Le rapport Obin ? courageux mais peu lucide
« L’école face a l’obscurantisme religieux : 20 personnalités
commentent un rapport choc de l’éducation nationale (Max Milo Débat) » : Cet
ouvrage publie le rapport Obin sur « les signes et manifestations d’appartenance
religieuse dans les établissements scolaires « Pour paraphraser la plus part des
commentateurs, c’est un texte courageux mais certainement pas lucide !
L’institution aborde et reconnaît officiellement pour la
première fois ce que tout le monde savait depuis 25 ans au moins. L’intégration
de populations originaires de pays de culture musulmane pose quelques questions
spécifiques.
Certaines sont sans doute réellement liées aux caractéristiques
de l’islam. Elles ne sont sans doute pas très importantes.
Pour prendre le cas le plus médiatisé par exemple, de 1994 à
2003 100 filles ont été exclues pour port de voile. La moitié a été réintégrée
par les tribunaux. Une dizaine de cas par ans. Il y aurait eu 1200 a 2500
filles voilées dans le système en 2003 et 1000 militants « barbus » pour 50 000
nouveaux convertis en France. (source RG)
Incontestablement, les Inspecteurs sont tombés sur une réalité.
Ils ont choisi des établissements dans des zones potentiellement problématiques
plus ou moins en voie de ghettoïsation. Unité des formes du phénomène nous dit
il, diversité des situations observées, généralité sur le territoire dans les
zones de ghetto et surtout, des zones de ghetto.
Mais ce qui ressort de la façon la plus générale de l’ouvrage
et qu’il révèle entre les lignes, c’est que le véritable problème n’est sans
doute pas celui de filles voilées ou non, mais bien un profond malaise de l’institution
Education Nationale elle-même.
Tout commence par l’histoire du rapport. Elle-même éminemment
politique et peu laïque.
La publication de ce rapport n’était pas prévue. Annette
Coulon conseillère en éducation et coauteur d’un ouvrage avec Obin commente
cette « discrétion » initiale. Trois raisons :
- De ne pas stigmatiser les populations concernées : le
rapport pourrait être considéré comme anti musulman
- De ne pas faire le jeux du front National : (le rapport
avant publication a été utilisé par l’extrême droite et la droite et c’est
notamment a titre de contre-feu que la publication a finalement été décidée).
- Toute vérité est elle bonne a dire au regard des causes a
défendre ?
Toutes ces préoccupations sont peut être honorables, mais on
ne voit pas ce qu’elles ont a voir avec les nécessités de faire connaître l’état
de l’école a tous les intervenants pour améliorer son fonctionnement.
Ce type de comportement bien peu laïque semble caractériser
toutes les questions qui se rapportent à l’école.
Un rapport peut être d’abord politique donc
A certains égards il semble d’ailleurs que la vocation du
rapport soit plus d’établir des rapports de force entre tendances de gauche et
de régler des comptes internes que de se soucier de ce qu’il faudrait faire.
Le rapport fut réalisé par des intervenants variés, et donc
objectif, nous dit on. Variété toute relative ! Un des articles qui le défend
contre le soupçon de « le Penisation » précise que 7 des 10 contributeurs
seraient passés par des cabinets ministériels de gauche.
Sa mise en ligne, préalable à sa publication, a été décidée,
après de longs débats internes entre sous tendances politiques de gauche, par
la ligue de l’enseignement.
La décision finale, reflète d’abord un rapport de force
politique à gauche.
En gros entre les « très laïques de la gauche de
gouvernement », « laïques traditionalistes » pourrait on dire, et les « ultra
laïques » de la gauche de contestation prêts a utiliser même l’islam dans la
contestation de la société occidentale, chrétienne, et capitaliste. Le rapport
règle ainsi quelques comptes internes. Page 310, avec « certains choix idéologiques
de sociologues et travailleurs sociaux sur les beautés de l’ethnicisation », p329
certains chefs d’établissements qui prévoient de ne pas appliquer la loi,
certains enseignants qui encouragent les filles a se voiler au nom de la liberté
d’expression, et bien sur le vieux débat autour de l’enseignement des langues d’origine.
