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La sainte famille

En visionnant Ce soir ou jamais (CSOJ), alors que je trouvais le débat intéressant mais sans plus, une intervention de Serge Regourd m’a littéralement réveillé, et j’ai l’impression que ce fut aussi le cas pour l’ensemble des intervenants. Il a pointé du doigt le fait que tous les gens autour de la table ne critiquaient pas la famille, mais au contraire l’encensaient et l’idéalisaient.

Je n’ai pas l’intention de refaire l’ensemble du débat qui s’est déroulé pendant l’émission, mais de zoomer sur quelques points qui me paraissent incohérents dans ces questions si animées autour de la famille. Déjà, pourquoi, comme pour d’autres débats d’actualité touchant à la morale, y a-t-il une mobilisation aussi forte ? Peut-être parce que l’opposition entre les croyants et les athées n’est pas si grande, car ils défendent les mêmes valeurs.

Nous avons pu constater pendant CSOJ qu’effectivement, chacun voulait s’affirmer comme le meilleur défenseur de la famille. Non seulement cela, mais dès le début, la ministre présente, Dominique Bertinotti, a précisé que c’est l’enfant qui est au cœur des préoccupations. Je fus choqué de tels propos et personne n’a réagi, au contraire, jusqu’à ce que le philosophe Emmanuel Jaffelin ose émettre l’hypothèse qu’une famille puisse exister sans enfants.

Je me souviens distinctement avoir discuté de cette question avec un ami qui allait se marier et qui souhaitait le faire dans la tradition catholique. Il m’avait rapporté son étonnement lorsque les autres couples présents à la préparation au mariage mettaient en premier la conception d’un enfant comme fondement du mariage et donc de la famille par la suite. Pour rappel, le Petit Robert donne comme définition de la famille : « ensemble des personnes vivant sous le même toit ». 

Aujourd’hui, dans la lignée du débat autour du mariage pour tous, il n’est pas question pour le gouvernement de remettre en cause ou de critiquer l’institution chrétienne, mais simplement de l’étendre. J’insiste sur ce point car j’ai l’impression qu’il y a actuellement une confusion généralisée. Quand par exemple, à la fin du débat, Sylvie Testud parle de valeurs différentes entre les familles, elle confond valeurs et constitution de la famille (traditionnelle, monoparentale, homoparentale). Les valeurs sont les mêmes : liberté, égalité, fraternité.

Revenons sur la question de l’enfant. Comment se fait-il qu’il prenne autant de place de nos jours alors que le taux de natalité n’a jamais été aussi faible ? L’enfant est devenu une sorte de roi, mais cela va bien plus loin. Les parents s’évertuent à tout faire pour que le paradis de l’enfance soit conforme à leur imaginaire, c’est-à-dire au paradis terrestre. Pour les athées, cette notion est bien entendu refoulée, mais elle n’en est que plus forte, elle peut constituer le sens même de leur existence.

En refoulant leurs racines chrétiennes, les non-croyants s’enferment dans un monde chrétien revu et corrigé à leur sauce, c’est-à-dire englobant l’ensemble de l’humanité, quelle qu’elle soit, gommant ainsi l’imperfection d’un Dieu de la Bible n’ayant pas su accepter certaines tendances sexuelles. Je ne dis pas qu’il faille interdire le mariage pour tous, l’adoption, la PMA ou la GPA. Ces points sont pour moi une projection psychologique d’un débat bien plus profond portant sur le sens même de l’existence, la laïcité fournissant une réponse implicite et strictement identique au christianisme : le sacrifice pour les autres : travail, famille, patrie. Le travail étant conçu de plus en plus comme oppressant, la patrie s’effaçant devant l’Europe, il ne reste plus que la famille comme valeur de base. Les parents y projettent donc tous leurs espoirs.

L’opposition bête et méchante entre croyants et non-croyants montre à quel point la république laïque n’arrive pas prendre de la distance avec la religion. En fait, elle n’a jamais souhaité en prendre car elle voulait faire mieux, réparer les défauts d’une chrétienté hypocrite. Il y avait un moyen pour éviter ces débats stériles : arrêter d’utiliser le terme de mariage qui n’a plus aucun sens dans un monde où la moitié des gens divorcent (ceux qui ne le font pas sont cocus), scinder la réflexion entre vie commune et éducation, laisser le mariage éternel aux croyants. Mais il n’en est pas question, car inconsciemment, la république ne peut se détacher des institutions chrétiennes, elle y reste collée par simple réaction adolescente, le comportement de François Hollande face au pape résume parfaitement cette image.

Pour finir, un petit verbatim de la ministre illustrant une incohérence magistrale : « Permettre à chaque individu d’avoir la liberté de constituer sa propre famille ». Il me paraît complètement saugrenu d’évoquer la liberté quand on doit faire des concessions en couple. De plus, fonder une famille, demande déjà l’accord de l’autre. Qui a une famille devrait savoir qu’il n’a pas gagné en liberté, mais en sécurité, c’est différent et c’est justement l’un des drames de notre société. Quand une croix n'est pas faite sur la liberté, il y a souvent confusion entre liberté et sécurité.

Intervention de Serge Regourd à partir de 24:00.


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8 réactions à cet article    


  • claude-michel claude-michel 11 février 2014 09:50

    heu....une famille sans enfant c’est un couple...comprenant l’époux et l’épouse uniquement.. !


    • Hervé Hum Hervé Hum 11 février 2014 10:50

      Pour rappel, le Petit Robert donne comme définition de la famille : « ensemble des personnes vivant sous le même toit ».

      Définition incomplète et mal formulé ou plutôt archaïque, car aujourd’hui des personnes vivent sous le même toit sans rien partager d’autre que le toit pour des raisons économiques et amicales.

      La famille implique une relation affective forte (par le sang ou l’amitié), non une relation économique, celle ci étant conditionné à la première, non l’inverse. De fait, la famille n’implique pas de vivre sous le même toit, mais d’être lié affectivement. lorsque ne reste que l’aspect financier, la structure familiale est détruite, il n’y a plus de famille.

      Il me paraît complètement saugrenu d’évoquer la liberté quand on doit faire des concessions en couple. De plus, fonder une famille, demande déjà l’accord de l’autre. Qui a une famille devrait savoir qu’il n’a pas gagné en liberté, mais en sécurité, c’est différent et c’est justement l’un des drames de notre société. Quand une croix n’est pas faite sur la liberté, il y a souvent confusion entre liberté et sécurité.

      Là, de mon point de vue, c’est vous qui faites la confusion. La liberté consiste dans le choix, non dans les conséquences du choix. Les concessions nécessitent de se discipliner, mais celle ci ne sera privative de liberté qu’à la condition d’être subi ou acceptée avec fatalité, mais si cette discipline est volontaire, alors elle n’entrave pas sa propre liberté, car elle relève de l’intériorité et non de l’extériorité. Voulu et non subi.

      Evidemment, c’est un peu moins simpliste...


      • Joaquim Defghi 11 février 2014 11:44

        Bonjour Hervé Hum,


        la définition du Petit Robert est certainement incomplète, en la notant, mon intention est de questionner et surtout de mettre en valeur le fait que l’enfant occupe un place très importante. Il existe d’ailleurs plusieurs définition de la famille, donc différentes interprétations. 

        Pour ce qui est de la différence entre liberté et sécurité, il s’agit d’une question très complexe et évidemment, ce n’est pas en quelques lignes que l’on peut y répondre. A cause de la puissance de l’inconscient, il est très difficile de savoir ce qui est voulu et non subi. Est-ce que j’agis pour être conforme à la morale ou est-ce que j’agis spontanément ? Dans tous les cas, il y a des concessions et de la nécessité, c’est le principe de réalité, mais je pense que l’on se réfugie trop souvent derrière ces arguments pour justifier un choix et dire qu’il a été opéré librement. 

        Il en va de même pour la consommation qui est pourtant bien différente de la famille à priori. Le fait d’avoir un choix signifie-t-il que vous êtes libre ? Si vous avez le choix entre la peste et le choléra, vous estimerez-vous libre d’avoir choisi ? 

      • Hervé Hum Hervé Hum 11 février 2014 13:37

        Bonjour Joaquim Defghi

        Pour ce qui est de la différence entre liberté et sécurité, il s’agit d’une question très complexe et évidemment, ce n’est pas en quelques lignes que l’on peut y répondre. A cause de la puissance de l’inconscient, il est très difficile de savoir ce qui est voulu et non subi. Est-ce que j’agis pour être conforme à la morale ou est-ce que j’agis spontanément ? Dans tous les cas, il y a des concessions et de la nécessité, c’est le principe de réalité, mais je pense que l’on se réfugie trop souvent derrière ces arguments pour justifier un choix et dire qu’il a été opéré librement.

        L’inconscient fait partie de l’être et à ce titre ne pose pas la question si le choix est subi ou voulu. Par contre, il ne faut pas confondre inconscient avec conditionnement ou manipulation, qui visent précisément à utiliser les ressorts de l’inconscient pour faire perdre la liberté de choix. Car la liberté consiste bien à faire le choix qui convient à sa nature d’être et non correspondre à la volonté ou à la nature d’être d’autrui.


        Il en va de même pour la consommation qui est pourtant bien différente de la famille à priori. Le fait d’avoir un choix signifie-t-il que vous êtes libre ? Si vous avez le choix entre la peste et le choléra, vous estimerez-vous libre d’avoir choisi ?
         
        Votre exemple est absurde étant donné qu’il n’y a pas de choix réel, les deux menant à la même conséquence et ce dans les mêmes conditions. Un choix implique deux conséquences différentes, même relative. De plus, la liberté implique que la question du choix vienne de la personne elle même et non imposé par autrui. Encore et toujours, le principe de la liberté individuelle repose sur l’intériorité du choix et non venant de l’extérieur.

        Ce qui correspond à cet aphorisme

        la liberté exige une grande discipline intérieure, la servitude un minimum et l’esclavage aucune, car la discipline est imposé de l’extérieur.

         Autrement dit, si un esclave est animé d’une discipline intérieure forte, il aura des chance, par son action induite, d’accéder à la liberté. Tout comme une personne dénué de discipline intérieure risque fort de se retrouver non pas forcément esclave, mais mise sous tutelle.


      • Francis, agnotologue JL 11 février 2014 11:27

        ’’Qui a une famille devrait savoir qu’il n’a pas gagné en liberté, mais en sécurité’’

        Fonder une famille c’est effectivement échanger une liberté contre une sécurité.

        Mis il faut à ce sujet faire deux remarques : d’une part, la sécurité en question concerne au premier chef les enfant présents ou à naître.

        D’autre part vous noterez que j’ai dit une liberté en échange d’une sécurité : c’est volontairement que j’ai employé cette forme. En effet, la vie en couple nous apporte une sécurité en tant que solution à bien des besoins rédhibitoires, sécurité que ne connaissent pas les célibataires.

        Donc le mariage est un deal gagnant gagnant, sauf évidemment pour ceux qui sont jaloux de leur liberté c’est-à-dire ceux qui conçoivent le mariage comme un rapport dominant-dominé et qui ne supportent ni d’être dominant ni d’être dominé.


        • Joaquim Defghi 11 février 2014 11:53

          Bonjour JL,


          je suis célibataire mais je n’ai rien contre la vie de couple, c’est avant tout pour moi une question de feeling. Dans toute relation, en particulier celle du couple, il y a des tensions, des jeux de pouvoir, des rapports de force. Célibataire ou non, j’y suis confronté et ce serait refuser le principe de réalité que de dire le contraire. 

        • Julien30 Julien30 12 février 2014 08:46

          Ah l’illusion de la liberté, c’est vrai finissons-en avec la famille traditionnelle, un des derniers bastions qui permet de résister quelque peu à la société marchande.
          Quant à croire que notre république n’arrive pas à se séparer des racines chrétiennes, qui ont par ailleurs largement participé à sa grandeur, c’est bien mal connaître les intégristes laïcards que sont nos « gouvernants » et ceux au-dessus d’eux qui n’ont rien, mais alors rien, de catholique.


          • vesjem vesjem 12 février 2014 15:22

            ton texte me semble sournois , tantôt encensant , tantôt égratignant le concept « famille » et sa définition ;

            tu t’es introduit récemment sur ce site d’ A.V ; nouvel adhérent de circonstance , peut-être un agent du pouvoir payé pour désinformer et reformater ;
            peux-tu être clair sur les questions ci-dessous ?
            es-tu pour ou contre la théorie du genre ?
            es-tu pour ou contre la PMA et la GPA ?
            es-tu pour ou contre le mariage entre homosexuels ?


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