Le 28 juillet 1794 Maximilien Robespierre était guillotiné
A la mort de Robespierre de nombreux suicides, pas seulement à Paris, laissent voir, s'il en était besoin, la popularité de l'homme qui disparait le 28 juillet 1794, il y a 226 ans. Robespierre avait incarné la volonté populaire, avant d'être emporté par les intrigues d'une côterie pseudo-républicaine.
Les circonstances ont fait de cet homme démocrate de coeur et de raison, un homme qui agit avec dureté et fait appliquer sans tergiverser les décisions prises par le Comité de Salut public et la Convention, l'Assemblée Nationale de l'époque, élue au suffrage universel pour la première fois de notre histoire française. Décisions qui voulaient sauver la première République face aux monarchies liguées contre elle, décisions qui voulaient offrir à chaque français une vie digne, un quotidien loin des malheurs d'une société d'une inégalité flagrante et désespérément renouvelée.
Au vingtième siècle, bon nombre de révolutionnaires se sont inspirés de son action. Mais en France pour la célébration du bicentenaire de la Révolution, le pouvoir en place, dirigé par François Mitterrand, a célébré la liberté en laissant de côté l'égalité. Ne s'attaquant pas pour sa propre société aux bastions en place, il lui était difficile de célébrer tous les anciens qui, par leur courage, avaient changé la règle du jeu ancestral. Si bien que furent complètement oubliés ceux qui ont créé notre république, fait vivre notre éthique, nos principes, parmi lesquels Robespierre.
Robespierre avait fréquenté le "Contrat social", lu Jean-Jacques Rousseau : "Vous êtes perdu si vous oubliez que les fruits de cette terre sont à tous. Aucun citoyen ne doit être assez riche pour pouvoir en acheter un autre ; aucun ne doit être assez pauvre pour être obligé de se vendre à un autre".Cet "homme divin", comme il l'écrit, lui a permis de" réfléchir aux grands principes de l'ordre social".
Il ne peut se faire à l'immense misère qui règne dans les milieux populaires dans les années 80 de ce 18ème siècle, mendiants jetés sur les chemins, compagnons obligés de quitter l'artisan ruiné, tisserands privés de travail, ouvriers privés de fabrique, errants professionnels, fripiers et colporteurs. Avocat, il défend les paysans de l'Artois, contre le seigneur évêque. Il abhorre l'injustice fiscale, les impôts nombreux et excessifs toujours payés par les mêmes, au roi, aux nobles, au clergé.
Lorsque le roi Louis 16 décide, en 1789, de convoquer les Etats généraux pour essayer de sauver le royaume de la faillite financière, il aide les savetiers à écrire leur cahier de doléances et il est élu sur la liste des députés du Tiers-Etat face aux privilégiés. Les bourgeois du Tiers-état, c'est à dire les commerçants, les professions libérales, les artisans revendiquent du pouvoir, notamment en matière fiscale.
Le pouvoir royal est vite débordé et le 20 juin c'est le Serment du Jeu de paume : Robespierre comme tous ses collègues du Tiers-état accepte l'idée de faire une constitution qui veut mettre fin au pouvoir royal sans contre- pouvoir. Après la prise de la Bastille, Robespierre et quelques amis se font acclamer à Paris. La France entière s'enflamme : châteaux envahis, châtelains pris à partie, documents fiscaux brûlés.
Très vite Robespierre et son club politique les Jacobins, tant à Paris qu'en province, vont aller très loin dans leurs propositions face à une assemblée parisienne qui commence déjà à classer les citoyens en "actifs", qui ont le droit de vote et en "passifs", qui n'atteignent pas la contribution minimale qui leur permettrait de voter.
Pour les Jacobins le suffrage pour tous doit être possible. La liberté de parole, d'écriture doit prendre le pas sur la censure royale honnie. Une éducation pour tous doit voir le jour. Le référendum populaire doit permettre à chacun de s'exprimer sur les grands problèmes. Il faut limiter les fortunes avec des impôts justes, limiter les héritages qui favorisent toujours les mêmes familles. Il faut que chacun ait un travail pour subvenir à ses propres besoins et à ceux de ses proches. L'état doit aider les défavorisés par le sort, par la dureté de la vie. La répartition équitable de la richesse est indispensable si on veut le bonheur du pays.
Avec une véritable prescience de ce que doit être la démocratie, par le renouvellement des hommes qui la servent, Robespierre propose avec d'autres que les députés de l'Assemblée nationale constituante ne puissent pas être élus dans l'Assemblée législative suivante. Cette assemblée qui est la clé de voûte de la constitution d'octobre 1791 ne verra donc pas Robespierre à sa tribune. L'homme qui, pour ses détracteurs actuels est le dictateur, ancêtre de Lénine, Staline et autres Pol Pot n'est décidément pas celui qui s'accroche au pouvoir.
Pendant toute la période de la Législative, la France va mal. L'Europe monarchique ne voit pas d'un bon oeil la France révolutionnaire. Une assemblée élue, même par les seuls contribuables, n'est pas du meilleur goût pour des monarques qui ne peuvent tolérer la fin des privilèges décidée par la France, l'impôt pour tous, la déclaration des droits de l'homme proclamée aux yeux du monde, le clergé dépouillé de ses biens,
Face à cette Europe monarchique, il est des révolutionnaires qui veulent porter la liberté à l'extérieur mais Robespierre redoute une véritable catastrophe : misère accrue pour la France, dépenses exagérées, armée mal préparée, incertitude du résultat, peuples européens qui ne verront dans les soldats de la révolution que la soldatesque qui les envahit. La défaite de la France révolutionnaire ne fera qu'asseoir le pouvoir d'un roi constitutionnel et que conforter les conquêtes de la bourgeoisie, libéralisme économique et participation au pouvoir de l'élite entrepreunariale.
Robespierre est bien seul, quand Louis XVI déclare la guerre en avril 1792, au roi de Bohème et de Hongrie, et par contre coup à la Prusse, en espérant que la France révolutionnaire sera vaincue. Les premières défaites et les menaces ouvertes des armées européennes qui appellent à détruire Paris, entrainent la prise du Palais royal des Tuileries et la chute de la monarchie en août 1792. Louis XVI est prisonnier de la Commune de Paris qui a remplacé le conseil municipal. Robespierre avait été élu membre de cette commune alimentée par les sections populaires des quartiers.
Après le fameux 10 août, la monarchie est bien morte. Une nouvelle assemblée est élue au suffrage universel. Ce sera la Convention. Robespierre est à nouveau passé devant les électeurs et il va siéger à cette Convention. Robespierre est populaire chez les artisans du faubourg Saint Antoine, est admiré des femmes républicaines qui, sans droit de vote, peuplent les tribunes du public à la Convention. Mais il est détesté des députés qu'on appelle Girondins, du fait de l'origine géographique de leurs chefs, qui veulent arrêter la révolution là où elle se trouve, craignant les actions populaires menaçant les propriétés et les acquis de la bourgeoisie qu'ils représententLes Girondins accusent les Robespierristes de jusqu'auboutisme, d'aventurisme avec leur volonté de prendre en compte les aspirations des plus pauvres.
Les 2 groupes vont s'opposer sur le sort réservé au roi, coupable de trahison en ayant accepté l'aide des forces coalisées contre-révolutionnaires européennes. La mort qui mettrait fin à l'ère monarchique sera décidée alors que les Girondins voulaient l'emprisonnement. Suite à l'exécution du roi le 21 janvier 1793, les cours européennes reprennent leurs tentatives d'invasion de la France . Les Vendéens et les Chouans, en France même, vont lutter contre les régicides et les anti-cléricaux qui dirigent leur pays.
Les Robespierristes vont proposer des mesures fortes pour sortir de la nasse : recrutement militaire d'urgence, levée en masse, tribunal révolutionnaire pour éliminer l'opposition royaliste, vente des biens des émigrés pour créer des liquidités pour l'état, emprunt forcé pour financer la résistance, paiement des travailleurs qui viennent, délaissant leur ouvrage, siéger en réunions de sections. Les Girondins s'opposent à ces propositions ne voyant que le danger de la main prise dans l'engrenage égalitaire, la menace pour la propriété avec un grand P.
Le 2 juin 1793 les chefs Girondins sont en état d'arrestation dans un contexte de profonds dangers pour la République. Les fronts de l'Est et du Nord sont enfoncés par les troupes étrangères. La Normandie, l'Aquitaine, la Provence s'insurgent contre Paris. Marat chef incontestable de la révolution est assassiné. La Vendée est en rébellion ouverte.
Robespierre travaille désormais avec ses amis politiques au Comité de Salut public, véritable gouvernement de 12 membres, secondé par un Comité de Sûreté générale de 11 commissaires. Actions tous azimuts dans un climat politique de violence, la nouvelle république étant menacé de toutes parts et confrontée à une crise économique sévère (hausse des prix, désorganisation de la production, difficultés de ravitaillement pour les villes, spéculation sur les denrées de première nécessité).
Il n'est pas rare que des bagarres physiques et pas seulement verbales éclatent entre les membres des comités. Des exclusions sont quotidiennement demandées à la Convention, aux clubs politiques. Les anciens amis peuvent devenir d'irréductibles adversaires, car l'heure est grave et tous se sentent menacés par des atermoiements ou des accélérations non maitrisées. Chacun est pris par le vertige du temps qui semble compté.
