La mondialisation financière (3/3)
Cette mondialisation peut se définir comme étant le "phénomène d'internationalisation des marchés de capitaux" (1) qui consacre, en permanence et en premier lieu, la mobilité planétaire de leur matière première : l'actif monétaire ou financier dématérialisé.
Adam Smith (1723-1790) écrivait en 1776 : "le capital… cherche naturellement l'emploi le plus avantageux." (2). À son époque, les capitaux (3) monétaires − c'est-à-dire des kilos d'or ou d'argent massifs − désertaient un endroit pour aller dans un autre, plus profitable. Pas facile en termes de transport ! Mais c'était déjà un besoin pour leurs possesseurs, capitalistes.
La fin de l'étalon or, en 1934 − commencé en 1717 −, puis la fin de l'étalon de change or, le 15 août 1971 − commencé avec les accords de Bretton Woods, en 1944 − et l'avènement des changes flottants qui en a découlé… ont signé les débuts embryonnaires de la mondialisation financière moderne, rapidement nommée : globalisation financière.
La guerre froide et l'informatisation naissance des banques occidentales avaient déjà permis, dès le milieu des années 1950, avec l'eurodollar (4), les premiers galops d'essai de la finance mondialisée, in vivo, sur de gros volumes. Les flux étaient originaires des États-Unis et leur destination, l'Europe.
Le phénomène s'est ensuite accéléré, dans les années 1980, 1990 et 2000 avec : la libéralisation des marchés des capitaux, leur décloisonnement et leur dérégulation ; la digitalisation des titres monétaires et financiers ; la fin de la guerre froide avec la disparition du bloc soviétique et donc de l'ouverture sur le monde de toutes les économies (les anciennes comme les nouvelles, anciennement communistes) aux marchés, à la finance directe, aux fonds de pensions… et autres fonds souverains. Mais aussi sous l'impulsion de l'innovation financière (produits dérivés, structurés, titritisés, etc.) où c'est l'informaticien qui crée les produits (en fait des algorithmes) que le banquier doit vendre après les avoir recouverts d'un bel emballage marketing.
Enfin, l'avènement de l'économie numérique avec le spectaculaire développement des technologies de l'information et de la communication (TIC), notamment via Internet, a permis une quasi-instantanéité des mises en relation des acteurs (investisseurs, spéculateurs… banques en tout genre, notamment celles centrales.), se jouant des frontières du temps et de l'espace. Adam Smith en resterait coi, lui qui voyait les capitaux se déplacer, à cheval, de la campagne vers la ville, pour y trouver une meilleure rentabilité !
Les actifs monétaires et financiers voyagent désormais à la vitesse de la lumière. Et, s'ils permettent − comme le prétendent de nombreux éminents économistes − une "meilleure" allocation des ressources monétaires et financières, on ne peut nier qu'ils peuvent, parfois, confondre vitesse et précipitation. En effet, il est tellement devenu facile d'investir, en un seul clic, des millions de dollars sur telle ou telle Bourse, de tel ou tel pays, qu'il est tout aussi facile de faire l'inverse d'un seul petit clic… pour envoyer ses millions à l'autre bout de la planète, toute réflexion faite !
Cela étant, les bienfaits de la mondialisation financière ne pas sont en causes. Ils existent ! Peu de pays se plaignent quand des capitaux étrangers viennent chez eux pour s'investir dans une entreprise où les fonds domestiques ne veulent pas aller, créer ex nihilo un parc d'attractions… ou financer la dette publique du pays en souscrivant à l'émission obligataire du gouvernement. C'est plutôt quand les capitaux quittent le pays, pour une raison ou une autre, que les cris d'orfraie se font entendre contre la mondialisation financière.
Non ! Ce que l'on reproche à cette mondialisation, au-delà de sa complexité, de son manque de transparence et de contrôles, c'est de faciliter, notamment :
- la spéculation financière ;
- la propagation d'une crise locale, financière ou de liquidité, en crise internationale à cause de l'effet systémique lié à l'interdépendance des marchés de capitaux et des banques de financement & d'investissement ;
- l'évasion fiscale… grâce aux nombreuses filiales que toutes les grandes banques ont, légalement, dans tous les paradis fiscaux ;
- la circulation de l'argent sale ;
- l'acquisition de biens mal acquis, financés par la prédation sans vergogne de tous les dictateurs sur les caisses de leur pays, généralement pauvre ;
- …
- mais aussi, d'accroître le fossé des inégalités entre les pays qui disposent d'infrastructures adéquates, nécessaires aux autoroutes de l'information, indispensables aux TIC, et ceux qui n'en disposent pas.
Cette mondialisation est particulière et la révolution numérique va encore l'accroître.
La banque est cœur du "phénomène d'internationalisation des marchés de capitaux". Son système d'information traite tous les flux de la mondialisation financière. Ils entrent et sortent de comptes bancaires pour rentrer dans d'autres ici ou là-bas, à l'autre bout du globe, en quelques secondes ! Il appartient donc aux autorités compétentes, généralement réunies au G7/G8 ou au G20, ou sous l'égide du Fonds monétaire international et de la Banque des règlements internationaux, de contrôler et de réguler cette mondialisation afin d'en garder la maîtrise !
1. La crise en quelques mots, du début du 19ème siècle à nos jours, p. 215 (Dictionnaire de 200 mots relatifs aux crises, y compris celle des subprimes… et celle de la Grèce. Éditions L'Harmattan, Paris, 2015).
2. Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, Livre I, Chap. 10, p. 137, lignes 28-30.
3. Voir : Le capital en quelques mots, de Platon à nos jours (Dictionnaire de 200 mots relatifs au capital et à toutes ses épithètes. Éditions L'Harmattan, Paris, 2015).
4. Terme aujourd'hui tombé en désuétude. L'eurodollar désignait, jusqu'à la fin des années 1970, tout dollar américain inscrit sur un compte tenu par une banque installée en dehors des États-Unis.
Crédit photo : pinterest.com
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