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Accueil du site > Tribune Libre > 3. L’idéal, le possible et le probable

3. L’idéal, le possible et le probable

A l’instant même où les vaincus des élections grecques essaient de sauver les meubles proposant un gouvernement d’union nationale bis qui leur permettrait de remettre à plus tard leur quasi-disparition de l’échiquier politique. Au moment où la chancelière allemande, sonnée par le résultat électoral de la Rhénanie du nord-Westphalie, doit faire face à une levée de boucliers exigeant une relance musclée en Europe mais aussi dans son propre pays. A la seconde où la rigueur en tant que croisade essoufflée est contestée de part et d’autre de l’Atlantique, non seulement par des économistes de renom mais également par les institutions financières de contrôle elles-mêmes. Tandis que les premiers ministres espagnol et britannique essaient, tant bien que mal, de contenir des mouvements de contestation englobant désormais de larges couches de la population jusque là « dormantes », et que la « crise » n’épargne plus. Voilà que les agences de notation, venues de la planète Mars, annoncent des dégradations nouvelles, touchant les banques (italiennes, espagnoles, irlandaises, etc.), les Etats souverains (Grande Bretagne, Portugal, Irlande, Pays bas, etc.), attisant le feu en Europe, enlevant les derniers arguments aux adorateurs de la rigueur et de sa soi-disant règle d’or, d’autant plus que les institutions financières continuent de choquer les opinions publiques et l’entendement citoyen par des pertes de milliards dues à des « investissements à risques » que l’on déclarait définitivement enterrés durant la crise financière de 2008. La fameuse rigueur, où qu’elle soit imposée, en Italie, en Grèce, en Espagne, en Irlande, par la voie d’un chantage externe, en Allemagne, aux Pays Bas, en Hongrie, en Grande Bretagne, en Pologne par un chantage interne, non seulement ne porte pas de fruits, mais renforce, au pire, les mécanismes de récession, au mieux de stagnation. L’expression politique de ce choix ne peut pas être plus clair : partout les gouvernements sortants sont chassés du pouvoir, pire remplacés par des gouvernements « technocratiques » imposés, encore pire, créant un vacuum de pouvoir, une non gouvernance, et pire encore, en propulsant sur la scène politique des partis xénophobes, racistes, crypto ou ouvertement néo-nazis, qui inventent une réponse « ethnique » à la crise, proposent des solutions de repli national et/ou identitaire, faisant resurgir des slogans national – socialistes qui trouvent, hélas, un certain écho et qui font dire au psychiatre Roland Gory dans un entretien donné à Cassandre/Hors Champs : Ce n’est pas le fascisme qui abolit la faculté de penser, c’est parce qu’il y a diminution de la capacité de penser que le fascisme s’installe.  Les apprentis sorciers qui créent des murs, des clivages, inventent des ennemis, pointent du doigt des races imaginaires et des étrangers par principe coupables, cultivent des plantes et jardins de l’horreur, pour ne pas assumer que la seule horreur qui porte bien son nom est le système de financement (qu’ils appellent par euphémisme outils de croissance) qu’ils ont mis en place depuis un demi-siècle et qui porte aujourd’hui ses fruits empoisonnés. Le dit « marché », pourrait-on dire de manière provocatrice n’y est pour rien : il a été installé par les gouvernants (qui en font cependant partie et en profitent), et ces derniers, par touches successives, lui ont donné carte blanche, lui déléguant l’essentiel de leurs prérogatives régaliennes. Loin, très loin des lois qui régissent la cité, loin de ses besoins et de ses souffrances, loin de la gestion du quotidien et de l’anticipation nécessaire à toute gouvernance, le « marché », choisit au jour le jour ce qui lui procure le plus de bénéfices : il investit à la hausse, à la baisse, « déclasse » et « dégrade », distribue des bons ou des mauvais points selon ses propres intérêts, intérêts qui n’on rien à voir avec ceux de la Cité. Bien au contraire : les exemples italien, espagnol et irlandais indiquent clairement que le « marché » n’a pas d’amis, ni d’alliés fussent-ils idéologiques : très mauvais élèves de la démocratie, mais premiers de la classe en soumission au marché, ces pays voient, comme les autres, leur dette augmenter, leurs banques dégradées, à l’instant même où ils pourraient « espérer » un résultat positif qui s’avère, Moody’s aidant, chimérique.

Les indignés, les 99%, les Mélenchon, les Tsipras, les Grimsson, et tant d’autres ont raison d’exiger et de suivre la volonté populaire réclamant la réforme globale des instruments financiers qui régissent nos économie et qui s’opposent à la diversion ethnique et xénophobe des partis « qui ne servent à rien » sinon à camoufler les responsables de cette crise et à distiller des sentiments mortifères. Ils militent pour l’idéal.

La social-démocratie européenne, dont le président Hollande devient aujourd’hui le champion, a raison de vouloir renégocier un accord pris à la va-vite, pratiquement à l’insu des citoyens, et qui, en dépit de l’entendement, des résultats, des conséquences désastreuses aussi bien sociales que politiques, s’auto baptise règle d’or. C’est une règle de plomb qui condamne économiquement l’Europe et lui fait courir le danger d’un retour en arrière contre lequel l’Europe se dit d’avoir été créée. Ils œuvrent pour le possible, pris de vertige face à une réalité qu’ils considèrent comme immuable et prisonniers de sa gestion. Il faut créer une synthèse de ces deux options, ne serait-ce que parce que le probable, une fuite en avant détruisant logique, intelligence et entendement, ne condamne les citoyens à la paupérisation chronique, à la régression intellectuelle, cultivée par les peurs et les angoisses, et à la mort des repères fondateurs qui ont forgé l’identité de l’Europe. Non pas en tant que structure politique mais tout simplement comme matrice de valeurs, devenues depuis universelles. Ne nous trompons pas : le système financier reste compatible en Russie ou en Chine comme le dit si bien Serge Dassault. C’est sur les rues d’Athènes, les barrios madrilènes ou les pavés parisiens qu’il devient de plus en plus incompatible. 


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2 réactions à cet article    


  • frugeky 15 mai 2012 11:50

    Un accord pris à la va-vite et à l’insu de ses citoyens, certes, mais pas de ses représentants, et notamment socialistes, qui l’ont avalisé par leur silence coupable. Qui ne dit mot consent.

    Avoir dégagé sarkosy ne rend pas Hollande vierge des turpitudes de ses amis banquiers.

    • alinea Alinea 15 mai 2012 14:26

      Le déni du peuple ( à défaut d’oser préconiser sa destruction aux trois-quart) fait partie de l’idéologie néo-libérale. Nous voici rendus au point où il faudra, mais en connaissance de cause, faire son choix !

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