• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > La révolution de la post-vérité

La révolution de la post-vérité

Révolution, révolte, progrès, modernité et patati et patata…Tous savent que la dialectique permet de faire croire le contraire de ce que l’on va faire. La surenchère sémantique des slogans comme « progrès », « modernité », « révolution » ou « révolte » se traduit par des phraséologies vides de sens, tout en occupant l’espace médiatique où les débats sont tout aussi creux que monotones et conformes au libéralisme économique comme apriori fixé sans contestation possible.

JPEG

La "Révolution" d'Emmanuel Macron ou la "Révolte" de Manuel Valls ? Faut-il prendre ces mots au sérieux dans la bouche de ceux qui participent activement à la politique libérale et réactionnaire ? Les nombreux Français, pour qui ces mots ont un sens, notamment dans les quartiers populaires, sont-ils suffisamment accoutumés à la « politique post-vérité » (post truth en anglais) pour s'enthousiasmer à l’écoute émotionnelle de slogans utilisés comme des para-diastoles, des mots détournés de leurs concepts lorsque l’on écoute les bribes de programmes électoraux présidentiels. Les militants abusés par les tenants de la post-vérité vont-ils continuer à propager des idées fausses en faisant la sourde oreille à tout ce qui ne vient pas de leur candidat ? L’indigence des discours de leur idole devrait pourtant les faire réfléchir. Cela me fait penser au but du novlangue, défini par Orwell (auteur du roman « 1984 »), comme appauvrissement de la langue pour empêcher toute critique contre le système. Dans la propagande libérale, ce ne sont plus les faits qui comptent mais le mensonge asséné avec assurance. Le mot « post truth » est apparue en 2004 dans un livre publié aux Etats-Unis, mais c’est en 2016 qu’elle prend tout son sens avec le Brexit et l’élection de Donald Trump. Cette post-vérité est de nature intuitive et ne tient pas compte de la preuve, de l’examen des faits ou de la logique. Ainsi des réactionnaires se font passés pour des progressistes et même pour des antisystèmes. Ils utilisent l’adjectif « moderne » à toutes les vieilles recettes de l’idéologie libérale qui fait passer l’économie des riches, la rente, devant celle du travail. Lorsqu’ils parlent du travail, c’est pour dire, comme cela été inscrit sur des camps de concentrations nazis : « Le travail libère ». En 2017, Fillon et Macron le répétaient. Ils se présentaient comme les candidats du travail. Il fallait travailler plus sans gagner plus, il fallait moins de solidarité car c’est de l’assistanat qui fait baiser le pouvoir d’achat, il fallait supprimer l’ISF (C’est fait !), il n’y avait qu’à continuer à baisser les charges des entreprises sans contrepartie pour créer de l’investissement et du travail et laisser ruisseler les richesses… etc.

