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Accueil du site > Tribune Libre > La « Junk-présidence » : N. Sarkozy ou le futur sans avenir

La « Junk-présidence » : N. Sarkozy ou le futur sans avenir

« Dès que l'on fait un pas hors de la médiocrité, l'on est sauvé »

Ernest Psichari

« Il nous faut en France et en Europe un immense mouvement, une Lame de Fond pour reprendre la réalité du monde par la main tant qu'il en est encore temps avant qu'elle ne nous saute à la gorge. »

Renaud Bouchard

Voici deux constats :

Le premier offre l'image à la fois tranquille et terrifiante d'une réalité crue, immanente.

Le second traduit ce mélange tragique d'inconscience et d'aveuglement des situations hermétiques au danger dont on s'accommode tout en sachant qu'il est présent, à l'image de ces habitants qui vivent sur les pentes mortelles d'un volcan dont la masse leur est devenue aussi familière que les fumées qui s'échappent de son cratère.

Il y avait bien eu quelques alertes, certes, mais tout allait bien à Stabies, Resina, Herculanum et Pompei jusqu'au 24 août 79.

Et maintenant, sinon dans un futur proche, en France et en Europe, qu'en est-il ?

 

Premier constat :

"En 2040, écrivent les Politistes Gilles Pinson et Max Rousseau dans un Scénario de leur Laboratoire d'Urbanisme Insurrectionnel, l’économie française aura poursuivi son décrochage entamé dès la fin du XXe siècle et sera progressivement devenue un acteur déclassé dans la division internationale du travail désormais dominée par le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine.

La concurrence imposée par les ex-« pays émergents » aura durablement déstabilisé l’industrie française. Le pari de la spécialisation de l’économie nationale sur les activités « immatérielles » du tertiaire, de la R&D, de la conception et de l’écoconception aura été perdu car ce type d’activités aura suivi les activités manufacturières. Toutefois, cette évolution pourra également résulter en partie de choix, de luttes et de compromis.

On peut imaginer que de larges portions de la jeunesse, notamment celles issues des classes moyennes déclassées, auront fait pression pour des choix politiques de désintensification des rythmes économiques et sociaux et de refus des sacrifices induits par la mondialisation néolibérale.

La France, continuent G. Pinson et M. Rousseau, aura connu un approfondissement du processus de désindustrialisation. La poursuite des délocalisations des activités manufacturières aura fini par priver les activités de recherche et développement de leur substrat matériel. On ne trouvera plus d’activités high-tech en France. Le développement des activités de services aux entreprises aura été interrompu par cette perte de substance.

L’économie française se sera recentrée au mieux sur les activités liées au patrimoine, au tourisme, à l’agriculture et à l’œno-gastronomie, au pire sur des activités subalternes de support aux grandes firmes internationales (centres d’appel, recyclage, back-office). On verra aussi renaître au sein de communautés ou de quartiers ayant très tôt fait rupture avec les modèles dominants de la mondialisation néolibérale, des activités artisanales dans le domaine du textile ou de l’ameublement. Ces activités pourront devenir des foyers d’innovation et sources de n

ouveaux avantages comparatifs dans des secteurs négligés par les économies dominantes. Ce nouveau type de spécialisation de l’économie française sera perçu comme non dépourvu d’avantages : il sera moins dommageable pour l’environnement, il aura permis dans certains cas de redonner un sens au travail  ; par ailleurs, il aura permis de conserver les aménités naturelles et patrimoniales du pays et d’attirer les élites sociales des pays émergents en quête d’authenticité.

Les principales métropoles françaises et européennes, continuent les deux auteurs, seront reléguées dans la hiérarchie des villes mondiales désormais dominée par Shanghai, Pékin, Bombay, São Paulo et Moscou. Les grandes villes françaises, notamment celles qui ne bénéficient pas de la manne du tourisme international et de la résidence de luxe, seront désormais en compétition avec les métropoles africaines émergentes pour la relocalisation des centres d’appel ou les plates-formes de recyclage.

Les métropoles françaises seront redevenues des villes de taille modeste, marginalisées dans la hiérarchie urbaine internationale mais en même temps décongestionnées et, parfois, pour les mieux loties d’entre elles, offrant une meilleure qualité de vie, ce qui leur permet d’accueillir l’élite transnationale et ses subordonnés (traders, cadres supérieurs, entrepreneurs à succès) : en sus d’une résidence principale à Shanghai ou Rio, le mas dans l’arrière-pays niçois, voire la longère finistérienne ont progressivement remplacé les traditionnels lofts à New York, Paris, Londres et Tokyo comme lieux de villégiature de la nouvelle classe capitaliste mondialisée.

La métropole parisienne aura par ailleurs perdu une bonne partie de ses sièges sociaux et de ses fonctions directionnelles. Elle aura partiellement compensé en développant,comme la Provence et la Côte d’Azur, les fonctions résidentielles, touristiques et universitaires à destination de l’élite transnationale.

Globalement, la hiérarchie urbaine ne sera pas tant étirée que fortement diversifiée : certaines villes pourront faire valoir leur qualité patrimoniale, la beauté de leur pourtour rural, la qualité des produits agroalimentaires et se positionner dans la captation de la résidence, du tourisme et de la consommation de l’élite transnationale  ; d’autres en revanche ne parviendront pas à suivre cette tendance et seront obligés de « courir la délocalisation ».

En 2040, la France sera un pays vieux et point de départ, qui plus est, d’une importante émigration. La population nationale sera revenue à 50 millions d’habitants. Les jeunes hautement qualifiés comme peu qualifiés émigreront vers les nouveaux pôles de croissance mondiaux. Cette hémorragie interviendra dans un pays déjà vieillissant, ce qui posera des problèmes à la fois du point de vue du dynamisme économique et de la survie des systèmes de protection sociale."

http://laboratoireurbanismeinsurrec...

Sujet à discussion comme toutes les hypothèses devenues passionnantes lorsqu'elles mêlent prospective et réalité, le scénario ici dépeint - soit-dit en passant un véritable enterrement de première classe -, ne fait que concrétiser ce que tout un chacun peut aisément pressentir pourvu qu'il se donne la peine d'orienter le puissant pinceau lumineux de ses interrogations vers les linéaments d'un futur d'autant plus proche qu'il est déjà sous nos yeux.

 

Deuxième constat :

En réalité, qu'il s'agisse de mégapoles, d'archipoles, i.e. de structures politiques, économiques et sociales qui s'inscrivent dans des scenarii de prospective urbanistique, il faut comprendre que n'est pas tant à une immense et probablement irréversible marginalisation économique sur fond de renchérissement d'accès à l'énergie, à un reflux démographique, à des tensions ethniques, religieuses et sociales, à une logique de paupérisation différenciée, à une précarité généralisée, à l'émergence de systèmes de protection sociale devenus résiduels, que nous assistons, mais tout simplement à un complet décrochage de la France dans un contexte de mutations géopolitiques de première grandeur auxquelles peu de gens prêtent attention.

La France, comme l'Europe, sont traversées et travaillées en profondeur depuis des années par des mouvements de tectoniques politique, économique et sociale qui réclament une prise en compte, un examen, une réaction et la mise en œuvre de solutions bien éloignées de ce que nous offrent les acteurs politiques actuels.

Une bimbo est en taule, des histrions s'insultent et rivalisent de grossièreté sur les plateaux de télévision, le président de la République étale sa vie privée, un chef de clan qui avait juré la main sur le cœur qu'il quitterait la vie politique tente aujourd'hui d'entrer par effraction dans une maison qui devrait lui être interdite. Chacun complétera la liste.

Est-ce là l'actualité ?Certainement pas !

Qui pendant ce temps, par exemple, peut dire en toute honnêteté qu'il a non seulement entendu parler mais encore pris le temps d'écouter sinon de lire avec attention les déclarations d'une importance majeure que constituent les propos de M. Vladimir Poutine tenus à Sotchi devant le Club de Valdaï sur le nouvel ordre mondial le 24 octobre 2014 et ceux de M. Sergueï V. Lavrov du 22 novembre 2014 sur la politique étrangère de la Fédération de Russie, lesquelles représentent une feuille de route inaugurale pour ce début du XXIème siècle ?

Probablement peu de gens. Voyez ici ce qu'il en est :

http://sayed7asan.blogspot.fr/2014/...

http://www.mid.ru/brp_4.nsf/0/24454...

http://www.vineyardsaker.fr/2014/11...

 

En France - et la mise en perspective de ces deux événements est au fond dramatique, opposant réalisme et talent diplomatiqu d'un côté, pitreries de basse-cour de l'autre -, c'est un Conclave qui s'est réuni pour en appeler au retour du pontifex-maximus. 

« Habemus papam », a déclaré M.A. Juppé, quelque peu dépité, mesurant sans doute l'ampleur du vide et renvoyant, tels des vaticanologues amateurs, les commentateurs de ce non-événement à la vaine tentation d'expliquer de quelle façon les naufragés de la Curie UMP ont ressuscité un zombie politique au service de la France.

On aura en réalité assisté au retour d'un chef de gang : le « Capo » à la tête de sa « Famiglia ».

Et ce personnage aurait la prétention d'exercer à nouveau, au nom de sa « famille politique retrouvée », les fonctions de président de la République française ?