Robespierre et ses collègues s'occupent de tout et rendent chaque jour des comptes à la Convention. Il leur faut mobiliser toutes les forces du pays : levée en masse, fabrication d'armes et de munitions, relations étrangères, lois nouvelles, problèmes des subsistances pour nourrir la population, face aux accapareurs et aux cultivateurs qui ne veulent pas entendre parler de limitation des prix, mise en place d'un service postal efficace, pensions aux mutilés et aux veuves de guerre... Chaque jour ce sont des milliers de lettres qui arrivent de partout.
Et cette politique paye, les tentatives d'invasion sont repoussées et la situation intérieure s'améliore.
Mais les divisions entre révolutionnaires continuent de plus belle, divisions portant sur le rythme et le sens de la révolution.
Les Montagnards, ainsi appelés parce qu'ils avaient l'habitude, au début de la Convention, de siéger sur les hautes travées de l'assemblée, se divisent entre plusieurs groupes. Les Hébertistes (compagnons de Hébert) encore nommés Enragés, réclament sans cesse des têtes, les massacres de contre-révolutionnaires étant pour eux purificateurs. La Terreur à l'ordre du jour, avec sa loi des suspects, n'est jamais suffisante pour eux. Ils veulent organiser des fêtes civiques licencieuses dans les églises pour montrer le peu de cas qu'ils font de la religion.
Les Indulgents, avec Danton, avec Desmoulins ami très proche de Robespierre, veulent arrêter la Terreur, critiquent l'autoritarisme des membres des 2 comités. Ils réclament la paix immédiate même s'il s'agit de faire des concessions aux puissances étrangères, proposent une amnistie générale, la mise en liberté des suspects et la réconciliation avec les émigrés appelés à rentrer en France.
Pour Robespierre "le modérantisme est à la modération ce que l'impuissance est à la chasteté". Il a toujours voulu agir avec modération, dans la répression des chefs girondins,dans la reprise en mains de la ville de Lyon,dans ses critiques de l'action de Fouché coupable d'avoir fait preuve d'une férocité sans égal ; il a demandé la création d'un comité de justice chargé d'examiner les dossiers des prisonniers politiques afin de libérer les plus inoffensifs. Mais il ne veut pas baisser la garde malgré les premiers succès et il souhaite continuer la Terreur organisée, codifiée pour éviter de toucher indistinctement les français.
De la fin juillet 1793 à mars 1794 Robespierre se heurte donc à deux groupes irréductibles. Et l'Egalité, le deuxième principe de la célèbre maxime de la Révolution va créer les fractures les plus graves. L'Egalité se trouve être aussi au centre des débats.
La constitution nouvelle et la nouvelle déclaration des droits présentées par les amis de Robespierre et acceptées par l'assemblée en donnent un bel exemple. Droits limités de la propriété privée, droit au travail, nécessité pour l'état d'entretenir les plus nécessiteux, propriétés des ennemis de la révolution confisquées, création dans toute la France de tableaux des patriotes déshérités à qui les biens confisqués seront distribués, constitution d'une société de petits propriétaires attachés à leur terre, pour que chaque famille ait les moyens de se nourrir, de se vêtir et de vivre décemment.
De même que Robespierre et ses amis avaient fréquenté la société "Les Amis des noirs" qui voulait une égalité parfaite entre l'homme blanc et l'homme noir, de même les lois de Ventôse (nom tiré du calendrier révolutionnaire) devaient permettre une fraternité plus grande.
Dès qu'elles furent connues, les lois de Ventôse déchainèrent contre Robespierre les critiques des 2 extrêmes de l'Assemblée. Dans un premier camp, ceux qui pensaient qu'il se servait du petit peuple des Sans-Culottes et en fait n'était qu'un bourgeois que la vague populaire devait emporter pour un égalitarisme parfait. Dans un deuxième camp, ceux pour qui une plus grande égalité était une chimère, inaccessible .
Les Hébertistes qui ne voyaient que distribution en espèces et en nature pour les plus pauvres, qui voulaient le monopole de la distribution des denrées par l'état, qui avaient fait imposer le maximum sur les prix, croient que Robespierre ne cherche qu'à calmer le peuple. Ils effarouchent les petits boutiquiers, les petits propriétaires que Robespierre présente comme les alliés naturels et indispensables du mouvement révolutionnaire et populaire.
Les Dantonistes, se satisfont fort bien de la liberté, mais ils jugent l'égalité préjudiciable aux progrès de la société.
Dans la nuit du 13 au 14 mars 1794, quelques jours après le vote des lois de distribution des terres, les chefs hébertistes sont arrêtés sur ordre de la Convention puis décapités. Quelques jours après, les chefs dantonistes sont à leur tour arrêtés puis décapités.
Face à une nouvelle société aux assises incertaines, face à une révolution qui n'était pas irréversible, la Convention robespierriste menée par un homme qui haïssait la peine de mort, qui détestait la violence, ne pouvait transiger, si elle voulait maintenir le pays dans la ligne de la nouvelle société à bâtir. Il s'agissait comme le dirent les auteurs de l'époque, d'agir vite ou de mourir. Personne n'avait plus le temps de convaincre. On peut penser que dans un autre temps, un vote négatif aurait suffi à envoyer dans l'opposition parlementaire les députés qui avaient choisi une autre voie que celle de la majorité. Des élections auraient pu permettre de faire trancher le peuple. Mais dans les circonstances de la France de 1794 tout allait vite, trop vite et la révolution "dévorait ses propres enfants" et ce n'était pas fini. Elle allait 4 mois plus tard se dévorer elle-même.
Du 5 avril 1794 au 28 juillet 1794 date de leur mort, Robespierre et ses partisans sont seuls au pouvoir, en tout moins de 4 mois. La loi de Prairial du 10 juin 1794 qui devait permettre de canaliser la Terreur , apparait comme une justice expéditive, une parodie de justice pour des hommes qui ont vécu dans le "siècle des Lumières". Alors que la situation s'est largement améliorée, la Vendée vaincue, le fédéralisme des Girondins vaincu,les royalistes vaincus, les espagnols, les italiens, les prussiens en recul partout, Robespierre donne l'impression de continuer sur sa lancée et de ne pas tenir compte des évolutions. Quand les historiens se pencheront sur le cas Robespierre, cettte loi de Prairial pèsera lourd. Elle a fait 1300 morts dans un contexte hors du commun alors que Thiers déchainera contre la Commune de Paris en 1871 une répression abattant 17000 personnes.
Le 8 juin 1794, la fête de l'Etre suprême qui aurait dû être une sorte de couronnement civique à l'oeuvre des révolutionnaires, tourne mal pour Robespierre.Cette fête d'inspiration rousseauiste voit apparaitre Robespierre seul, dans une déambulation,devant l'ensemble des députés, plusieurs mètres les séparant. Alors que la statue de l'athéisme venait de brûler avec l'égoïsme, la discorde, l'ambition, c'est Robespierre qui passe aux yeux de ses collègues pour le grand prêtre d'une nouvelle religion que récuse au nom de Voltaire et des Lumières un certain nombre de conventionnels. Et pire que cela, il passe pour l'homme en train d'opérer la création d'une véritable dictature. Alors qu'il avait toujours dit "je n'aime pas plus Cromwell que Charles 1er", en fustigeant la dictature de l'homme des Communes qui avait renversé le roi pour établir, en Angleterre, une république dictatoriale.
Robespierre qui avait craint en Lafayette un apprenti dictateur, est taxé de pouvoir personnel par les hommes qu'il a lui-même rappelés de province, parce qu'ils exerçaient leur administration d'une manière totalement autocrate : Carrier le "bourreau de Nantes", Tallien de Bordeaux, Fréron de Marseille, Fouché de Lyon et Barras et Rovère et Carnot.
De retour à la Convention, le 26 juillet au matin, Robespierre accuse ses ennemis personnels. Il ne cite aucun nom. Il dénonce la Terreur aveugle, le Comité de sûreté générale qui s'arroge tous les pouvoirs. Ses amis politiques le poussent à agir fort. Ils lui conseillent de faire arrêter les gens des comités hostiles à sa politique. Robespierre ne veut pas utiliser la force cette fois-ci. La lassitude est telle qu'il ne veut même pas réunir ses amis. Alors que la Commune de Paris est prête à agir pour lui.
Le 27 juillet après des heures de discussion à la Convention, au cours desquelles Robespierre et ses amis politiques sont interdits de parole, au milieu des cris" A bas le tyran", c'est l'arrestation. Une vaste manifestation de 20000 personnes s'organise sur la place de l'hôtel de ville. Aucun ordre ne vient fédérer tous ces gens qui sont prêts à en découdre pour sauver leurs chefs incontestés.
Le 28 juillet, 10 thermidor, c'en est fini. Le cortège des condamnés arrive place de la Révolution en fin d'après-midi. Robespierre et ses amis grimpent l'un après l'autre les marches de l'échafaud.
La Terreur thermidorienne pourra alors s'exprimer pleinement contre les robespierristes et faire ses 30000 victimes...
Sur le même thème
Saint-Just * L'Archange de la Victoire IIPassions révolutionnaires...
8 prairial an V : exécution de Gracchus Babeuf. La fin d'un rêve
L'exécution de Louis XVI, le péché originel de la République française ?
« La Mort de Danton » à La Comédie Française - De La Révolution à La République via l’échafaud
34 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON