bref être Taoïste , de temps en temps,au sommet de sa tour d’ivoire...
            la nature nous permet cette chose merveilleuse : être seul avec nous, excellente compagnie.


            • minidou 22 juillet 2011 14:41

              Reac, mais désespérément vrai...


              • ak47 22 juillet 2011 16:11

                le moche n’existe pas par définition, ces une creation de l’esprit liée au vécu qui définie le statut du moche et du beau !


                • 1984 22 juillet 2011 16:46

                  Ne chercheriez vous pas à imposer avec vos moyens votre vision de la beauté a des personnes qui imposent avec leurs moyens leurs visions de la beauté ?


                  • Michel Dupont Michel Dupont 22 juillet 2011 17:06

                    Il me semble bien que personne de sain d’esprit de prônerait la laideur comme nouvelle norme. Ici, j’imagine un personnage qui le ferait à la manière de certains qui prêtent une volonté cohérente et uniforme au « complot judéo-atlantico-maçonnique », par exemple. Histoire de montrer que même si les volontés qui composent cette évolution moderne ne recherchent pas foncièrement le laid, le résultat laisse songeur ...


                  • 1984 22 juillet 2011 18:05

                    Loin de moi l’idée de prôner la laideur, il me semble juste que la notion de beauté est beaucoup trop subjective pour être imposée (par quiquonque), or il me semble que c’est ce que vous faite en critiquant ceux qui vous imposent des « beautés » que vous trouvez laides.
                    Murakami et Mozart ne sont pas comparable, pourquoi les comparer ?


                  • Michel Dupont Michel Dupont 22 juillet 2011 18:42

                    Je ne crois pas imposer quoi que ce soit. L’art contemporain ne semble plus viser le beau en tant que tel mais cherche plutôt à susciter la curiosité, la réflexion, etc. Or, en prenant un point de vue qui divise justement l’art entre le laid et le beau, on peut considérer que le beau a tellement été oublié que l’on trouve le laid finalement partout. Le point de vue fictif adopté est volontairement exagéré et catégorique mais invite surtout à reconsidérer l’esthétique comme une éthique devant guider notre modernité.

                    Comparer Mozart et Murakami interroge précisément sur un point : Les deux font-ils réellement de l’art ? L’art peut-il être autre chose que la recherche du beau ? Susciter la curiosité ou la réflexion peut-il être une fin en soi pour l’art ?

                  • 1984 22 juillet 2011 21:02

                    Je n’est pas de réponses toutes faites.
                    Pour moi l’art ne concerne pas le beau mais la transcendance des apparences.
                    Pour moi ni Murakami ni Mozart ne me conviennent, l’un n’est que le reflet d’une société du gadget et l’autre me semble trop coupé de l’essence sauvage des choses.
                    Mais encore une fois dans le domaine du goût la prudence est de mise.


                  • 1984 22 juillet 2011 21:24

                    « Je n’ai pas » (correction)


                  • Axel de Saint Mauxe Axel de Saint Mauxe 22 juillet 2011 21:28

                    Dans notre monde orienté à l’envers, pas étonnant que la laideur soit portée aux nues.


                    • Lisa SION 2 Lisa SION 2 22 juillet 2011 22:30

                      Bonsoir Michel,

                      j’avoue que j’ai pas bien compris la finesse mais votre photo me fait penser que je verrais bien une dizaine d’éoliennes dans le champs de la photo sans problème et il devrait n’y avoir personne pour les repousser plus loin, non ? Hé ben alors !


                      • hacheii 23 juillet 2011 10:48

                        Article intéressant, la gauche qui radote, qui répète inlassablement les mêmes mots dont elle ne comprend pas le sens.
                        .
                        Le vieux, le laid, le ringard, le dépassé, les ventripotents, les réactionnaires qui ne veulent pas que les choses changent, sont à gauche aujourd’hui.


                        • Jordi Grau J. GRAU 24 juillet 2011 15:04

                          Je pense que vous n’avez pas saisi le second degré. Quand un discours paraît par trop extravagant, je pense qu’il faut toujours se demander s’il ne s’agit pas d’un trait d’esprit.


