La guerre en Ukraine ou le triomphe du politiquement correct

Nos dirigeants Européens ont-ils perdu la raison ?
L'intérêt des européens était d'éviter cette guerre à tout prix. La situation telle qu'elle était avant 2014 nous convenait plutôt bien. L'Ukraine était alors dirigée par des pro-russe, elle servait d'état tampon entre la Russie et l'Europe. L'Europe pouvait commercer librement avec ces 2 pays en bénéficiant, je le suppose, de la part de l'Ukraine, de produits agricoles bon marché, étant donné le coût de la main d'œuvre, et de la part des Russes, d'une énergie bon marché et de ressources naturelles. Que demander de plus ? Mais c'était sans compter les intérêts de l'oncle Sam, un ami qui nous veut bien.
Afin de préserver ses intérêts, l'Europe, l'Allemagne, la France auraient dû mener une activité diplomatique intense, ils auraient dû se démarquer de la politique américaine, ç'eût été compréhensible compte tenu du risque de dérapage nucléaire du conflit.
L'Europe n'a aucun intérêt à voir l'Ukraine devenir membre de l'Union Européenne, ce qui provoquerait un déséquilibre (tout comme avec la Turquie) et qui forcement mécontenterait Moscou. Tout comme la Finlande n'a aucun intérêt du point de vue des européens à rejoindre l'OTAN si ce n'est pour provoquer Poutine.
L'intérêt des États-Unis est tout autre. Tout d'abord, il l'y a l'intérêt avoué et assumé d'affaiblir politiquement, économiquement et militairement la Russie, avec comme conséquences la balkanisation de la Russie, la résurrection ou l'émergence de nouveaux conflits. C'est la politique du diviser pour mieux régner. Si la Russie devait éclater en de multiples états, la stratégie étasunienne serait de faire comme ce que les occidentaux ont fait en Afrique, à savoir exploiter les richesses pour que leurs multinationales en tire un maximum de profit. C'est la logique implacable du capitalisme sauvage.
Les États-Unis considèrent la Russie comme un concurrent, notamment en raison de l'abondance de ses ressources. Ils peuvent tolérer les états de l'Union Européenne comme vassaux, à condition qu'ils se partagent les miettes du gâteau, mais ils ne peuvent accepter la présence de cette concurrence déloyale qu'est la Russie.
Le deuxième objectif caché des États-Unis est d'affaiblir l'Europe, particulièrement la France et l'Allemagne. Le surcoût de l'énergie va rendre nos industries moins compétitives, notamment dans le domaine de l'aviation, de l'armement, etc, alors que l'industrie étasunienne sera beaucoup moins impactée du fait de leurs ressources énergétiques en gaz de schistes.
Les intérêts des Européens et de notre soi-disant allié Américain sont radicalement opposés, et pourtant, comme des somnambules ou comme des papillons attirés par la lumière, nous marchons.
Maintenant ce qui m'intéresse c'est le côté psychologique de l'affaire. Comment a-t-on pu en arriver là ? Comment les dirigeants européens ont-ils pu à ce point être aveuglés comme en 1914 ? C'est là que selon moi intervient le politiquement correct qui ne peut fonctionner que par une propagande à outrance, nécessaire pour maintenir la pensée unique et justifier la politique de nos dirigeants européens, ainsi qu'a pu en témoigner, Udo Ulfotte un ancien rédacteur en chef du Frankfurter Allgemeine Zeitung. Les décideurs politiques ont édicté des dogmes, des tabous, comme ne pas dire du mal de la Russie et de la Chine, ne pas approuver la politique d'Israël. Concrètement, cela revient à demander aux européens un alignement strict de leur politique sur celle des USA. Tout responsable politique ou journaliste qui brise l'un de ces tabous se voit immédiatement moqué, ridiculisé, ostracisé, poursuivi en justice, et le pire de tous, l'infamie suprême, taxé de complotiste et voit sa carrière définitivement compromise. Ce qu'il a de bien avec le complotisme, pour ceux qui l'utilisent comme arme absolue, c'est qu'il n'est même pas nécessaire d'argumenter, le mot se suffit à lui-même ; c'est le couperet. Le problème est que nos responsables politiques ne peuvent plus revenir en arrière sous peine de donner raison à leurs opposants ; de se voir isolé à l'international, ou sanctionné. Les décideurs sont à l'image de ceux qui les ont élus, imitatifs.
L’imitation. Qu’il s’agisse d’opinions, d’idées, de manifestations littéraires ou simplement de costumes, combien de dirigeants Européens osent se soustraire à son empire ?
Il y a une véritable police de la pensée, un ministère de la vérité. Les médias dominant nous expliquent comment il faut penser, ce qui est correct ou non.
Les exemples sont multiples. Souvenons de Ségolène Royal qui suite à ses propos sur l'Ukraine a subi une curée médiatique avec un lynchage en règle notamment de la part de BHL.
En France, jusque dans les années 90, la gauche ou la droite au pouvoir étaient traversés par des courants politiques. On se souvient de ceux qu'on appelait les souverainistes comme Philippe Séguin et de son discours de 1992 à l'Assemblée Nationale ou de Jean-Pierre Chevènement. La montée du Front National a eu pour conséquence que de nombreux sujets de société et de politique extérieur se sont trouvés rejetés vers les extrêmes au détriment de la démocratie ; les partis au pouvoir ne voulant à aucun prix apporter de la crédibilité aux partis jugés extrêmes. Je me souviens que Jacques Chirac qui n'était pas un européen convaincu, s'était finalement converti à l'Europe au moment de la ratification du traité de Maastricht. On ne saurait dire précisément quel a été l'influence du politiquement correct dans sa décision, mais je pense qu'il y en a probablement eu une.
On pourrait aussi citer Manuel Valls, beaucoup brocardé sur les réseaux sociaux, qui pour parvenir à ses ambitions politiques est passé brusquement de pro-Palestinien à pro-Israélien.
On sait maintenant que les États-Unis sont à l’origine du sabotage des gazoducs Nord Stream survenu le 26 septembre 2022. Et qu’ils avaient prémédité leur affaire avant l’offensive russe en Ukraine. Logiquement, cela aurait dû provoquer un séisme politique en Europe. Les Allemands qui sont les principaux visés par cet acte de guerre n'ont pas réagi, c'est tout juste s'ils n'ont tendu la joue gauche et dit merci aux Américains. À présent, les européens achètent au prix fort du pétrole à l'Inde qui provient de Russie. Peut-on imaginer politique plus absurde ?
Illustration : sabotage de gazoduc politiquement correct
L'esprit gaulliste qui incarnait une forme d'indépendance vis-à-vis de la politique américaine a quasiment disparu, il appartient désormais à l'Histoire. La dernière fois qu'il s'est manifesté c'était avec Dominique de Villepin à la tribune de l'ONU en 2003. Depuis, l'encéphalogramme de nos présidents de la République est plat. Il n'y a qu'à citer Sarkozy avec la réintégration de la France au sein du commandement intégré de l'OTAN, ou encore Hollande lorsqu'il a voulu jouer le matamore en Syrie et qu'il s'est finalement écrasé face au renoncement d'Obama ; et aussi Macron, minable face au camouflet infligé par les Américains dans l'affaire des sous-marins australiens.
Parmi le politiquement correct, il y a bien sûr la défense de la "démocratie" (avec l'élection) et des droits de l'homme.
Les droits de l'homme sont l'arme la plus dévastatrice, la plus meurtrière et la moins chère jamais créée par les États-Unis et leurs alliés occidentaux ; c'est l'arme que l'on dégaine lorsque l'on désire attaquer un pays dont le régime politique déplaît aux Américains. Ils permettent de justifier auprès de l'opinion publique occidentale les assassinats, les déstabilisations de pays, les bombardements, les ventes d'armes, les embargos qui entrainent des famines et des pénuries de médicaments, et toutes les sales guerres menées par les États-Unis. Au nom de la démocratie on emprisonne, on torture beaucoup aussi, comme à Guantánamo, ou à Abou Ghraib en Irak, sans parler de Julian Assange.
On nage dans un océan nauséabond de tartufferie. On donne des leçons de morale au monde entier alors qu'on a le moral qui sent le poisson avarié. Au nom de la démocratie on soutient des pays fascistes comme Israël ou l'Ukraine ; on soutient les manifestations à Hong-Kong contre le régime chinois car c'est politiquement correct, mais dans le même temps, on tue, on éborgne, on mutile et on tabasse du gilet jaune en France parce qu'ils sont politiquement incorrects. Au nom de la réalpolitik on achète du pétrole à l'Arabie Saoudite, une des pires dictatures de la planète, de l'autre, on déstabilise le Vénézuéla politiquement incorrect pour cause de socialisme ; on accuse la Chine de génocide contre les Ouïgours (ce qui selon moi reste à démontrer) et on tue des dizaines de milliers de musulmans en Afghanistan, au Yémen, en Syrie, Libye, etc. Les États-Unis mènent leur sale boulot sous l'œil bienveillant des européens qui profitent de cet état de fait, notamment nos marchands de canons.
C'est un tort de croire que ceux qui sont au pouvoir ont pour objectif le bien commun. Non, ceux qui sont au pouvoir ont pour objectif de s'y maintenir, coûte que coûte, même au détriment, ou plutôt devrais-je dire, surtout au détriment de l'intérêt général, afin de servir leurs propres d'intérêts et d'obliger ceux qui ont permis leur accession au pouvoir : les riches.
Chaque pays, chaque période, a son politiquement correct. C'est une tyrannie qui ne dit pas son nom, une tyrannie d'autant plus nocive qu'elle est librement consentie. Il n’y a pas de risque pénal quand on ne s’y soumet pas (du moins en France), mais on est mis au ban de la société ou du groupe auquel on appartient pour avoir violé les principes du contrat social. Dressés dans la pensée unique, les peuples s'accommodent très vite de ces lois non écrites. Par exemple, celui de Poutine avec sa vision de l'occident dégénéré n'est pas le même que celui de la Chine avec le crédit social ou que celui de l'Iran avec le port du voile. Et le politiquement correct de Macron n'est bien sûr pas le même que celui de J-L.M. ou d'une Marine Le Pen.
Le problème n'est pas l'accès à l'information. De nombreux médias alternatifs sont de qualité et à disposition de quiconque se donne la peine d'aller les consulter. Le problème est que la majorité de la population s'en fiche - surtout les jeunes qui ne votent plus - et qu'elle a mieux à faire (et je la comprends) que de s'occuper de politique. La propagande est beaucoup plus agréable à entendre que la vérité, surtout en ces périodes de stress, d'angoisse et de souffrance, car elle nous apporte du confort psychologique. Se dire que c'est la faute de la Russie ou de la Chine est une manière de soulager notre mauvaise conscience et surtout de ne pas se remettre en cause. Avec le politiquement correct, on se retrouve finalement face à ce qu'Huxley appelait une dictature parfaite et La Boétie, une servitude volontaire.
En résumé, la guerre en Ukraine est une victoire d'une idéologie politiquement correcte que rien ne peut arrêter. Cette guerre nous échappe car nous n'avons plus les capacités intellectuelles de nous y opposer. Nos dirigeants sont obligés de s’enfoncer toujours plus loin dans le mensonge. La recherche de la vérité ne sert à rien ; ce ne sont pas ceux qui disent la vérité qui sont élus mais ceux qui mentent le mieux.
C'est une immense défaite intellectuelle.
Comment mettre un terme à ces politiques suicidaires ? Il faut rendre le pouvoir aux peuples. L'Europe appartient à ses citoyens et pas à une poignée de technocrates élus ou non. L'espoir réside dans les conventions citoyennes comme celle qui a eu lieu en 2022 sur l'avenir de l'Europe et qui s'est terminée au mois de mai. Malheureusement, les médias n'en ont quasiment pas parlé. Les conventions citoyennes permettent de briser les tabous. Contrairement aux électeurs et aux élus, les citoyens les citoyens des conventions se trompent rarement.
Les citoyens peuvent également se tromper mais dans un système démocratique, il serait facile de revenir en arrière car les membres d’une convention citoyenne ont l’esprit libre alors que les élus et les partis s'accrochent coûte que coûte à leurs convictions et à leur moindre parcelle de pouvoir. Plus l'échelle géographique augmente : région, pays, continent, planète, plus il serait nécessaire d'organiser ces conventions si veut espérer résoudre nos problèmes.
Qu'il s'agisse du climat ou de la fin de vie, les conventions citoyennes démontrent les capacités des simples citoyens à comprendre les enjeux, à réfléchir, à délibérer et à prendre des décisions au nom de l’intérêt commun. Le malheur, c’est que plutôt que d’aller la chercher, l’humanité fait confiance à des élus, à des ambitieux, à des démagogues ou à des princes. Les pires gouvernent. L’élection n’est pas la démocratie et les principaux bénéficiaires qui sont les élus et les riches, ont compris, depuis des décennies, tout l’intérêt qu’ils ont à nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Un système où on vote pour des hommes plutôt que pour des idées ne peut nous mener que de déception en déception, d’autant plus si l’élu n’a aucun compte à nous rendre. Lors d’une convention de citoyen, la barrière psychologique tombe, il n’est plus question de personnes mais seulement d’idées, et c’est là que tout devient possible. Elle permet aux hommes de laisser exprimer ce qu’il y a de meilleur en eux.
