Le dernier des monarques !
Avant que de commencer une révolution, il faut déterminer les buts,les objectifs, et être assuré que l’on saura gagner les rapports de forces qui se présenteront, et ce ne sont pas les débats d’idées qui aideront pour ce faire. Une infime minorité peut-elle conduire à la ‘Liberté, Égalité, Fraternité’ pour tous sans que l’immense majorité ait son mot à dire ? On peut en douter ! Alors quel chemin peut-on suivre pour rétablir un simple bon sens dans les échanges.
Le monde tribal s’en remettait à la sagesse du plus fort ou du plus avisé pour conduire le destin du groupe. Avec le temps le chef de tribu devint Roi, puis un empereur béni des dieux, et enfin Roi-Soleil. Dans tous les cas il fallait trouver un mode de sélection du plus puissant qui soit incontestable. Il était relativement facile de déterminer parmi les chasseurs-cueilleurs celui qui assurerait la survie du groupe. Un peu plus tard, un fils de hiérarque supporté par une légion fera l’affaire. Les princes de sang fourniront un vivier de dirigeants rendus incontestables par leur mode de sélection. Les votes démocratiques sacralisés permettront ensuite de se doter d’un Président.
Cependant, cependant... le Roi de droit divin comme le Président sacré par le plus grand nombre devinrent nus, tellement nus que l’on voyait parfaitement ses faiblesses, ses imperfections et même ses intérêts personnels sous-jacents. Presque plus personne de sensé ne pouvait croire qu’il incarnait l’intérêt de tous, le bien commun. Le monarque devenu démocrate ne put plus rien décider d’important empêtré dans les traités rédigés par plus puissants que lui, paralysés par les minorités agissantes, frileux pour ne pas déclencher d’émeutes. Il pansait verbalement les plaies des uns, s’émouvait des malheurs des autres, s’occupait ardemment des intérêts d’une minorité afin de ne pas avoir à traiter les problèmes de tous. Le monarque-démocrate n’était plus ni monarque ni démocrate.
Peut-on envisager une révolution portée par une idéologie qui fédèrerait les forces de la multitude ? Personne ne peut plus y croire ! Une religion serait idéale pour fournir la nécessaire transcendance pour rendre crédible la croyance en un monde meilleur ? Certaines s’installent déjà déjà mais elles n’ont rien à voir avec l’Amour qu’elles prêchent pourtant. Une nouvelle coercition plus cachée, plus sournoise, plus puissante que tout ce qu’on a connu jusque là se tapit dans leurs voiles ?
Chacun se répand sur les bienfaits d’une ‘main invisible’ guidée par les intérêts personnels de chacun qui permet d’assurer le bonheur de tous et surtout des ultra-riches supposés être des sur-Hommes. Soit ! Mais cette façon de faire est déjà surannée. Après l’âge des dieux, l’âge des Princes, l’âge des héros, l’âge des Crésus s’achève pour laisser place aux algorithmes.
Un algorithme est une suite d’instructions et d’opérations permettant de résoudre une classe de problèmes, par exemple :
Soit (ax2 + bx + a) a-t-il une racine ?
DEBUT LIRE A LIRE B LIRE C D = B*B – 4*A*C Si D<0 ALORS ÉCRIRE « PAS DE RACINE »
Il s’agit de donner à lire clairement à un ordinateur la façon de faire. Chaque ligne est simplissime, la suite des instructions évidente. Dans d’autres techniques il s’agit d’utiliser une multitude d’exemples permettant un apprentissage. Cette façon de faire est enseignée dès le Lycée. Si un algorithme peut être compliqué et plus ou moins bien fait, l’intelligence investie est minime.
Un algorithme peut être utilisé en bourse par un trader. Il est censé engendrer automatiquement des gains importants tout en minimisant les pertes. Les algorithmes mathématiques détectent et exploitent les différentes variations des marchés en un temps record en mettant à profit les différences détectées. Le trading algorithmique est utilisé dans toutes les sortes d’investissement : l’achat-vente, l’achat et une position à la vente sur différents actifs, l’arbitrage, la pure spéculation... Depuis les années 2010, la proportion d’ordres passés sur les marchés boursiers via des robots de trading algorithmique est estimée entre 70 et 90 %, plus de deux fois plus que quelques années auparavant seulement. Ceci semble prouver leur efficacité pour générer des gains.
Le coeur du système de décision est donc en large partie aux mains des robots (et de ceux qui écrivent les programmes). Mais la multitude peut encore les tromper en faisant intervenir le hasard.
Dans la vie de tous les jours, chacun a pu se rendre compte de l’envahissement par le numérique ou/et l’algorithmique : cartes vitale ou bancaire, passe sanitaire ou vaccinale, recueil de données personnelles par les sites web, détermination du lieu de connexion et archivage des liens, reconnaissance faciale par des caméras de surveillance... Il est même devenu dans l’ordre des choses qu’une officine privée puisse bannir tout propos ou toute personne qu’elle juge algorithmiquement inconvenant, même l’Homme prétendument le plus puissant de la planète.
Soit ! Il suffit de prendre une rame de métro pendant quelques stations pour voir que neuf personnes sur dix sont agrippées à leur téléphone cellulaire en se coupant de toute espèce de réel pour se convaincre que le monde numérique imbibe les plus intimes fibres de chacun. Que peut-on faire pour aller contre ? Rien... On ne peut pas, c’est le progrès qui n’est rien d’autre qu’une uniformisation de tous par une division du travail de plus en plus achevée, du passage du qualitatif symboliquement omniprésent par l’Amour au quantitatif où tout se mesure et tout se vend, où la Loi est censée remplacer l’Honnêteté. On ne peut rien donc ... sauf faire la Révolution au sein du Monde numérique.
Une autorité centrale algorithmique va servir non pas de dirigeant mais de Dieu. Il régnera non plus sur des semblables mais sur des identiques qui ne différeront même plus par leur sexe, un peu encore par l’idiome utilisé à côté de l’anglais, avec un folklore résiduel qui prendra la même place que la cornemuse en Écosse ou les dentellières en Iroise. Aucune valeur, aucune transcendance, aucune lumière commune ne reliera les éléments profondément ancrés dans un individualisme d’apparence car régenté par la puissance du numérique pour les choses collectives. Les citoyens transformés en consommateurs ne pourront plus s’exprimer que par leur consommation.
Des inconnus connectés et nombreux peuvent parfaitement imposer un point de vue concernant un mode de gestion collectif même si rien le les lie, ni idéologie, ni morale, ni valeurs. Il leur faut trouver une arme qui leur permette d’avoir un rapport de force favorable, le seul dont ils puissent disposer c’est le fait de consommer ou de ne pas consommer un produit ou un service donné. Il faut impérativement qu’il n’y ait aucune relation entre leur revendication et la cible de consommation afin d’éviter des poursuites.
Par exemple !
On est contre le sort réservé à Julian Assange, porte-parole de WikiLeaks, réfugié dans une ambassade de 2012 à 2019 puis incarcéré au Royaume-Uni pour avoir dévoilé la manière dont les États-Unis (et leurs alliés) menaient la guerre en Irak et en Afghanistan. Il peut s’agir d’un casus belli. Par voie de conséquence il peut être décidé collectivement que l’on ne consommera plus de tel article précis de large diffusion jusqu’à ce qu’il soit fait droit à la requête accordant la citoyenneté d’un certain nombre de pays à Julia Assange. Il ne s’agit pas d’une protestation contre la qualité d’un produit, son contenu en produits chimiques, les dévastations environnementales nécessaires pour l’obtenir, il s’agit d’une arme pour abattre une cible afin de démontrer que le vulgum pecus, les gens qui ne sont rien, les citoyens ordinaires, sont maîtres de leur destin. Dans le cadre d’une lutte des classes perdue par les démunis, il n’y a que peu ou pas d’alternative, les idoles, les grandes pensées, les grands Hommes, qui fédéraient les forces des plus faibles, ne réapparaîtront pas. Le succès d’une entreprise de cette sorte est indispensable pour que l’espèce humaine se distingue encore de celle des androïdes.
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