La « Junk-présidence » : N. Sarkozy ou le futur sans avenir
« Dès que l'on fait un pas hors de la médiocrité, l'on est sauvé »
Ernest Psichari
« Il nous faut en France et en Europe un immense mouvement, une Lame de Fond pour reprendre la réalité du monde par la main tant qu'il en est encore temps avant qu'elle ne nous saute à la gorge. »
Renaud Bouchard

Voici deux constats :
Le premier offre l'image à la fois tranquille et terrifiante d'une réalité crue, immanente.
Le second traduit ce mélange tragique d'inconscience et d'aveuglement des situations hermétiques au danger dont on s'accommode tout en sachant qu'il est présent, à l'image de ces habitants qui vivent sur les pentes mortelles d'un volcan dont la masse leur est devenue aussi familière que les fumées qui s'échappent de son cratère.
Il y avait bien eu quelques alertes, certes, mais tout allait bien à Stabies, Resina, Herculanum et Pompei jusqu'au 24 août 79.
Et maintenant, sinon dans un futur proche, en France et en Europe, qu'en est-il ?
Premier constat :
"En 2040, écrivent les Politistes Gilles Pinson et Max Rousseau dans un Scénario de leur Laboratoire d'Urbanisme Insurrectionnel, l’économie française aura poursuivi son décrochage entamé dès la fin du XXe siècle et sera progressivement devenue un acteur déclassé dans la division internationale du travail désormais dominée par le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine.
La concurrence imposée par les ex-« pays émergents » aura durablement déstabilisé l’industrie française. Le pari de la spécialisation de l’économie nationale sur les activités « immatérielles » du tertiaire, de la R&D, de la conception et de l’écoconception aura été perdu car ce type d’activités aura suivi les activités manufacturières. Toutefois, cette évolution pourra également résulter en partie de choix, de luttes et de compromis.
On peut imaginer que de larges portions de la jeunesse, notamment celles issues des classes moyennes déclassées, auront fait pression pour des choix politiques de désintensification des rythmes économiques et sociaux et de refus des sacrifices induits par la mondialisation néolibérale.
La France, continuent G. Pinson et M. Rousseau, aura connu un approfondissement du processus de désindustrialisation. La poursuite des délocalisations des activités manufacturières aura fini par priver les activités de recherche et développement de leur substrat matériel. On ne trouvera plus d’activités high-tech en France. Le développement des activités de services aux entreprises aura été interrompu par cette perte de substance.
L’économie française se sera recentrée au mieux sur les activités liées au patrimoine, au tourisme, à l’agriculture et à l’œno-gastronomie, au pire sur des activités subalternes de support aux grandes firmes internationales (centres d’appel, recyclage, back-office). On verra aussi renaître au sein de communautés ou de quartiers ayant très tôt fait rupture avec les modèles dominants de la mondialisation néolibérale, des activités artisanales dans le domaine du textile ou de l’ameublement. Ces activités pourront devenir des foyers d’innovation et sources de n
ouveaux avantages comparatifs dans des secteurs négligés par les économies dominantes. Ce nouveau type de spécialisation de l’économie française sera perçu comme non dépourvu d’avantages : il sera moins dommageable pour l’environnement, il aura permis dans certains cas de redonner un sens au travail ; par ailleurs, il aura permis de conserver les aménités naturelles et patrimoniales du pays et d’attirer les élites sociales des pays émergents en quête d’authenticité.
Les principales métropoles françaises et européennes, continuent les deux auteurs, seront reléguées dans la hiérarchie des villes mondiales désormais dominée par Shanghai, Pékin, Bombay, São Paulo et Moscou. Les grandes villes françaises, notamment celles qui ne bénéficient pas de la manne du tourisme international et de la résidence de luxe, seront désormais en compétition avec les métropoles africaines émergentes pour la relocalisation des centres d’appel ou les plates-formes de recyclage.
Les métropoles françaises seront redevenues des villes de taille modeste, marginalisées dans la hiérarchie urbaine internationale mais en même temps décongestionnées et, parfois, pour les mieux loties d’entre elles, offrant une meilleure qualité de vie, ce qui leur permet d’accueillir l’élite transnationale et ses subordonnés (traders, cadres supérieurs, entrepreneurs à succès) : en sus d’une résidence principale à Shanghai ou Rio, le mas dans l’arrière-pays niçois, voire la longère finistérienne ont progressivement remplacé les traditionnels lofts à New York, Paris, Londres et Tokyo comme lieux de villégiature de la nouvelle classe capitaliste mondialisée.
La métropole parisienne aura par ailleurs perdu une bonne partie de ses sièges sociaux et de ses fonctions directionnelles. Elle aura partiellement compensé en développant,comme la Provence et la Côte d’Azur, les fonctions résidentielles, touristiques et universitaires à destination de l’élite transnationale.
Globalement, la hiérarchie urbaine ne sera pas tant étirée que fortement diversifiée : certaines villes pourront faire valoir leur qualité patrimoniale, la beauté de leur pourtour rural, la qualité des produits agroalimentaires et se positionner dans la captation de la résidence, du tourisme et de la consommation de l’élite transnationale ; d’autres en revanche ne parviendront pas à suivre cette tendance et seront obligés de « courir la délocalisation ».
En 2040, la France sera un pays vieux et point de départ, qui plus est, d’une importante émigration. La population nationale sera revenue à 50 millions d’habitants. Les jeunes hautement qualifiés comme peu qualifiés émigreront vers les nouveaux pôles de croissance mondiaux. Cette hémorragie interviendra dans un pays déjà vieillissant, ce qui posera des problèmes à la fois du point de vue du dynamisme économique et de la survie des systèmes de protection sociale."
http://laboratoireurbanismeinsurrec...
Sujet à discussion comme toutes les hypothèses devenues passionnantes lorsqu'elles mêlent prospective et réalité, le scénario ici dépeint - soit-dit en passant un véritable enterrement de première classe -, ne fait que concrétiser ce que tout un chacun peut aisément pressentir pourvu qu'il se donne la peine d'orienter le puissant pinceau lumineux de ses interrogations vers les linéaments d'un futur d'autant plus proche qu'il est déjà sous nos yeux.
Deuxième constat :
En réalité, qu'il s'agisse de mégapoles, d'archipoles, i.e. de structures politiques, économiques et sociales qui s'inscrivent dans des scenarii de prospective urbanistique, il faut comprendre que n'est pas tant à une immense et probablement irréversible marginalisation économique sur fond de renchérissement d'accès à l'énergie, à un reflux démographique, à des tensions ethniques, religieuses et sociales, à une logique de paupérisation différenciée, à une précarité généralisée, à l'émergence de systèmes de protection sociale devenus résiduels, que nous assistons, mais tout simplement à un complet décrochage de la France dans un contexte de mutations géopolitiques de première grandeur auxquelles peu de gens prêtent attention.
La France, comme l'Europe, sont traversées et travaillées en profondeur depuis des années par des mouvements de tectoniques politique, économique et sociale qui réclament une prise en compte, un examen, une réaction et la mise en œuvre de solutions bien éloignées de ce que nous offrent les acteurs politiques actuels.
Une bimbo est en taule, des histrions s'insultent et rivalisent de grossièreté sur les plateaux de télévision, le président de la République étale sa vie privée, un chef de clan qui avait juré la main sur le cœur qu'il quitterait la vie politique tente aujourd'hui d'entrer par effraction dans une maison qui devrait lui être interdite. Chacun complétera la liste.
Est-ce là l'actualité ?Certainement pas !
Qui pendant ce temps, par exemple, peut dire en toute honnêteté qu'il a non seulement entendu parler mais encore pris le temps d'écouter sinon de lire avec attention les déclarations d'une importance majeure que constituent les propos de M. Vladimir Poutine tenus à Sotchi devant le Club de Valdaï sur le nouvel ordre mondial le 24 octobre 2014 et ceux de M. Sergueï V. Lavrov du 22 novembre 2014 sur la politique étrangère de la Fédération de Russie, lesquelles représentent une feuille de route inaugurale pour ce début du XXIème siècle ?
Probablement peu de gens. Voyez ici ce qu'il en est :
http://sayed7asan.blogspot.fr/2014/...
http://www.mid.ru/brp_4.nsf/0/24454...
http://www.vineyardsaker.fr/2014/11...
