La France sur une pente savonneuse
Quelques faits récents illustrent la passe difficile que traverse notre pays, avec des événements exceptionnels ; à l’instar de notre planisphère qui, elle aussi, subit parfois des phénomènes climatiques exceptionnels qui ont le don d’agacer car ils se répètent. Quant il s’agit d’une nation, les événements exceptionnels annoncent une pente savonneuse, surtout lorsqu’ils s’accompagnent d’un contexte peu favorable pour bien manœuvrer.
Commençons par cet incident de Carcassonne, tellement exceptionnel qu’on ne sait comment il s’est produit. Aussi imprévisible que la visite d’extraterrestres, mais avec des conséquences lourdes en termes de blessures ; à la fois physiques, mais aussi d’orgueil. Est-ce le savon passé par Sarkozy au général Cuche qui a conduit celui-ci à démissionner ? Quelques maîtres du soupçon ont cru déceler un lien avec la récente loi de programmation militaire. Il y eut sous Giscard puis Mitterrand deux cas de démission de hauts gradés, les généraux Lagarde et Delaunay, remontés contre la refonte des moyens alloués à l’armée. Le premier en septembre 1980, en pleine rigueur décidée par Barre puis en 1983, au début de la rigueur des années Fabius. De là à imaginer un ressort similaire il n’y a qu’un pas. Mais l’autre explication, plus plausible, traduit la réaction d’un homme d’honneur et de rigueur, sans doute vexé par le président Sarkozy et agacé par la pression du ministre Morin souhaitant des sanctions dans l’immédiat, avant même les conclusions de l’enquête. On attendait mieux d’un exécutif comme réaction, même si les faits son graves. Pourquoi cette fébrilité et cette précipitation ? No comment, nul ne sait comment nous aurions réagi.
Autre signe de savon une fois de plus passé par Sarkozy à l’adresse des chaînes publiques dont les programmes ne seraient pas assez différents de ceux fournis par les chaînes publiques. A noter la belle manœuvre auto-justificatrice du président qui, par cette appréciation, rend légitime son projet de suppression de la publicité. Drôle d’attitude pour un président jouant sur les registres affectifs, sans se cacher, en public, vexations, humiliations et ensuite provocations, en s’invitant dans les studios de France 3. L’accueil fut froid, mais qui aurait pu imaginer que les professionnels de cette chaîne allaient recevoir le président à bras ouverts après les propos tenus. En bon chef de troupe, homme d’honneur, comme le général Cuche, le président Carolis s’est fendu d’une réaction des plus virulentes, appliquant les règles du duel spécifiant que chaque duelliste dispose d’une arme identique. C’est donc savon contre savon et le président de France-Télévisions de déclarer à propos de l’avis élyséen, « faux, stupide et injuste ». Et pan dans la gueule de Sarkozy. Bonjour l’ambiance !
La tendance est à la fébrilité, à l’énervement. A signaler cette grève instantanée des agents de la RATP sur la ligne A après une agression d’un agent qui, si elle est condamnable sans réserve, n’est pas d’une extrême gravité. Sans doute, le contexte a joué et, comme le dit la formule, c’est la goutte d’eau qui… Que penser de ce projet de loi sur le travail qui sera examiné dix ans jour pour jour après le premier texte sur les 35 heures soumis par Martine Aubry dans le gouvernement Jospin ? Un projet soumis en urgence au Parlement ? Où est l’urgence sinon de faire la fête aux 35 heures en les « décapitant » pour le dixième anniversaire. Sans doute Xavier Bertrand, faux zen au sang chaud, se prend pour un toréador venu planter la dernière banderille au texte symbolisant le travailler moins, portant l’estocade aux RTT devenues les boucs émissaires de la croissance molle. La vengeance de l’UMP sera terrible. La fin des 35 heures votée comme un savon passé aux socialistes.
Pente savonneuse, à la fois par les savons qui se passent les uns sur les autres, mais aussi pour symboliser le lent glissement de la France dans l’insignifiance avec des ministres en mal d’idée présentant quelques banalités comme des innovations majeures. Par exemple, les 200 médicaments déremboursés en vente libre dans les pharmacies. Le citoyen lambda ne comprend pas. La plupart des médicaments sont librement vendus par les pharmacies, lorsqu’ils ne sont pas assujettis à la délivrance sur ordonnance. Allons enquêter sur cette affaire. Ça y est, quelle nouveauté, ces 200 médicaments ne sont pas derrière le comptoir, mais sur les étagères. Autrement dit le client pourra les prendre directement, avec un savon et une brosse à dent, pour ensuite les payer au comptoir. Quelle révolution, quelle imagination Mme Bachelot, ça mérite un salaire de ministre, génial, le client qui au lieu de demander du bicarbonate au pharmacien, pourra se servir sur l’étagère ! C’est certain, la face de l’Assurance maladie en sera changée. Comme du reste la face de l’Europe grâce au plan Alzheimer proposé par Sarkozy. Heureusement que notre président y a pensé car, en Allemagne, en Pologne, en Italie, il n’y a pas de traitement de cette maladie qui du reste est ignorée du corps médical. Et le plan Erasmus pour les artisans. Ça va changer quoi ? Permettre à notre président de remonter la pente savonneuse où il se situe, lui et sans doute la France ?
Mais restons tout de même zen. Nos amis américains sont eux aussi dans une passe difficile et que dire dans d’autres pays. Pourquoi les sociétés en arrivent-elles à ce stade où les choses ne semblent plus fonctionner normalement ? Même le RER tombe en panne en pleine chaleur dans un tunnel, rappelant les récents incidents survenus sur l’Eurostar. Des questions bien trop épuisantes pour qu’on puisse y réfléchir alors qu’il n’y a qu’une seule urgence, celle de se laisser glisser vers les vacances. Prions pour qu’il n’y ait pas trop d’incendies, de noyades, d’orage, de pannes d’électricité, de bouchons sur les routes, de viandes avariées et de bousculades aux urgences !
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