Le gagne-pain
Ils ont connu leur heure de célébrité, Georges et Suzanne, respectivement âgés de 84 et 81 ans, qui ont ouvert une boulangerie à Clermont Ferrand. Malheureusement, leur expérience, destinée à « lutter contre l’ennui et améliorer leur retraite » a tourné court et ils ont du se résoudre à jeter l’éponge après 15 jours d’activité pour raisons de santé.
Bon, on se doutait un peu qu’à leur âge, les deux retraités auraient du mal à tenir le rythme, surtout après 10 ans d’inactivité, mais ce qui interpelle le plus dans cette aventure, c’est que ces deux retraités, qui ne disposaient à eux deux que de 1000 €/mois de retraite, aient pu lancer ce projet sur leurs fonds propres, ce qui relativise quelque peu la motivation liée à la faiblesse de leur pension.
210000 € ont en effet été investis par nos deux boulangers sur leurs fonds propres pour lancer cette entreprise, dont 140000 pour l’achat du magasin et 70000 pour son aménagement.
La faiblesse de la retraite de nos deux héros d’un jour est directement corrélée avec le régime particulier de retraite des indépendants qui n’ont pas souhaité intégrer le régime général des retraites à l’origine en privilégiant le choix de la constitution d’un capital (magasin, entreprise), dont la revente lors du départ en retraite servirait à améliorer leur quotidien.
Mais on sait depuis longtemps qu’on hésite à taper dans le capital ainsi constitué pour assurer le quotidien et que les détenteurs chercheront par tous les moyens à le préserver pour le transmettre aux héritiers, d’où l’engouement actuel chez les commerçants et artisans pour le cumul emploi/retraite autorisé depuis 2009 : ils étaient 34000 à cumuler fin 2010.
On ne fera pas de raccourci rapide en disant que ces 34000 ne travaillent que pour préserver un capital qui à lui seul leur permettrait de vivre, car certains sont sans doute obligés de le faire en l’absence de capital, mais il est intéressant de mettre en parallèle les 281000 retraités du régime général en 2010 (+14% de plus en un an) qui cumulent également, mais dont les motivations d’une grande partie ne relèvent pas de la préservation d’un capital, mais de la simple nécessité de boucler leurs fins de mois.
Parmi ces derniers, on trouve de plus en plus de femmes qui ont eu des carrières fractionnées (interruptions pour les enfants), séparées de leurs conjoints ou veuves et dont les pensions d’activité et/ou de réversion sont minimes et ne permettent même pas de faire face aux dépenses contraintes.
On trouve également certaines professions payées à la commission et dont le fixe seul servait de base au calcul des cotisations de retraites, les employés non déclarés ou incomplètement par leurs employeurs, ainsi que les adeptes du travail au noir.
On souhaitera que Georges et Suzanne, nos deux boulangers octogénaires retrouvent leurs billes en trouvant un repreneur pour leur affaire et que, forts de cette expérience malheureuse, ils songent à vivre sereinement leurs dernières années en tapant un peu dans leur capital et en utilisant les intérêts produits chaque année.
Tous n’ont pas la chance d’avoir un capital, et parmi les malchanceux (pas ceux qui ont brûlé la chandelle par les deux bouts, ou qui ont volontairement évité de s’inscrire dans un système de protection sociale, et qu’on ne plaindra pas), nombreux sont ceux qui seront obligés de travailler très tard ou de cumuler un emploi avec une pension minime pour tout simplement survivre.
10 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON