• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > L’UE se voue à la désindustrialisation

L’UE se voue à la désindustrialisation

La Commission européenne a fixé le prix de l'abandon du gaz russe et de la mise en place des panneaux solaires pour tous les bâtiments résidentiels et commerciaux. Cela nécessitera plusieurs milliards d'euros. Cependant, le coût réel d'une telle modification massive devrait être beaucoup plus élevé. L'Europe risque de perdre son industrie et de devenir une union agraire tout en profitant à certains.

La Commission européenne a estimé à 565 milliards d'euros le coût du non-emploi du gaz russe et le passage aux énergies renouvelables, rapporte Bloomberg. Selon ce plan, à partir de 2027, l'UE installera des panneaux solaires sur tous les bâtiments commerciaux et publics, et à partir de 2029, leur installation est prévue sur les nouveaux bâtiments résidentiels. Est-ce que l'UE réussira une telle réorientation énergétique et pourquoi risque-t-elle de perdre son industrie et de devenir une union agraire ? C'est que ce nouveau plan laisse beaucoup à désirer. L'UE se trouve depuis l'été déjà dans une situation de choc pour son secteur énergétique. L'Europe doit remplacer le gaz russe plus tôt que prévu car le flux de gaz en provenance de Russie a déjà sérieusement diminué. Et, ce plan repose entièrement sur la production aléatoire d'énergie. L'économie européenne a besoin de gaz principalement en hiver pour la production de chaleur et d'électricité. Croire que pendant l'hiver les panneaux solaires vont produire de l'énergie est une idée exotique. Il y a souvent un temps nuageux et des heures de clarté courtes. Pour cet objectif, il sera nécessaire de construire une forte quantité de tels panneaux solaires, provoquant des investissements nettement plus importants que les 565 milliards d'euros annoncés. En été, la situation inverse se produira. Les panneaux solaires produiront trop d'électricité et il est très difficile de la stocker pour l'hiver.

L'énergie éolienne produit une production plus élevée en hiver et une production plus faible en été. Mais quel est leur problème ? C'est le manque de place pour leur construction. Tous les bons emplacements sont déjà occupés par des parcs éoliens. Par conséquent, à mesure que le parc éolien se développe, le facteur d'utilisation global de la capacité installée n'augmente pas, mais diminue. Au début, il était en moyenne de 25%, mais il maintenant est inférieur à 10%. C'est-à-dire que plus il y a d'éoliennes construites, moins elles sont efficaces. Avec les panneaux solaires, la situation est à peu près la même. Le deuxième problème est l'imprévisibilité due à la météo. En 2020, 2021 et 2022, l'Europe a connu de très longues périodes (mois) sans vent, ce qui crée des risques.

Un autre problème est le réchauffement climatique en Europe qui peut affecter l'efficacité des énergies renouvelables. A la fin du printemps et pendant cet été en Europe, il y a eu une baisse record de la production de nombreuses centrales hydroélectriques en raison de la sécheresse. En France, depuis quelques années, une sécheresse est observée presque tous les deux ans. Il y a 30 ou 40 ans, un été sec avait lieu une fois tous les 10 ou 15 ans. En conséquence, l'Europe devra, peut-être, remplacer à court terme non seulement le gaz russe, mais aussi l'hydroélectricité. Au cours des dix dernières années, l'Iran a dû emprunter une telle voie. L'hydroélectricité y était autrefois l'épine dorsale du système énergétique, mais la sécheresse constante a réduit la capacité des centrales hydroélectriques. Dans le même temps, plus d'énergie était nécessaire, y compris pour l'approvisionnement normal en eau du pays. D'un point de vue économique, le nouveau système énergétique sera inefficace. D'une part, sa construction nécessitera des investissements bien plus importants qu'annoncés. D'autre part, les sociétés énergétiques recevront des revenus nettement inférieurs à ceux du marché traditionnel. Un nouveau système énergétique basé sur les énergies renouvelables ne pourra pas exister sans subventions.

L'UE omet dans son plan de reconversion énergétique l'une des conséquences les plus graves de l'abandon du gaz et du passage aux énergies renouvelables : la désindustrialisation de l'économie européenne et sa transformation en une économie agraire. Cela s'est produit en Ukraine. Maintenant, l'économie européenne est au tout début de ce processus, et elle a encore la possibilité de changer quelque chose. Mais, si ce mécanisme est lancé, il ne sera pas facile de l'arrêter.

Le plus grand constructeur automobile européen, Volkswagen (VW), a déjà averti qu'il déplacera sa production hors d'Allemagne si la pénurie de gaz dure plus longtemps que cet hiver. L'entreprise possède des installations de production en Chine et aux Etats-Unis, où les prix de l'énergie sont beaucoup moins chers qu'en Allemagne. VW peut subir une année des pertes en Allemagne, mais elle peut ensuite augmenter progressivement sa production en dehors de l'UE, tout en réduisant sa production au sein de l'UE.

Autrement dit, si les prix du gaz en Europe restent élevés pendant plusieurs années, les entreprises européennes commenceront à transférer leur production là où l'énergie est moins chère. Cela affectera non seulement les constructeurs automobiles, mais aussi des industries beaucoup plus énergivores - chimie, métallurgie des non-ferreux ou d'autres secteurs. De grandes multinationales déclarent déjà qu'elles réduisent leurs investissements en Europe et les augmentent en Amérique, où le coût de l'énergie est plusieurs fois inférieur.

A première vue, il peut sembler que la désindustrialisation soit une bonne chose car l'Europe va réduire la consommation d'énergie. Mais, le bien-être économique de l'UE repose sur son industrie. Si nous assistons à la dégénérescence de l'industrie, les Européens seront confrontés à une grave baisse du niveau de vie. De plus, il sera difficile de financer l'énergie verte vers laquelle l'UE veut passer. Un système d'énergie renouvelable est moins efficace qu'un système traditionnel et a besoin de subventions pour fonctionner. Alors, où est-ce que l'UE trouvera de l'argent s'il n'y a pas d'industrie ?

Bien sûr, cela ne se fera pas du jour au lendemain, le processus sera long. Mais, l'essentiel est que l'Europe ne se nuise pas seulement sur le plan économique. Elle jouera également avec ses propres concurrents économiques. Alors que les capacités des usines en Europe perdront du poids, en Amérique et en Asie elles augmenteront. Pendant la crise énergétique des années 1970 et 1980, les Etats-Unis étaient dans la même grave crise énergétique que l'Europe mais la Chine n'existait pas encore en tant que puissance économique mondiale. Nous voyons maintenant qu'aux Etats-Unis, les prix de l'énergie sont plusieurs fois inférieurs à ceux de l'Europe, et une économie forte a émergé face à la Chine, où les prix de l'énergie sont également nettement inférieurs à ceux de l'Europe. Cela crée des opportunités pour le flux d'activité économique de l'Europe vers les Etats-Unis et la Chine, ce qui n'était pas le cas dans les années 70. 

Les principaux bénéficiaires de toute cette situation en Europe et de son rejet du gaz russe sont les Etats-Unis et la Chine, mais aussi la Russie qui est en train d'adapter son marché ailleurs et autrement. Le marché européen des ventes se contractera sérieusement en raison de la désindustrialisation. L'idée de l'UE de « prendre la tête », de ce qu'ils nomment « de la troisième révolution industrielle » apparaît être un challenge hasardeux et dangereux pour les populations européennes surtout que la volonté de transformer l'économie et les sociétés de l'UE ne se réalise pas de manière naturelle, mais par l'imposition de lois coercitives ce qui ne peut pas fonctionner. Ces décisions s'orientent à partir de dogmes quasi religieux fixés sur la volonté de réduire « aussi rapidement que possible des émissions de gaz à effet de serre, d'adapter nos modes de vie, de production et d’échanges à la nouvelle donne climatique, en appelant à rompre en même temps avec les énergies du passé, ce qui inclut le nucléaire », alors que le nucléaire a, justement, fait la grandeur de la France comme son indépendance énergétique. En raison d'un nouveau mantra idéologique, les populations européennes sont poussées dans un cul-de-sac sociétal contrairement aux autres populations du reste du monde. 

Pierre Duval

Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs 

Abonnez-vous à notre chaîne Telegram : https://t.me/observateur_continental


Moyenne des avis sur cet article :  4.29/5   (14 votes)




Réagissez à l'article

23 réactions à cet article    


  • sylvie 29 septembre 2022 11:55

    Cher Pierre, il y a bien longtemps que la France EST dé-industrialisée ,

    cela remonte au CETA.


    • véronique 1er octobre 2022 10:52

      @sylvie

      Cela fait bien plus longtemps que les germes de la désindustrialisation ont été inoculés. La liberté de circulation des marchandises, des services, des travailleurs et des capitaux constituent les principes de base permettant de délocaliser les productions, et inscrits dans le traité de Rome. Pour la liberté de circulation des capitaux, ça n’a été effectif qu’à partir de la fin des années 80 et début des années 90 (acte unique européen de 1986).
      Donc la désindustrialisation effective c’est à partir des années 80.

      L’épisode actuel ne va certes pas changer le sens de cette évolution, mais il pourrait bien faire plonger les pays européens, et en particulier la France, vers un point de non-retour.


    • Clocel Clocel 29 septembre 2022 12:10

      Le document choquant : Comment les États-Unis ont planifié la guerre et la crise énergétique en Europe.


      • Rincevent Rincevent 29 septembre 2022 13:48

        @Clocel

        Il y a ça aussi : https://www.youtube.com/watch?v=emCEfEYom4A

        Une analyse de haut vol aussi précise que cynique, et George Friedman n’est pas un petit journaliste aux ordres, c’est un tout autre calibre : https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Friedman


      • Clocel Clocel 29 septembre 2022 15:47

        @Rincevent

        De quoi chopper la vomitude...


      • zygzornifle zygzornifle 30 septembre 2022 09:34

        @Clocel
         Le gouvernement le sait et il accélère le phénomène ....


      • Pie 3,14 29 septembre 2022 12:30

        Bravo se voue à la désinformation.


        • Lynwec 29 septembre 2022 12:44

          @Pie 3,14

          D’autres se vouent à la critique non argumentée voire à l’anathème...

          A choisir entre les utilisateurs de jokers faciles et ceux qui exposent des idées structurées, sur lesquelles on peut toujours discuter objectivement si on a des vues divergentes, pas besoin de chercher longtemps ...


        • Astrolabe Astrolabe 29 septembre 2022 21:47

          @Pie 3,14
           
          C’est un travail d’équipe qui nous apporte notre rigolade quotidienne en ces temps sombres...  smiley


        • Florian LeBaroudeur Florian LeBaroudeur 29 septembre 2022 12:47

          La désindustrialisation va finir par toucher le monde entier car le déclin géologique des hydrocarbures signifie un rétrécissement du secteur industriel.

          Les cigales européennes installés sur un sol pauvre en ressource doivent être sacrifier pour réduire la taille de l’industrie et la concentrer à proximité des ultimes gisements et parmi les fourmis à faible coût de main d’œuvre du tiers-monde.  


          • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 29 septembre 2022 12:47

            Heureuse de m’appeler Mélusine en faillite. Bon !, il faudra bien encore des industries pour fabriquer des frigos, des moyens de transports. Mais pour le reste, le retour à l’artisanat est tout à fait faisable (ma petite enteprise...) . Mes parents paternels avait une usine de tissage à Renaix. Aujourd, hui, si vous allez en Brocante ou sur Vinted, vous avez du tissus en masse. Dans ma famille, on cousait encore nos vêtements nous-mêmes. J’ai vécu avec le fils d’un tailleurs juifs : Costume sur mesure... J’ai pourtant vécu longtemps avec peu de moyen, mais avec de la débrouille on peut faire un paradis chez soi.... C’est laid,, ça pollue, 


            • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 29 septembre 2022 12:55

              Je pense que la recherche va vite avancer pour trouver d’autres sources d’énergie. Les alchimistes ont bien réussi à fabriquer de l’OR. Certes, l’opération est très longue. C’est comme le jour oû je me suis lancée à faire moi-même du Pikkles et des marrons glacés (7 jours nécessaires). Les problèmes de l’entreprise : le droit de cuissage, la proximité de collègues incommodants, la routine des tâches, la bataille pour avoir un bureau sitiué près du soleil ou et d’un jardin, La tristesse des long couloirs. Les peaux de bananes des collègues envieux... Bref : salut.... Et pire : le devoir de la fermer quand on a une idée plus géniale que le patron.... Alors, vaut mieux claquer la porte...


              • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 29 septembre 2022 13:18

                On a construit CHAMBORD et des Cathédrale Gothiques sans entreprises. DONC, C’EST POSSIBLE...


                • eddofr eddofr 29 septembre 2022 16:38

                  Petit rappel :

                  L’industrie, ça veut dire des ouvriers, en bleu de travail, qui viennent « à l’usine », qui pointent à la même heure, qui font la pause ensemble, qui déjeunent ensembles à la cantine, qui font, visiblement, le même boulot.

                  L’industrie, veut donc dire des salariés qui développent le sentiment d’appartenir à un groupe, un collectif, avec les mêmes besoins, les mêmes aspirations, les mêmes revendications.

                  Et ça, ça craint.

                  Alors que le tertiaire, c’est des individus, avec des horaires différents, qui probablement ne savent pas en quoi consiste exactement le travail de leur voisin de bureau, quand ils ne travaillent pas à distance, qui ne mangent pas ensembles, ne font pas la pause ensembles.

                  Le tertiaire, ça veut dire des salariés individualistes, isolés, en concurrence les uns par rapport aux autres, qui ne savent même plus à quoi sert leur travail et leur entreprise.

                  ET ça, c’est super !


                  • Tzecoatl Tzecoatl 29 septembre 2022 17:17

                    @eddofr

                    De là à rouler en powerpoint, à s’alimenter en Cerfa n°XY, et d’avoir comme source d’énergie ou croque-mort tel cabinet de conseil, nous n’en sommes plus très loin.


                  • eddofr eddofr 30 septembre 2022 11:15

                    @Tzecoatl

                    Tant qu’il reste des dictatures « arrangeantes » et lointaines pour fournir de la main d’œuvre, ça le fait.


                  • mmbbb 30 septembre 2022 12:44

                    @eddofr la production industrielle balaie un spectre large, entre la chemise et le microprocesseur , il y des méthodes et un process industriel différent 


                  • Clocel Clocel 29 septembre 2022 16:50

                    Les chimpanzés yankees et leurs suppots vont bien finir par décrocher le jackpot...

                    Ça commence à ne pas puer bon...


                    • Clocel Clocel 29 septembre 2022 16:52

                      @Clocel

                      Suppôts...


                    • Pie 3,14 29 septembre 2022 21:51

                      @Clocel
                      C’est cela oui, un suppo et au lit.


                    • Astrolabe Astrolabe 29 septembre 2022 21:56

                      @Pie 3,14
                       
                       smiley


                    • mmbbb 30 septembre 2022 12:41

                      l UE se voue au suicide 

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON

Auteur de l'article

Patrice Bravo

Patrice Bravo
Voir ses articles



Publicité




Palmarès



Publicité