L’ordre des médecins et Martine Wonner : un coup de plus ou un coup de trop ?
L’ordre des médecins et Martine Wonner : un coup de plus ou un coup de trop ?
Les propos d’une parlementaire (Mme Wonner) viennent d’être sanctionnés au titre de son statut de médecin.
Si l’on rapporte ce cas à d’autres (médecins, avocats, enseignants), on constate qu’une même mécanique a été mise en branle. A l’égard de ceux qui estimaient que certaines décisions des gens du gouvernement n’étaient ni fondées, ni même logiques ou pouvaient avoir des conséquences négatives de divers ordres.
L’astuce a été de mettre en place une procédure bâillon (1) d’un nouveau genre. Consistant à faire sanctionner les utilisateurs de la liberté d’expression par les membres de leur profession.
Double astuce. D’abord parce que la liberté intellectuelle se trouve supprimée indirectement. Et non pas de manière frontale. Ensuite, parce que le mauvais coup n’est pas porté par les politiciens, mais par les collègues mêmes de la personne se trouvant dans le viseur.
Ce qui est jouable dès lors que l’on sait que l’on trouvera des membres de la profession pour jouer le jeu (2) . Simplement parce les gens raisonnent et se comportent dans l’obéissance à la loi (souvent édictée par les gens en poste) (3) et dans la quiétude du conformisme aux conceptions, nécessairement dominantes et dominatrices, qui en découlent.
Evidemment, avec les études qui se multiplient (4) et font apparaître des faits qui étaient cachés ou qui ont été travestis, avec les mensonges des uns et les aveux des autres, et avec les premières décisions comme la décision Perronne, se prépare probablement une opération de reddition de comptes.
Il est probable que les décisions prises dans le cadre des professions y contribueront - décision Wonner - comprise, chacune à sa manière.
Ce qui fera rentrer dans les clous. Car « renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, … » J.-J. Rousseau.
Marcel-M. MONIN
m. de conf. hon. des universités.
(1) Qu’appelle-t-on « procédure bâillon ? » (sur cette question, lire https://www.monde-diplomatique.fr/mav/182/GARRIGOU/64506 ) Exemple : un universitaire travaille sur un sujet qui inquiète un puissant (individu ou groupe d’intérêt) et risque de coûter quelque chose à ce dernier, comme de l’argent, sa carrière ou autre chose. Le « puissant » porte plainte avec constitution de partie civile. Il sait qu’il va perdre. Qu’importe pour lui, puisque financièrement il peut le faire.
Mais, de son côté, l’universitaire va devoir engager un avocat et vivre dans l’angoisse pendant de longs mois ( avec possiblement des réflexions peu amènes de ses collègues pleutres ou ayant l’habitude de marcher courbés ou encore se rappelant la phrase de Mark Twain : « C’est par la grâce de Dieu que nous avons ces trois précieuses choses : la liberté de parole, la liberté de pensée, et la prudence de n’exercer ni l’une ni l’autre ».). Ce faisant, il y a de fortes chances pour que l’universitaire abandonne son sujet de recherche. Et que les autres se détournent de ce genre de projets.
(2) On se rappelle ( l’exemple est évidemment osé, mais idéal-typique) que sous l’occupation, les gouvernants du moment, eux mêmes mécaniquement soumis, ont même trouvé sans beaucoup de peine /*/ des magistrats qui ont accepté de constituer les « sections spéciales ». Juridictions d’exception devant fournir aux occupants nazis de quoi satisfaire leur envie de fusiller.
/*/ Il y a évidemment des exceptions. On se rappelle la répartie d’un magistrat qui avait dit en substance au garde des sceaux de l’époque : « le seul fait que vous m’ayez fait la proposition de faire partie des "sections spéciales" est en soi une atteinte que vous portez à ma dignité ».
(3) Si l’on veut condamner à titre professionnel un universitaire, un avocat, un médecin, c’est facile. Quand on est juge, en maniant les principes, les règles écrites et leurs exceptions, et en jouant de son pouvoir d’appréciation et de qualification des faits, on peut souvent faire ce que l’on veut. Application : S’agissant de la corporation médicale, les sections disciplinaires ont statué avec un relatif bel ensemble. Mais pas toujours comme l’indique la décision Perronne. Dont les rédacteurs, qui, en partant d’accusations comparables, ont manié le porte plume - en faisant preuve d’une forme de courage eu égard au contexte d’aujourd’hui - dans le sens contraire.
(4) voir, entre autres, des références dans :
38 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON