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Accueil du site > Tribune Libre > Laïcité : amalgames et perte de repères

Laïcité : amalgames et perte de repères

Cet article poursuit l'analyse des méfaits de la laïcité-athéisme-public tels qu'ils sont écrits dans le dossier du Point « Cet islam sans gêne ». L'inversion de la laïcité (qui est une obligation de l'État d'arbitrer dans les religions d'une société multiconfessionnelle) en commande aux citoyens-sujets de se couper en deux (professer la soi-disant même religion que l'État, l'athéisme, entraîne une perte des repères (on emploie le même mot pour deux choses opposées) qui crée amalgames et confusions, amalgames et confusions ayant pour finalité, peut-être inconsciente, de nier cette inversion. Mais surtout ayant pour résultat, volontaire ou non, d'augmenter les difficultés du vivre-ensemble.

Voici les titres des articles de ce dossier du Point :

Homme-femme, le casse-tête de l'hôpital public. L'absence de référence à la laïcité signe le fait qu'il s'agit dans cet article d'autre chose : des rapports entre les hommes et les femmes. Je ne sais pas si les problèmes ont la taille et l'urgence que dit cet article. Ce que je vois bien, c'est qu'il ne s'agit pas de laïcité. Une phrase met en équivalence droits du patient et laïcité. La laïcité aurait à faire avec des « droits du patient » ! C'est tirer la laïcité là où elle n'a pas d'action, pas d'usage, pas d'intérêt. La laïcité est incommensurable aux « droits du patient ».

La bataille des cantines. Vous avez bien lu : la bataille. Avec des phrases incroyables : « au nom du vivre-ensemble, aucune différence ne peut être tolérée. » Tous pareils. Ce serait cela la laïcité ! Qu'aucune tête ne dépasse. Pas de filles, pas de garçons... Une discipline binaire, ou tu te soumets ou tu t'en vas : « la crèche est soumise à un règlement intérieur : on y adhère, ou on la quitte. » Voilà la liberté qui nait de cette inversion de la laïcité. Et comment se feraient les évolutions ? Ce sont les contradictions qui permettent les évolutions. Peut-être, (je vais me moquer un peu) avec cette laïcité-athéisme-public, avons nous atteint la perfection et n'avons nous plus besoin d'évoluer, et donc plus besoin de contradictions. Un peu comme lorsque Staline avait décrété la fin de la dialectique. Nous savons maintenant, dans le réel, la pertinence de ce type de rejet de la contradiction. Nous pouvions le savoir La force de notre civilisation, c'est précisément d'avoir su intégrer (globalement) la contradiction comme un moteur de progrès. Nous y renonçons actuellement.

Cet article parle d'identification des élèves par le repas. Cette expression invente le problème qu'elle prétend découvrir dans la réalité. Les élèves ne s'identifient pas par le repas, ce sont ceux qui veulent créer un problème qui le voient et l'écrivent ainsi.

Le pire est atteint quand le Point reproche à des élus de s'assurer la paix sociale. Comment ne pas vouloir la paix sociale ? La laïcité était un instrument puissant de paix sociale et nous devons comprendre que nous l'avons délaissée et que nous avons intérêt à y revenir.

Entorses sur les terrains. Il s'agit de sport. Là aussi, il s'agit de « faits » invérifiables et présentés de façon tendancieuse, favorable à la « thèse » du Point : une laïcité du citoyen, ici, du sportif comme si la laïcité était et avait toujours été un athéisme d'État obligeant les citoyens à montrer en public leur athéisme, même quand ils ont une religion.

Les faux imams, rois des prisons. L'ensemble de cet article va vers l'augmentation du nombre d'aumôniers musulmans, afin de contrer le prosélytisme des musulmans extrémistes. C'est un processus d'institutionnalisation classique, ordinaire, qui est dans la conséquence de la laïcité véritable, la laïcité-arbitrage. Au passage, Farhad Khosrokhavar, sociologue, montre la faiblesse et même la bêtise de cette conception de la laïcité-athéisme-public quand il déclare que certains djihadistes n'affichent aucun signe de religion. Forcément ! On leur dit tellement que c'est là le problème, (leur visibilité dans l'espace public, qui soi-disant aurait toujours été vierge de signes d'appartenance religieuse, de fait de la laïcité !) qu'on leur dit ce qu'ils doivent faire pour retrouver la liberté d'agir à leur convenance. Contre-productivité, dont je redis que, si elle argumente par elle-même en mon sens, n'est pas mon souci, et ne joue pas de rôle dans mon mode de pensée.

Il faut rajouter un entretien avec Tarik Ramadan, qui dit en substance, que le constat est partial, que les faits narrés s'ils existent bien de peuvent décrire la réalité de musulmans qui ont accepté les règles communes dans leur grande majorité. Il dit aussi que les discours courants les disqualifient comme citoyens de façon illégitime.

Enfin, pour finir le tableau, il faut citer l'éditorial de Franz-Olivier Giesbert, qui brasse tous les discours institués sur la question, se fait fort de faire le ménage, de déranger les habitudes, de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, et finit par demander à la majorité des musulmans qui, selon lui, serait de son avis, de quitter le silence : « Cette majorité là est silencieuse. Il serait temps de l'entendre, elle aussi. Elle a beaucoup à dire. »

Cependant, Franz-Olivier Giesbert ne donne pas la parole à cette majorité silencieuse dans la suite du dossier, préférant les exaltations qui se croient pleines de forces de la laïcité-athéisme-public.


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16 réactions à cet article    


  • Gabriel Gabriel 13 novembre 2012 09:50

    A chaque fois qu’une communauté se verra octroyer des passes droits au dessus des lois de la république nous régresserons dans nos libertés et nous sacrifierons l’ensemble au bénéfice d’une minorité. Je suis pour l’expression de chaque mode de vie, religion ou philosophie dans le respect des lois afin de préserver ce qui nous a permis de vivre en harmonie toutes ces années malgré nos différences.


    • plancherDesVaches 13 novembre 2012 14:32

      Absolument, Gabriel.
      Et le pire est qu’il est « enseignant »...


    • njama njama 13 novembre 2012 18:59

      Absolument plancherDesVaches

      on se demande comment un enseignant peut dire une telle sottise :
      « professer la soi-disant même religion que l’État, l’athéisme, ... »

      L’État n’est ni théiste, ni a-théiste ! l’État est à la fois la Nation et un ensemble d’Institutions.


    • bluerage 13 novembre 2012 11:05

      Quel courageux ! Tu t’agenouilles devant le moindre salafiste, après on s’étonne qu’ils veuillent imposer la charia, avec des types comme toi ils auraient tort de se gêner...


      • KeVal ? 13 novembre 2012 17:00

        La volonté de guerre et de haine dans les réactions est assez effrayante.
        Le Point en braquant les Français les uns contre les autres attise cette haine.


        • njama njama 13 novembre 2012 17:55

          Les attaques contre la laïcité ont commencé sous le règne de Nicolas 1°, grand vizir de 2002 à 2007, puis ensuite roi des français jusqu’en mai 2012 , grand barde barbant du concept de son cru, la laïcité dite « positive » (comme si il en existait une négative smiley ) qui a fait coulé beaucoup de salive, fait quelques dégâts collatéraux ... lequel concept est repris depuis par le seigneur Manuel Valls qui a juste changé l’étiquette en laïcité « ouverte ». Chou vert et vert chou !

          Autre élément politique important dans ce dérapage républicain, la chienlit du Traité européen avec son Dialogue avec les religions, les Eglises et les communautés de conviction, l’Article 17 prévoyant un Dialogue ouvert, transparent et régulier.

          On ajoutera également à cette question les racines chrétiennes qui faisaient débats, et ont fait plouf, comme un pétard mouillé.

          http://ec.europa.eu/dgs/policy_advisers/activities/dialogues_religions/inde x_fr.htm

          Autre élément politique, le soutien déclaré à Israël, donc au sionisme cette théo-politique, qui implique fort naturellement et implicitement un soutien sans faille au judaïsme talmudo-rabbinique, lequel est assimilé de facto sioniste ce qui est une imposture ... d’où peut-être la retour de différentes velléités confessionnalistes histoire de noyer un peu le poisson dans la mare à canards.

          Bref ce n’est pas la laïcité le problème, elle a fonctionné très bien et longtemps, c’est ce que l’on pourrait appeler la libanisation de la vie politique qui fout le bordel.
           


          • Orélien Péréol Aurélien Péréol 13 novembre 2012 19:16

            @ tous. J’ai pris la résolution de ne répondre qu’aux messages respectueux et réagissant à mon article.

            Je ne répondrai pas à celles et ceux qui tiennent l’insulte pour une force, et qui se servent de ma thèse, de mon point de vue si vous préférez, pour répéter leur foi.

            J’ai un certain nombre d’articles sur le Net pour exprimer et expliquer les conséquences, non suivies, abandonnées, du fait que la laïcité est liée à l’Etat, et seulement à l’Etat, pas au peuple, ni à la nation, et encore moins aux citoyens.
            J’annonce depuis 2005 l’augmentation des conflits entre citoyens, augmentation liée au renoncement à la laïcité contenue dans la loi interdisant les signes religieux à l’école pour les élèves. J’annonce cette augmentation en intensité (les croyants de la laïcité-athéisme-public et les croyants des différentes religions qui sont pratiquées dans la nation française seront de plus en plus croyants et de moins en moins capables de discuter entre eux, c’est-à-dire de « faire société ») et en « surface » de nouveaux sujets de disputes apparaissant sans cesse.
            Sept ans suffisent pour voir que j’ai raison.

            • njama njama 13 novembre 2012 20:28

              Je ne suis pas d’accord Aurélien Péréol avec votre formulation « laïcité-athéisme »

              La laïcité est l’expression, à la fois du côté de la question religieuse, ou de convictions philosophiques, ou d’opinions ... , d’une obligation de neutralité ou un devoir de réserve de l’État, des fonctionnaires, des élus politiques, et de l’autre, de veiller à ce qu’aucun clerc (membre d’un clergé quelconque) ait voix au chapitre de la citoyenneté en tant que tel !

              Comme il m’est arrivé de le dire, un curé par exemple peut s’impliquer dans la vie politique en tant que citoyen, briguer un mandat politique de maire, de député, de délégué syndical ... , s’il veut, il n y a qu’à suivre les flèches, les mêmes pour tout le monde. La laïcité n’est absolument en rien un obstacle à une participation de quiconque dans la vie politique. Un clerc, n’est même pas comparable à un élu syndical, qui lui est choisi par un vote, c’est là toute la différence ... majeure !
              En tant que « citoyen », acteur de la vie politique, j’avoue, je suis complétement anticlérical et d’une façon radicale, pas de curé, rabbin, imam, ou autre ... , c’est clair, chaque chose a sa place. Et ce n’est pas pour ça que je ne respecte pas les curés, rabbins, imams, ou autres.

              Les amalgames et pertes de repères imputez-les aux responsables politiques qui brouillent les cartes.

              Un exemple récent, la presse a annoncé dernièrement la nomination d’un nouveau président du CNS (conseil national syrien), soit, mais pas un article sans dire que ce George Sabra est un chrétien ...
              mais on s’en tape complétement qu’il soit chrétien, ou autre ... comme on s’en fout que le président de cette nouvelle Coalition apparut sous les généreux auspices qatari comme un lapin qui sort du chapeau d’un magicien soit un sunnite. Il serait druze, ou arménien, assyrien ou je ne sais quoi c’est pareil !
              Oui on s’en tape que George Sabra soit un chrétien.
              La Syrie est une république laïque ! et nous faisons le même combat de défendre cette laïcité contre cette libanisation de la vie politique.

               


            • njama njama 13 novembre 2012 21:23

              J’ai juste l’impression Aurélien Péréol que nous nous comprenons sur le fond, que nous nous en désespérons également de façon assez identique, mais que nous ne prenons (ou voyons) pas le problème sous le même angle.

