La logique du système : 3- Mohammed ben Salmane (MBS)
Pour comprendre un dirigeant, il est utile de se glisser dans son for intérieur et d’essayer de penser comme il pense, ou plutôt comme on pense qu’il pense. Après Emmanuel Macron et Xi Jinping, Mohammed ben Salmane donne sa vision du monde.
L’Arabie saoudite n’existe que depuis 1932, c’est un pays jeune qui a connu un essor considérable ces quelques dernière décennies. Le pétrole forgea son destin, mais il ne fera pas là éternellement. Ce qui toujours vivra, là et ailleurs, c’est la foi, la foi en l’Islam, notre foi en l’Islam : mon pays est son berceau et les villes saintes de La Mecque, place où le bonheur céleste touche la terre, et de Médine en témoignent
J’ai préféré ne pas étudier à l’étranger pour rester près de l’âme des miens et je n’envie pas ces princes qui m’entourent qui allèrent l’étranger. Je sais mieux que quiconque ce qu’il faut retenir des bouillonnements occidentaux, je sais aussi ce qu’il faut tenir à l’écart. Je consacre la moindre de mes forces à mon peuple, à l’Islam.
Je dirige la terre ancestrale où repose le prophète. Les quelques 4.000 princes descendants du roi Abdel Aziz et de sa cinquantaine de fils n’ont pas tous la vision que j’ai pour mon pays, pour le salut de mon pays. J’ai dû écarter de mon chemin des dizaines de personnalités, de ministres, de princes pour laver mon pays des souillures de la corruption. Je suis pressé et pur, en cela je suis la voie de l’Islam et de la tradition. Certains pensent que je suis gauche, je suis peut-être trop précautionneux, fruste, je suis peut-être trop sincère, impulsif, je suis peut-être trop impatient de mettre mon pays sur le chemin d’un futur radieux. C’est peut-être parce que je ne souhaite pas m’accommoder de compromis que l’on m’accuse d’être brutal, mais on ne va jamais assez vite sur la voie tracée par dieu.
Pour esquisser un rapprochement vers les standards occidentaux, j’ai fait en sorte que les femmes puissent conduire une voiture, assister à des rencontres sportives. J’ai permis également l’ouverture de cinémas. Déjà, plus de la moitié des étudiants dans les universités étaient des femmes avant que je n’accède au pouvoir. Pourtant l’extrême rigueur ne doit pas côtoyer la débauche : pour certains Saoudiens, les vacances à l'étranger, c'est l’occasion de goûter aux plaisirs interdits et oublier l’austérité. Je libérerai avec raison les comportements à l’intérieur du royaume, je mettrai un frein aux débordements obscènes à l’extérieur. Je propose une modernité où les femmes ont toute leur place, je l’ai déjà appliqué à ma famille : je suis marié, je suis monogame même si les lois religieuses admettent 4 épouses, je suis croyant et vertueux et j’ai 3 enfants. Toutefois, l’homicide, le viol, le vol à main armée, le trafic de drogue, l’adultère, la sodomie et l’abandon de la foi islamique sont encore punis de mort par décapitation ou lapidation. Il ne faut pas confondre liberté et licence : le respect du plus grand ne peut être remis en cause, ne peut pas être discuté. Se vautrer dans la luxure ou la malfaisance est une insulte à la suprême autorité. Nous n’imiterons jamais les kâfirs, les mécréants qui laissent voire poussent les peuples à s’adonner aux pires vices : c’est un abandon afin de pouvoir les diriger par la fascination de veaux d’or. Notre moralité ne transigera pas : les cieux ne s’achètent ils se méritent.
Mon action va dans le sens d’une alliance avec Israël en confortant l’amitié insécable avec les Etats-Unis. Mes réformes à l’égard des femmes ont permis de braquer les projecteurs ailleurs que sur des problèmes sociétaux mineurs. Dès 2015, une alliance militaire islamique de 41 pays m’avait permis de participer à la lutte contre le terrorisme. C’est vrai qu’Oussama ben Laden était né à Riyad ! C’est vrai que son père était Ministre d’État ! C’est vrai qu’il a revendiqué les attentats du 11 Septembre 2001 ! C’est vrai que 15 des 19 terroristes étaient saoudiens ! Pourtant à aucun moment la famille régnante n’était impliquée. Ce n’est pas pour un éventuel pardon que je prends cette décision historique de rapprochement avec Israël.
Les liens de chaleureuse amitié avec les USA étaient et sont encore fondés sur l’exploitation du pétrole : son extraction a permis d’abonder mon peuple de richesses enfouies dans son sol sacré. Toutefois, après 86 ans de collaboration sans discontinuité et sans accrocs, l’Arabie a gardé et même approfondi sa culture tirée du livre saint, ses modes de vie qui lui permettent de garder la voie du salut. Les USA s’occupaient, et s’occupent encore seulement, du matériel et nous avons gardé intacts notre âme, notre culte, notre culture. Toutefois, dans le futur, il nous manquera des savoirs faire, des technologies, des industries trop embryonnaires encore chez nous : un pays d’élite comme Israël permettra des collaborations fructueuses dans ces domaines, qui nous permettra de rentrer de plein pied dans le domaine du commerce international, domaine où mes frères et cousins ont déjà prouvé leur excellence. Une image moderniste des relations homme-femme m’a semblé nécessaire pour assurer une bonne intégration de l’intelligentsia de la péninsule dans les échanges mondiaux.
La coalition militaire USA-Israël-Arabie permettra encore de soumettre l’Iran chiite. Nous ne sommes peut-être pas toujours ami, mais nous avons un ennemi commun. Rien n’allie les mœurs ou les façons de pensée d’Israël et celles de l’Arabie, mais l’imminence du danger les unit plus fortement que ne pourrait le faire l’amour. Cette disparition est évidemment une condition de survie pour notre si proche voisin : les 80 millions d’iraniens, éduqués, ingénieux, industrieux, héritiers de la Perse antique, représentent une menace existentielle pour Israël et ses 8 millions d’habitants (dont 18% de musulmans). Mais c’est tout autant une menace pour l’Arabie car les hérétiques chiites possèdent les secondes réserves prouvées de pétrole au monde derrière le Venezuela, ce qui leur donne les moyens nécessaires pour déployer leurs talents technologiques et militaires. Les iraniens risquent fort de s’accaparer les esprits des fidèles d’abord en Syrie, en Irak et très bientôt ils embraseront les lieux saints. Il est pensable de vouloir conquérir mais cela doit être fait par les esprits, les fidèles, les croyants, les purs. Ce n’est pas par les armes que l’on peut vaincre, c’est par la véritable foi, celle qui conduit à l’immortalité des seigneurs comme des humbles.
Un seul monde implique un seul sacré. Une collectivité sans repères, sans boussole, sans compas pour traverser l’existence ne peut que s’échouer sur les écueils des jouissances stériles. Une collectivité doit accepter une soumission, soumission qui ne peut pas être le fait des hommes trop semblables entre eux pour obéir à des lois écrites par eux. La soumission à dieu est le seul remède à l’inexistence, au chaos, à la tribalité, au règne du plus féroce, du plus puissant, du plus barbare. Je vais montrer la voie de la paix ultime même si de multiples féroces combats la bordent encore.
La place de l’Arabie dans la mondialisation est toute trouvée : elle sera éminente : elle sera le phare de l’Islam. Un fond d’investissement de 2.000 milliards de dollars, le plus grand du monde, va être créé, il va y avoir la mise sur le marché de 5% du capital d'Aramco, première compagnie pétrolière nationale au monde, en cours des investissements dans Endeavor, la célèbre agence américaine… Nous saurons concilier l’ouverture au monde marchand à notre élite arabe qui saura tirer avantage des multiples relais qu’offre l’oumma.
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