La justice refuse de réviser le procès de Jérôme Kerviel
La justice a annoncé jeudi 20 septembre 2018 que le procès de Jérôme Kerviel ne serait pas révisé, jugeant sa requête irrecevable. L’ancien trader de la Société Générale, accusé d’avoir commis des actes litigieux ayant fait perdre 4,9 milliards d’euros à la banque et condamné à une peine de prison, avait demandé en 2015 la révision de son procès. Il accusait alors la banque d’avoir eu connaissance de ses agissements et d’avoir manipulé l’enquête.
Les avocats de la Société Générale sont sortis triomphants du cour du Palais de justice de Paris hier, jeudi 20 septembre. La commission d'instruction de la Cour de révision « a décidé qu'il n'y avait aucun élément nouveau et que la requête qui avait été déposée était irrecevable », a déclaré à la presse Me Jean Veil. « Le bon droit a triomphé », s'est-il aussi félicité, avant d'ajouter, non sans ironie : « Il y a la possibilité comme dans l'affaire Seznec, de recommencer dans 20 ans. Quand nous serons à la retraite, nos descendants ou nos jeunes associés pourront reprendre ce très intéressant dossier ».
Cette décision ne va cependant pas renvoyer Kerviel derrière les barreaux. En 2010, le trader a été condamné à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, pour abus de confiance, faux et usage de faux et manipulations informatiques. Puis cette condamnation pénale a été confirmée en appel en 2012 et en cassation en 2014. En revanche, la Cour de cassation a cassé les dispositions civiles, qui condamnaient Kerviel à verser 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts à son ancien employeur. Suite à cette décision de la Cour de cassation, Kerviel a obtenu un nouveau procès au civil en 2016 : ce dernier l'a vu jugé « partiellement responsable » du préjudice subi par la Société générale et condamné à lui verser un million d'euros. Suite à la condamnation pénale, Kerviel s'est retrouvé sous les verrous, avant de bénéficier d'un aménagement de peine. Après cinq mois en détention, Kerviel est ainsi sorti de prison sous bracelet électronique et a purgé le reste de sa peine de cette façon, sous écrou mais hors de prison. Le fait que la commission d'instruction refuse de saisir la Cour de révision ne fait qu'entériner la décision confirmée en 2012 et 2014, sans pour autant créer une nouvelle sanction.
Toute la question était, dans le cas présent, de savoir si la Société générale savait ce que faisait son trader ou si elle a, comme elle le prétend, été totalement trompée. A l'appui de sa demande déposée le 15 mai 2015, Jérôme Kerviel, qui accuse son ancien employeur d'avoir non seulement eu connaissance de ses agissements mais d'avoir ensuite manipulé l'enquête, met notamment en avant le témoignage de l'ex-enquêtrice de la brigade financière Nathalie Le Roy, qui a affirmé avoir été « instrumentalisée » par la banque alors qu'elle travaillait sur ce dossier. Mme Le Roy avait aussi enregistré à son insu une ex-membre de la section financière du parquet de Paris chargée du dossier, Chantal de Leiris, qui avait mis en cause sa hiérarchie et la Société générale dans cet enregistrement : « Quand vous en parlez, tous les gens qui sont un peu dans la finance, ils rigolent, sachant très bien que la Société générale savait. (...) La Société générale savait, savait, c'est évident, évident », aurait déclaré Chantal de Leiris. Mais ces éléments étaient déjà connus, selon la commission d'instruction, qui, faute d'apports jugés nouveaux, déclare la requête « irrecevable sans qu'il y ait lieu de procéder aux investigations complémentaires sollicitées ».
Suite au jugement de la commission d'instruction, Kerviel a fait savoir par son avocat qu'il restait « déterminé à faire triompher le droit » : « Ce n'est certainement pas la fin de l'affaire dite Kerviel », a déclaré Me Julien Dami le Coz. Il lui reste pourtant peu de recours : les deux plaintes qu'il a déposées pour escroquerie au jugement, faux et usages de faux et subornation de témoin ont débouché sur des non-lieux en 2017. Kerviel n'aurait droit à un nouveau procès que s'il présentait des éléments inédits à l'appui d'une demande de révision.
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