Il reflète bien la violence des discussions entre profs.
Organisation des emplois du temps et des classes en fonction
des sentiments anti et pro foulard des enseignants...Conflit entre personnels
lorsque le problème des élèves est réglé (p 332)
Bref, on devine le conflit entre PS bon teint, néo franc-maçon,
alter mondialisto trotskisto écolo et pro-palestino-progressistes.
De l’école, il n’est finalement que peu question de façon
directe
Il est pourtant permis de penser que vrai problème de l’école
ne réside pas dans les 5 filles par an qui ont été exclues pour avoir voulu
porter un voile ni même dans les divergences d’interprétation du phénomène
entre collègues.
Un enfant sur trois sortirait sans qualification permettant
l’accès à l’emploi. Certains parfois sans savoir réellement lire et écrire. Le
tout, a budget réel par enfant en monnaie constante multiplié par deux en
trente ans.
Une autre raison, non dite, aurait pu prévaloir pour
justifier la non publication : Ce rapport met en évidence les
disfonctionnements du système plus qu’une offensive de religions contre l’école.
Il ne semble pas que les inspecteurs chargés de l’étude l’aient constaté. Il
est difficile de juger si il est courageux ou inconscient..
Entre les lignes,le rapport parle bel et bien de l’école.Un
système fermé qui connaît d’abord de gravissimes difficultés d’organisation
interne
« Les établissements qui s’en sortent sont ceux ou il existe
un chef charismatique.... » Nous dit il. N’importe quel consultant en
organisation saura reconnaître cette situation. Quand tout dépend de l’équation
personnelle d’un intervenant on a affaire à une absence d’organisation
Les profs se disent complètement isolés. Pas d’aide de la
direction, de l’inspection...C’est a peine si ils osent parler de leurs problèmes,
entre eux, sans parler des tiers, « notamment pour ne pas contribuer à dévaloriser
leur établissement ».
La classe lieu d’isolement pédagogique (p 347) Impréparation
des enseignants, absence de soutien, ignorance de l’encadrement p (348)
Les « jeunes professeurs » y sont nombreux (p. 353), « mal
préparés à affronter ces situations, laissés sans directives ni soutien » (p. 362)
Les chefs d’établissements, recteurs, inspecteurs d’académie
sont « mal » ou « très inégalement informés » de ce qui se passe dans les
classes, absence totale de l’inspection. (p. 363)
Si tous cela est vrai, et rien ne permet d’en douter, on conçoit
mal que cela ne concerne que la question religieuse. On voit mal des
enseignants chefs d’établissement et inspecteurs qui dialogueraient intensément,
travailleraient en équipe, échangeraient dans le domaine pédagogique c’est-à-dire
sur l’essentiel de ce que devraient être leurs préoccupations professionnelles
et qui tout d’un coup auraient un blocage sur le seul Islam. On conçoit mal également
que cet état de fait ne caractérise que les établissements ghettoisés sauf à croire
que l’institution elle-même contribue à la formation des ghettos.
Ce que ne dit pas le rapport explicitement mais qui est
transparent, c’est que l’absence d’organisation, la fermeture et l’isolement ne
sont pas les fruits d’un hasard, c’est une « culture d’entreprise ».
Pas de pouvoirs, pas de sanctions, pas d’évaluation. Les
inspecteurs donnent presque toujours la note maximale. Pas de hiérarchie autre
que fantasmée. On dit encore « Monsieur le directeur », avec un respect quasi
scolaire, mais son seul outil de management hors « charisme » est de donner de
mauvais horaires ou de mauvaises classes si tant est que l’impétrant n’est pas
syndicaliste. Uniquement des sanctions ! Motivant !
La peur de l’extérieur est récurrente, peur des vagues, peur
d’une mauvaise réputation, peur d’une médiatisation, peur des parents, des
grands frères etc....
Le titre même de l’ouvrage est doublement révélateur. Obscurantisme
! Il qualifie l’interlocuteur comme un adversaire, comme une forme de la bêtise
voir du mal hostile aux lumières. Il défini aussi le système comme une
forteresse assiégée....Le dialogue ne va pas être facile....
Ce que montre le rapport, c’est que notre école est dans une
large mesure un monde assez homogène, fermé sur l’extérieur et qui fonctionne d’abord
pour ses collaborateurs. Sur le mode de chacun chez soi dans sa classe pour le
meilleur et pour le pire.
Cela corrobore d’ailleurs ce que nous savons tous.
Les parents sont exclus de toute décision au motif qu’on ne
donne pas de conseil à son garagiste. Les instances participatives sont vidées
de tous contenu. Les conseils de classe se déroulent en deux parties. Une entre
prof ou on décide et discute vraiment. Une avec les délégués, grande messe où on
entérine.
Du reste ce qui est absolument frappant, dans le texte, c’est
l’absence des « clients ».des usagers, élèves et parents. Quels reproches font
ils éventuellement, pourquoi se comportent ils ainsi. Qu’attendraient ils de l’école
? Ils l’attaquent, mais pourquoi ? Que pensent leurs familles
On a le sentiment que pour les personnels, la société, c’est
l’inconnu, l’étranger, hostile a priori.
Pourquoi ? Un élément de réponse avait été évoqué lors de la
sortie du film « l’être et l’avoir ». Sous la mythique troisième république des
hussards noirs, les instits venaient du milieu auquel ils étaient appelés à enseigner.
Ils en comprenaient donc les spécificités et les respectaient. Un Instit
pouvait être laïque en venant d’une famille rurale catholique. Il se battait
pour la laïcité mais savait réellement ce qu’était le catholicisme. Elite de
classes populaires, il était en prise directe avec les réalités de ses élèves.
En caricaturant a peine, on peut dire que nos enseignants
sont désormais massivement rejetons d’enseignants, mariés avec des enseignants.
Ils vivent toute leur vie en vase clôt sans jamais sortir de l’école.
Les impératifs internes deviennent donc logiquement
prioritaires par rapport aux buts ultimes théoriques de l’organisation, former
les enfants.
Les symptômes sont connus et décrits. Plus le prof est bon,
moins il a de chance d’aller la ou on aurait le plus besoin de lui, c’est-à-dire
dans les zones a problèmes.
La moyenne d’ancienneté des professeurs est inférieure à 3
ans dans des collèges particulièrement difficiles (p. 319),
On voit des élèves orientés vers des filières sans issues
pour préserver l’emploi. Il n’y a pas si longtemps, on envoyait des élèves en
typographie à l’heure du traitement de texte...
La lourdeur des programmes et des horaires notamment dans le
secondaire laisse pensif. A quand les 35 heures pour les élèves de terminale ?
Ah non, on ne va pas sacrifier des disciplines des matières, des postes... nous
disent des profs qui ne font pas eux même ces heures mais sont massivement
favorables aux 35 heures, pour les autres salariés, et pédagogiquement a plus
de 35 heures encore pour les élèves.
Cette prédominance des intérêts des intervenants sur le but
de l’organisation a les conséquences que l’on sait.
Un autre rapport interne qui lui ne sera sans doute pas
publié du tout, montre que les profs de la région parisienne échappent
massivement à la carte scolaire par dérogation et recours au privé (40%). Compte
tenu qu’il existe de bons établissements, on peut dire que l’essentiel de ceux
qui seraient au risque de la mixité sociale y échappent.
Un troisième rapport reconnaît que le niveau général de l’établissement
est absolument déterminant pour l’avenir scolaire des enfants quel que soit
leur niveau personnel. C’est donc a juste titre que les parents informés (notamment
enseignants) font tout pour fuir les établissements de « mixité sociale ».
Le texte d’Obin ne se prononce pas explicitement sur cette
question centrale. Entre les lignes, il loue les proviseurs qui résistent à la
pression pour des dérogations à la carte scolaire (p320) Mais il est prêt à remodeler
la dite carte pour forcer les enfants des autres a payer le prix de la mixité (p
367).
Fait ce que je dis ! Pas ce que je fais... !
Ainsi donc, en tendance, il disent une chose, en pensent une
autre et en font une troisième pour les enfants des autres et une quatrième
pour les leurs.
Cette espèce de schizophrénie semble être un phénomène général.
Il existe des enseignants de tous bord. Tous les comportements sont possibles. Mais
les tendances lourdes de l’institution sont nettes.
Même si il s’agit d’un effet pervers, d’une logique de système
plus que d’une volonté délibérée le premier constat du rapport, c’est la ghettoïsation
des pauvres au sens large sur tout le territoire bourg ruraux et petites villes
comme banlieues et grandes agglomérations. (p301). On conçoit qu’il soit assez
facile de concentrer des populations d’origine immigrée en Seine Saint Denis,
mais parvenir au même résultat dans un bourg rural nécessite vraisemblablement
un minimum d’efforts même inconscients, de tous les intervenant et en
particulier de l’institution.
Constat courageux, notre école exclu très efficacement les
pauvres. Au prix de trois ans chez eux, on peut faire une carrière tranquille !
Mais même si c’est peut être en passe de devenir une hérédité,
le métier est le plus souvent aussi une vocation. Les enseignants, souvent, au
moins au début, croient en leur mission.
Les réalités décrites par le rapport, celle d’un échec assez
général en ce qui concerne ceux qui en aurait le plus besoin doit entraîner de
fortes frustrations.
Une contradiction avec soi même permanente. Ils voudraient
sans doute que le système change mais ne sont guère prêt à changer eux même. Découragés,
démotivés, ils doivent sans doute subir un certain ennui aussi. Car ils ont
beaucoup de temps libre. Ils doivent sans doute aussi être en recherche de bouc
émissaires : société, capitalisme, religion...
Ne parvenant pas à donner leur chance à tous les enfants et
notamment les plus défavorisés, les enseignants recyclent leur générosité frustrée
et inemployée dans la défense de « grandes causes » (voire le point trois d’Odette
Coulon) et d’interminables controverses entre eux sur les tenants et
aboutissants.
C’est sans doute une des raisons pour lesquelles l’école
constitue un système très peu laïque et même assez « religieux » au niveau des
enseignants.
Dans les tentatives des profs pour réagir aux empiétement
des « religions traditionnelles » on découvre plus d’anticléricalisme primaire
que de laïcité réelle et souvent une inculture inquiétante.
L’inculture obscurantiste est signalée par les inspecteurs.
Tel veut faire supprimer le sapin de noël trop chrétien... !
(Au point ou on en est, il n’est peut être pas inutile de rappeler que le sapin
est une tradition païenne) Tel autre refuse d’apprendre à ses élèves Au clair
de la Lune (pour l’amour de Dieu... !) Certains recyclent halloween assortie de
la lecture d’Harry Potter, fête commerciale américaine et également païenne, en
forme de protestation contre l’omniprésence des fêtes catholiques....Squelettes
sorciers et potirons au secours de la raison raisonnante !
Le parallèle en termes de maturité et de culture avec le
refus de certains élèves « musulmans » d’utiliser le signe + dans les additions
parce que c’est une croix est troublant... ! Pas-de-sa-pin-de-no-el-le na-na-ne-re
!
Gageons que c’est par ignorance de la signification du
croissant boulanger (préparé pour se moquer de l’islam pendant le siège de
Vienne par les turcs) que les alter-pro-musulmans n’ont pas encore exigé sont
interdiction...
Mais les commentaires des inspecteurs évoquent l’hôpital se
moquant de la charité ! On peut leur pardonner de découvrir les protestants
ravinistes qui existent depuis le 19eme siècle en France mais constituent une
communauté microscopique, mais il est plus étonnant de les voir confondre des évangéliques
(seconde religion de France) et des évangélistes ( Mathieu Luc Marc Jean.... !)
a moins que ce ne soit une faute de frappe de relecture ou d’orthographe.
L’agressivité anti-religieuse d’une partie du corps
enseignant est signalée au passage mais sans approfondissement.
On découvre dans le rapport qu’il y a peu de problèmes avec
les enfants dans le primaire, mais pas mal avec les profs qui au nom de leur
convictions vont chercher des poux dans la tête des parents ! (p317). Il s’agit
de savoir si on peut interdire aux mères de venir chercher leurs enfants en
foulard ! Réflexion approfondie également pour savoir si des parents
accompagnant une sortie peuvent être « enfoularé ».Comme souvent le principal
problème est d’avoir assez de parents et qu’en principe, une femme en burqua ne
peut pas sortir sans un homme, on se demande si tous cela n’a pas un caractère
assez théorique visant surtout a marquer son territoire autant qu’a animer les
réunions syndicales. Ce d’autant plus que le fait que des fonctionnaires ayant
autorité aient pu massivement défiler à la tête de leurs élèves mineurs pour
contester la légitimité d’un choix démocratique et citoyen en 2001 ne semble
avoir choqué que peu de laïques..
On en vient à se demander si les provocations d’élèves dans
le secondaire ne trouveraient pas partiellement leur source dans les
comportements d’enseignants dans le primaire.
L’absence de laïcité politique des profs est massive tout
niveaux confondus.
La laïcité, en principe, s’applique aussi à la politique. A
quand un rapport Obin sur les transgressions des enseignants en la matière ? Et
cela ne concerne pas uniquement le choix des rapports publiés mais aussi la vie
quotidienne des élèves.
Michèle Tribalat soulève dans l’ouvrage, la question de la
laïcité des personnels : par exemple, l’antiaméricanisme latent des programme
et des enseignants : sujet du brevet 2005 Comment la puissance américaine a
elle été contestée le 11 septembre 2001.
Ma fille en maternelle moyenne section a eu droit a un cours
sur « le méchant Le Pen a pris injustement la place du gentil Jospin ». Et ce
phénomène la, ne touche pas que « certains établissements dans les quartiers en
voie de ghettoïsation ».
Rares sont ceux de nos enfants qui ne savent pas que leurs
instits. sont majoritairement bio écolos équitables citoyens et
anticapitalistes. C’est bien sur leur droit, mais nos enfants ne l’ont pas découvert
tous seuls.
En tendance, beaucoup d’enseignants, sans doute en toute
bonne foi, attaquent assez violemment tous ce qui est différent de leur vision
du monde et enseignent aux enfants qui leur sont confié leur vérité -leur catéchisme-
! Les exemples précédant montrent qu’il est assez confus intellectuellement même
si il est assez clair politiquement.
Il est aussi très « religieux »comme le montre le rapport
lui-même.
Cité par Jean Baubérot, notre spécialiste national es laïcité,
les mesures proposées ne consistent pas a envoyer les profs de qualité dans les
banlieues par exemple, elles visent à « régénérer chez ces jeunes le sentiment
d’une appartenance à un ensemble politique capable de transcender leurs autres
appartenances » (p. 366). L’emploi de 2 termes très religieux (« régénérer » et
« transcender ») est-il conscient ?
Les IUFM devraient mettre Marcel Gaucher au programme, qui
montre que la laïcité traditionnelle était, tout compte fait une religion et qu’elle
souffre aujourd’hui surtout de sa sécularisation. Le prurit transcendantale de
l’éducation nationale serait il le denier feu d’un intégrisme laïque peau de
chagrin comparable au Latin des lefbevristes ?
A nouveau, on est surpris par les parallélismes des
comportements de certains enseignants et des « islamistes ».
Une autre remarque particulièrement savoureuse du même
Bauberot.
« Ben Laden comme « figure emblématique d’un Islam conquérant,
assurant la revanche symbolique des laissés-pour-compte du développement » (p. 345).
Ben Laden = nouveau Staline : s’il avait été jusque là, le Rapport aurait du se
poser d’épineuses questions : une partie du corps enseignant a été plus ou
moins stalinienne, et la France n’en est pas morte ! »
De fait, si on remplace occident et juifs par capitalisme
ultralibéral mondialisé dans le discours des extrémistes islamistes, on
retrouve a peu de chose prêt celui d’une bonne partie du corps enseignant. (On
peut en trouver des extraits dans la nouvelle Judéo phobie de Taguieff par
exemple). On retrouve a nouveau l’étrange parallélisme entre sapins de noël et
signe plus....
Le rapport confirme d’ailleurs que les « barbus » sont des «
diplômés du Maghreb mais aussi de France ». On ne peut s’empêcher de penser aux
thèses d’Emmanuel Todd montrant que les extrémismes sont toujours portés par des
jeunes diplômés de la classe moyenne insatisfaits de leur statut social.
Notre école ne fait peut être pas tant face a de « l’obscurantisme
religieux » qu’a une classe moyenne issue de l’immigration pour laquelle notre
société n’a pas tenu ses promesses et qui se venge avec les moyens qu’elle a
appris a l’école, sur l’école.
D’ou sans doute l’impasse signalée dans le rapport, dans
laquelle se fourvoient les enseignants qui se battent pieds a pieds un coran
bilingue a la main...
D’où aussi, le sentiment que la question n’est au fond pas
principalement religieuse. Les enseignants la voient peut être ainsi parce que
cela les arrange.
Enfin, cité également par Bauberot, parlant de Mona Ozouf la
tentation latente et inquiétante de pureté du système. Exclure ! « Depuis Sieyès,
est une tentation du républicanisme français : unir mais en excluant l’élément
impur ou gênant ».
Dans le rapport et dans les commentaires, beaucoup de
remarques portent sur le fait qu’il y a moins de difficultés avec les cathos et
les juifs parce qu’ils ont leurs écoles......
Le regret que les musulmans n’aient pas leurs écoles est
transparent dans de nombreux commentaires du rapport.
En 25 ans, il semble que l’on soit passé d’une adhésion
majoritaire au concept de « grand service publique laïque unifié obligatoire » façon
1981 a une croissance du nombre de ceux qui sont prêt a abandonner ceux qui
seraient par trop différents.
« Puisque nous ne parvenons plus a leur imposer nos
discours, que la vie serait plus simple sans les éléments perturbateurs, c’est-à-dire
ceux qui ne nous écoutent pas... »
Car à travers ce « combat laïque » c’est en effet la remise
en cause du statut et du rôle des enseignants et de leur prétention à vivre en
circuit fermé et à enseigner la vie aux autres qui se joue.
Il est un fait que « on ne les écoute plus » mais de trois
façons différentes :
Les enfants de milieux qui ne pensent pas comme la majorité des
enseignants se divisent en trois catégories.
Les familles « résistantes » et « réfugiées ».
Les résistants, car notre école n’est pas laïque.Si certains
catho ou juifs ou autres vont dans le privé, c’est aussi parce qu’on enseigne à
leurs enfants des valeurs non pas différentes des leurs, mais, en pratique,
hostiles aux leurs.
Les réfugiés, car, pire, notre école ne défend pas ce qui
reste de laïcité.
Si un corps constitué de 1 300 000 adultes fonctionnaires de
l’éducation nationale n’arrive pas a imposer la présence normale d’enfants de
familles juives a 1000 militants islamistes, même relayés par quelques milliers
d’enfants, on peut se demander si il s’y efforce réellement. L’exclusion de
fait d’enfants juifs ou réputés tels, constatée dans certains établissements
par le rapport parait pour le coup beaucoup plus grave que le port de voiles. Ce
d’autant plus que les enseignants ont parfaitement réussi a évité par exemple,
une présence du front national réel ou symbolique dans les écoles. Celui-ci
aussi, conteste les programmes et manuels qu’il juge orientés. Cela ne pose
manifestement aucun problème a l’EN alors qu’il s’agit de 15% de l’électorat et
non de 1000 illuminés.
On ne peut s’empêcher de se demander si la lutte contre l’antisémitisme
fait l’objet du même unanimisme au sein de la communauté enseignante que la
lutte contre « l’extrême droite ».
Les familles « adaptées ».
Elles savent qu’une certaine hypocrisie est nécessaire avec
leurs profs. Notre système n’est pas tant éducatif que sélectif. Il faut, avoir
le diplôme, primordial dans une société française marquée par son école. Donc
il faut donner au prof la réponse qu’il attend.
Or, le public est moins cher et, dans les bons établissements,
de bonne qualité, donc tant que l’on peut passer entre les gouttes....
Mais cette absence d’adhésion profonde à leur credo, les
enseignants la pressente et en souffrent.
