Le blues et la résilience
Le blues et la résilience
Jamais, mi-mars, lorsque le confinement – terme détestable, à si forte connotation carcérale – non, jamais je n’aurais imaginé que cette période étrange, que cet espace-temps silencieux, parfois muet, immobile, que tout cela finirait par me manquer.
L’être humain a décidément une formidable capacité d’adaptation. Au pire, au meilleur. Au deuil, à la fête. À la solitude, à la horde. Le cycle est prodigieux à observer. Ceci souligne la force qui sommeille en nous pour nous rétablir, tel un biotope ou un écosystème après une perturbation extérieure – ici le ou « la » (selon l’Académie française) covid-19.
L’habitude, si on la considère banalement, n’a que peu d’intérêt. Mais lorsqu’elle se mue en mode de vie ramené aux valeurs essentielles, elle crée du sens, elle donne une énergie insoupçonnée. La « reprise » résonne comme un de ces vieux blues. Une nostalgie rythmée, des paroles et des notes qui désarment ou en appellent au démiurge. Elle nous agrippe, à l’arrache. Elle rappelle ce monde à la fois d’hier et si proche, l’arrêt forcé en conflit avec l’envie de se remettre en marche.
Quelque part, elles étaient belles, ces semaines d’inertie, sous le soleil – « sous le soleil exactement », aurait susurré Gainsbourg –, cette étoile salvatrice, présente en arrière-fond de notre désarroi collectif. Ce soleil qu’on regardait par la fenêtre, dont on espérait la caresse sur nos peaux blafardes dans la rue, dans les espaces verts, sur les rivages déserts. Ce soleil dont nous avons finalement pu progressivement profiter lors des premières phases de « déconfinement », mot tout aussi abscons.
La forme de résilience qui s’offre si soudainement à nous pose question. Peut-être celle de notre mode de vie ? Peut-être celle de notre système de pensée ? Elle attire en tout cas l’attention sur nos actions quotidiennes, nos vies actives qui passent si souvent à côté du beau, du généreux, de la famille, de l’altruisme. Non, jamais, mi-mars, je n’aurais imaginé que cet « enfermement » et la « libération » d’après créeraient en moi une telle faille, un doute pérenne, tant sur notre projet commun que sur la suite à écrire au sujet de notre société…
Photo : Christopher Sardegna - Unsplash
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