La Turquie et l’Iran en bataille d’influence en Irak
Les puissances hégémoniques régionales ont clairement l’intention de s’attaquer à la souveraineté et à la dignité nationale de l’Irak. Le jeu à somme nulle entre l’Iran et la Turquie sur l’influence en Irak ne surprend plus. Mais il soulève des questions sérieuses quant à la position arabe sur ce que ces deux pays complotent contre un État arabe de longue histoire.
Ce qui s’est passé entre l’Iran et la Turquie ces derniers temps n’est pas seulement une guéguerre verbale qui a donné lieu à une crise diplomatique, comme ça peut paraître. Il existe en effet un fort antagonisme entre ces deux pays, qui se cachent derrière l’intérêt commun de poursuivre leur projet colonial au mépris de la souveraineté et des intérêts des nations arabes.
L’ambassadeur iranien en Irak, Iraj Masjedi, a précisé que son pays n’accepte pas la présence de troupes étrangères en Irak, ni une intervention militaire sur son territoire. Référence à l’occupation du territoire irakien par les forces turques. Ces déclarations auraient été bien justes si elles n’avaient pas été faites par un responsable d’un État qui exerce littéralement ce dont il accuse autrui.
L’Iran et la Turquie sont des puissances étrangères qui interviennent illégalement en Irak depuis des années. Tous deux sont impliqués dans une occupation barbare de certaines parties de l’Irak.
Comment l’un peut-il appeler l’autre à sortir et le décrire comme occupant ? Les mollahs eux-mêmes se sont vantés ouvertement, il y a des années, d’occuper la capitale de l’Irak parmi quatre capitales arabes.
Personne n’oublie la déclaration d’Ali Younisi, ancien chef des services de renseignements iraniens et conseiller de l’actuel président iranien, en mars 2015. « L’Iran est devenu un empire comme il l’a été tout au long de l’histoire et sa capitale est maintenant Bagdad. »
C’est étrange que l’ambassadeur iranien appelle la Turquie à se retirer à la frontière internationale et à laisser aux Irakiens la tâche de sécuriser l’Irak, mais ne dit pas la même chose. Son pays a répandu ses milices sectaires partout en Irak. Il fait obstacle à l’unité du peuple irakien et sabote tous les efforts visant à rétablir la sécurité sur son territoire.
Certes, ce qui s’applique à l’Iran s’applique forcément à la Turquie. Tous deux ont un projet d’expansion stratégique sur le dos des États arabes : grignotage de leurs territoires, pillage de leurs richesses et exploitation de celles-ci dans le cadre d’un jeu de chantage aux grandes puissances.
Il se peut que ce soit le moment du clash des projets et que des conflits d’intérêts apparaissent après des années où les parties ont prétendu coopérer et se coordonner. Au cours de réunions conjointes répétées ces dernières années, ils ont parlé d’amitiés historiques et d’autres formules ronflantes qui n’ont pas survécu à la première tempête qui a fait trembler les murs de ces liens fragiles.
Lors de la première réunion du Conseil de coopération stratégique turco-iranien en juin 2014 à Ankara avec le président iranien Hassan Rouhani, Erdogan a déclaré que la Turquie et l’Iran comptent parmi les plus anciens pays de la région et que leur amitié repose sur un passé qui dépasse l’histoire de nombreux pays.
Il a ensuite parlé de manière inappropriée de ce qu’il a décrit comme des pays arabes non anciens.
La réunion a vu des surenchères des deux côtés sur la question palestinienne, qu’ils se chamaillent pour exploiter afin de gagner l’amitié des peuples arabes pour mettre en œuvre leur projet colonial au moyen de groupes et d’éléments sectaires et terroristes hélas de nationalités arabes. Le conflit entre les projets iranien et turc sur le sol irakien n’est ni nouveau, ni passager, ni surprenant.
Rares sont ceux qui ont gobé les mots de fausse amitié échangés par les dirigeants de deux pays qui n’ont que de la haine contre les Arabes. En Syrie comme en Irak, il existe un conflit intense ou provisoirement enfoui entre les deux pays, caractérisé par des tendances sectaires divergentes et un désir d’étendre son influence au détriment des autres.
Depuis 2003, les deux parties se sont unies pour mettre le projet kurde hors d’état de nuire, en convenant de violer la souveraineté de l’Irak d’est en ouest et de lancer frappe après frappe contre les Kurdes. Plus tard, les mollahs ont gardé le silence sur la présence de la Turquie en Syrie, notamment à Idlib. La Turquie a fermé les yeux sur la présence de l’Iran en Syrie.
Mais la forte incursion de la Turquie dans le nord de l’Irak ces derniers mois ne semble pas avoir fait plaisir aux mollahs. Ils ne se sont pas non plus réjouis du rôle croissant de la Turquie au Liban. La dernière prise de bec exprime une colère étouffée qui cherche un exutoire pour redéfinir les règles du jeu du pouvoir entre les deux puissances.
L’Iran et la Turquie, aidés par des organismes et groupes terroristes transnationaux, ont fait beaucoup pour mêler religion et politique, jouant sur le sectarisme et s’efforçant d’éroder les affiliations nationales en faveur des affinités confessionnelles.
Les mollahs conçoivent l’Irak comme faisant partie du nouvel empire persan, comme l’a déclaré en 2017 l’ancien ministre iranien de la défense, Gén. Hossein Dehghan, tandis que le néo-ottomanisme erdoganien regarde les Arabes du même œil suprémaciste que les mollahs.
Le conflit turco-iranien en Irak est le résultat, comme dit plus haut, de l’intersection des projets, nationaliste turc et sectaire iranien, pour contrôler et dominer la région arabe, et pour tirer profit du vide de pouvoir qui existe depuis les troubles de 2011.
On s’attend à ce que chaque partie devienne plus farouche au fur et à mesure qu’elle solidifie ses positions en Irak et ailleurs. Cela ajoute un nouveau fardeau à l’Irak et aux Irakiens, et affaiblit les efforts du gouvernement actuel pour restaurer progressivement le rôle et le statut du pays.
La position arabe sur les atteintes et les attaques de l’Iran et de la Turquie contre la souveraineté de l’Irak est déjà connue. Cependant, le rejet arabe de leurs ingérences se limite aux paroles et ne se traduit pas par une coordination des efforts au sein d’un cadre diplomatique arabe commun pour répondre résolument à ces violations. De fait, la marge de manœuvre des acteurs arabes est mince.
Peut-être est-ce dû aux circonstances du système régional arabe ou au déclin du rôle des organisations internationales, à l’absence d’une coopération internationale efficace et à l’évolution des intérêts et des priorités en raison des circonstances de la pandémie de coronavirus.
Néanmoins, il est impératif d’apporter tout le soutien arabe possible à l’Irak pour libérer ce cher pays arabe du carcan de la lutte régionale pour le pouvoir entre l’Iran et la Turquie.
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