Le loto... Pour masquer quoi ?
Et si le hasard était à l’origine de la constitution du capital que quelques heureux élus ont accaparé au détriment de l’ensemble de la collectivité ? Voilà donc ce sur quoi Pierre Janet en est réduit à se rabattre pour n’avoir à fâcher personne…
« Sans doute la personne qui est favorisée du hasard n’est pas coupable pour cela, elle peut répondre que les autres personnes n’ont pas plus de droit qu’elle sur ce bien qu’elle possède par le sort. » (Idem, page 7)
Cependant le bien en question n’est pas précisément neutre dans les sensations qu’il peut procurer… En conséquence de quoi, celles et ceux qui le voient leur échapper des mains pour aller se loger dans l’escarcelle du voisin ne peuvent pas manquer de s’en trouver particulièrement meurtri(e)s :
« Mais les autres qui en sont privées ne voient pas dans le hasard une raison suffisante pour laisser toujours cette jouissance entre les mêmes mains. » (Idem, page 7)
« Jouissance » qu’il faut mettre en regard du caractère assez souvent pénible du… travail de production exercé sous la tyrannie d’un système d’exploitation qui doit en tirer le profit maximum.
Est-ce cette dernière formule utilisée par notre bon Janet d’une « jouissance entre les mêmes mains » qui le trouble dans sa juvénile ardeur… Mais la phrase d’ensuite est bien confuse :
« On allègue le travail, mais la jouissance n’est pas en proportion avec le travail, et qui vous dit que les autres n’auraient pas consenti à faire ce même travail, qu’ils ne l’ont pas fait, mais sans résultat. » (Idem, page 7)
Nous avions certes vu, avec lui, que le droit de propriété ne rejoignait pas nécessairement la justice. Voici que, de son côté, le travail ne renvoie pas à la jouissance… Que faut-il entendre de la suite de son propos ?… Que ceux que le hasard a récompensés sans cause auraient très bien pu effectuer un vrai travail, mais qu’ils n’en ont pas eu l’occasion, alors même qu’il aurait pu leur fournir comme résultat l’éventuelle jouissance de recevoir… un capital ?…
Ce qui est sûr, c’est que l’esprit soudainement troublé de Pierre Janet se trouve parfaitement accordé avec les mystères du hasard dont il veut nous dire qu’il peut jouer un rôle déterminant dans la confusion qui permet aux exploiteurs de se faire passer pour des jouets passifs dans les mains de la destinée :
« On en est arrivé à tolérer, tout en les regrettant, les inégalités du sort : fortunes acquises par le hasard des loteries, par le hasard des héritages, par le hasard des rencontres et des trouvailles ou bien fortunes acquises par le mérite et le travail, tout est mis sur le même plan. » (Idem, page 7)
Or, cela ne peut pas être mauvais puisque, par ailleurs…
« on a reconnu que les guerres sociales ne détruisaient pas l’inégalité en renversant quelquefois les rôles, mais qu’elles produisaient sûrement la misère de tous. » (Idem, page 7)
Selon notre psychologue en herbe, il faut donc reposer la question de la jouissance en toute sérénité :
« Pourquoi le travail semble-t-il justifier la propriété ? Parce qu’il est considéré comme un mérite et une vertu. On veut que la jouissance suive le mérite et récompense la vertu, mais en est-il ainsi fréquemment sur terre ? » (Idem, page 7)
Fatalité et hasard… Voilà d’où nous vient la jouissance… qui apparaît donc par avance dans le discours de Pierre Janet comme un « automatisme psychologique » absolument indiscutable :
« On ne change pas plus les nécessités sociales que les lois physiques et le hasard n’est pas un ennemi qu’on puisse facilement faire disparaître. » (Idem, pages 7-8)
Or, ce hasard, c’est tout simplement celui de l’hérédité, et donc aussi celui de la dégénérescence dont il faudra démontrer qu’elle est bien la marque particulière de cet ouvrier que la marche de l’Histoire a plus ou moins abandonné du côté de chemins foutrement moyenâgeux. Hasard, donc…
« Il n’est pas seulement dans vos biens, il est dans votre figure que vous n’avez pas faite, dans vos bras, dans votre intelligence sans laquelle tout travail eût été vain et partout où l’on voudrait faire régner l’équité, il vient jeter comme un perpétuel défi à la justice de l’humanité. » (Idem, page 8)
Ainsi n’y a-t-il rien à faire contre lui… Ni donc contre l’appropriation privée des moyens de production…
NB. La position de Freud est donnée ici.
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