              Je dirais que votre grille de lecture se situe dans le canton national (l’État français), comme si ce n’était qu’avatars nationaux. Ce n’est plus d’actualité, l’Europe impose des « Directives » ... j’ai l’impression qu’ici parmi les commentateurs des articles divers d’Agoravox, peu parmi eux en prennent la juste mesure, quels que soient les sujets, économie, sciences, ... . La politique est aujourd’hui internationale, comme Internet.
              Cordialement.


            • Orélien Péréol Aurélien Péréol 14 novembre 2012 09:22
              On peut lire ceci :
              http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/11/13/la-ratp-refuse-une-campagne-de-pub-contre-l-islamophobie_1790051_3224.html
              La RATP aurait interdit une campagne d’affiches contre l’islamophobie. A quoi une organisatrice de cette campagne répond : « Ce n’est pas parce qu’une affiche présente un signe religieux qu’elle est confessionnelle. » Cela fait partie de la perte de repères. Nous nous sommes mis à croire que dire est convaincre, imposer, faire de la propagande. C’est la thèse de la RATP et de certains impolis qui « m’opposent » ce sentiment avec force, comme si la force de leur expression était la force du contenu qu’ils expriment.
              Ce n’est pas pas parce qu’on passe à l’ombre du clocher du village qu’on devient chrétien. Le clocher n’est pas en soi une propagande et la propagande n’obtient pas forcément ce qu’elle prétend vouloir obtenir. Surtout pas immédiatement.
              En tout cas, le résultat est bien l’augmentation de la répression dans notre société (la répression : l’empêchement de s’exprimer).

              Stigmatiser les islamophobes sur les murs de la ville parce qu’ils stigmatisent les musulmans et que stigmatiser un groupe, c’est mal, ne me parait pas de bon aloi.
              C’est une conséquence du renoncement à la laïcité de l’Etat et de la création d’une « laïcité » du citoyen, renoncement écrit dans la loi islamophobe dite « loi contre le voile » alors que le texte de cette loi ne fait pas mention du « voile islamique », ce qui, évidemment, serait anticonstitutionnel. Je me suis exprimé sur cet aspect des discours et des violences faites à notre Histoire.

              • njama njama 14 novembre 2012 11:38

                C’est une conséquence du renoncement à la laïcité de l’Etat et de la création d’une « laïcité » du citoyen

                Je suis d’accord avec vous. Mais si cette « laïcité » du citoyen est apparue, c’est parce que maintenant ce renoncement fait partie du discours politique ... Europe et patin-couffin ...
                Je traduirais plutôt par un renoncement non pas de l’État, car l’État c’est tout le monde et personne, mais un renoncement de la caste politique, récupéré ensuite par les médias, et la société civile. A la base, les « fautifs » sont bien les élus politiques, me semble-t-il.

                sur la relation discours politique et médias, cet article est très parlant :
                Nicolas Sarkozy agite le voile islamique
                « Le 19 avril 2003, « Le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy a délibérément relancé un débat hautement polémique en abordant la question du foulard islamique samedi au rassemblement annuel de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) au Bourget », rapporte l’AFP [1]. Ce débat, qui avait défrayé la chronique à la fin des années 80 semblait en effet clos, comme le montre l’étude quantitative des dépêches d’agence sur ce thème (cf. notre graphique). »
                http://www.voltairenet.org/article11977.html

                Le « voile » ou l’importation du clash des civilisations par Sarkozy
                25 février 2004
                http://www.voltairenet.org/Le-voile-ou-l-importation-du-clash

                Ces renoncements s’inscrivent pour moi non pas dans un contexte de clocher national même si sous nos yeux il apparaît à première vue comme tel, mais dans un contexte de politique européenne, et internationale. Le modèle de laïcité française ne fait pas l’unanimité en Europe, certains États européens rémunèrent les clergés, curés, pasteurs, rabbins, imams ... comme ici en France en Alsace Lorraine. Le lobbying religieux est très actif à Bruxelles (exemple ici ).
                Il y a donc une volonté politique européenne, traduite et mise en œuvre par nos élus, de démantèlement de la loi de 1905 ... à laquelle il est évident qu’il faut résister.

