La course à la Lune (6)
Le 20 juillet 1969, donc, les cosmonautes alunisssent. A 21H37, heure française. Les deux hommes mettront plus de 6 heures à se préparer. Checklist après checklist, la première étant de préparer un redécollage immédiat, au cas où. Les préparatifs de sortie vont prendre deux heures rien que pour revêtir les tenues pour l’extérieur et le sac à dos de survie. La sortie du LEM se fait à 3H56 du matin seulement, le 21 juillet donc. Le spectacle sera transmis en direct à la télévision, et j’aurais veillé toute la nuit, avec mes parents, comme beaucoup ce soir-là, en attendant la sortie avec le peu d’informations qui filtrent de la part des télévisions américaines, qui meublent avec des exemples de maquette de module Apollo où montrent une caméra factice à l’antenne. Tout cette attente pour voir enfin cette image falote d’un cosmonaute poser le pied sur la Lune et prononcer sa si jolie phrase. Des images magiques, gravées dans mon esprit à jamais. Ceux qui les ont vécues en direct savent quelle émotion elles contenaient. On avait effectivement dépassé ce soir-là la notion de conquête américaine pour en faire une conquête de l’humanité, comme le disait si justement Armstrong. Les américains avaient réussi leur pari. Un pari purement médiatique : dès le tir suivant, le public décrochait déjà des téléviseurs, et la NASA s’apprêtait déjà à réduire le nombre de vols.Il s’arrêteront à dix-sept alors que vingt étaient prévus initialement. Un deuxième lot de Saturn V était prévu, il ne sera jamais construit. La preuve aussi que scientifiquement il y avait fort peu à glaner, et que financièrement c’était intenable. Le programme suivant, celui de la Navette Spatiale réutilisable (enfin !) passer tout juste près du couperet de l’administration Nixon (ici avec James Fletcher de la NASA), qui, en lui supprimant des budgets, en fera un appareil assez bâtard et fort limité qui ne tiendra jamais toutes ses promesses. Le rêve est terminé, le jour même de la pose du pied d’Armstrong dans la noirceur lunaire. Dure loi de l’espace, qui ne se conçoit que comme une perpétuelle fuite en avant. On songe à Mars, mais c’est loin... et délicat à réaliser : le voyage aller-retour prendra plus d’une année. La crise économique mondiale actuelle risque fort de remettre ça à beaucoup plus tard. Certains veulent retourner sur la Lune. Ça ne présente toujours que le même intérêt : aller y planter un drapeau. Il y en a six, tous américains. Mais cinq seulement sont encore debout : Aldrin et Armstrong ont posé le leur trop près du LEM et au décollage il a valsé à plusieurs mètres. Symbolique, peut-être. Seules d’autres puissantes nations pourraient être tentées : sur les starting-blocs actuels pointent la Chine, et l’Inde (avec un cosmonaute indien dès 1984 !), toutes deux à base de matériel et de technologie spatiale... russe. Les chinois s’amusant même à singer le VAB de Houston, en moins imposant. Finalement, ils l’auront, leur revanche, les russes !

Les deux cosmonautes US se sont posés.... en vrais pilotes : Aldrin, le pilote officiel du LEM a laissé les commandes à Armstrong, commandant de bord, en raison d’une défaillance de l’ordinateur de bord. Ce dernier va "longuement" hésiter sur l’endroit, franchir un dernier cratère et se poser. Guidé par son instinct de pilote et sa vitre marquée de repères, façon HUD. S’il avait réussi sa descente c’était aussi grâce au radar d’approche pour lesquels les cosmonautes s’étaient battus. Ayant constaté en 1964 que ce dernier, prévu de longue date, entrait en interférence avec l’onde de choc créée par la flamme de tuyère de descente, des ingénieurs de chez Grumman avaient proposé de supprimer, tout bonnement. En réalité il fallait deux radars ; un d’approche lunaire et un de rendez-vous : "Radar, tied into the guidance and navigation system, was one of the hardest pieces of the lunar module to qualify. Two sets would be used, one for landing, the other for rendez-vous". Or, en raison des problèmes de poids du vaisseau, un des dirigeants du programme suggère de supprimer les deux, car pour lui l’approche du sol lunaire ou d’Apollo peut très bien se guider de la terre : aussitôt, le staff des cosmonaute hausse le ton. Ce sont des pilotes, ont toujours considérés qu’ils l’étaient, et ils souhaitent ne pas devenir de simples robots : c’est le syndrome de l’épisode Mercury qui remonte à la surface, avec en 1960 un John Glenn en leader syndical des sept mousquetaires. Un épisode conflictuel très bien traité dans le film l’Etoffe des Héros. le 23 mars 1964, quand la maquette TM-1 en bois du LEM est présentée, il n’y a toujours pas de radar visible. En attendant une décision ou une autre, la NASA rassure un peu en inventant les perches de contact destinées à couper automatiquement le moteur de descente à partir d’une certaine altitude. Chaque tige est calculée à 53 pouces : l’engin tombera donc de 1,34m de haut, en approche finale. Quinze tonnes en chute libre de plus d’un mètre ? Deux tonnes et demie, sur la Lune, un peu plus qu’une Humvee. Fin 1966, la solution du radar est enfin trouvée : "After tests and presentations by competing contractors RCA and Hughes Aircraft Company, a review board chose the RCA radar. Although both systems could be developed within the same time and cost ($14 million), the radar had more operational flexibility than the less versatile tracker. The radar was heavier, but the weight had little influence on the choice, because of Grumman’s weight-reduction program of the previous year". Il était temps : financièrement, les temps deviennent durs. Le programme Apollo fait les fonds de tiroir de son budget : Johnson, empêtré dans un guerre sans fin au Viet-Nam, exige de l’argent pour l’intensifier encore : le Congrès US rabote la bourse spatiale. L’année 1965 aura été sa plus faste, après ça ne fera plus que redescendre. Les années 70 se feront au 1/3 des années 60 ! "For fiscal 1967, NASA submitted a budget request of $5.58 billion, the President cut it to $5.012, and Congress chopped it to $4.968. Apollo came through virtually unscathed ; but its follow-on, Apollo Applications, felt the weight of the Budget Bureau’s ax". Un an avant, et les deux radars étaient définitivement enterrés. Sans la réaction des cosmonautes et les efforts conjoints des ingénieurs de RCA, qui travailleront sept jours sur sept sur des journées de douze heures, Armstrong n’aurait tout simplement pas pu piloter les derniers instants de son véhicule qui aurait très bien pu s’écraser. A quoi tient la réussite... on mettra quarante ans à photographier le site d’alunissage exact : depuis le 17 juillet dernier c’est chose faite : LRO, toute nouvelle sonde, a retrouvé les sites. On voit enfin l’ombre des embases de LEM restées sur place.
Il est déjà temps d’enfiler les tenues de sortie dans l’étroit cockpit. Des scaphandres, très élaborés et tellement réussis que ce sont les mêmes que l’on utilise à peu de choses près quarante ans après pour les sorties de l’ISS. Et là encore, entre russes et américains, il y a aura d’énormes différences. Chez les américains, le costume spatial remonte à l’inévitable Von Braun, qui avait déjà tracé les traits généraux nécessaires dès 1954. Son "bottlesuit" semblait un peu bizarre, mais il y avait de l’idée, celle du haut de corps fixe. Moins cependant que dans les bandes dessinées de l’époque, plus raisonnables. En 1958, il avait tracé d’autres projets, moins rêveurs, mis en forme par un dessinateur... de BD. En matière de scaphandre, les dessinateurs de SF s’en sont donnés à cœur joie. On savoure un instant (excellent site !). C’est ce que croise un peu encore le magazine Life, le 6 janvier 1958, avec un cosmonaute en phase d’essais de résistance à la chaleur. En gros, c’est la tenue des pilotes de chasse en altitude, à peine améliorée, celle des cosmonautes de Mercury. Avec Gemini peu de changement : c’est lors de la sortie spatiale de White que le costume évolue d’un bon : il faut se protéger davantage, une fois à l’extérieur du vaisseau ! On rajoute donc des couches de tissu. Chez White, on va monter à une tenue dite G4C-8 comportant 7 couches de protection. Les russes ont fait le même chemin entre temps avec la tenue de Leonov.
Von Braun s’intéressait à tous les détails : il avait aussi tâté d’un véhicule (déjà décrit) en 1966. En 1967, il avait souhaité tester lui-même la combinaison d’Apollo alors en développement : il suivait visiblement le concept de près. Car le développement du costume idéal est difficile, l’environnement lunaire est dangereux, et l’on craint énormément et avant tout les micro-météorites. Mais les techniciens sont confrontés à un autre problème de taille. Jusqu’ici, les costumes US étaient réfrigérés par circulation d’air : or, chez Gemini, cela avait été un vrai calvaire lors des sorties : il fallait passer impérativement à un refroidissement par liquide. On tente et on expérimente donc autre chose. Les chercheurs vont mixer les tenues des deux avions de pointe du moment, le X-15 (sur lequel Armstrong a volé !) et le non moins fameux SR-71 qui commence à remplacer les U-2 devenus bien poussifs, avec celles de Gemini. Les tenues d’aviateurs d’altitude ont fait un bon en avant avec les deux engins cités : elles sont entièrement pressurisées et sont constituées de deux couches. Une enduite de néoprène, pour garder l’air emprisonné, et l’autre de nylon comme sur-protection. En ajoutant un fin sous-vêtement bardé de tubes faisant circuler de l’eau, le costume lunaire était inventé, en trois couches bien distinctes, et en sept couches au total avec celles triplées ! Le sous-vétement de refroidissement "Liquid Cooling Garment" (LCG) est en nylon, le vêtement étanche en deux couches à base de néoprène et de Gore-Tex (du "pré-Gore Tex", encore en phase de mise au point car juste inventé par Bob Gore), puis une couche en Mylar (contre la chaleur) intermédiaire et au dessus deux couches de Nylon (du Kapton- la matière des circuits imprimés souples !) et la dernière couche visible, en Teflon tressé blanc, chargée d’absorber les chocs et les coups (elle montrera sa résistance, car certains un peu grisés par l’événement mettront des genoux en terre... lunaire). Il y a donc deux "peaux", bien distinctes, au dessus du sous-vêtement refroidi. Le costume intérieur est pressurisé, à savoir qu’aux articulations ça coince : le cosmonaute a du mal à plier les jambes, malgré une faible pression de 0,25 PSI (la tenue résiste à 10). Evidemment, sur le dos vient s’ajouter un module de survie, le LSS, qui pèse à lui seul 26 kilos, et qui fait dépasser ses cent kilos à a tenue qui n’en pèse heureusement que 14 sur la Lune.
On craint surtout les micro-météorites, donc, et la couche extérieure a été renforcée pour y résister. L’ensemble de la tenue s’appelle d’ailleurs "Integrated Thermal and Meteoroid Garment". Au total, cette tenue comporte donc 10 éléments...couche-culotte comprise (et oui, il n’y a pas de toilettes sur la Lune !). Ah oui, ne pas oublier les indispensables...moon-boots ! A noter que les gants, à la demande des cosmonautes, sont munis d’ embouts en néopréne bleu, pour une meilleure préhension. Sur les gants aussi, un rappel des sécurités et apposé. Sous le gant de préhension, le gant du scaphandre de pression, moulé à la main de chaque cosmonaute. On est constamment sur du cousu main. De l’artisanat, en fait.
Au dessus de tout ça, on lui pose un véritable bocal de verre, sur la tête, car contrairement aux apparences extérieures, le casque du programme Apollo est une bulle complète, ayant à peine à l’intérieur un repose tête arrière. Il se visse sur la combinaison de néoprène. Et pour les sorties, on rajoute dessus un deuxième casque, avec visière d’or rabattable et énormes œillères pour éviter les reflets. Evidemment, mettre tout ça dans l’exiguité du LEM représente un sacré sport. Les deux cosmonautes s’entraidant mutuellement... mais on se demande comment le russe aurait fait ... tout seul. En cas de difficulté d’un astronaute, un système adroit permet de brancher l’oxygène de l’un sur la prise de l’autre. Au retour, les tenues seront toutes très sales : la poussière lunaire, très abrasive, est une vrai calamité et s’incruste partout ! Enfin, on modifiera les costumes lors des expéditions utlisant le buggy lunaire, en assouplissant sa ceinture lombaire et abdominale, car sinon les cosmonautes n’arrivaient ni à monter à bord ni à s’asseoir, par manque de souplesse à cet endroit de leur tenue. Pour les prochaines expéditions, on envisage de refaire la garde-robe, avec comme souci principal... la satanée poussière lunaire !
Chez les soviétiques, le costume spatial est tout un art. Ils en avaient prévu pour leurs animaux, aux temps magnifiques des Spoutniks et autres vaisseaux Zond. On a même gardé l’image d’étranges costumes dont on ignore s’ils ont ou non été utilisés. Par Belka et sa collègue Strelka il semble bien. Récupérés dans une capsule éjectée d’un vaisseau préfigurant Vostok. D’autres costumes pour chiens semblent directement sortis de la table à dessiner d’Hergé. Korolev n’était pas loin...avec ces sphères partout. Des costumes, ou des niches spatiales. Le 22 septembre 1960, un des premiers Vostok contenant deux chiens lancé le 20 septembre s’écrasera dans la Taiga, une histoire racontée dans un film de 1985 intitulé "The Spaceship of Newcomers". Chez les russes, qui en ont testé des scaphandres différents, depuis Gagarine, la sortie de Leonov ou ceux de Soyouz, le scaphandre de Leonov est donc logiquement assez surprenant. Ayant constaté qu’il était difficile de s’habiller seul dans l’espace, les russes avaient facilité la vie de leur kamikaze en fabriquant un très étonnant scaphandre où l’homme à qui il est destiné entre par... une large porte, située dans le dos. Le scaphandre russe était donc semi-rigide ! Tout son torse est en acier. Appelé Orlan, modernise en Orlan M, et pesant 112 kg, l’habit est très impressionnant. Faiblement pressurisé à 0,4 atmosphères, l’engin possède dans le dos de sa "porte" tout le système de survie, entièrement doublé. Il réfrigère bien entendu aussi le costume léger enfilé par le cosmonaute, via un circuit interne de fluide, comme chez les américains. On en trouve un aujourd’hui sur le net à vendre pour 149 000 petits euros, sorti de je ne sais quelle filière de revente : la crise russe a commencé bien avant l’américaine ! Certainement beaucoup moins que son prix de revient réel, recherches comprises. Il marche toujours pour les sorties russes de l’ISS.
Ce costume complet a eu son autre heure de gloire en février 2006, quand Sergey Samburov, responsable russe de l’ISS a eu l’idée d’en faire un satellite en l’équipant d’un émetteur radio et en l’expédiant carrément dehors de l’ISS. Devenu le "Suitsat-RS0RS"émettant normalement entre deux et quatre jours, selon l’état des batteries du scaphandre. Le 3 février 2006, les cosmonautes Mc Arthur et Tokarev, eux-mêmes revêtus d’un scaphandre Orlan le sortent de la station ISS côté module Zvezda. Le scaphandre est lâché et s’éloigne de 6 km d’ISS toutes les 90 minutes devenant un satellite. Hélas, ces batteries vont vite flancher.... et l’expérience qui devait être suivie par des lycéens un flop complet. Ils espéraient l’entendre en FM, sur la fréquence 145,990 Mhz. Il a depuis logiquement brûlé dans l’atmosphère en rentrant sur terre. A moins qu’il n’atterrisse en morceaux dans votre jardin. Pour une fois, ce ne sera pas un de ces Cosmos !
En scaphandre, Aldrin et Armstrong doivent faire vite, en réalité, pour collecter des pierres lunaires, (sans se baisser !) prendre des photos, (avec leurs trois Hasselblad 500 EL 70 mm). Pour la première expédition, les deux américains ne dépasseront pas 2 heures de sortie totale ! Tout a été repensé ou imaginé : les caméras sont chargées de films plus fins pour prendre plus de clichés que la normale. Les pierres sont enfermées dans des petits coffres enfermés dans l’embase du LEM, et remontés dans le module du haut grâce à un astucieux système de mini-téléphérique manipulé par deux ficelles. Les ficelles, on y tient à la NASA : c’est en tirant sur deux cordes qu’on va réussir à déployer plus tard le rover lunaire, replié mais facilement déployable grâce des ressorts. Deux heures seulement pour déposer des instruments scientifiques, donc, que seuls des êtres humains et non des robots peuvent mettre en place. Plusieurs, regroupés sous le nom générique d’Alsep. (Apollo Lunar Surface Experiments Package) ou EASEP (Early Apollo Scientific Experiment Package) pour Apollo XI.. Et il y en a, à déballer, et à installer consciencieusement. Des vrais touristes de luxe débarquant à l’hôtel. Beaucoup de ces engins reliés à une source nucléaire de courant, le générateur isotopique. Lui même relié à une station de répartition de courant. Car il faut les installer avec précision et les orienter... vers la terre, pour le réflecteur laser en particulier. Avec un moyen très simple : celui d’un cadran solaire !
Un réflecteur lunaire dont les miroirs vont être visés par un laser.... terrestre. Ou plutôt deux : l’ Observatoire de la Côte D’Azur (OCA), et le McDonald Observatory au Texas. Les petits miroirs ont été fournis par des français, en effet : c’est l’Aerospatiale située à Cannes qui les a polis, sous la direction de Jean-Francois Mangin. Une sommité méconnue. A la pointe du développement des lasers. Les miroirs vont devenir la preuve essentielle de la présence d’Armstrong et d’Aldrin, et ils le feront de manière exceptionnelle des années après, dans des circonstances elles aussi exceptionnelles : lors de l’éclipse du 13 avril 2000, jour particulier car sans aucune interférence lumineuse, le Dr. Jean-Francois Mangin et son équipe de l’OCA vont en effet réussir en envoyant un faisceau vers le laser d’Apollo XI de calculer la distance Terre-Lune avec une acuité de...1.3 millimètres. Ne serait-ce que cet exploit, réalisé par l’équipe française qui a participé à la recherche spatiale américaine, devrait faire taire définitivement tous les racontars entendus sur la conquête lunaire. Ce jour-là, à Caussols, à l’observatoire de Calern, les gens ont pu observer les traits de lumière partant vers la Lune, pour en revenir. Le laser YAG (Yttrium, Aluminum, Garnet) est tiré à travers un télescope Cassegrain de 1,04 m de diamètre, au travers d’un miroir tournant à 10 tours secondes pour "casser" le faisceau. Chaque tir de paquet de lumière met 1,5 seconde pour arriver sur la Lune. Une horloge atomique associée compte les tirs et leurs renvois, donnant la distance exacte. Cela fait quarante ans que ça fonctionne ! Sous la direction aujourd’hui de Farrokh Vakili, pour Caussols. On a ainsi découvert que la Lune bouge de 10 cm, selon l’attraction relative de la Terre et du Soleil. La Terre bougeant d’un mètre, avec ses océans ! Le troisième observatoire laser est situé à Hawaï : or, lui, en 35 ans, en raison de la dérive des continents, il a bougé de 2,5 cm en remontant direction la Sibérie. L’observatoire de Cannes remontant moins vite... vers la Suisse. La Lune, elle, s’éloigne de la Terre de 3,7 cm par an. Résultat : le jour terrestre s’allonge de 1/100 eme de seconde par an. La distance Terre-Lune varie elle selon l’orbite lunaire : entre 353 880km et jusqu’à 421 690km. Les atterrissages suivant ajouteront à l’Alsep un détecteur.. de poussière lunaire. Finalement, il y en avait très peu qui circulait...comme on s’y attendait ; faute d’atmosphère : "The dust accumulation proved to be much lower than expected, and the results from this experiment were also used to monitor the long-term degradation of solar cells from radiation and thermal effects. This was considered to be an engineering rather than a scientific experiment."
D’autres expériences suivront. Apollo XI avait déjà essayé de calculer le taux de poussières, mais cela n’avait pas été probant. Apollo XVII recherchera la radioactivité avec une sorte de bâton en deux éléments, chargé à l’uranium 235 enfoncé dans le sol et récupéré après 49 heures d’exposition. Plus tard, avec Apollo XV et XVI, on effectuera des mesures de résistance du sol avec une tige à enfoncer munie de capteurs : le penetrometer. Les négationnistes y verront un bout de drapeau.... ils s’y ridiculiseront, faute de connaissances sur les outils utilisés. Le dénommé Ted Twietmeyer, notamment, qui fera paraître ses élucubrations sur un site... purement négationniste, soutenant ouvertement des gens comme Zundel ! Ce fondu complet voit dans les roches martiennes des vestiges archéologiques et autres fariboles !!! Les rayons cosmiques seront aussi piégés, sur le bord d’un des pieds du LEM. Des expérimentations plus simples sur le creusement seront photographiés, montrant que la poussière lunaire, sèche, s’accroche davantage que du sable mouillé, avec une indispensable mire à côté. Bref, les cosmonautes ne vont pas chômer un seul instant. A peine le temps de se reposer, et ça repart le lendemain. Pour ceux que ça intéresse, les documents d’entraînement des cosmonautes sur ce qu’ils doivent déballer est ici : attention, ça fait 16 mégas.
Tous ces gestes avaient été évidemment répétés, répétés, et répétés. Détacher les outils retenus par du Velcro, inventé pour l’occasion pour l’astronautique. Vérifier la caméra sur le côté. Transporter les éléments. Ouvrir ses poches avec de pareils gants en double épaisseur ! Faire les prises de vues au sol, en se penchant, par exemple. Y compris refaire la scène du téléphérique, bien entendu. Ou pour déployer l’antenne haut gain... avec une bonne vieille ficelle à tirer ! Un dernier tour de simulateur, dont celui suspendu sur une fausse surface lunaire, et ce sera bon pour de vrai cette fois. Pas un seul des gestes d’Aldrin ou d’Armstrong ne sera donc improvisé. Les répétitions furent exténuantes en fait. Les images des répétitions datent toutes d’avril 1969. Elles sont toutes visibles ici. Et démontrent avec éclat qu’elles ont eu lieu en pleine lumière, sur des sols non préparés, ce qui fiche en l’air un peu plus encore de "films" créés en studio. Tout avait été répété, mais avant de remonter dans le LEM, Buzz Aldrin, en toute initiative personnelle, dépose un écusson représentant la mission Apollo I, en l’honneur des ses confrères Grissom, White et Chaffee, morts sur leur pas de tir, mais aussi deux médailles à l’effigie des cosmonautes russes Youri Gagarine et Vladimir Komarov. Aldrin et de la classe des grands hommes, que le décès de Komarov avait autant touché que celui de Grissom.
Et voilà déjà le jour et l’heure de repartir. Les américains sont énormément confiants dans leur matériel : leur étage de remontée est unique et n’a aucune solution de rechange à bord. En fait ; pendant plusieurs années, les américains ont été tentés d’incorporer dans la base du LEM un radeau de secours, le LESS, pour Lunar Escape Systems. Plusieurs propositions seront faites, de deux sièges juchés sur des bonbonnes de carburant. Une chaloupe de l’espace qui ne sera ni construite ni testée : les moteurs sont devenus très fiables, et ils le seront lors des six expéditions lunaires. Il déposeront aussi un petit disque souvenir en silicium. sur le sol lunaire. Confiants, certes, mais maladroits quand même, nos deux larrons. En remontant dans le LEM, Buzz Aldrin, en se retournant avec au dos son module de survie, casse plusieurs boutons de commande. Parmi ceux-ci, ceux de l’allumage de la fusée de redécollage. Aïe, catastrophique incident ! Même pas : Aldrin comme Armstrong sont deux pilotes chevonnés, qui connaissent toutes les histoires de pilotes. L’une d’entre elles, en particulier, qui va leur sauver la vie. Le 30 avril 1966, alors qu’Al White et Joe Cotton volent à bord d’un immense bombardier ayant coûté 750 millions de dollars, le superbe XB-70, ce dernier avait vu son diabolo avant rester coincé lors du décollage : pas moyen de le faire rentrer et encore moins de le laisser retomber pour qu’il se verrouille en position d’atterrissage. lls tourneront deux heures ainsi autour de leur base, à vider les réservoirs et à s’apprêter à s’éjecter dans leurs capsules, avant que Cotton n’aît une lueur : ayant retrouvé un trombone qui tenait ses feuilles de plan de vol, il décide d’arracher le capuchon qui protège le bouton de descente du train, sur le tableau de bord, y introduit résolument son trombone et provoque un bel éclair bleu... et quelques secondes après un bruit sourd : celui du verrouillage du train, descendu d’un seul coup ! L’avion magnifique qui pèse son poids en or, ou presque, est sauvé ! Rôdé au techniques de bricolage aérien, Aldrin va faire de même avec la pointe de son stylo ! Et les deux rédécolleront, cette fois sans court-circuit, ce n’était que le bouton qui s’était arraché ! Chez Apollo XII, toute la rampe de boutons sera aussitôt protégée par des arceaux d’acier. Pour mémoire, Joe Cotton mourra dans l’accident idiot du XB-70, crashé pour avoir voulu faire une photo publicitaire ! Al White, qui avait été aussi le pilote de réserve de l’X-15, est décédé en 2006. Le 12 août 1960, son collègue Robert White, était devenu le pilote le plus haut au monde avec 41 605 m, avant... Gagarine ! Il grimpera à 95,94 km le 17 juin 1962, juste sous la barre des 100 km, considérée comme celle de la satellisation. A ce moment-là, l’US Air Force pensait bien toujours satelliser son X-15... Le 20 avril 1962, Armstrong atteindra 63 246m à son bord, à son avant-dernier vol, juste avant de rejoindre le corps des cosmonautes, le 26 juillet 1962 ! Finalement, un seul pilote de X-15 montera au dessus des 100 000 m, mais à deux reprises : Joseph Walker, le 19 juillet (106.01 km) et le 22 août 1963 (107.96 km). Gagarine évoluera entre 180 km et 327 km d’altitude. Walker, pilote de X1-E, sera le pilote de test du dangereux LLRV, et mourra tragiquement à bord de son F-104, à l’origine du désastre du XB-70. Pour Aldrin, un coup de stylo et hop... (c’est la dernière visite là, celle d’Apollo XVII filmée par la caméra disposée à 100 mètres et pilotée.... de Houston !). A signaler qu’en réparation de fortune, celle de la rover d’Apollo XVII avec un rouleau de scotch n’est pas mal non plus !
Pourquoi faire aussi vite ? Et ne pas rester plus longtemps ? Au départ, pour une raison simple. Si les cosmonautes US sont partis guillerets en apprenant que la N-1 était en miettes, une autre information a gâché leur départ du 16 juillet. Trois jours avant, le 13, les russes ont lancé quelque chose. Avec une de leurs fameuses Proton, un lanceur lourd. Mais personne ne sait quoi. L’engin se met tout d’abord en orbite autour de la Terre. Puis se dirige... vers la Lune. Manque de chance pour les russes, qui semblent bien avoir leurré les américains, ce ne sont pas ces derniers qui le découvrent, mais l’observatoire anglais de Jodrell Bank. Le 3 juillet dernier, ce laboratoire a révélé qu’il avait tout enregistré, les changements de trajectoire, les 4 jours pour arriver dans la banlieue lunaire, etc. Et avait tout balancé aux américains. Sans arrière pensée aucune : son directeur, Sir Bernard Lovell, 96 ans aujourd’hui, avait été l’objet d’une tentative d’assassinat par le KGB lors d’une visite à Moscou en 1963 ! Selon la méthode éprouvée de la sur-radiation qui en a tué plus d’un.
L’engin russe s’est mis depuis en orbite autour de la Lune, si bien que ces derniers demandent officiellement aux russes d’en donner les coordonnées, afin qu’Apollo XI ne soit pas gêné par la sonde. A leur grande surprise, les russes communiquent les coordonnées. L’engin fera 52 révolutions et enverra 83 messages en russie avant de modifier sa trajectoire, un phénomène capté aussi par Jodrell Bank. Le 21 juillet, alors qu’Aldrin et Armstrong sont déjà posés, Luna 15 amorce sa descente elle aussi. Les russes, arrivés avant en orbite, ont attendu que les américains se posent ! Les russes essaient en fait de se poser à proximité du site américain ! "In the first two minutes of the tape, Lovell says that the probe drastically changed its course and altitude, in an attempt to get closer to Apollo 11’s landing site. But the entries for July 21st are the most exciting. Lovell shares a “rumor from a well-informed source in Moscow that this Luna is going to land this evening.” Jodrell Bank capte la descente et calcule qu’elle est bien trop rapide. A 15H47 temps universel, la sonde s’écrase dans la Mer des Crises. Les russes ont raté leur dernier baroud d’honneur : on apprendra plus tard ce qu’était ce fameux Luna XV : une sonde automatique énorme pour carotter le sol lunaire, prélever des éléments, les enfermer dans un tube, lui-même déposé dans une capsule juchée au dessus de l’engin. Cette capsule redécollant de la surface Lunaire, avec les échantillons... direction la Terre. Les américains, ne sachant pas à quoi s’en tenir, avaient donc donné l’ordre à Armstrong et à Aldrin de faire vite : l’engin russe aurait pu les doubler ! Selon Jodrell Bank, les craintes des américains étaient infondées : "It is calculated now however that even if it had landed safely rather than careering out of control into the lunar surface and completed its objectives of recovering soil and rock samples from the Moon, its trajectory meant it would still have been too slow to beat Neil Armstrong and his crew back to Earth and whatever limited propaganda value Moscow may have squeezed out of the situation would have been lost. " Reste une seule possibilité, pas vraiment à l’honneur des soviétiques : ils se savaient perdus d’avance, mais avaient clairement décidé de mettre la pression sur les techniciens US. C’était de la très mauvaise guerre, même froide.
Les deux héros, qui ont passé 21 heures seulement sur la Lune, rejoignent Collins, qui tourne autour de la Lune en les attendant, et repartent direction la terre... Le LEM est abandonné en orbite lunaire, il devrait logiquement s’écraser quelques jours plus tard.. Pour vérifier si le séismographe installé fonctionne ! Le module Apollo rentre sur terre à 40 000 km/h avec précision, à 13 miles du porte-avions USS Hornet, qui dépêche ses hélicoptères. La cabine est bien abîmée... par l’intensité phénoménale de la température de rentrée. Une bonne partie de sa résine ablative à fondu, une partie est en lambeaux. Le voyage total a duré 195 heures,18 minutes et 35. secondes. Les trois héros sont placés en quarantaine, avec leurs boiîiers d’Hasselblad dont un est tombé par terre, enfin sur la Lune, noir de poussière. Ils seront félicités par Nixon en personne et feront un tour du monde de félicitations. Le Hornet récidivera quatre mois après en récupérant le 24 novembre Apollo XII ! A la fin de l’année 1969, les américains sont les immenses vainqueurs de cette incroyable course de 12 ans.
Les américains posés, les russes battus, on s’attend à ce que ces derniers laissent tomber définitivement leur projet N-1 : c’est très mal les connaître : le 11 avril 1970, ils reprennent espoir en apprenant qu’Apollo XIII est à la dérive. L’échec d’Apollo, l’explosion de son module de commande, et son sauvetage miraculeux dans un LEM devenu radeau de la Méduse spatial, leur laisse l’espoir que le programme américain a du plomb dans l’aile : le 26 Juin 1971 ils effectuent une nouvelle tentative de lancement. Mais vont connaître eux aussi un nouveau désastre humain : quatre jours à peine après l’explosion de la troisième N-1, trois cosmonautes, Georgi Dobrovolsky, Viktor Patsayev, et Vladislav Volkov meurent asphyxiés au retour de leur mission Soyouz 11. Les sauveteurs tenteront vainement de les ranimer par le bouche à bouche. Une minuscule fuite avait dépressurisé leur vaisseau. C’est la consternation et la véritable fin des espoirs russes. Une dernière tentative pour l’honneur aura lieue néanmoins, le 23 Novembre 1972, alors que Apollo XIV, XV et XVI sont déjà retournés sur la Lune sans encombre. La quatrième fusée explosera, et le programme N-1 sera définitivement clos en 1974. Mais ce n’était pas pour autant fini, connaissant l’astronautique russe et ses multiples facettes. Les russes ont depuis le 10 juin 1969 lancé leur programme automatique de secours, qui a même déjà sévi le 21 juillet 1969 : le 12 septembre 1970, Luna XVI réussit ce que les russes avaient tenté avant Armstrong. Luna XVI (Luna Ye-8) , envoyé par une fusée Proton, se pose sur la Lune, prélève automatiquement des échantillons et revient les déposer sur terre le 24 septembre 1970. Les russes, battus sur le terrain politique, l’emportent après coup sur le terrain technique et scientifique. L’aller-retour après prélèvement automatique est une rare prouesse technologique. Luna XVII dépose un nouveau Lunakhod le 10 novembre 1970, dans la Mare Imbrium, pour y faire 10 km et prendre 20 000 clichés. Les russes démontrent après coup, que purement scientifiquement, la présence de l’homme sur la Lune ne s’imposait donc pas. C’était bien le dernier avatar de la guerre froide. Il avaient pourtant tout développé : véhicule d’orbite et véhicule de descente. Mais avec une énorme différence : chez les russes, ils seraient vaillament partis à deux seulement, ce qui signifie qu’un seul kamikaze allait descendre.... le pauvre. La fin de la N-1 privera Leonov du rôle de kamikaze lunaire auquel on l’avait destiné. Leonov ne mettra jamais le pied sur la Lune. Mais se consolera en devenant un peintre de talent !
addendum. Documents consultés :
Ciel et Espace Hors-Série N°1 1999
Ciel et Espace Hors-Série 2007
Ciel et Espace N° 7 juillet-août 2004
Les Cahiers de L’Express N°22 "La conquête de L’Espace" Juillet 1993
Aviation Magazine décembre 1965 N°432
Aviation Magazine N°447 15 juillet 1966
Jours de France N°153 19 octobre 1957
France-Soir Spécial 4 pas sur la Lune juillet 1969
La Recherche N°365 Juin 2003 "Où va la NASA ?"
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