La place des pères et des mères dans l’éducation des enfants ?
La place du père et de la mère dans la famille a considérablement évolué depuis une cinquantaine d’années et ne paraît toujours pas évidente aujourd’hui : plus que jamais, en ce début de XXIème siècle, elle pose question !
Pendant des siècles, les rôles des hommes et des femmes ont été cadrés avec rigueur par la société patriarcale. La marche vers la démocratie a apporté, avec l’égalité en droits, des ouvertures. Aujourd’hui les hommes ne se sentent plus obligés de maintenir une posture rigide et acceptent de dévoiler leur sensibilité. Ils peuvent se permettre d’exprimer leurs sentiments et de participer à des tâches autrefois réservées aux femmes, sans pour autant sentir leur virilité défaillir. Ils sont même des papas beaucoup plus présents, plus proches, qui savent entourer leur famille de leur protection et de leur affection.
Si on ne peut que se féliciter du recul des comportements sexistes chez les hommes, la nouvelle idéologie féministe n’a-t-elle pas cependant tendance à les culpabiliser quand ils n’arrivent pas à être aussi performants que les femmes ? Et pourtant l’homme doit-il devenir « une femme comme les autres » ? Dans la famille doit-il devenir une seconde maman et doit-il, pour favoriser l’harmonie, entrer dans la dyade maman-enfant comme de nombreux papas s’y essaient avec plus ou moins de succès ? Si l’homme peut « être dans l’affectif » et même dans le ludique avec ses enfants, doit-il pour autant oublier la fonction d’autorité à laquelle les « pères » traditionnels avaient le tord de s’identifier ?
L’idéologie égalitariste a parfois des difficultés à assumer la différence des sexes. La petite fille mise au monde par une personne du même sexe qu’elle et le petit garçon né d’une personne du sexe opposé n’ont pourtant pas le même rapport avec la maman qui leur a tout apporté et qui pour cela est perçue toute-puissante. Quand, en découvrant la différence des sexes, l’une se sent, comme sa référence, hors des limites, l’autre souffrira de ne plus pouvoir s’identifier à son modèle premier. Pour supporter cette castration psychique primaire, il a besoin de la refouler en se prouvant qu’il n’a jamais voulu devenir comme sa maman et qu’il n’a donc aucune raison de souffrir. Pour cela, il lui faut dénier sa fascination pour le féminin et se persuader qu’il est préférable d’être un garçon. Ceci l’amène à exhiber ses attributs masculins et à dénigrer ce qui appartient à la féminité. Si ce machisme grotesque n’a pas lieu d’être cautionné par l’adulte, il est pourtant indispensable pour l’enfant qui a besoin, à ce moment, de trouver un modèle d’homme dont il est fier pour pouvoir sortir de sa sidération de la femme et se construire différemment.
Cette structuration différente du psychisme conditionne le rapport à la loi. La maman n’est perçue ni comme le papa et ni pareillement par les petits garçons et par les petites filles. Fantasmée toute-puissante, elle ne peut jouer les mêmes fonctions symboliques que le père. Ce qu’elle fait et dit est toujours interprété différemment par le tout petit enfant, qui, s’il peut enregistrer énormément de sensations n’a pas encore les moyens de tout comprendre. Cette maman peut tout à fait faire preuve de sévérité. Si elle fixe seule des limites sans faire intervenir un tiers, l’enfant peut se soumettre mais cherche surtout à lui faire plaisir pour ne pas la perdre. Son but est de la copier pour rester dans la toute-puissance avec elle. Quand la maman veut le limiter, l’enfant lui n’a en fait qu’une idée : l’imiter. Il n’est jamais question de loi à respecter puisque les mots viennent d’un lieu où, pour lui, la limite n’existe pas. Il reste hors la loi (contrairement à l’enfant victime de l’autoritarisme qui peut la rejeter, lui, ne la connaît pas !).
Le compagnon (qui n’est pas forcément le géniteur ou le papa) n’a pas mis au monde l’enfant et a « neuf mois de retard ». Il n’est pas perçu tout-puissant. Il peut faire intégrer les limites aux enfants. Pour cela il doit non seulement jouer la fonction symbolique de père en disant la loi mais aussi être écouté. Et il ne le sera que s’il est nommé père et donc valorisé par la mère.
En consentant à se présenter comme quelqu’un qui écoute le père, la maman entre alors dans la fonction de mère. En donnant l’autorité à un Autre différent, elle signifie à l’enfant qu’elle n’est pas toute-puissante puisqu’elle manque et qu’elle a besoin de quelqu’un. Cet homme mérite alors d’être écouté et la loi à laquelle il se plie et qu’il se contente de dire (il ne s’agit pas de faire sa loi), sera plus facile à accepter. L’exemple de ses parents acceptant leur non toute-puissance (L’homme au pouvoir absolu ne peut être dans la fonction de père) permettra aussi à l’enfant de mieux assumer sa propre castration.
Il semble donc que le tout petit enfant qui ne voit pas la réalité comme l’adulte, ait besoin de ce jeu pour intégrer la loi dans les premières années. Ce n’est que s’il l’assimile à cet âge, qu’il pourra, par la suite et après des années d’explications, comprendre que la loi puisse être dite aussi par la mère et par d’autres. Si la tendance est de le considérer très vite comme un grand, il ne faut cependant pas oublier que lui n’aspire qu’à fusionner avec sa maman. De même qu’il a eu des difficultés à supporter que sa maman ait eu besoin d’un homme pour enfanter (le mythe de la vierge Marie), il résiste longtemps à admettre que sa maman puisse être limitée et dans la loi. C’est en effet, pour lui, assumer qu’il n’est pas tout-puissant alors qu’il veut rester l’enfant-roi sans contrainte ! C’est pour cela qu’il reste longtemps nécessaire de répéter sérieusement mais sans se prendre au sérieux, ce qui n’est qu’un jeu.
La maman pouvait parfois se soumettre par obligation et faire de l’homme un ennemi à l’autoritarisme inefficace. Elle doit aujourd’hui faire jouer ce jeu à un homme qui doit s’efforcer de se faire aimer pour le mériter, parce que c’est nécessaire pour l’éducation des enfants et pour bien vivre ensemble.
La différence des sexes est une limite qui n’autorise pas les discriminations. Lorsqu’elle est assumée et donc gérée, elle permet aux hommes et aux femmes d’entrer en relation, de se structurer et de grandir. Elle n’est pas la cause ou la conséquence de la guerre des sexes mais au contraire source de liberté. Sa gestion intelligente est la condition de l’éducation des enfants …
Jean GABARD
Conférencier et auteur de « Le féminisme et ses dérives – Rendre un père à l’enfant-roi »,
Les Editions de Paris Max Chaleil, réédition novembre 2011
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