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Accueil du site > Tribune Libre > LA PUDEUR - une maladie honteuse ?

LA PUDEUR - une maladie honteuse ?

Quand on ressent de la pudeur, on s’imagine souvent que c’est quelque chose qui doit être « surmonté », puisque résultant uniquement d’une éducation « puritaine ». Le sentiment de pudeur, ne serait-il que de la pruderie ou pudibonderie ?

La pudeur est spontanée, incontrôlable. Elle ne se commande pas. Elle est souvent imprévisible, comme une rougeur. La sensibilité pudique varie selon les individus. Elle se distingue de la décence, qui est le respect des mœurs établies. La décence est une obéissance aux règles, c’est la bienséance - la pudeur est involontaire.

Dans la pudeur, ce qui compte essentiellement, c’est le regard d’autrui : il s’agit de voiler quelque chose, que ce soit corps ou sentiment, non pas pour dissimuler ou censurer, mais pas égard pour autrui ou pour soi-même par rapport à autrui.

La pudeur n’est pas une affaire de morale mais de sensibilité. L’atteinte à la pudeur, par contre, est une affaire morale. La sensibilité pudique féminine concerne plutôt le corps, alors que celle des hommes concerne l’expression des sentiments. A ne pas confondre avec la honte - la honte est la conséquence d’un manque de pudeur.

L’impudeur moderne a plusieurs formes et plusieurs mobiles : l’intérêt commercial ou le sensationnalisme. La libération des mœurs se traduit souvent par l’abandon des mœurs pour devenir l’impudeur, une impudeur ricanant qui opère au mépris de la liberté et dénie aux autres le droit de se sentir offensé.

L’impudeur publique cherche à exercer une contrainte qui se targue du nom de liberté - elle veut contraindre les individus à s’avouer solidaires de quelque chose qu’ils n’ont pas décidé, mais à quoi ils n’oseraient pas se soustraire par crainte de sembler pudiques. Ainsi, faisant honte aux individus de leur pudeur avant même qu’elle ne s’exprime, l’impudeur publique n’est que le masque d’une tyrannie qui n’a rien à voir avec la liberté sexuelle.

Bien que le refoulement puisse être hypocrite, il n’est pas moins vrai que le foulement impudique auquel nous assistons aujourd’hui est laid et dangereux - il est d’autant plus grave pour la liberté et la dignité humaines qu’il se pare des libertés, du consensualisme, et du relativisme moral.

Dans les médias, dans les films, dans la publicité, l’impudeur ambiante n’est qu’une vulgarité à but mercantile. Le corps – surtout le corps féminin – est exhibé et exploité à outrance. L'exhibitionnisme s'accommode de l'impudeur ambiante et ne choque plus. L’impudeur s’affiche partout, sur les murs et les écrans, et démontre à quel niveau spirituel est parvenue la société actuelle dans son ensemble.

Les Asiatiques sont particulièrement pudiques. Si les Chinois n’ont pas développé l’autoportrait, et s’ils n’ont pas poussé le genre autobiographique au degré d’introspection et d’autoanalyse atteint par la littérature occidentale, c’est sans doute par pudeur.

La croix du Christ peut aussi offenser la sensibilité pudique. La croix et la souffrance exaltée au mépris du corps peut être ressentie comme de l’impudeur. La modernité qui, au contraire, exalte le corps des plaisirs a, encore aujourd’hui, du mal à pardonner au christianisme sur ce point.

Les musulmans sont très pudiques parce que la pudeur est une vertu codifiée par les prescriptions du Coran et de la Sunna. Si la retenue est exigée de tous dans les comportements publics, la plus lourde part en incombe aux femmes, qu’il faut isoler, cloîtrer, elles doivent voiler leur corps, assourdir leur voix. Prise au ras du tapis de prière, la pudeur musulmane vise surtout à maintenir la paix sociale. Tout se passe comme si l’instinct sexuel échappait totalement au contrôle de l’homme. Comme si la femme, allumeuse en diable, était une bombe ambulante dont la chevelure serait la mèche.

En Europe, les jeunes filles musulmanes détournent souvent le voile pudique pour en faire un attribut de séduction. Vêtues de jeans collants à peine cachés sous une blouse chic, elles arborent un voile d’un très beau tissu, drapé autour du cou d’une façon charmante. On ne peut que se réjouir de leur émancipation - la religion ne peut étouffer l’éros ! Mais, en même temps, l’ambiguïté est inquiétante - musulmanes croyantes, elles défient la commande de pudeur coranique. S’agit-il d’une saine révolte ou d’une ambiguïté conflictuelle, schizophrénique ? J’aimerais en discuter avec ces filles mais, évidement, ça serait impudent et …. impudique !


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18 réactions à cet article    


  • LE CHAT LE CHAT 27 juin 2013 15:42

    L’impudeur moderne a plusieurs formes et plusieurs mobiles : l’intérêt commercial ou le sensationnalisme.

    je ne suis pas particuliérement pudique personnellement , mais je trouve personnellement très choquant quand certains présentateurs de jeux télévisés interrogent des candidates sur leur utilisation de sex toys , c’est complétement déplacé et rentre bien dans cette catégorie où se mèle business& voyeurisme .
    Ce qui est du domaine de l’intime doit pouvoir le rester , nul n’a a se sentir géné devant les caméras de télévision pour satisfaire l’ego d’un présentateur TV ...


    • Kookaburra Kookaburra 27 juin 2013 21:42

      Bien dit Démosthène, d’accord avec vous.


    • Kookaburra Kookaburra 27 juin 2013 21:43

      Bonsoir Le Chat. Je partage entièrement vos sentiments.


    • Kookaburra Kookaburra 27 juin 2013 21:45

      La pudeur touche aussi d’autres domaines. Si, le plus souvent, on associe la pudeur à une retenue corporelle ou sexuelle, ce n’est pas seulement sur ce plan qu’une réaction pudique peut être ressentie. Si les hommes sont peu pudiques sur le plan sexuel, ils sont d’autant plus pudiques que les femmes sur le plan émotionnel ou sentimental. Les femmes se parlent de leurs problèmes sentimentaux plus librement que les hommes.


      • Dwaabala Dwaabala 27 juin 2013 23:38

        La pudeur et le plaisir.

        Le plaisir se trouve souvent accompagner le sentiment d’une transgression.

        C’est d’ailleurs vrai aussi du plaisir intellectuel : celui que le novateur éprouve à prendre ses distances par rapport au troupeau, quand cela ne l’amène pas sur le bûcher. 

        Un zeste d’audace impudique est nécessaire à condition de ne faire que flirter avec les lignes du code de la bonne conduite, et de ne s’adresser qu’aux initiés. C’est un raffinement.
        Le scandale, c’est autre chose. Il arrive quand la conduite déviante atteint gravement tout le monde.

        Supprimez toute barrière, vous supprimez la possibilité de la transgression, et une grande partie de la possibilité du plaisir. 
        Ou alors il faut aller le rechercher très loin dans ce qui risque de ne plus être très innocent.

        L’émotion qui touchait nos aïeux quand ils apercevaient fugitivement la cheville d’une de nos aïeules n’était pas moindre en qualité que le regard blasé que l’on jette aujourd’hui sur les plages. Et malgré tout les moeurs évoluent...


        • Kookaburra Kookaburra 28 juin 2013 10:07

          Bien dit Dwaabala, d’accord avec vous.


        • alinea Alinea 27 juin 2013 23:54

          Très chouette texte ! Je crois, pour ma part, que la pudeur est intime et personnelle ; chacun la sienne si j’ose dire ; alors que la décence est sociale ; du reste elle n’existe plus non plus de nos jours, et vous auriez pu mettre votre verbe au passé ! La société décente telle que la dépeint Orwell, semble bien être le premier but que nous puissions nous donner aujourd’hui ! : « il y a des choses qui ne se font pas ! »
          L’exemple que donne Michéa, et qu’il a pris dans un fait divers, est celui d’une employée qui a donné un rein à son employeuse ; quelques temps plus tard, la boîte doit « dégraisser » ( on peut noter l’infinie élégance de ce mot) ; la donneuse se fait virer par son employeuse, qui survit grâce à elle ; fait véridique qui s’est produit aux États-Unis !


          • Kookaburra Kookaburra 28 juin 2013 10:09

            Oui, Alinea, la décence est sociale. Serait-elle la même chose que la bienséance ? La bienséance, est-elle ringarde ? Comme c’est une langue pour moi étrangère, je n’ai pas la même sensibilité des mots que vous, qui aimez particulièrement la langue et les mots. J’aime la notion de délicatesse. «  Par délicatesse j’ai perdu la vie…  » Le poème de Rimbaud nous touche et peut nous faire penser à un avènement dans notre propre vie où nous avons renoncer, par délicatesse, à un désir. La pudeur est un sentiment universel. C’est un sentiment noble.

             

             

             


          • eric 28 juin 2013 10:00

            Vaste sujet ! Juste une anecdote. Je regardais hier soir le DVD du feuilleton « La demoiselle d’Avignon ». Un des plus grands succès historique de la télévision française.
            Bonus, interview de l’auteur. Refus par toutes les chaines sans meme le regarder au vu du scenario. « Motif, après 68, un couple qui passe le weekend a Honfleur et demande deux chambres séparées, cela ne passe pas.... »


            • Kookaburra Kookaburra 28 juin 2013 10:19

              Bonjour Eric. Oui vaste sujet, plus convenable peut-être pour la classe de philo qu’ici, mais je l’ai proposé en complément de mon article précédent sur l’hypersexualistion de la société. Ceux qui pensent que la libération des mœurs est plutôt une dégradation des mœurs nosent guère le dire. La notion même de bonnes et mauvaises mœurs est ringarde. On accepte le sans-gêne de la Gay Pride, même si cet acceptation est en quelque sorte dictée par limpératif de la lutte contre l’homophobie. La manifestation annuelle à Paris est devenue une tradition « culturelle » et nul semble soffusquer de ses aspects les plus outranciers.

              De même la manifestation des Femen en Tunisie.Ce ne sont pas quelques « paires de seins » qui posent problème dans le comportement des Femen, c’est plutôt leur intolérance foncière, leur total mépris pour la foi, la sensibilité et les convictions d’autrui. On ne combat pas une intolérance et un fanatisme par une intolérance et un fanatisme symétriques...


            • eric 28 juin 2013 11:57

              « On ne combat pas une intolérance et un fanatisme par une intolérance et un fanatisme symétriques... »
              Je ne sais pas. En général le peuple combat ce genre de totalitarisme, même dans ses formes molles a la française, par l’abstention ou avec ses pieds. Finalement, c’est la force d’inertie agissante du peuple russe qui a eu raison du régime socialiste. Mais d’un autre cote, le cout humain est tel qu’il n’est pas interdit de se poser la question d’une resistance plus active.
              On oublie souvent qu’en reduisant l’esperance de vie a 57 ans pour des hommes ruines par le desespoir, l’alcoolisme, le socialisme de stagnation brejnevien a été en définitive plus désastreux peut être que la brutalité du Stalinisme qui elle au moins avait quelques ambitions.
              Les dernières prévisions budgétaires de Ayrault montrent la démobilisation des français dans un monde qui sort globalement de la crise. la classe sociale socialiste française est entree dans sa phase brejnevienne. Quand on a plus la force ni les moyens de chercher a transformer le reel ( reformes vraiment sociales, les grands projets, etc..) mais encore la volonté tatillonne de regler la vie et la consience au quotidien des assujetis.
              Plus ils s’énervent devant leur impuissance, plus ils vont tenter de s’immiscer dans nos vie et nos consciences.
              Le tout exaspéré encore par leur peur panique devant la prise de conscience qu’ils scient la branche sur laquelle ils sont assoupis. La foire d’empoigne entre corporatismes va nous couter cher.
              On comprend la légitime indignation des instit qui ne vont toucher que 400 euro pour expliquer aux parents « désorientes » qu’après le CM1 vient le CM2, quand leurs collègues en touche 1200 pour canaliser les passages de 6 eme en 5eme.

              Tous cela devrait déboucher mécaniquement vers de plus en plus de fanatisme et d’intolérance (voir l’épisode Meric par exemple, ou les grosses bouffees d’anticléricalismes montant dans un pays caractérise par la baisse des pratiques religieuses.


            • Francis, agnotologue JL 28 juin 2013 10:52

              Bonjour à tous,

              pour ouvrir le débat, ces deux liens :

              « Dans les sociétés développées, l’économie de marché est le problème plutôt que la solution : dans une société démocratique, les institutions politiques sont précisément justifiées parce qu’elles sont censées protéger ses membres des humiliations causées par l’économie de marché. Ce qui inclut la lutte contre la pauvreté, l’exploitation et les conditions de travail dégradantes, l’aide aux sans-abris et le libre accès à l’éducation ainsi qu’aux services de santé pour ces ’consommateurs souverains’ qui n’ont pas de quoi payer.’’ (Margalit, La société décente, Flammarion 2007, page 32) (nb. entre guillemets, un bel oxymore !)

              La main qui donne est au dessus de la main qui reçoit : » Lorsqu’un gouvernement est dépendant des banquiers pour l’argent, ce sont ces derniers, et non les dirigeants du gouvernement qui contrôlent la situation, puisque la main qui donne est au dessus de la main qui reçoit. [...] L’argent n’a pas de patrie ; les financiers n’ont pas de patriotisme et n’ont pas de décence ; leur unique objectif est le gain. » (Napoléon Bonaparte)

              Question à l’auteur, Kookaburra :

              Comment conciliez vus ces deux affirmations qu’on lit dans votre billet ?

              1 ’’ La honte est la conséquence d’un manque de pudeur’’

              2 ’’ Ainsi, faisant honte aux individus de leur pudeur avant même qu’elle ne s’exprime, l’impudeur publique n’est que le masque d’une tyrannie qui n’a rien à voir avec la liberté sexuelle’’


              • Kookaburra Kookaburra 28 juin 2013 11:08

                Bonjour JL. Merci de votre message. Quant à mes affirmations, il est vrai que la première affirmation est un peur courte et requiert une explication, mais je ne vois pas une contradiction avec la deuxième.


              • Francis, agnotologue JL 28 juin 2013 11:24

                Kookaburra,

                vous voulez dire que la honte nait de l’impudeur, d’où qu’elle vienne ?

                Si ce n’est pas faux, ce n’est pas juste non plus : le pauvre a honte de sa condition, et il n’y a aucune impudeur dans l’affaire.

                Mais pour aller un peu plus loin dans la réflexion, je crois que honte, impudeur et pudeur se mélangent en effet, et il me parait difficile de dire le sens de la relation de cause à effet : je me risquerai ici à dire que la pudeur pourrait être une stratégie d’éviction de la honte, pour la tenir à distance, et quand c’est possible (cf. le pauvre !).


              • Kookaburra Kookaburra 28 juin 2013 11:45

                Bon exemple ! Le mendiant en loques dans la rue. En lui donnant quelques sous la pudeur et la honte m’envahirent - la pudeur de montrer ma relative richesse par ce geste « généreux », la honte de vivre à côté des gens réduits à cette pauvreté, la pudeur face à la honte que j’imagine (peut-être faussement) qu’il ressent de sa pauvreté. Près de nous il y a un campement de gitans. J’aimerais leur offrir des vêtements et un vieux vélo etc. Mais là aussi il y a des sensibilités à respecter - la honte, la pudeur entrent là-dedans aussi.

                 


              • Deneb Deneb 28 juin 2013 14:04

                Pour résumer l’article : vive la burqa !


                • jullien 28 juin 2013 14:39

                  ? ??
                  Pourquoi cette caricature ? Ne croyez-vous pas que le mauvais goût et le voyeurisme généralisé sur nos chaînes de télévision finissent par devenir lassants ? Il me semble que l’auteur ne réclame pas la burka mais un peu plus de naturel. Les courbes d’une femme en chair et en os aux formes naturellement bien proportionnées même s’il y a une ou deux couches de tissu au-dessus éveillent le désir masculin d’une manière dont la télévision ne sera jamais capable...


                • Christian Labrune Christian Labrune 29 juin 2013 00:01

                  Deneb,
                  En revenant hier du Père-Lachaise qui est le lieu ordinaire de mes promenades méditatives, je suis passé devant un nouveau salon de coiffure « mixte ».

                  Sur la devanture, j’ai pu lire cette annonce qui m’a plongé dans une perplexité dont je ne suis toujours pas sorti : « ESPACE RESERVE AUX FEMMES VOILEES »

                  Si c’est pas de la pudeur, ça !

                  Je n’ai pas osé entrer : c’est que je ne suis pas une femme, et encore moins une femme voilée, mais je serais curieux de savoir, techniquement, comment ils procèdent pour coiffer des femmes en burqa ! Il doit y avoir une arrière-salle qui ressemble à l’admirable Bain turc de Jean-Auguste-Dominique Ingres !
                  Rien que pour voir ça, je ferais bien la dépense d’une burqa. La-dessous, la pudeur ayant bon dos, je pourrais tout voir - et ni vu ni connu ! 

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