La persécution silencieuse des chrétiens syriens - « Ils nous disent que si nous ne partons pas, nous sommes morts »

Familles en danger de mort, minorités religieuses persécutées - des sources de protothema.gr en provenance de la Syrie parlent de milliers de morts, d'enlèvements et d'une situation qui ressemble fortement aux pratiques de l'État islamique[1].

 Depuis trois mois, le président intérimaire du pays et son gouvernement de transition donnent une image qui fait apparaître leurs intentions comme « légitimes » et ont fait venir à Damas d'éminentes personnalités politiques et économiques occidentales pour les rencontrer. Al-Charaa a publiquement parlé d'« erreurs de jeunesse » lors d'entretiens avec les principaux réseaux d’information du monde, lorsqu'on l'a interrogé sur son parcours au sein d'Al-Qaïda et sur les opérations terroristes menées conjointement avec ISIS.

 Al Jolani, qui a abandonné son pseudonyme djihadiste et son uniforme de camouflage pour endosser le costume de président de la Syrie, affirme que personne n’est de trop dans le nouveau pays que lui et ses acolytes du Hayat Tahrir al-Cham (HTS) ont imaginé. Il a clairement déclaré que la persécution pour des motifs religieux et politiques était interdite et a fait savoir à tous que les chrétiens, les alévis et les druzes n'avaient rien à craindre car ils étaient, tout comme les musulmans, des citoyens égaux dans la nouvelle Syrie...

 Al-Charaa, qui bénéficie du soutien total d'Ankara et de garanties tangibles de l'Europe selon lesquelles l'aide humanitaire ne sera pas interrompue tant que la paix sera maintenue, semble avoir récemment décidé de se souvenir d'un élément de son passé extrême et sanglant.

 Vendredi 7 mars 2025, en 24 heures, plus de 70 personnes sont mortes à la suite d'attaques menées par des bataillons armés, principalement dans la ville de Homs et le port de Lattaquié. Le nombre de blessés n'est pas encore connu, tandis que des sources de protothema.gr provenant de la région parlent de milliers de morts, d'enlèvements et d'une situation qui ressemble fortement aux pratiques de l'État islamique, avec des exécutions sommaires, des meurtres en direct, de l’horreur et de la terreur absolues.

 Selon des personnes s'exprimant sous couvert d'anonymat, car elles et leurs familles sont désormais en danger de mort, des forces originaires d'Idlib - la province d'où Al-Charaa, son HTS et son armée sont partis avant de conquérir Damas et de renverser Assad et son régime - sont entrées hier dans les deux zones en question de manière coordonnée et lourdement armées, dans le seul but d’ « exterminer toutes les minorités religieuses de la région ».

 M. (la source à Damas, qui s'est exprimée sous couvert d'anonymat) décrit une situation qui n'a cessé de se détériorer au cours des deux derniers mois et face à laquelle le gouvernement de transition syrien ne fait rien. En particulier, M., chrétien syrien orthodoxe, souligne que depuis deux mois, il est courant à Damas que les quartiers chrétiens et alévis soient attaqués par des bataillons armés auxquels le gouvernement syrien a confié des tâches de sécurité.

  « Les menaces et les invasions de nos maisons sont quotidiennes. Ils nous font comprendre qu'il n'y aura plus d'autre religion en Syrie d'ici quelques mois. Ils nous disent que si nous ne partons pas, nous sommes morts. Ils frappent même les jeunes enfants et les femmes. Ils connaissent nos noms, nos maisons, nos déplacements. Nous sommes sur leur liste et ils ont des ordres clairs », explique M. à protothema.gr. Lui et sa famille font partie de la grande famille chrétienne syrienne (orthodoxe et catholique) qui, selon lui, compte environ 400 000 membres à Damas et 300 000 autres dans le reste de la Syrie.

 M. est un chrétien orthodoxe et les membres de sa famille ont récemment été pris pour cible alors qu'ils marchaient dans une rue principale de la capitale syrienne : « Ils ont attaqué ma femme et mon enfant en leur disant que la Syrie n'était pas pour les chrétiens. Ils ne les ont pas lynchés parce qu'un de nos voisins, musulman, qui se trouvait sur place, leur a dit qu'ils avaient tort et a donné à ma femme un peu de temps pour qu'elle puisse quitter les lieux.

 Nous lui demandons si ces incidents sont fréquents : « Ils sont quotidiens et nombreux. Ils profanent tout ce qui est chrétien. Ils ont récemment brisé toutes les tombes du plus grand cimetière chrétien de Damas. La croix est une provocation pour eux. C'est comme si l’ISIS entrait dans Damas ».

 Quant à savoir ce que font les autorités locales face à ces incidents, il nous dit : « La plupart de ceux qui menacent, envahissent les maisons et sèment la terreur sont des membres des forces de sécurité actuelles. Dans toute la Syrie, les postes de police ont été transformés en centres d'application de la charia et en lieux de torture. Vous ne voulez pas y être, tout comme vous ne vouliez pas être dans les cellules d'Assad ».

 Quant à savoir s'il craint que quelque chose de grave ne se produise, M. souligne que « depuis 35 ans, nous vivons dans une peur constante. Chaque jour est un jour où nous ne savons pas si nous reviendrons du travail et si les enfants reviendront de l'école. Aujourd'hui, une fois de plus, quelqu'un nous a pris pour cible et appelle à notre mort. Si quelqu'un ne peut pas nous aider d'une autre manière, qu'il nous donne les armes pour défendre nos familles, notre religion et nos maisons ».

 Il convient de noter qu'en ce qui concerne la minorité druze, Israël a clairement fait savoir au gouvernement de transition syrien et à la Turquie qu'aucun acte de persécution et de violence ne serait toléré et qu’Israël réagirait de la même manière à toute action de ce type.