Macron ose tous les glissements lexicaux les plus hypocrites. Il a usé, on devrait dire « abusé » du mot « révolution » pour installer une politique réactionnaire. Une révolution peut-elle être réactionnaire ? Révolution réactionnaire reste un oxymore d’un point de vue historique. La révolution de Macron est une post-vérité réactionnaire. Yves Faucoup ; dans son blog sur le site de Médiapart, donnait son avis sur le livre programme de Macron : « Dans son livre, au chapitre "Faire plus pour ceux qui ont moins", Emmanuel Macron consacre 6 pages à la question des minima sociaux. Il a pondu une sorte de devoir d'étudiant en première année de Sciences Po : beaucoup d'évidences, un survol sur le sujet, un fourre-tout effleuré, pour ne pas dire un gloubi boulga gentillet (Mélange de nourriture peu appétissant d'après l'émission "Casimir"), tout et rien à la fois, une affirmation de quelques valeurs plus qu'un projet. Rien n'est creusé. Il dit se préoccuper des " Français les plus modestes et les plus fragiles" : "leur destin est lié à la conjoncture économique, ils sont les premières victimes de la concurrence exacerbée et des transformations technologiques, de la précarité et du chômage, des problèmes de santé et du retrait des services publics". Jusque-là, rien à redire. Puis il considère que ces "fractures" expliqueraient que notre pays soit attaché à l'égalité, que nous refusions l'individualisme et soyons favorables à la solidarité. Explication discutable, car je n'ai pas besoin que les inégalités soient à l'extrême pour défendre l'égalité, devise de la République. Mais c'est sans doute ce qui lui permet de tenir compte de "nouvelles inégalités" auxquelles répondent de "nouvelles sécurités" et "nouvelles protections". Toutes ces nouveautés, c'est pour dire que finalement les solutions ne peuvent plus être uniformes. Aïe, qu'est-ce qu'il va faire de ça ? Il ajoute : l’État doit prendre en compte pour chacun non pas ce qu'il est mais ce qu'il peut devenir. Très bien mais quelles conséquences ? Il se contente de lister des lapalissades selon lesquelles les aides financières ne suffisent pas, l'intervention doit être envisagée en amont, la prévention de la santé privilégiée. Et de se saisir de l'égalité au moins pour pouvoir glisser discrètement que le fait que des "régimes spéciaux subsistent n'est pas acceptable… " c'était la seule proposition concrète, encore qu'elle ne fût pas développée. Cela a débouché sur la casse des régimes de retraite et le passage de l’âge légal à 64 ans.

Emmanuel Macron est un nostalgique des rois de France. Dans un entretien, il avait prétendu que les Français le sont aussi en majorité. Il avait fait son premier grand rassemblement à Versailles, où rode l’âme du Roi Soleil. On ne le lui rappelle jamais suffisamment et, lorsque Jean-Jacques Bourdin a voulu le titiller sur ce point, Macron l’avait éludé. Alors qu’il était ministre, il avait déclaré dans un hebdomadaire : « La démocratie comporte toujours une forme d’incomplétude, car elle ne se suffit pas à elle-même. Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du Roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le Roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. On le voit bien avec l’interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique. Pourtant, ce qu’on attend du président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction. Tout s’est construit sur ce malentendu  ». Pour lui, il manque à la France un Roi. Quel mépris pour la place du peuple dans la démocratie !

Dans le final d’un de ses discours aux tonalités souvent criardes, le futur président jupitérien s’exalta à se casser la voix, se retenant à son pupitre pour ne pas sauter de joie exubérante. Il nous avait fait penser à l’acteur Leonardo DiCaprio dans le film de Martin Scorcese « Les loups de Wall Street », un monde de la finance que Macron connaît bien. Appliquait-il les méthodes de management vues dans ce film aux « marcheurs » de sa basse cours ? Aujourd’hui, certains marcheurs donnent l’impression de courir en rond et sans tête. Macron nous avait fait aussi penser à l’Islandais Guðmundur Benediktsson, dit « Gummi Ben » dans son pays, qui a rejoint le club des commentateurs de foot laissant leurs voix sur le terrain, improvisant des paroles à la gloire de leur sélection victorieuse. Lors de l’Euro 2016, il fut la voix aiguë de l’épopée islandaise. On ne passe pas des coulisses du pouvoir où l'on chuchote à une tribune politique, sans travailler sa voix et ses nerfs. J’avais trouvé ce garçon inquiétant. Je me suis même demandé s’il n’avait pas avalé ou inhalé quelque substance illicite pour atteindre ce degré d’exaltation.

La révolution de Macron est d’accomplir un tour sur lui-même pour faire croire qu’il produit du nouveau, tout en étant identique à l’énarque ambitieux, au banquier affairiste, au conseiller de la campagne de François Hollande, au secrétaire-adjoint de l’Elysée et au ministre de l’Économie dans le gouvernement Valls. A 15 ans, lorsqu’il joua l’épouvantail de la pièce de théâtre « La comédie du langage », il déambula sur la scène, en déclamant : « Ah !... Qu’il est bon de renaître ! ». Il ne renaitra pas en révolutionnaire. Il sort du moule de l’ENA. Cette grande école et la banque ne forment pas des révolutionnaires ! L'ENA est une création populaire et un patrimoine bourgeois. Les énarques vont pantoufler dans des banques, comme l’a fait Macron et pas dans la moindre puisqu’il s’agit de Rothschild, une dynastie associée à l'argent et au pouvoir depuis deux cents ans et sept générations. Hollande avait fait un discours électoral en disant que son ennemi était le monde de la Finance. Il a contribué à faire émerger des arcanes du pouvoir un énarque comme lui mais de la pire espèce, celle des pantouflards avec leurs conflits d’intérêts. L’annonce d’Emmanuel Macron de supprimer l’ENA n’était qu’un coup politique parmi d’autres lors de sa campagne électorale de 2017. Cette promesse électorale arrivait à point nommé pour lancer la campagne présidentielle du candidat Macron qui avait un argumentaire sur la méritocratie, affirmant son intention d’aller au-delà de la droite et de la gauche sur ces sujets et de faire ce que les autres n’avaient pas réussi : relancer la mobilité sociale en France. Depuis lors, silence radio sur cette promesse oubliée. Macron continue à recruter des énarques et, en priorité, au sein de sa promotion. La dernière en date est Amélie Oudéa-Castéra qui défraie l’actualité politique en multipliant les mensonges et les déclarations méprisantes. Elle représente la droite la plus réac qui soit. Elle est mariée à l’ancien directeur général de la Société générale et nouveau président du conseil d’Administration de Sanofi.

En 2017, Macron a bénéficié d’une propagande démesurée. Il s’est dit socialiste et puis non socialiste, et puis ni de droite ni de gauche ou de droite et de gauche. Il a voulu le pouvoir avec tous les abus possibles pour assurer l’ordre libéral de façon de plus en plus autoritaire. Il s’affiche comme le détenteur d’un ordre moral et le défenseur d’un arc républicain dont il exclut les extrêmes. Il n’a pas un réel souci de la vie quotidienne de tous les Français et de leur avenir. Que propose-t-il ? Une société divisée avec des catégories davantage paupérisées ou abandonnées. Il a tracé un sillon dans lequel il veut enterrer notre démocratie en se parant des vertus de l’audace et du courage.

Les pirouettes lexicales de Macron ne devraient plus leurrer personne. Pourtant il a été réélu. En détournant des mots de leur sens et en abusant des symboles, Macron veut écrire le destin des Français. Il fait du chômage, de la mondialisation et de la montée de l’extrême-droite les meilleurs atouts pour imposer des politiques ultralibérales sur le plan économique et de plus en plus autoritaires dans la pratique des institutions. Il dénigre le progrès social comme utopique pour imposer sa dystopie d’un ordre libéral et d’une société qui empêche intrinsèquement la plus grande partie de ses membres d'aspirer à plus de justice sociale et de bonheur.

 


Moyenne des avis sur cet article :  1.86/5   (21 votes)




Réagissez à l'article

5 réactions à cet article    


  • jocelyne 26 janvier 11:54

    Vrai que geopolitikprofonde, c’est top !


    • tashrin 26 janvier 15:21

      Lepage  conférence gesticulée  la langue de bois

      https://www.youtube.com/watch?v=oNJo-E4MEk8



        • zygzornifle zygzornifle 27 janvier 08:59

          Valls, spécialiste du 49,3, de la quenelle et anti Dieudonné et Macronophile ..... 


          • Matlemat Matlemat 27 janvier 14:15

            Aujourd’hui Macron nous explique que la guerre c’est la paix.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON

Auteur de l'article

Jean d’Aïtone

Jean d'Aïtone
Voir ses articles



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité