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La ligne Buisson décryptée

JPEG Une première contribution a permis de mettre en lumière la construction de la pensée de M. Buisson. Elevé dans le catholicisme et le rejet de l'indépendance algérienne, ce dernier a ainsi servi ces deux idoles pendant le reste de sa vie intellectuelle, parfois en jouant dans l'exposé des faits avec la plus simple neutralité historique pour faire triompher ses amoures de jeunesse. Il est temps maintenant de se pencher sur sa philosophie politique.

Tout d'abord, il faut reconnaître à la plume de l'ancien conseiller une acuité certaine dans le diagnostic. Lorsqu'il estime par exemple que la situation globale des femmes est pire qu'il y a 50 ans, sa vision mérite d'être investiguée. En effet, "l'effondrement des mariages, l'explosion des divorces ont peut-être, comme le proclament les féministes, libéré "la femme de l'oppression du patriarcat", ils n'en ont pas moins provoqué la paupérisation massive de plusieurs générations de femmes", écrit-il p. 433.

Le fait que tout progrès sociétal soit peut-être bénéfique sur le très long terme mais que tout changement produise des contrariétés de parties de la population moins adaptables que d'autres est certainement un point qui fait sens. Du reste, le fait qu'une partie du conservatisme est motivé non par le refus du progrès mais par la crainte de l'inconnu a été analysé au moins depuis Machiavel. C'est ce que les politologues appellent le "status quo bias", cet élément qui dans un référendum serré fait pencher la balance du côté de l'immobilisme.

La description acerbe de la mondialisation connaît aussi de belles pages lorsque l'auteur parle de "lutte des places" entre les élites qui s'enferment derrière un double digicode dans les centres villes, organisent une hausse du foncier et une carte scolaire à deux vitesses (pp. 348-349) créant la "mort du monde rural, la relégation des "petits blancs"" (p. 357).

Plus généralement, M. Buisson déplore l'individualisme exacerbé de la société consécutif à l'effondrement de l'Eglise et du parti communiste, "les formes les plus achevées de la solidarité qui ont disparu les unes après les autres" (p. 418). Il se plaint de ce qu'il voit comme un affaiblissement de la famille, dont il dresse une liste méticuleuse : "liberté du mariage et du non-mariage par l'alignement des régimes juridiques, liberté du divorce facilitée (...) par la procédure par consentement mutuel, égalité des époux et des parents avec la loi du 4 juin 1970 supprimant la fonction de chef de famille, égalité des droits pour les enfants illégitimes et les enfants adultérins, (...) sans parler de la loi Veil." (p. 431).

Dans son discours, tout cela s'entend et fait sens. Le problème est qu'il scie lui-même la branche sur laquelle il est assis en prétendant que "la question n'est pas de savoir aujourd'hui si ces "avancées" étaient ou non légitimes" (p. 431). Pour résumer, sur la situation des femmes, sur la mondialisation et l'affaissement du mariage M. Buisson dresse un portrait au vitriol et à raison des effets pervers du sens que prend l'histoire. Il a raison d'alerter sur les points à améliorer pour défendre ceux qui ont eu plus de peine à s'adapter aux changements de ce dernier demi-siècle, mais s'il ne propose pas de revenir dessus c'est qu'il voit parfaitement ce qu'on appelle la "big picture". Tous ces changements étaient bien des avancées.

A partir de là, le terme "conservateur" perd tout son sens et la démonstration de M. Buisson devient fuite en avant démagogique. S'il pense en effet que tout était mieux il y a 50 ans du temps où le credo de la France était "reconnaissance de la famille comme structure anthropologique et sociale première, adhésion à un ordre hiérarchique et transcendant, place centrale accordée à l'autorité, au respect de la personne et au sens de l'honneur" (p. 321), qu'il propose de revenir sur tous ces points.

Or, il ne le fait point, se cantonnant au "maintien de l'interdit légal contre la Gestation pour autrui, de l'insémination post-mortem et de la recherche sur embryon à la condamnation de l'euthanasie et de l'eugénisme en passant par le refus du mariage gay" (p. 345) sur les questions sociétales et à la "réduction de moitié du nombre annuel des entrées légales, de 180'000 à 90'000" et autres tours de vis sur l'immigration (p. 374).

Voilà ce qu'on appelle la "ligne Buisson". A la limite, dans la mesure où toute décision politique sera prise plus ou moins en fonction de l'opinion, que la droite "dure", "forte" ou quoi qu'elle veuille s'appeler défende ces positions un peu extrêmes pour qu'in fine la synthèse penche plus de ce côté, il n'y a rien de choquant.

Le problème est que la "ligne" devient plutôt tangente avec l'extrémisme en libérant la parole sur bien des sujets. M. Buisson s'entoure pour exister de tout un tas de boucs-émissaires, la "manne de l'argent public et la rente des aides sociales" (p. 61) des banlieues, la "gouvernance médiatique" (p. 65), la "lacrymocratie" (p. 130), la "financiarisation sans limite" (p. 219), les "idiots utiles de la révolution consumériste" (p. 233) que sont pour lui les rebelles de 68, le "rôle de l'immigration dans la destruction de l'identité nationale" (p. 238), les "historiens sans lecteurs" (p. 244), le "racisme à rebours" (p. 266), comme si le racisme avait un sens acceptable, l'émir du Qatar (p. 300), l'"énarchie (...) synonyme d'autisme et de conformisme" (p.301), la "rente du halal, bien supérieure à la taxe casher" (p. 306), l'Islam (p. 321), le "déporté allocataire" (p. 330), le "mariage des homosexuels" (p. 336), le transhumanisme (p. 341), la politique de la ville qualifiée de "rente politique de la culpabilité coloniale" (p. 356), Terra Nova (p. 359), la Convention européenne des droits de l'homme (pp. 372-373), la "gérontocratie absolutiste" (p. 421), Paris Plages (p. 433), ou encore le "discours lénifiant du "vivre ensemble"" (p. 442).

Sa méthode, quant à elle, est la caricature démagogue. De même que lors du débat sur le mariage pour tous les accusations de zoophilie n'étaient pas loin, de même le dépistage de la trisomie 21 ouvre la voie vers l'eugénisme (pp. 343-345), les "brigades volantes d'euthanasie" aux Pays-Bas étant une menace aussi forte que les chars soviétiques à une autre époque. Les transsexuels, eux, "[choisissent] dorénavant leur identité passagère (...) comme on choisissait un forfait d'opérateur téléphonique (...) mais avec l'option de résiliation instantanée" (p. 340). Après avoir écrit plus d'une page sur la canicule, l'auteur rappelle que "la ville de Paris avait dépensé 5 millions d'euros pour la deuxième édition de Paris Plages" (p. 433). Quant à l'évolution de la législation française sur l'immigration, elle se fait "dans un sens toujours plus favorable aux droits des migrants, que ce fût pour le droit d'asile ou le regroupement familial" (p. 373), ce qui est vrai sur la tendance mais qui omet complètement l'intensité - le parcours administratif des migrants étant parfois plus difficile à surmonter que leur traversée du Sahara puis de la Méditerranée.

Le summum de la démagogie est atteint quand M. Buisson se plaint de l'arbitre, puisque la démocratie a été "confisquée par une oligarchie" et qu'on est entré dans une "post-démocratie" (p. 418). Là encore, il y a certainement des choses à redire sur les détails mais quand un royaliste termine son livre en expliquant que sa stratégie avait été la bonne mais que la démocratie est fautive...

Pour résumer, la ligne Buisson n'est sur le fond pas si extrême que cela et mérite d'être analysée comme toute proposition démocratique. La forme, en revanche, laisse à désirer. Quand des propos aussi violents sont véhiculés avec tant de facilité et que le raisonnement est autant caricatural chez quelqu'un qui a fait l'université et qui a été au contact du sommet de l'Etat, qu'attendre des troupes conservatrices dans ce pays ?


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5 réactions à cet article    


  • lsga lsga 12 novembre 2016 14:57

    Un article faible, qui se contente de faire l’étalage des opinions de Buisson, et oublie de rappeler ses auteurs de référence :


    • izarn izarn 14 novembre 2016 00:27

      @Robert Lavigue
      Un type qui a fait partie du Système, et par dessus le marché avec Sarkosy, et qui prétends s’attaquer à « l’oligarchie » est visiblement un comique qui s’ignore. Il devrait changer de métier.
      Ou rembourser le pactole quand il était conseiller de Sarko. Merci pour la France. Car ses conseils, il pouvait se les garder, ou se les mettre ou je pense. Restons polis.
      Quand meme,ça me fait bien rigoler ! smiley
      C’est incroyable les conneries qu’on peut lire !
      Le mec en plus, en écrivant son bouquin, il y croit ? Ou il se fout du monde ?
      Buisson, tu le laisses dans son caniveau, merci !


    • Harry Stotte Harry Stotte 12 novembre 2016 23:18

      « A partir de là, le terme »conservateur" perd tout son sens et la démonstration de M. Buisson devient fuite en avant démagogique. S’il pense en effet que tout était mieux il y a 50 ans (...) qu’il propose de revenir sur tous ces points. Or, il ne le fait point... »


      Ce qui constitue la plus éclatante démonstration de sa lucidité. A la différence de beaucoup d’agitateurs d’idées de droite, Patrick Buisson sait que tout, ou à peu près tout, ce qui a disparu depuis cinquante ans, va dans le sens du « J’ai envie, donc j’ai le droit  », et que, dans un tel contexte, prétendre rétablir ce qui était, c’est pisser contre le vent.


      Par conséquent, le combat politique d’aujourd’hui ne consiste pas à revenir à un « bon vieux temps » plus ou moins idéalisé, plus ou moins fantasmé, mais à faire en sorte que demain ne soit pas pire qu’aujourd’hui. 


      • izarn izarn 14 novembre 2016 00:40

        @Harry Stotte
        j’ajoute à votre délire, qu’il faut vivre sur la planète Jupiton de DSK et Sarkosy, pour prétendre effectivement réaliser « j’ai envie, donc j’ai le droit » !
        Dites ça à des grévistes, ou à des chomeurs, vous allez vous faire déchirer votre chemise !
        Ensuite cher monsieur, hélas, meme avec le droit, figurez vous, nous, on n’a pas les moyens !
        Ce qui fait que Buisson n’a aucun rapport avec Trump. Au contraire, il ressemble plutot aux crétins de Républicains qui sont contre lui.
        Ce n’est pas la « nouvelle droite » , c’est la droite moisie qui recherche un ancien ordre esclavagiste dépassé...Pour faire encore tenir debout le Système à la dérive, de lui-meme. Pas de Mai 68 ! Et Reagan, il n’a jamais existé ? N’importe quoi ! Mais n’importe quoi !
        Hahahahaha ! Quelle couillonnade !
        Bref ; déplorable... smiley


      • Harry Stotte Harry Stotte 14 novembre 2016 18:14

        @izarn


        Vous repasserez - la chemise déchirée smiley - quand vous aurez lu le texte d’Alexandre Vuilleumier.


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