                Puisque que vous citez cet article du Monde, et que cette campagne contre l’islamophobie a été orchestrée par le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), cherchez des explications de ce côté-là. Qui sont ses membres, par qui est-il financé ?

                Je ne sais pas combien coûte une campagne d’affichage nationale, dans les grandes villes, dans le métro, sur les ondes Radio ... on peut imaginer que c’est TRÈS cher !

                Le Collectif Contre l’Islamophobie en France (CCIF) a été créé en 2003 ici

                Idem pour le CRIF ...
                Ces collectifs n’ont aucun mandat politique, mais paradoxalement ils sont intégrés dans le paysage politique, on leur offre des tribunes. Cherchez l’erreur !

                Il me semble qu’avant 2003 approximativement, les discours politiques ignoraient complétement les questions confessionnelles qui n’étaient pas des sujets politiques contrairement à aujourd’hui.


              • mithys 14 novembre 2012 13:11

                Bonjour Monsieur PEREOL,

                Bien que Belge, puis-je me permettre d’intervenir à propos de la conception française de la laïcité ?

                À mon sens, la laïcité n’est pas QUE politique, séparant l’Etat et les religions (théoriquement d’ailleurs puisqu’en fait et paradoxalement, elle les favorise toutes, du fait de sa conception à mon avis trop laxiste et souvent électoraliste de la tolérance et de la neutralité ...).

                Comme l’a écrit Vincent PEILLON à propos de son projet de réinstaurer un « cours » de morale à l’école, la laïcité n’est pas « que la simple tolérance, l’indifférence, la neutralité ». Elle est aussi « philosophique » (notion belge ...), elle comporte « des valeurs qui doivent être enseignées », en plus de celles de la démocratie et de la citoyenneté républicaines. (...). Le but est de « permettre à chaque élève de s’émanciper ». (…). Pour donner la liberté du choix, il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel, pour après faire un choix », a dit Vincent PEILLON. C’est fondamental, à mes yeux.

                Certes, la laïcité philosophique, inspirée par l’humanisme laïque, se passe de toute référence transcendantale, elle est même et avec raison souvent anti-dogmatique et anticléricale, mais elle n’est pas antireligieuse, ni athéiste : elle prône en effet, malgré l’opposition logique des religions, un système éducatif pluraliste qui permettrait le choix, aussi libre que possible, entre croyance et incroyance, conformément à l’article 18 de la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme de 1948 (« Toute personne a le droit de changer de religion ou de conviction »), hélas surtout contesté par l’islam puisque cette religion (exemple extrême) interdit l’apostasie, même aux musulmans de chez nous.

                Avant de défendre la « liberté de conscience », il me semble en effet qu’il faut d’abord favoriser son émergence, parce qu’à mon sens, la liberté de conscience, bien que constitutionnelle, n’est pas pour autant infuse ni innée : elle ne s’acquiert vraiment que par une éducation proposant (idéalement à tous et partout) une information minimale, objective et non prosélyte, à la fois sur les principales options religieuses ET sur les différentes options non confessionnelles, permettant un choix aussi libre que possible entre croyance et incroyance.

                De même, la conscience morale n’est pas acquise dès la naissance : elle ne s’acquiert et ne se développe qu’à la suite d’une éducation « humanisante ». Toutes les valeurs ne se valent pas : il y a des valeurs, si pas unniverselles, du moins « universalisables », non négociables parce que bénéfiques à tous et partout, telles que le respect de l’autre et de sa différence enrichissante (sauf fondamentaliste), celui de la dignité de l’homme, de la femme et de l’enfant, de leur liberté (effective, pas seulement symbolique !) de conscience, de religion, de pensée, loin d’apparaître spontanément, ou par obéissance à des « commandements » religieux, ne s’acquièrent que par une éducation familiale puis scolaire, fondées sur l’autonomie, l’esprit critique, la responsabilité individuelle, l’apprentissage des limites et du respect des autres et de soi-même, sur l’exemple des parents et des éducateurs, non pas intellectuellement, mais par des expériences affectives, vécues ou suggérées par empathie, parfois a contrario, etc … Un cours de morale laïque me paraît donc une nécessité en France.

                Désolé d’avoir « dérivé » sur la morale, conséquente implicite de la laïcité philosophique !

                Cordialement,

                Michel THYS, à Ittre, près de Waterloo.




                • njama njama 14 novembre 2012 14:23

                  Merci Michel THYS d’apporter votre contribution « belge ».

                  Bien sûr le concept de laïcité est d’essence philosophique, également en France depuis toujours. Il serait assez stupide de le réduire qu’à un anticléricalisme idiot.

                  Je crois qu’en Belgique le concept est assez identique, mais nous n’avons pas eu historiquement la même façon de le traiter. L’Etat belge est (ou se dit) neutre par rapport aux religions, mais le financement des cultes est organisé par l’Etat belge, ce qui est, pour notre partie française, une condition non seulement totalement inacceptable, mais impossible ... ou alors c’est une déclaration de guerre, qui pourrait durer 100 ans s’il le faut.

                  http://fr.wikipedia.org/wiki/Religion_en_Belgique#Financement_des_cultes

                  L’Etat belge n’est pas un cas unique d’ailleurs en Europe, l’Allemagne octroie aussi des subsides et salaires aux représentants des cultes.

                  Il y a des idées bien sympathiques avec cette Europe, mais ce sujet pourrait être une pomme de discorde profonde du peuple français avec l’Europe. Cette laïcité à la française fait partie des valeurs de notre république, elle a fait ses preuves d’apporter la paix sociale historiquement, nous n’avons rien à prouver de plus de ce côté-là.
                  Je dirais même que notre système est plus sain que le votre qui pourrait de prime abord paraître plus équitable. Des remises fiscales sont accordées sur des dons aux associations, cultuelles, culturelles, syndicales, scientifiques, partis politiques ... etc. donc l’État indirectement « rémunère » ... à la différence près, mais importante qu’ici en France nous sommes libres de donner ou pas, et à qui on veut. Donc, la société civile n’est pas mise sous la tutelle de l’État dans ces domaines.

                  Concernant l’article du Monde cité par Aurélien Péréol, je dirais que si la RATP a envoyé paître le CCIF, la belle affaire, elle ne s’est pas laissée manipuler au nom d’une liberté d’expression ou de je ne sais quoi, du business peut-être (?), elle est restée laïque.

                  La laïcité est d’essence philosophique, c’est donc à chacun, CITOYEN, de l’exercer, y compris et en premier de la part de nos hommes politiques.


                • Orélien Péréol Aurélien Péréol 14 novembre 2012 14:17
                   @ Michel THYS Je n’avais pas fait attention à cette parole de Vincent Peillon : « Pour donner la liberté du choix, il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel, pour après faire un choix »
                  Je la désapprouve absolument.
                  D’une part, elle me parait fondée sur l’idée que l’éducation obtient ce qu’elle veut obtenir, donc une éducation religieuse fait des adultes croyants, une éducation non directive fait des adultes tolérants et une éducation autoritaire fait des individus soumis et autoritaires... Alors que la « sagesse des nations » nous dit bien que les enfants deviennent ce qu’ils veulent, en s’appuyant sur l’éducation qu’ils ont reçue : Tel père, tel fils d’un côté et A père avare, fils prodigue, de l’autre. Personne ne peut « arracher les enfants » aux déterminismes (mauvais donc) des familles.

                  D’autre part et surtout, l’idée que les déterminismes seraient partout, sauf dans l’école, est fausse évidemment et insupportable. On ne peut pas croire que les parents disent : oui, nous sommes dans les déterminismes, vous êtes dans la liberté, voici nos enfants, arrachez-les à nos déterminismes... Merci, merci.

                  Ces paroles représentent à mon sens, une extension du renversement de la laïcité à tout ce qui fait la vie humaine symbolique.

                  • Orélien Péréol Aurélien Péréol 14 novembre 2012 15:45
                    @ mythis et ndama 

                    La laïcité n’est pas « d’essence philosophique » dont la « dimension » que je traite serait une réduction. « À mon sens, la laïcité n’est pas QUE politique, » écrit Michel Thys.
                    Ou alors, tout est d’essence philosophique, le politique aussi. Le politique est d’essence philosophique.
                    Je ne pratique pas les catégories instituées (je fais de l’analyse institutionnelle) sauf à en avoir fait une critique sérieuse. Ici les catégories instituées de philosophie et de politique. 

                    Je traite d’une inversion de la laïcité, qui selon moi a deux défauts majeurs :
                    1/ renoncer à nous-même et quitter le terrain des discours et des recherches de conciliation (sans dire que c’est un terrain commode et efficace, mais si on renonce on va clairement vers des confrontations en terme de rapport de forces en recherchant la diminution voire la suppression de l’autre, ce qui est une définition de la guerre)
                    2/ augmenter les tensions et aboutir à l’inverse de ce que les promoteurs de la laïcité du citoyen, je vais l’appeler comme ça pour honorer les propos de njama (« La laïcité est d’essence philosophique, c’est donc à chacun, CITOYEN, de l’exercer ») et parce que cela convient pour ce que j’ai à dire à l’instant sur le sujet. Ce deuxième point est en lien de conséquence, voire de causalité avec le premier point. (Puisqu’une loi veut la reddition d’un groupe de citoyens, elle obtient une augmentation de l’affirmation de soi de ces citoyens. C’est humain et facile à prévoir).

                    @ najma
                    Vous écrivez : « L’Etat belge n’est pas un cas unique d’ailleurs en Europe, l’Allemagne octroie aussi des subsides et salaires aux représentants des cultes. »
                    Nous avons trois départements concordataires en France. Je l’ai déjà écrit : une amélioration de la laïcité (de l’Etat, je rappelle) consisterait à dénoncer ce contrat avec le Vatican, qui fait que dans ces trois départements les curés sont fonctionnaires !

                    • njama njama 14 novembre 2012 19:41

                      Je l’ai déjà écrit : une amélioration de la laïcité (de l’Etat, je rappelle) consisterait à dénoncer ce contrat ...

                      Dans l’absolu je vous l’accorde ... mais votre suggestion est anachronique par rapport à votre réflexion d’actualité d’ inversion du sens de la laïcité, qui est un phénomène politique récent, très contemporain.
                      Inconvénient de votre hypothèse d’abroger les accords concordataires, nous nous dirigerions vers un fondamentalisme très laïcard, ce qui serait contre-productif, car cette question est marginale depuis la fin de la première guerre mondiale. Qui plus est, le nombre de prêtres est en chute libre, ils sont en voie d’extinction ... ce qui restreint l’obligation, le coût somme toute assez dérisoire dans le Budget de la France. Pour ces départements d’ailleurs, les imams ne sont pas salariés, vu que cette exception se rapporte très légitimement à une époque où la question de l’islam et des imams ne se posait même pas en France.
                      Mon avis, serait plutôt que cette vieille bougie s’éteindra d’elle-même un jour ... et qu’il est inutile de jeter de l’huile sur le feu sur cette question, qui n’est pas votre combat. Vous vous égareriez .

                      Par rapport au message de notre ami belge et au cas belge, allemand, et autres pays européens ... vous comprenez bien qu’en Europe il ne sera jamais possible de s’accorder sur l’idée de la laïcité. Peut-être que nos élus politiques n’en sont pas tout à fait conscient s qu’il sera impossible de fédérer (l’Europe est un État Fédéral) quoi que ce soit, et qu’ils se bercent d’illusions écrites dur le papier du Traité européen.
                      Le trublion politique qu’était Sarkozy a bien essayé ... en vain, les réactions de la société civile ont été à la hauteur de l’attachement que nous avons à ce principe républicain, et finalement toutes ces gesticulations politiques, médiatiques n’ont accouché au bout de longs mois, que d’une toute petite souris. Et je crois que pas plus la Droite que la Gauche, et même l’Europe, ne peut espérer un quelconque succès de tenter de modifier notre concept de laïcité, qui fait corps avec notre éthique républicaine.

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