La pandémie finira-t-elle par paralyser les organismes internationaux ?
Dans son nouvel article, le Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, affirme que la maladie du coronavirus (COVID-19) va remodeler notre monde. Dans l’article intitulé « La pandémie de coronavirus et le nouveau monde qu’elle crée, » Borrell écrit : « Nous pouvons être sûrs qu’au moment où cela se produira, notre monde sera complètement différent. »
Mais, évidemment, la différence entre le présent et l’avenir dans les relations internationales tient en grande partie aux décisions prises par les institutions et les blocs internationaux, leurs options, alternatives et plans de soutien susceptibles de renforcer le sentiment d’unité et de solidarité.
Dans le contexte de recenser les effets et les répercussions du coronavirus sur les organisations et les unions régionales et internationales, beaucoup se livrent à des discussions et à des enquêtes sur le devenir de blocs tels que l’ONU et l’UE et des organes onusiens comme l’Organisation mondiale de la santé. Ces questions englobent aussi beaucoup d’autres organisations et blocs régionaux qui se sont pas encore fait entendre. Ceux-ci ne se sont pas investis à répondre à la crise et à s’attaquer à ses effets.
Mais le débat le plus houleux porte sur l’ONU et ses institutions ainsi que sur l’UE.
Pour certains en Europe, le projet européen est bel et bien dépassé. Et pourtant, je suis convaincu que les sept décennies qui se sont écoulées depuis la naissance du projet ont produit des formes profondes d’interdépendance économique entre les pays membres qui font que la rupture de l’Union n’est pas si simple.
Dans la crise du coronavirus, le tiroir des performances institutionnelles des blocs et des organisations régionales se trouve bloqué par un sérieux problème : la lenteur, le manque d’efficacité et de plans sérieux vis-à-vis des menaces potentielles.
Des responsables européens ont admis que les dirigeants de l’Union ont sous-estimé le risque du coronavirus au début. Ils n’ont pas agi avec la rapidité nécessaire, comme cela s’est produit avec les États-Unis. De même, l’Organisation des Nations unies n’a pas agi comme on s’y attendait et avec la dynamique requise au moment d’une crise aiguë qui a ravagé le socle de la stabilité mondiale.
La gestion de cette crise par l’une de ses institutions les plus en vue, l’Organisation mondiale de la santé, a fait l’objet d’une controverse mondiale après avoir subi de sévères attaques du président américain. Donald Trump a déclaré qu’il reconsidérerait le financement américain de l’organisation des Nations unies, l’accusant de partialité envers la Chine et critiquant la manière dont elle a géré la crise de l’épidémie mondiale.
Les USA sont reconnus comme l’un des plus grands bailleurs de fonds volontaires de l’organisation. Selon les données de l’Organisation mondiale de la santé, les Etats-Unis apportent 15 % de son budget total. En 2019, la contribution des Etats-Unis à l’Organisation mondiale de la santé a dépassé 400 millions de dollars, et celle de la Chine 44 millions de dollars. Par conséquent, les accusations des Etats-Unis à l’encontre de l’organisation sont de nature à brouiller les cartes et à susciter des inquiétudes aux quatre coins du monde. La communauté internationale a réagi.
La France, via le président Macron, a exprimé son refus de voir l’Organisation mondiale de la santé « enfermée dans cette guerre entre la Chine et les Etats-Unis, » exprimant son soutien à l’organisation et à son rôle dans la gestion de la crise. Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a souligné qu’il n’est pas encore temps de tirer des leçons sur le traitement par l’Organisation mondiale de la santé de la propagation de l’épidémie de COVID-19, appelant à « s’unir. »
Il ne fait aucun doute qu’une partie de ce débat est politiquement motivée. En clair, le président Trump est accusé d’être lent à réagir à la crise. Ces accusations peuvent affecter négativement ses chances de remporter un second mandat présidentiel. Alors, par cette tactique politique, il cherche a attirer l’attention sur une tierce partie en remettant en question la réponse de l’Organisation mondiale de la santé à l’épidémie et en l’accusant de tourner au ralenti.
Mais je vois qu’il a choisi le pire moment pour parler de simplement réétudier le financement américain de l’organisation. Le monde ne s’intéresse plus qu’à l’évolution de la crise et aux moyens d’y faire face. Ainsi, ces accusations pourraient susciter davantage de critiques et d’accusations contre les États-Unis, des accusations de nuire à la capacité de l’organisation internationale à répondre à l’épidémie. En outre, la décision du Conseil de sécurité de tenir la première session d’urgence sur le nouveau virus vient plus de deux mois après l’apparition de l’épidémie partout dans le monde.
La République dominicaine, qui dirige les travaux du Conseil pour le mois en cours, a demandé au Secrétaire général des Nations unies de faire un exposé sur les politiques de l’ONU visant à freiner la propagation et à limiter les séquelles du virus. Il est vrai que des accusations, des allégations et des rumeurs se répandent sur le rôle des organisations internationales dans la réponse à la pandémie du coronavirus.
Mais nous devons souligner que le rôle de ces organisations, en particulier celles qui s’occupent de la sécurité et de la stabilité internationales, consiste essentiellement à parer aux menaces traditionnelles qui alimentent les guerres, les conflits et les affrontements militaires. La Charte des Nations unies fait état de concepts tels que la sécurité humaine au sens large.
Cette sécurité est donc la prérogative de l’organisation et de ses institutions et agences dans leur ensemble, et pas seulement de l’Organisation mondiale de la santé.
La menace sanitaire mondiale, comme c’est le cas actuellement avec le coronavirus, a des ramifications économiques, sécuritaires et sociales qui nécessitent de mobiliser l’ensemble des agences de l’ONU. Par le passé, la guerre froide a entraîné la perturbation de certaines organisations internationales, dont l’UNESCO, entre autres. Notre souhait est que d’autres organisations ne subissent pas les foudres d’une nouvelle guerre froide qui se profile à l’horizon entre la Chine et les États-Unis.
5 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON