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Accueil du site > Tribune Libre > La guerre et les masses d’argent qu’elle met en oeuvre... (...)

La guerre et les masses d’argent qu’elle met en oeuvre... L’exemple de Voltaire (article numéro 4)

Mais, lorsque nous le retrouvons en 1719, Voltaire a déjà reçu, depuis un an et demi, une leçon qui lui a fait sentir où se situe le pouvoir réel. Des vers qui lui étaient attribués, et qui étaient vraisemblablement de lui, mettaient en exergue d’éventuelles relations incestueuses entre le régent, Philippe d’Orléans, et sa fille, la duchesse de Berry. 

 Ces quelques lignes avaient valu au poète de séjourner pendant onze mois à la Bastille (16 mai 1717 – 14 avril 1718). Sa fréquentation ancienne de la duchesse du Maine ne pouvait certes qu’ajouter un petit supplément à son discrédit. Mais on voit bien que la soudaineté de son ralliement, corps et biens, à la politique du régent et aux aspects secrets – diplomatiques autant que militaires – auxquels il prétendait mettre la main, ne pouvait que susciter la plus extrême méfiance. 

L’essentiel ici est qu’il ait osé tenter l’aventure, et on voit avec quelle impudence.

D’où tirait-il les informations dont il fait étalage auprès du cardinal Dubois qui était tout de même un expert ? De sa fréquentation du maréchal de Villars (qu’on voit apparaître dans la lettre) en son château de Vaux, l’ancienne habitation du malheureux surintendant Fouquet…

Si la maréchale de Villars, bien plus jeune que son époux, s’était quelque peu entichée du poète de petite cour, le vieux guerrier, lui, a bien des choses à dire et, en particulier en ce qui concerne la fine équipe – en réalité, de bons gros messieurs, ainsi que les révèlent leurs portraits – la fine équipe, tout de même, des quatre frères Pâris. Car, il faut s’y résoudre, ils sont bien quatre, et l’aîné est alors le plus riche et le plus puissant…

À Nicolas-Claude Thieriot, le [31 mai 1723] :

« Si vous avez soin de mes affaires à la campagne, je ne néglige point les vôtres à Paris. J’ai eu avec M. Pâris l’aîné une longue conversation à votre sujet, je l’ai extrêmement pressé de faire quelque chose pour vous, j’ai tiré de lui des paroles positives et je dois retourner incessamment chez lui pour avoir une dernière réponse.  »

L’aîné, c’est Antoine ; le suivant, c’est Claude ; nous connaissons déjà les deux plus jeunes. D’où vient la fortune des deux grands frères ? Selon l’un de leurs biographes, l’abbé Pierrard : 
Ils s’enrichirent dans les entreprises des guerres qui commençèrent en 1700 pour finir en 1713. Leur crédit commença à s’affirmer à partir de 1707.” 

Parmi les causes d’une réussite qui paraît plutôt soudaine et relativement démesurée, Robert Dubois-Corneau retient “les relations qu’ils avaient à la Cour. Le duc de Beauvilliers, précepteur du duc de Bourgogne [le dauphin soi-même], Desmarets, contrôleur général des Finances, les maréchaux de Villeroy et de Villars les honoraient de leur protection”.

Revoici donc les maréchaux du Mémoire. Robert Dubois-Corneau continue de plus belle : 
Louis XIV ayant formé le projet de faire commander l’armée de Flandre par le dauphin et le maréchal de Villars, le ministre de la Guerre, M. de Chamillart [du Mémoire, lui aussi], eut ordre de fournir un état des approvisionnements sur la frontière. M. de Chamillart écrivit aussitôt à Pâris l’aîné de se trouver à Meudon avec ses trois frères pour rendre compte au dauphin de l’état des magasins.” 

À noter qu’en 1709, Montmartel, le petit dernier, n’avait encore que dix-neuf ans…En face de Voltaire qui ne perd pas une miette de ses propos, le maréchal de Villars est tout rempli de l’écriture de ses Mémoires où on peut lire à propos de cette campagne de 1709 : 
Les Pâris firent preuve en cette occasion de beaucoup d’ardeur avec de grands talents.” 

En conséquence de quoi, ce sont des flots d’argent qui vont transiter par leurs mains, pour y laisser un pourcentage dûment visé par leur cher protecteur, le contrôleur général Desmarets qui, aux dires de Claude Pâris, “nous accorda par convention expresse le produit du dixième des charges”, ce qui fut cause qu’ “à la mort de Louis XIV, il nous était encore dû 4 millions 270 000 livres”.

Petit point de comparaison : c’était l’époque où la solde de ceux qui laissaient leur vie, leurs membres ou simplement leur santé sur les champs de bataille en qualité de fantassins atteignait 
bravement la somme de 6 sous par jour (tous frais payés, faut-il s’empresser de dire, sans qu’il soit possible d’en rire). En comptant qu’en temps de guerre, il ne semble pas y avoir de dimanche, nous atteignons donc, pour une année de vie militaire, la somme astronomique de 2190 sous, ou encore de 109,5livres… Pendant ce temps, évidemment, nos quatre gros matamores ne risquaient à peu près que l’indigestion…

(Suite à l'article numéro 5)

Michel J. Cuny
 


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