Le gouvernement Valls II : dernière étape avant la catastrophe ?
Ce gouvernement serait la dernière étape avant le chaos . C'est ce que vient d'affirmer, il y a quelques jours, l'ancien Premier Ministre Raffarin à RTL. Raffarinade d'un ancien chef de gouvernement de Jacques Chirac, version 2002 ou une intuition qui découlerait de l'analyse de la situation réelle du pays ? L'accélération stupéfiante de la crise politique de ces derniers jours plaide malheureusement pour cette deuxième interprétation des évènements.
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GAUCHE, DROITE : EN AVANT VERS LE GRAND MARCHE !
Nicolas Sarkozy, avait inauguré le "national-libéralisme" : un monde libéré de toutes contraintes nationales comme terrain de jeu pour une élite décomplexée qui ne craint plus d'afficher sa réussite et, la nation, avec un savant mélange de politique identitaire et sécuritaire pour le petit peuple ( 1). Pendant qu'une petite minorité se gave sans complexe, le "président des riches" prétend assurer la sécurité et la tranquillité des sans grade - comme pouvaient le faire les seigneurs envers les paysans au moyen-âge - . Beaucoup ont espéré qu'avec Hollande on en finirait avec cette politique d'apartheid social entre le "top-ten" mondialisé et les 90% restant. Deux ans après, avec la nomination de Manuel Valls comme premier ministre, force est de constater que rien n'a changé. Gauche ou droite, Omo ou Skip, les deux continuent à laver plus blanc que blanc et à rincer toujours les mêmes. Gauche ou droite, ces faux clivages ne visent qu'à maintenir au pouvoir une élite politique inféodée au capitalisme total. " il y a longtemps que le clivage gauche-droite, en France comme ailleurs, ne correspond plus ni aux grands problèmes de notre temps ni à des choix politiques radicalement opposés ." écrivait déjà Cornélius Castoriadis dans une tribune du Monde du 12 juillet 1986.
Jusqu'à présent la gauche, tout en excellant dans la mise en place de mesures émancipatrices de l'individu et de réformes dites " sociétales",(PACS-mariage pour tous ) avait réussi - pour maintenir la paix sociale et fidéliser son électorat - a truffé son programme économiques de quelques conquêtes sociales ( retraite à 60 ans, 35 heures, CMU, etc ...) tout en poursuivant plus discrètement l'oeuvre de libéralisation de l'économie. Ainsi cahin-caha dans l'alternance et les cohabitations, chacun, gouvernement de gauche ou de droite, poursuivait ce travail dit de "modernisation" et "d'intégration" de la société française à la mondialisation. Mais, depuis l'élection du "président des riches", avec la crise économique qui ne cesse de sévir depuis 2007 puis la victoire de François Hollande, le fragile jeu de rôle entre la droite et la gauche n'est plus de mise. Cette "gauche de gouvernement" pour "gouverner La France" dans ce monde affairiste, faute de marge de manoeuvre, est contrainte de trahir ses promesses électorales et son discours social, indispensable pour assurer la victoire. Pour gagner les voix de ceux qui n'ont que leur travail pour capital, on a promis que l'on irait s'attaquer aux excès du capitalisme ultra-libéral, cause de la crise, et que l'on défendrait becs et ongles les acquis sociaux. En bon tribun, on a fustigé les financiers. Il fallait bien, une fois encore, séduire ceux qui ont encore des idéaux socialistes et qui sont du coté des anticapitalistes, on avait besoin de leur voix pour accéder au pouvoir et pour cela on a manié l'anaphore pour séduire les derniers hésitants. Alors pour sortir l'agité et ses excès beaucoup ont voté pour celui que les sondages annonçaient gagnant. Mais une fois la victoire acquise, après les effets dévastateurs de la crise on fait mine de s'apercevoir, qu'on a plus les moyens de mettre des louis d'or sociaux dans la galette libérale. Notre bon président de gauche, au lieu d'affronter la situation en s'appuyant sur ceux qui l'on porté au pouvoir, s'empresse d'abandonner ses habits de "président normal" pour endosser un costume mal taillé de monarque et d'imposer au peuple une galette infâme. Peu à peu, face aux mécontentements et aux désillusions, le "petit roi" se replie discrètement dans son palais de l'Élysée.
FIN DE PARTIE.
Le président "normal ", mué en petit monarque républicain, exerce alors le pouvoir en solitaire, entouré de sa cour, de ses conseillers et de ses courtisans. Ainsi François Hollande aura décidé seul, sans consultation, ni débat ni vote parlementaire, du déclenchement de deux guerres (Mali et Centrafrique) et aura failli en déclencher une troisième (bombardements sur la Syrie). C'est seul encore qu'il choisit de renoncer à renégocier le traité européen, sa majorité parlementaire devant s'incliner quelques semaines plus tard le pistolet sur la tempe. Enfin c'est le président qui décida d'entamer le grand virage de son quinquennat en annonçant en janvier dernier le lancement du désormais fameux « pacte de responsabilité ». En Mai, au lieu de tenir compte du formidable cri de détresse porté par le résultats des élections municipales et des européennes, le singulier monarque décide alors de trahir définitivement ses promesses en choisissant comme premier ministre celui que les militants socialistes avait massivement rejeté.
En cette fin d'été, ce président bien étrange décide alors de se libérer de toute entrave. Sans débat, sans explication, sans volonté de convaincre, il passe par-dessus bord les derniers engagements de campagne, il tourne le dos au parti qui l'a mandaté, à sa majorité parlementaire et à la majorité des électeurs qui l'avaient choisi. On tombe les masques et on s'affiche pour ce que l'on est vraiment : un serviteur zélé de l'économie libérale. A la suite du dernier remaniement ministériel et de l'éviction des derniers indisciplinés on annonce, en rafale, un certain nombre de mesures qui ne visent qu'à s'attaquer à ce que les luttes sociales avaient réussi à imposer au cours du temps. On se met à vouloir reprendre les "cadeaux offerts" par les gouvernements de gauche précédents :
- les 35 heures et le processus de réduction du temps de travail, seraient des mesures d'un autre temps. Emmanuel Macron, ce brillant banquier d'affaires, promu ministre de l'économie, sans aucune légitimité politique autre que d'avoir été choisi par le président monarque, se moque de ces vieux dogmes qui le fatiguent : « Il faut revenir sur des certitudes passées, qui sont, à mes yeux, des étoiles mortes », avait-il expliqué à Mediapart il y a quelques mois (voir l'article de Lenaïg Bredoux). Avec 39,5 h de durée hebdomadaire à temps plein et 36,6h pour l'ensemble des salariés, cette mesure vise à diminuer encore le prix du travail, déjà bien mis à mal depuis plusieurs années.
- le travail du dimanche avec l'urgence décrétée à le libéraliser au plus vite, quitte à se passer du parlement. Mesure qui détruira encore plus les liens sociaux et n'aura aucun effet significatif sur le nombre de chômeurs mais favorisera encore les grands groupes de la distribution au détriment du commerce de proximité.
- Les seuils sociaux et l'organisation de la représentation des salariés dans l'entreprise.
- l'abandon de l'encadrement des loyers annoncé haut et fort par Manuel Valls. Outre la gifle assenée à Cécile Duflot et aux députés socialistes qui avaient voté à l'unanimité la loi ANRU il y a quelques mois.
- La déréglementation plus large du monde du travail sous prétexte de s'attaquer aux rentes (réelles) de quelques professions protégées.
Dans cet élan "libérateur", ceux, qui jusqu'à il y a peu, se contentaient de commenter les dégâts des politiques récessives et les chiffres du chômage, tombent les masques et en rajoutent, révélant leur vraie nature anti-sociale. C'est ainsi que le ministre du travail d'un pays sans emploi, le sinistre Rebsamen, impuissant à résoudre le problème du manque d'emplois, en mauvais joueur, au lieu de s'attaquer au chômage s'attaque aux chômeurs, avec l'annonce d'un contrôle accru pour chasser les fraudeurs, réhabilitant ainsi le thème favori de la droite : la dénonciation des "assistés". " Assistés" qui ne font qu'exercer un droit, celui de percevoir une assurance grâce aux cotisations déduites des salaires. "Fraude" qui ne représente que 1 % de la fraude fiscale dont certains ministres et autres secrétaire d'Etat se sont révélés experts. Quand on ne peut pas s'attaquer au plus fort, on vise les plus faibles, ces "salauds de pauvres" qui détourneraient l'argent public.
Après ce véritable coup d'état de salon estival, ce déni démocratique, met fin définitivement à ce subtil équilibre dans ce jeu de rôle entre la gauche et la droite initié en 1981 avec la victoire de François Mitterand. Pire, ce demi-tour à droite a été négocié dans la précipitation, sans prendre la peine de vérifier qu'un nouveau secrétaire d'Etat, membre de la commission des finances néglige de remplir annuellement sa feuille d'impôt. Pour couronner le tout, son ex-compagne, transformée en 2012, pour les besoins de la cause, en Première Dame de France, répudiée au printemps dernier, porte le coup de grâce à ce conducteur imprudent, en révélant le vrai visage de cet imposteur de président. Ainsi, ce qui devait-être l' " aggiornamento" de ce quinquennat se transforme en un dérapage totalement incontrôlé qui ne peut conduire le cortège présidentiel que dans le fossé.
En trahissant ses électeurs, ses valeurs morales et éthiques, en usurpant leurs acquis sociaux, ce président et sa cour ministérielle n'ont plus aucune légitimité démocratique. Sans perspective politique, les électeurs floués seraient priés d'attendre 2017 pour trouver une nouvelle alternative. Mais comme la défiance envers les acteurs politiques existants atteint des sommets, c'est bien dans une impasse politique que se trouve le pays.
Face à la hantise de voir le Front National l'emporter, je doute que les députés socialistes dits " frondeurs" soient capables de renverser ce gouvernement à l'assemblée. Ceux qui se revendiquent d'une "autre gauche" ( Verts, Front de Gauche- Parti Communiste- Extrême Gauche, scission a venir au P.S. ) sont bien incapables de se regrouper avant une prochaine échéance électorale et de proposer un programme social alternatif qui romprait définitivement avec ce capitalisme total et qui serait capable de remettre en cause les institutions défaillantes de la représentation populaire. Il faudrait aussi que les acteurs politiques de ces mouvements renoncent à leur pratique détestable de l'entre-soi pour enfin gagner la confiance de tous ces orphelins de la politique.
Que faire face à ce nouveau désastre de la démocratie ? Comment sortir de cette impasse dramatique dans laquelle se trouvent tout ceux qui se reconnaissent encore dans un projet de société "à la fois libre, égalitaire et conviviale" (2) ?
Mais peut-être qu' au bout de ce malheureux quinquennat la "catastrophe" serait notre seul espoir, comme l'indique Joshua Adel, sur son blog, dans cette tribune en citant le philosophe Walter Benjamin, opposant à Hitler : « Il faut fonder l’idée de progrès sur l’idée de la catastrophe. Que les choses continuent comme avant, voilà la catastrophe. Elle ne réside pas dans ce qui va arriver mais dans ce qui, dans chaque situation, est donné. L’enfer n’est pas quelque chose qui nous attend mais la vie que nous menons ici ».
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(1) Voir l'interview de Jean François Bayard : la gauche répète les fadaises du national-liberalisme
(2) J.C. Michéa - "Les mystères de la gauche" Ed. Climats-2013
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