L’Open Dialogue Foundation, une ONG sous influence ?
Fondée en Pologne en 2009, l’ONG « Open Dialogue Foundation » est devenue en quelques années l’une des organisations non gouvernementales les plus actives en Europe. Une institution épinglée à plusieurs reprises par les institutions européennes, et qui vient de faire l’objet d’une enquête de deux journalistes anglais.
Dans les années 1990, un acteur jusque-là marginal s’impose au cœur de la scène internationale : l’organisation non gouvernementale. La médiatisation de nombreuses crises humanitaires et politiques, comme en ex-Yougoslavie, assure alors la renommée de nombreuses ONG. Ces dernières devaient être le symptôme d’une société civile engagée, prenant la place d’États désormais en retrait depuis la fin de la guerre froide.
Une posture de « chevaliers blancs » qui a fait long feu. Depuis une quinzaine d’années, les travaux et les analyses n’auront eu de cesse de démontrer que les ONG sont aussi des acteurs d’influence, défendant parfois leurs propres intérêts, mais parfois au service de puissances étatiques ou économiques. La défense — souvent sincère — de nobles causes pouvant ainsi très bien se marier avec la défense des intérêts stratégiques d’autres acteurs. « Avec certaines ONG influentes, nous sommes loin de la “main invisible” chère à Adam Smith et à ses lointains successeurs, et plus loin encore de la main innocente. En revanche, il s’agit de toute évidence d’un bras armé » résume ainsi l’avocat Olivier de Maison Rouge, avocat et spécialiste du droit de l’intelligence économique.
Les États-Unis ont très tôt saisi l’utilité des ONG dans leur stratégie de soft Power, qu’on a pu voir à l’œuvre ces dernières années en Géorgie, en Ukraine, au Kirghizistan ou au Liban. Un levier d’influence américain discret, mais rarement caché (les sources de financements de ces ONG étant souvent publiques), qui sert à former, informer et coordonner les forces réputées modernes et ouvertes, donc pro-occidentales.
La Russie a longtemps été sur la défensive vis-à-vis des ONG qui opéraient dans sa zone d’influence : leur interdiction ou la limitation de leur champ d’action a longtemps été le seul rapport entretenu entre les services russes et les organisations non gouvernementales. Mais la situation évolue, au cœur de l’Europe.
L’Open Dialogue Foundation : entre FSB et oligarques
Reconnue par l’Union européenne, les Nations Unies et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’Open Dialogue Foundation est devenue en quelques années l’une des ONG les plus influentes sur le vieux continent. Depuis son siège de Bruxelles, elle multiplie les rencontres et les conférences, principalement axées sur le sujet de la Défense des Droits de l’Homme.
Mais dans un ouvrage récent, les journalistes d’investigation anglais Gary Cartwright et Stephen M. Bland ont mis au jour les pratiques d’une organisation qui aurait permis le déplacement de plus de 19 milliards d’euros d’argent sale dans toute l’Europe. Des mouvements derrière lesquels les journalistes anglais croient pouvoir déceler une opération de blanchiment pour le compte d’oligarques russes et sous le patronage du FSB, les services secrets de Moscou.
Des relations qui ont conduit le secrétaire d’État aux Affaires étrangères polonais à déclarer que l’ONG était « suspectée de collaborer avec les services russes ». Selon une commission d’enquête du parlement moldave publiée en novembre 2018, l’Open Dialogue Foundation et sa présidente Lyudmyla Kozlovska auraient été financés par des sociétés militaires russes interdites aux États-Unis et en Europe en vertu des sanctions internationales. L’ONG aurait ainsi servi de paravent pour les opérations financières d’entreprises et d’oligarques russes bannis en occident.
Un soutien de Moukhtar Abliazov
L’Open Dialogue Foundation ne sert pas seulement de vitrine pour les interventions russes en Europe. L’ONG jouerait aussi le rôle de « caution morale » pour un certain nombre d’oligarques condamnés dans leurs pays pour des malversations financières. L’organisation s’occupe ainsi de la communication et de l’image de certains hommes d’affaires, au nom des Droits de l’Homme. Le schéma argumentatif est bien rodé : les poursuites engagées par la justice des pays d’origine de ces milliardaires ne seraient pas motivées par des motifs juridiques, mais politiques.
L’ONG ne se contenterait donc pas de blanchir de l’argent : elle se chargerait aussi de « blanchir » la réputation d’hommes d’affaires, transformant ceux-ci en « opposants politiques victimes de régimes autoritaires ». C’est par exemple le cas de Nail Malyutin, condamné en Russie pour détournement de fonds, extradé d’Autriche où il s’était réfugié, mais défendu par l’Open Dialogue Foundation qui décrit le milliardaire comme une « victime de persécutions ».
Idem avec Moukhtar Abliazov : cet ancien banquier kazakh de la « BTA Bank » est accusé par son pays, la Russie et l’Ukraine de gigantesques détournements de fonds, à hauteur de 7,5 milliards d’euros. Après une fuite en Angleterre, l’oligarque vit désormais en France. Une défense médiatique assurée par L’Open Dialogue Foundation : l’ONG administre et gère le site web « fr.mukhtarablyazov.org », et organise sa défense à l’échelle européenne, multipliant les communiqués et les éléments de langage pour transformer Moukhtar Abliazov en simple opposant politique. En février 2017, l’ONG avait même préparé une rencontre entre des parlementaires européens français et l’oligarque kazakh.
L’ONG Open Dialogue Foundation semble donc être une organisation bien rôdée, derrière laquelle se trouveraient, en fait, une myriade d’acteurs (des services secrets russes à des oligarques) qui avancent leurs pions au cœur de l’Europe.
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