En France - et la mise en perspective de ces deux événements est au fond dramatique, opposant réalisme et talent diplomatiqu d'un côté, pitreries de basse-cour de l'autre -, c'est un Conclave qui s'est réuni pour en appeler au retour du pontifex-maximus.
« Habemus papam », a déclaré M.A. Juppé, quelque peu dépité, mesurant sans doute l'ampleur du vide et renvoyant, tels des vaticanologues amateurs, les commentateurs de ce non-événement à la vaine tentation d'expliquer de quelle façon les naufragés de la Curie UMP ont ressuscité un zombie politique au service de la France.
On aura en réalité assisté au retour d'un chef de gang : le « Capo » à la tête de sa « Famiglia ».
Et ce personnage aurait la prétention d'exercer à nouveau, au nom de sa « famille politique retrouvée », les fonctions de président de la République française ?
Habemus Papam, Eminentissimum ac Reverendissimum Dominum Franciae ?
Soyons réalistes !
Le rêve éveillé a ses limites.
D'où vient cet aveuglement d'une partie de l'électorat qui refuse de voir ce qu'il peut y avoir d'incongru à continuer une allégeance à l'endroit d'un personnage qui concentre sur sa seule personne - sans parler de son entourage - un ensemble d'éléments dont le moindre d'entre-eux devrait le disqualifier à jamais pour reprendre la main d'une camarilla portant le faux-nez d'un parti dit de gouvernement ?
Comme si nous devions, comme si nous pouvions accepter rien d'autre qu'un choix maléfique entre la réélection d'un bandit à la tête d'une droite éreintée en panne d'idées, la perspective d'une continuation de l'expérience socialiste dans sa volonté d'ajuster la réalité du monde à une vision idéologiquement dépassée, ou encore l'inéluctabilité d'un nationalisme dévoyé exaltant la part d'ombre d'un électorat prêt à choisir n'importe quoi dans la petite épicerie familiale.
Du "ripolinage" d'un clan à la mise à l'écart des vieux caciques anciens Premiers ministres dans ce qui s'apparente à un cimetière politique, tous les ingrédients sont réunis pour la réédition d'un programme néfaste et d'un futur sans avenir.
La "Gonzo-présidence" laissera-t-elle la place à la "Junk-présidence" ?
A quel degré de bassesse et d'inconsistance descendra encore la vie politique de la France désormais hachée par une succession de saisons dignes des pires Télé Novelas ?
Serait-ce là l'unique perspective que nous réserve l'élection de 2017, sur fond de délabrement politique, économique, social d'une France et d'une Europe qui sont en train de glisser inexorablement hors du cadre - comme illustré plus haut -, et qui seraient condamnées à supporter les agissements néfastes de gens qui ont amplement prouvé leur incapacité comme leur malhonnêteté ?
D'où vient cette fascination d'un pareil nivellement par le bas ?
Les consultations électorales au sein de l'UMP, comme au sein du PS ou du FN ne sont que des révolutions de bocal, un ensemble de résidus toxiques pour la France qu'il va falloir réduire par précipitation pour les rendre inertes avant que de les éliminer du paysage politique.
Il ne s'agit pas tant de « redresser » la France que de faire en sorte qu'elle cesse de tourner en rond.
Il s'agit de la remettre sur les rails.
Il s'agit de lui offrir autre chose que cette médiocrité de l'offre politique dans laquelle elle se complaît par facilité.
Il s'agit de faire un simple pas de côté pour quitter la médiocrité.
Il s'agit de donner un coup de balai à tous ces zélateurs de « primaires », « de rassemblements », « d'unions », de « renouveaux », qui n'ont en réalité que leur intérêt personnel en vue et recyclent depuis des années, par de grossiers changements d'étiquettes, des produits usés tirés du catalogue d'une manufacture en faillite.
Les enjeux nationaux sont une chose, les enjeux internationaux en sont une autre.
Que les choses soient claires : il reste deux ans pour faire en sorte que le prochain président de la République ne soit pas élu par défaut mais qu'il le soit par une offre radicalement différente, capable de répondre à l'immense aspiration des Français à quelque chose de réellement nouveau : un profond mouvement, une puissante Lame de Fond porteuse de changement.
Non au retour d'un "Junk-Président" et oui à un véritable chef de l'Etat !
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