Habemus Papam, Eminentissimum ac Reverendissimum Dominum Franciae ?

Soyons réalistes !

Le rêve éveillé a ses limites.

D'où vient cet aveuglement d'une partie de l'électorat qui refuse de voir ce qu'il peut y avoir d'incongru à continuer une allégeance à l'endroit d'un personnage qui concentre sur sa seule personne - sans parler de son entourage - un ensemble d'éléments dont le moindre d'entre-eux devrait le disqualifier à jamais pour reprendre la main d'une camarilla portant le faux-nez d'un parti dit de gouvernement ?

Comme si nous devions, comme si nous pouvions accepter rien d'autre qu'un choix maléfique entre la réélection d'un bandit à la tête d'une droite éreintée en panne d'idées, la perspective d'une continuation de l'expérience socialiste dans sa volonté d'ajuster la réalité du monde à une vision idéologiquement dépassée, ou encore l'inéluctabilité d'un nationalisme dévoyé exaltant la part d'ombre d'un électorat prêt à choisir n'importe quoi dans la petite épicerie familiale.

Du "ripolinage" d'un clan à la mise à l'écart des vieux caciques anciens Premiers ministres dans ce qui s'apparente à un cimetière politique, tous les ingrédients sont réunis pour la réédition d'un programme néfaste et d'un futur sans avenir.

La "Gonzo-présidence" laissera-t-elle la place à la "Junk-présidence" ?

A quel degré de bassesse et d'inconsistance descendra encore la vie politique de la France désormais hachée par une succession de saisons dignes des pires Télé Novelas ?

Serait-ce là l'unique perspective que nous réserve l'élection de 2017, sur fond de délabrement politique, économique, social d'une France et d'une Europe qui sont en train de glisser inexorablement hors du cadre - comme illustré plus haut -, et qui seraient condamnées à supporter les agissements néfastes de gens qui ont amplement prouvé leur incapacité comme leur malhonnêteté ?

D'où vient cette fascination d'un pareil nivellement par le bas ?

Les consultations électorales au sein de l'UMP, comme au sein du PS ou du FN ne sont que des révolutions de bocal, un ensemble de résidus toxiques pour la France qu'il va falloir réduire par précipitation pour les rendre inertes avant que de les éliminer du paysage politique.

Il ne s'agit pas tant de « redresser » la France que de faire en sorte qu'elle cesse de tourner en rond.

Il s'agit de la remettre sur les rails.

Il s'agit de lui offrir autre chose que cette médiocrité de l'offre politique dans laquelle elle se complaît par facilité.

Il s'agit de faire un simple pas de côté pour quitter la médiocrité.

Il s'agit de donner un coup de balai à tous ces zélateurs de « primaires », « de rassemblements », « d'unions », de « renouveaux », qui n'ont en réalité que leur intérêt personnel en vue et recyclent depuis des années, par de grossiers changements d'étiquettes, des produits usés tirés du catalogue d'une manufacture en faillite.

Les enjeux nationaux sont une chose, les enjeux internationaux en sont une autre.

Que les choses soient claires : il reste deux ans pour faire en sorte que le prochain président de la République ne soit pas élu par défaut mais qu'il le soit par une offre radicalement différente, capable de répondre à l'immense aspiration des Français à quelque chose de réellement nouveau : un profond mouvement, une puissante Lame de Fond porteuse de changement.

Non au retour d'un "Junk-Président" et oui à un véritable chef de l'Etat ! 


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15 réactions à cet article    


  • Job Morro Job Morro 2 décembre 2014 15:51

    Pour la mémoire des prévisionnistes/

    Dans x années la France ??La vallée du Rhône zone d’exclusion, la vallée de la Loire zone d’exclusion, la vallée de la Garonne zone d’exclusion, 
    ce ne sont pas des probabilités ce sont des certitudes après les désordres cumulés des réacteurs cumulés qui vont survenir, un par un, au bout de leur vétusté, rafistolés au moins onéreux par des personnels intérimaires .... Se référer à la carte des réacteurs en service... dont on ne sait pas encore comment les démanteler (Ils y sont depuis plus de 20 ans à Brennilis (Finistère) un réacteur à eau lourde très peu sophistiqué... Les autres ça va durer des millénaires donc les zones d’exclusion idem !!)

    Bon courage aux survivants !



    • Fergus Fergus 3 décembre 2014 09:31

      Bonjour, Job.

      Si c’est ça ou le pays envahi de hideuses éoliennes, autant se suicider tout de suite !

      Par chance, le pire n’est jamais sûr.


    • Hervé Hum Hervé Hum 2 décembre 2014 23:49

      Vous voulez une offre radicalement différente ?

      en voici une... les BAL


      • Le421... Refuznik !! Le421 3 décembre 2014 08:55

        J’expliquais, pas plus tard qu’hier et à un copain commerçant et artisan, puisque boulanger - l’un des, sinon le meilleur de Sarlat - que le pays France est devenu un ramassis d’abrutis complètement lobotomisés par des médias omniprésents et pervertis par les lobbies de l’argent.
        Ecris ce que je te dis sinon t’auras pas ma pub, donc mon pognon et donc de quoi vivre.
        Parce que ton torchon ou ton émission de merde, personne ne le lis à part quelques cinglés ou personne ne la regardera...
        Ce matin encore, le Figaro, dont on connaît l’honnêteté du propriétaire, industriel et sénateur-maire, avec des pratiques plus qu’inqualifiables mais toujours épargné, annonce que si on faisait des législatives (putain que ça serait bien !!), la droite (comme si la gauche était au pouvoir, bonjour les autistes !!) remporterais 80% de l’Assemblée Nationale.
        Moi, l’affreux gaucho du FDG, pestiféré et interdit de séjour sur tout support médiatique, je finis presque par souhaiter ce cas de figure.
        Sarko Président, Marine, adjointe et tout l’orchestre derrière.
        Fin des 35H (comme si ça avait jamais existé dans le pays !!), fin du SMIC (comme si, avec toutes les tricheries possibles, ça n’avait jamais été contourné !!), retraite à 65 voire 67 ans, etc, etc...
        Et là, j’attendrais patiemment du haut de ma soixantaine autoentrepreneuse qui se démerde pas trop mal, de voir si les « conos » de service tiendraient longtemps à ce rythme !!
        Les artisans gueulent après les tracasseries administratives, les charges et tout le toutim ??
        Et bien, ils ont qu’à boucler leur boite et devenir autoentrepreneur, puisque la légende veut qu’on ne paye rien*...
        Ils feraient mieux de réfléchir que le carnet de commande, ce qui est le principal, se remplirait mieux avec des gens qui gagneraient leur vie, ce qui n’est plus le cas !!
        L’ouvrier qui gagne 1500€ en construisant des voitures, ne peut pas en acheter une neuve. La banque ne lui prêtera pas ou dans des conditions scélérates (au US, ils ont trouvé le truc, si tu payes pas, on bloque la bagnole avec une balise GPS) et l’usine ne vendra pas suffisamment pour payer mieux.
        Même le Téléthon fait construire les plateaux de partout par la même société qui a fait le studio de Pujadas !! Une entreprise portugaise avec des ouvriers payés à la cerise avec le pognon de la redevance télé.
        Tout va bien, je vous le dis, tout va bien... Vivement que ça pète, et pour de bon !! Pas « un peu », mais « bien ».
        *25% de charges, fini les frais, les voitures de fonction, les achats hors taxes, etc, etc... Le gasoil ?? Tu payes de ta poche !! Et tout comme ça.
        On simplifie tout, on paye des charges et on ne récupère rien. Il faut « jouer le jeu ». Sauf que ces gens-là veulent le beurre, l’argent du beurre et le minou de la crémière !!


        • Renaud Bouchard Renaud Bouchard 3 décembre 2014 10:19

          @421


          Bonjour et merci pour votre observation.
          La mise à feu est enclenchée. Elle ira à son terme si on ne l’interrompt pas.
          Il existe une manère très simple de relancer l’économie : 200 € de plus sur la fiche de paye, il y aura un résultat.J’ai exposé la question à près d’une centaine de personnes, toutes différentes, travaillant dans ds activités très variées : personne n’a rejeté l’idée et encore moins l’équation « pas d’argent = pas de consommation » 

          « L’ouvrier qui gagne 1500€ en construisant des voitures, ne peut pas en acheter une neuve. La banque ne lui prêtera pas ou dans des conditions scélérates (au US, ils ont trouvé le truc, si tu payes pas, on bloque la bagnole avec une balise GPS) et l’usine ne vendra pas suffisamment pour payer mieux.

           »http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-73941-baisse-des-ventes-de-voiture-ouvriers-trop-payes-1015306.php
          Un secteur industriel est particulièrement touché par la crise : l’automobile. Les voitures françaises accusent particulièrement le coût. Les ouvriers français sont ils trop payés ?

          Globalement le marché est en chute libre avec une année 2012 catastrophique : -12% en moyenne et jusqu’à -20% pour certains constructeurs. La chute importante de la consommation en Europe en est la cause et ce triste constat pourrait s’arrêter là. Il suffit que les éventuels clients décalent de 3 mois leur intention d’achat pour que le marché recule de 25% en fin d’année. Ca va vite.

          Ceci dit, certains constructeurs s’en sortent mieux que d’autres ; les constructeurs Allemands au premier chef.

          Comment réagir face à cette situation ? Les voitures françaises coûtent elles trop cher à fabriquer face à leurs concurrentes ? Le salut viendra-t-il d’une dévaluation salariale permettant un gain de compétitivité salvateur ?

          La main d’œuvre est de 9% dans le coût de production d’une voiture (3ème poste derrière les matières premières à hauteur de 55%, les frais d’études et généraux à 30%). 

          Prenons l’exemple du marché de la citadine (segment B) : Lorsqu’une voiture française est présentée en entrée de gamme à 12 000 euros environ, la part de coût liée à la main d’œuvre est d’environ 1 200 euros (coût de main d’œuvre arrondi à 10%).

          Première question : peut on penser que cette voiture ne se vend pas à cause de son seul coût qui serait trop élevé ?

          Continuons : si la réponse est oui, alors à combien faut il descendre les coûts de main d’œuvre, toute chose étant égale par ailleurs, pour que la voiture se vende ? Exagérons pour l’exemple : baissons de 50% les coûts salariaux des employés de l’usine assemblant la voiture. Notre voiture est ainsi proposée à un prix de vente qui n’est plus de 12000 euros mais de 11400 euros. Peut on penser que les ventes vont alors substantiellement augmenter ?

          En ces temps de crise, une remise commerciale concessionnaire de 5% semble par ailleurs assez facilement consentie, soit 600 euros pour notre voiture à 12000 euros. Autant que l’économie réalisée par une baisse de 50% des coûts de main d’œuvre. Comment se fait il alors que les ventes restent à de si faibles volumes ?

          Comment expliquer par ailleurs que sur le marché de la citadine, une marque allemande progresse là où les marques françaises perdent des parts de marché en vendant des véhicules à 18 000 euros en entrée de gamme, hors options, soit 50% plus cher que notre citadine à 12 000 euros. Comment se fait il qu’une marque italienne progresse également sur ce marché en vendant une mini citadine (segment A) à un prix d’environ 15 000 euros soit 25% plus cher ?

          Sur le marché de l’automobile, en France, il faut bien le dire, les constructeurs français perdent des parts de marché là où certains constructeurs étrangers (allemands, japonais, italiens …) en gagnent en vendant plus cher, avec plus de marge et des volumes plus importants : triple jackpot.

          Pourquoi cette réalité ? Il s’agit plus d’un problème d’offre produit et de compétitivité hors prix : qualité, performance, design, image de marque … Parfois, si un produit ne se vend pas, c’est que les clients préfèrent celui de la concurrence, perçu comme « mieux », « plus performant », « de meilleure qualité », « à la mode » etc … ou tout autre qualificatif non lié à son seul coût.

          Quel est le bilan de ces 15 dernières années de ce point de vue là ? Quel est la part du chiffre d’affaire investie en recherche et développement ? Celle de la concurrence ? Quelle stratégie marketing sur les produits ? Sur la notoriété, le « branding » ? Sur l’optimisation des process de production ? Le bilan et l’analyse « hors prix » est également à analyser pour comprendre les pertes de parts de marché face à la concurrence.

          Pendant que certains ferment des usines, Toyota se voit remettre le 9 mai 2013 le label « Origine France Garantie » pour son modèle Yaris fabriqué à Valenciennes (nord), destiné au marché français et à l’exportation, notamment vers l’Amérique du Nord. Il est possible de produire en France, avec des ouvriers français, en vendant sur le marché national comme à l’export.

          La course au prix bas est une dégradation de valeur. Si seul le prix tient la part de marché, alors c’est une course vers le « low cost » et en ces temps de mondialisation où les émergents produisent à leur tour il y aura toujours quelqu’un pour faire un « poil » moins cher, à qualité égale ou tout du moins perçue comme telle.

          S’il ne s’agit que de réduire les coûts en France pour investir sur des sites de production à l’étranger et conquérir des parts de marché dans les pays émergents, cela n’arrangera en rien la croissance sur le sol français. Peugeot va fermer Aulnay et le marché chinois, là où sont construites ses usines (en partenariats avec des industriels locaux), devient en même temps son premier marché ; devant le territoire français désormais.

          Renault construit des usines au Maroc et progresse en parts de marché à l’international dans les pays émergents. Carlos Goshn explique très clairement qu’il doit baisser ses coûts et ses prix de ventes pour être concurrentiel sur ses segments face aux autres constructeurs permettant à Renault de gagner au final grâce à l’accroissement des volumes de ventes à l’international. L’augmentation du chiffre d’affaire à l’export résultant de la production et des ventes à l’étranger est bonne pour la santé financière du groupe industriel. On ne peut que s’en réjouir. Mais l’économie réelle en France en profite-t-elle vraiment ? A quelle hauteur ?

          Certes Renault et Peugeot doivent agir et réagir aujourd’hui, avec leurs modèles économiques actuels et selon leurs capacités financières du moment. Investir en recherche et développement, innover et concevoir des nouveaux produits nécessite du financement, via les marges dégagées et/ou via l’endettement.

          C’est désormais dans les convictions de beaucoup de personnes et il faut s’en réjouir, nous savons que le salut industriel passera par la montée en gamme.

          Monter en gamme demande d’augmenter les marges pour récupérer de la capacité de financement ; à prix de vente constant dans un premier temps, il est donc nécessaire de baisser les coûts de revient.

          La compétitivité prix est elle alors le seul salut à très court terme, en passant par de la flexibilité ? Peut être. Mais le « deal » social entre partenaires sociaux doit être de garantir que les marges additionnelles générées vont bien servir l’investissement nécessaire à la montée en gamme, et non la construction d’usines à l’étranger ou la rémunération des actionnaires.

          L’accord de compétitivité signé chez Renault devrait permettre de faire baisser le prix des voitures produites en France de 300 euros. Cela va t il « booster » les ventes en France ? Carlos Goshn ne s’y trompe pas et préfère présenter un gain annuel de plus de 500 millions d’euros sur l’ensemble de la production (environ 1 400 000 véhicules). Il faut espérer que ces 500 millions viendront nourrir l’investissement technologique pour permettre à terme d’augmenter la production des futures automobiles en France, et non à l’étranger.

          L’enjeu politique pour la France n’est pas tant de savoir comment augmenter le chiffre d’affaire des entreprises à l’international que de garantir la croissance de production sur son territoire.

          Si les marges servent à nourrir la délocalisation pour ne croître que sur les zones marchandes émergentes, les efforts d’aujourd’hui sont les caveaux de demain pour l’emploi en France.

          Les allemands produisent en Allemagne (au minimum assemblent dans certains cas), vendent en Allemagne comme au reste du monde, en zone euro comme en zone émergente avec des produits de qualités, à un certain niveau de prix, garantissant les marges. La qualité et le haut de gamme le permettent. L’emploi reste aussi local. Si nous voulons comparer avec l’Allemagne, il faut tout comparer. Par ailleurs, si les coûts salariaux en Allemagne sont d’environ 10% plus faibles qu’en France, c’est pour des raisons propres à l’Allemagne. Tout n’est pas duplicable aux autres pays et le contexte politique européen doit le prendre en compte .

          Le problème fondamental n’est pas que le coût du travail, ce serait trop simpliste.

          L’industrie française doit retrouver sa compétitivité pour regagner des parts de marché. La compétitivité hors prix est la composante la plus sensible : sur une montée de gamme, elle doit permettre de vendre plus cher pour générer plus de marge. L’économie française a par ailleurs besoin de maintenir son premier moteur de croissance qui est la consommation des ménages : de ce point de vue là, toute baisse de salaire contribuera à baisser la consommation et à renforcer la récession. Le curseur sur les charges permettant de réduire le coût du travail sans diminuer le salaire brut engage des choix politiques structurant. Ces choix doivent être débattus entre les partenaires sociaux.

          Il est fondamental d’augmenter la richesse des entreprises ; celle des ménages aussi, clients des entreprises. Quel professionnel se réjouirait de voir ses clients s’appauvrir ?

          Il faut un certain temps pour accomplir ces travaux de fond et surtout beaucoup d’investissements. C’est sur l’investissement que la puissance publique doit consacrer toute son énergie. Avant toute rigueur destructrice ou toute dépense de fonctionnement inutile, l’ Etat doit se charger de soutenir l’investissement des entreprises en veillant à ce que celui-ci serve l’économie réelle et la création d’emplois en France. 

          <>


          En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-73941-baisse-des-ventes-de-voiture-ouvriers-trop-payes-1015306.php?S1EG7qzQzB7SHtKH.99

        • izarn izarn 3 décembre 2014 12:21

          Acheter plus cher une Renault ou Peugeot ? Vous plaisantez ou quoi ?
          Contrairement à ce que vous dites, la « 500 » de Fiat se vends justement parcequ’elle n’est pas si chère, et correspond à des besoins. La Twingo au meme prix, ne parvient plus à la dépasser. Et probablement que son cout à la production est plus élevé : Conception dépassée !
          Peugeot ne sais pas faire ce type d’auto, ni Citroen avec sa « DS » qui est bien trop standing ou trop grosse justement. Idem avec la « mini » désormais allemande, qui n’a plus grand-chose à voir avec l’ancienne mini britannique.
          Ces autos sont conçues pour les nantis. Mais ceux-ci ne sont pas assez nombreux pour entretenir la production. D’ou réduction du personnel. Chomage et recession.
          Augmenter le standing ? Mais les voitures de luxe ont toujours été allemandes, ou marginalement italiennes ! Les allemands ont absorbé de plus le haut de gamme britannique.
          La « 500 » a-t-elle du standing ou de la pseudo qualité allemande ? Non !
          C’est du réalisme citadin et populaire. De plus son image de marque depuis les origines c’est d’etre la petite auto du populo, du prolo, des jeunes.
          L’idéologie qui veut que le prolo rève d’une BMW, est un reve de capitaliste néo-fachiste qui méprise les valeurs poplulaires, et se pavanne dans le luxe bourgeois.


        • Le421... Refuznik !! Le421 3 décembre 2014 13:29

          Pour continuer dans l’idée du marasme ambiant, vous oubliez que les voitures « modernes » sont atteintes du complexe de l’imprimante.
          C’est à dire que ce n’est pas forcément l’achat du produit qui coûte cher, mais son entretien.
          Vous ne pouvez plus faire une vidange vous-même, une remise à zéro informatique est généralement obligatoire et ne peut être faite par le particulier.
          Sans oublier l’obsolescence programmée qui fait que tout ce que vous achetez maintenant est fait pour « crever » à court terme. Officiellement, c’est interdit !!
          Comme de faire payer une amende à un particulier par une personne morale ou de frauder le fisc...
          Du moins, en théorie.


        • Hervé Hum Hervé Hum 3 décembre 2014 14:15

          @ l’auteur, vous écrivez un article pour appeler à « un profond mouvement, une puissante Lame de Fond porteuse de changement » et votre long commentaire ci dessus ne fait que ressasser des poncifs bien éculés.

          Vous écrivez comme un politicien avec le même langage creux, la même langue de bois.

          Les grands groupes industriels sont internationaux et ne dépendent plus des Etats, mais de leurs actionnaires qui eux sont mondialistes. Mais vous, vous venez nous chanter le contraire, nous parler de l’économie d’avant la fin de la guerre froide. Si ces groupes industriels rapatriaient leurs bénéfices et payaient leurs impôts en France, vous pourriez soutenir votre argumentation, mais il n’en est rien, ces groupes pratiquant aujourd’hui l’évasion fiscale et délocalisant autant que se peut leur production et ne parlant de produire en France qu’en échange de diminution et des cotisations sociales et des salaires.

          Quoiqu’il en soit, la fausse concurrence entre les industriels ne peut que favoriser et accroitre la précarisation des salariés. D’autant que le salaire est une donnée brute qui ne veut pas dire grand chose seule, elle n’a de sens qu’en relation avec les dépenses des ménages. Par exemple, à même salaire vous ne disposerez pas des mêmes disponibilités budgétaires s’il vous faut payer un emprunt, un loyer ou si vous êtes déjà propriétaire de votre logement. En Allemagne à ce que j’ai entendu dire, les prix des loyers sont 30% moins cher qu’en France et donc compense la différence de salaire. Bref, pour rester dans votre logique, vous avez deux manière d’augmenter le revenu relatif des ménages, soit en augmentant les salaires, soit en diminuant leurs charges, dont l’immobilier est le premier poste. D’autant qu’un propriétaire louant un logement, préfère épargner, faire de l’évasion fiscale, investir dans un autre logement et participer à l’inflation des locations ou bien aller dépenser son argent ailleurs, plus rarement redistribuer localement.

          Bon, vous dites tellement de conneries que je m’arrêterait là.


        • Renaud Bouchard Renaud Bouchard 3 décembre 2014 16:48

          @Hervé Hum


          Bonjour Monsieur et merci pour votre observation

          Je ne suis pas sûr que vous ayez bien compris la motivation de cette citation..

          Le commentaire n’est pas le mien : tiré des Echos, il vous montre bien au contraire, à partir de l’observation fort juste de cet autre lecteur, tout ce que je rejette en bloc, y compris et principalement ces poncifs éculés et cette langue de bois que vous évoquez.

          Il faut lire très attentivement ce que j’écris avant de réagir. 

          Les mots ont un sens et une signification très précis

          Ma pensée l« est encore plus.

          Mon papier procède de deux constats qui sont très inquiétants.

          L’économie à laquelle je m’intéresse est précisément »post-guerre froide". 

          Elle est celle d’un XXIè siècle qui est très mal parti parce qu’il repose précisément, sur des schémas de pensée obsolètes.et mortifères d’un âge révolu dont vous êtes déjà en train d’observer les effets et qui ne sont rien à distance des prochains mois de l’année 2015

          Le retour de flammes économique, politique et social n’est pas loin.Il gronde d’énergie incoercible.

          Nous n’avons encore rien vu..

          Pendant que N. Sarkozy se dépêche de faire un chèque pour rembourser et donc reconnaître son forfait et tenter ainsi d’échapper à la patrouille, pendant que l’on tente de recoller la situation économique à la colle palestinienne, des décisions importantes sont prises, qui transcendent les marionnettes qui amusent la galerie politique française :


          Un aperçu d ce à quoi je m’intéresse, et qui devrait vous passionner ?Voyez plutôt ici : en lisant très attentivement :


          Bien à vous,

          Renaud Bouchard

        • Hervé Hum Hervé Hum 3 décembre 2014 19:28

          Bonsoir Mr Renaud Bouchard,

           veuillez accepter toutes mes excuses pour mon erreur !

          Vous m’avez incité à aller voir le blog de Paul Jorion, que je ne connais que de nom, mais j’ai pu y lire un article fort instructif sur l’histoire de l’intérêt. Rien que pour cela, je vous en remercie.


        • BA 3 décembre 2014 13:13

          Nicolas Sarkozy vient de payer 363 615 euros à son parti, l’UMP. Ce chèque sera ensuite remis au Trésor public.

          Si des militants UMP sont fauchés, ils savent ce qu’il leur reste à faire :

          ils peuvent demander de l’argent à leur chef.

          Nicolas Sarkozy est riche : il donne des conférences pour (entre autres) la banque américaine Goldman Sachs. Et il est payé 100 000 dollars la conférence.

          Sarkozy, conférencier pour Goldman Sachs.

          Le 3 juin 2013, l’ancien chef de l’État est invité à Londres par la banque de Wall Street à disserter sur la politique européenne. Depuis son départ de l’Élysée, Nicolas Sarkozy donne fréquemment des conférences pour les banquiers. Cette fréquentation assidue du monde bancaire, qui ne fait rien gratuitement, mérite qu’on y prête attention.

          http://www.mediapart.fr/journal/france/190413/nicolas-sarkozy-conferencier-pour-goldman-sachs

          Mercredi 3 décembre 2014 :

          La Commission nationale des comptes de campagne avait imposé à Nicolas Sarkozy de verser au Trésor public une somme égale au montant du dépassement de sa campagne, à savoir 363.615 euros. Selon les informations d’Europe 1, Nicolas Sarkozy a payé lui-même cette pénalité. Il a remis un chèque de ce montant au trésorier général de l’UMP.

          Une lettre datée du 1er décembre sera rendue publique pour expliquer les raisons de ce choix, qui est une initiative personnelle de Nicolas Sarkozy et non une obligation juridique, assure un de ses proches.

          "J’ai décidé d’assumer personnellement la charge financière de cette pénalité en vous faisant parvenir un chèque d’un montant de 363.615 euros, qui met la formation politique que je préside à l’abri de toutes contestations", écrit l’ancien président au trésorier de l’UMP, Jacques Laisne.

          http://www.europe1.fr/politique/penalite-de-campagne-sarkozy-a-paye-de-sa-poche-363-615-euros-a-l-ump-2307545


          • Le421... Refuznik !! Le421 3 décembre 2014 13:32

            Il y a des jours ou on voudrais être petite souris et savoir d’où viennent réellement les choses.
            Voir certaines personnes « attacher des saucisses à la queue des chiens », quand on sait la fixation qu’ils font sur le fric, ça paraît suspect.
            Mais bon, quand on a à faire avec des gens scrupuleux, honnêtes et désintéressés, tout peut arriver !!  smiley


          • Renaud Bouchard Renaud Bouchard 3 décembre 2014 16:51

            @ BA


            Merci. Bien vu. Il serait grand temps que la Patrouille cesse de tourner autour du pôt et procède à larrestation d’un individu qui devrait depuis longtemps être renvoyé devant une juridiction correctionnelle pour fournir quelques explications.

          • Renaud Bouchard Renaud Bouchard 3 décembre 2014 17:02

            @ 421.


            D’où viennent réellement les choses ? Mais de miracles, Cher Monsieur, de miracles !

            L’actualité est remplie de ces petits faits divers qui vous montrent que l’argent surgit opportunément quand on en a brusquement besoin ::

            -M. N. Sarkozy, quand la Trésorière de l’UMP est invitée à passer au confessionnal chez le juge d’instruction

            .-M. Montebourg, (un élève de Mandrake le Magicien ) quand la valeur de son appartement s’accroît soudainement de 4890 000 €


            Bien à vous, Renaud Bouchard

          • Renaud Bouchard Renaud Bouchard 3 décembre 2014 17:12

            @ 421


            Correction : veuillez lire 489 000 € (un zéro en plus ou en moins, l’émotion, sans doute...)

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