                        • Jordi Grau J. GRAU 24 juillet 2011 15:33

                          Correctif

                          J’avais lu trop rapidement votre message. C’est moi qui avait mal compris. Toutes mes excuses donc.

                          En revanche, je suis en désaccord avec vous au sujet de la gauche. En matière d’esthétique, le clivage gauche-droite n’est pas vraiment pertinent. Il y a toute une partie de la droite qui, sous couvert de « modernité », est prête à sacrifier tout ce qu’il y a de beau. A l’époque de Pompidou, il y avait un projet assez intéressant dans le genre : recouvrir la Seine à Paris d’une sorte d’autoroute ! Les choses ont-elles vraiment changé depuis les années 70 ? Je n’en suis pas certain.

                          A l’inverse, on peut trouver des gens de gauche et d’extrême gauche qui aiment les belles choses et se désolent de voir les chefs-d’oeuvre du passé saccagé. Eric Hazan, par exemple, est à la fois à la tête d’une maison d’édition gauchiste (La Fabrique) et d’un très beau livre sur Paris (L’invention de Paris).


                        • moumou moumou 23 juillet 2011 11:26

                          La photo du paysage est très belle.


                          • serge42 serge42 24 juillet 2011 09:49

                            Bravo pour votre prose, quelle belle métaphore pour décrire l’enlisement de notre monde dans la médiocrité et nivellement vers le bas.
                            Mais que voulez vous, c’est le prix à payer pour le confort et le bonheur « du plus grand nombre ».
                            En tout état de cause, les générateurs de ce système et de ses conséquences, sont eux, bien à l’abri de cet inconfort visuel et force est d’admettre que ceux qui subissent s’en contentent et en sont mêmes fiers !!
                            Étonnant non ?!


                            • Jordi Grau J. GRAU 24 juillet 2011 15:26

                              Je ne suis pas sûr que la laideur du monde actuel soit « le prix à payer pour le confort et le bonheur »du plus grand nombre«  ». D’abord, est-on certain que la majorité des gens apprécie la laideur des usines ou des immeubles modernes ? De plus, pourquoi la jouissance d’un beau spectacle ne ferait-elle pas partie du bonheur ? Enfin, le désir de satisfaire les besoins des masses par l’industrie n’explique pas tout. A l’époque de l’Art Nouveau, certains architectes avaient le souci de faire des immeubles à la fois esthétiques et relativement bon marché, destinés à loger des gens modestes. Visiblement, ce n’est pas cette voie-là qui a été suivie par la plupart des architectes et des politiciens qui ont fait construire les HLM. 

                              En réalité, je crois qu’il y a beaucoup d’idéologie dans tout cela. Une certaine idéologie, qu’on pourrait qualifier d’ultramoderniste, a voulu supprimer tout ce qui était inutile dans l’architecture et l’urbanisme, pour ne laisser que des lignes géométriques simples - pour ne pas dire simplistes. Tout ce qui était complexe, tout ce qui pouvait évoquer la vie végétale, animale ou humaine a été éliminé au profit de l’utilité matérielle et d’une esthétique froide, minérale. La grâce et l’harmonie ont trop souvent été sacrifiée au profit de la pure fonctionnalité. Parfois, d’autres motifs sont entrés en jeu : le désir d’épater, ou de manifester sa puissance. Les gratte-ciel s’expliquent en grande partie par là. Dans ce cas, la quantité a été privilégiée au détriment de la qualité. On a créé des oeuvres écrasantes plutôt que belles.

                              Il y a heureusement quelques bons architectes contemporains, et leur existence prouve qu’on peut dévier de l’idéologie ultra-moderniste sans pour autant copier servilement les modèles du passé. Elle prouve aussi que la laideur du monde actuel n’est pas une fatalité imposée par la civilisation industrielle, mais un choix esthétique et idéologique.


                            • kitamissa kitamissa 24 juillet 2011 19:15

                              attention,les gratte ciel ont été construits au départ par souci d’économie de prix du m2 de terrain exorbitant à New York ,il fallait un maximum d’appartements ou de bureaux sur un minimum de surface !


                              ensuite c’est vrai leur aspect et leur hauteur représentaient la toute puissance des propriétaires !

                              une vitrine en quelque sorte !

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