Quand j'évoque les conventions citoyennes, des questions reviennent souvent, notamment sur la légitimité des personnes tirées au sort, sur leurs compétences et le risque de corruption.
Je vois 3 raisons principales pour lesquelles les élus ne sont pas légitimes pour exercer un mandat législatif.
La première est que je suis obligé de choisir parmi des candidats que l’on m’a imposés.
La 2ème est que le candidat élu dans ma circonscription ne me représente pas. Si lors des votes à l’Assemblée, je pouvais donner un pouvoir à un député de mon choix en lui donnant des instructions pour chaque article ; le député pourrait être qualifié de représentant, mais ce n'est pas le cas. Dans cette assemblée, le peuple est « représenté » comme on représente un adulte sous curatelle, incapable de prendre une décision par lui-même.
La 3ème est que l'élection est une sorte de corruption morale. Les partis politiques sont un fléau pour le débat démocratique. L'immense majorité des députés ne doit pratiquement rien au peuple et pratiquement tout au système qui a permis leur élection.
La personne tirée au sort est légitime par le fait même que cette procédure est la seule qui soit démocratique. Le tirage au sort garantit la représentativité, il ne lèse personne et offre à tout citoyen la possibilité de servir sa patrie. Les citoyens qui seraient en conflit d'intérêt avec le thème seraient écartés.
Si j’étais député, je serais tenu d’un devoir de solidarité envers le groupe qui a permis mon élection, et je répondrais favorablement aux injonctions de mon chef, même si j’éprouve quelques divergences. Je voterais contre tous les textes du gouvernement et pour tous les amendements de mon parti.
Si j’étais tiré au sort dans une convention citoyenne sur les retraites, j’aurais été formé et informé de manière contradictoire sur le sujet. Je ne serais pas devenu un expert, mais après plusieurs semaines, j’aurais acquis suffisamment d’expérience pour en connaitre au moins autant qu’un député, si ce n’est davantage. J’agirai dans l’intérêt général car je sais qu’une fois la convention terminée, je redeviendrai un citoyen normal. Je serais en compagnie de citoyens qui ne pensent pas comme moi et c’est une chance, je serai à leur écoute, libre de douter et de modifier mon opinion, de ne pas servir les intérêts d’un parti. On aurait des divergences, mais on serait tous dans le même état d’esprit, et ça change tout.
Il me semble beaucoup plus facile et efficace de corrompre un élu haut placé qu'une dizaine de personnes tirées au sort que je ne connais pas, qui pourraient me dénoncer et m'envoyer en prison. S'il y avait une loi dissuasive contre les corrupteurs et les corrompus, le risque serait évité.
On admet que des "représentants" élus puissent voter et faire appliquer des décisions, mais on a encore trop de mal à admettre qu'une convention citoyenne puisse décider au nom du peuple français sans passer ensuite par des élus ou un référendum. Selon moi, avoir recours à l'un ou à l'autre serait un non-sens démocratique, on ne va pas demander à des élus au sein d'un système politique corrompu d'aller donner leur avis sur une convention citoyenne, de même qu'organiser un référendum n'a aucun sens. Un référendum clive et divise alors que la convention rassemble et unifie les Français de tout horizon politique grâce au tirage au sort.
L'avis émis lors d'une convention citoyenne devrait s'appliquer telle que, seul le conseil constitutionnel doit donner son avis.
Une fois votée et mise en application, l'évaluation de la loi est indispensable, il faut juger de son efficacité et de son applicabilité, et ceci à intervalles réguliers, par exemple tous les ans. Cela permet de revenir en arrière si on juge que l’on s’est trompé. Ces évaluations pourraient être menées par des citoyens volontaires tirés au sort qui auraient reçu une formation et qui seraient accompagnés par un professionnel. Ils seraient envoyés sur le terrain, au contact des Français, des administrations, des entreprises, pour voir comment la loi s'applique, s'il faut modifier certains points, voire l'abroger.
Arrêtons-nous là et autorisons-nous une minute de rêve. Nous sommes à Genève. Quinze citoyens russes et 15 citoyens ukrainiens tirés au sort sont assis autour d'une table. Le comité d'organisation est mixte. La Convention Citoyenne pour la paix en Ukraine vient de commencer…
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