Ce souhait croissant des parents de « s’immiscer » dans l’avenir
de leurs enfants est d’ailleurs vraisemblablement ce dont parlent les
enseignants quand ils évoquent une intolérable et inéluctable « marchandisation
» de l’éducation nationale (Jospin, Gaucher)
Car, vraiment, le niveau a monté. Désormais, les parents qui
se jugent moins compétents que les enseignants pour décider de l’avenir de
leurs enfants sont de moins en moins nombreux, a part, peut-être, chez les
immigrés. Il restait donc un espoir....
Et c’est la troisième catégorie de famille, « les pauvres »
L’enfant de milieux défavorisés, et notamment migrants
souvent de troisième génération, sait désormais aussi que le système n’est pas
fait pour lui et qu’il a peu de chance de passer a travers. Il comprend bien le
mépris sous-jacent des enseignants pour sa culture d’origine (obscurantisme !)Il
sent bien que pour ses profs, ses parents sont essentiellement des « bacs moins
5 » et que ceux-ci auront du mal a le défendre contre l’institution
. Pourquoi le voile serait il plus déplacé que le nombril
apparent sur mini-jupe qui par ailleurs est beaucoup plus perturbant pour le déroulement
des cours. Demandez à n’importe quel adolescent mâle et pas seulement
originaire d’un pays musulman.
Il sait peut être que ma génération a connu les cours de gym
séparés garçon/fille voir l’absence de mixité totale. On les lui présente désormais
comme contredisant un principe intangible de la république quand ce n’est qu’une
mode pédagogique. Certains pédagogues se demandent en effet si la séparation n’est
pas plus facile à vivre à l’adolescence et plus favorable en tous cas à la
concentration scolaire notamment des garçons.
Le petit Kabyle qui s’est vu imposer des cours d’arabe littéraire
au nom du multiculturalisme de ses profs au lieu d’avoir du rattrapage en français
voit bien que les enfants de ceux-ci ne sont pas dans son établissement.
Il a vu en primaire, son instituteur faire des remarques à sa
mère sur son foulard en toute illégalité.
Il voit bien qu’on veut lui enseigner un catéchisme qui n’est
pas mis en pratique par les enseignants. Egalité, mixité sociale disent ils.....Pour
les autres.....
Il sait enfin qu’il n’a, lui, pas grand-chose à perdre.
Il est suffisamment bien intégré a la culture française pour
savoir ce qui fait mal aux profs et la ou ils sont fragiles. Pour quelques
vrais fanatiques religieux, il doit y avoir une masse d’enfants qui se vengent
d’un système qui s’offre leur physionomie.
Car leur contestation constitue un comportement assez
largement français et moderne et non importé et obscurantiste. On ne verra pas
dans des pays arabes, des femmes, même encadrées de barbus, défilant dans la
rue ou a la télé, en exigeant le libre choix de porter le voile, des élèves mettant
en cause le contenu de l’enseignement.
Il n’y a pas de raisons objectives à ce qu’un Kabyle,
familier avec la culture et la langue françaises depuis plusieurs générations
soit plus difficile à intégrer qu’un polonais il y a 80 ans.
Le facteur religieux n’en est sans doute pas un, n’en déplaise
à De Villiers. Les études de Bruno Etienne ont montré que les taux de pratique
des maghrébins sont équivalents voir inférieurs a ceux des catholiques français
et en tous cas moindre que ceux des catholiques Polonais il y a 80 ans.
D’où une hypothèse, c’est l’école qui a changée. Elle
parvient peut être moins que par le passé à prendre en compte des enfants différents
de son idéal type.
En focalisant ses angoisses sur un modèle culturel porté par
les plus pauvres, les plus fragiles, l’éducation nationale révèle aussi ses
faiblesses. La perte de ses dernières illusions. Même ceux-la, peu armés
culturellement, résistent.
La preuve que la religion voir l’immigration ne sont sans
doute que des prétexte est finalement donnée par l’étude de Libération sur le
front national (Étude libération cevipof SOFRES de 97) 67% de ceux que l’étude
défini comme gaucho-frontistes, très « populaires » très opposés aux
privatisations, sont également favorables a l’école privée et c’est ce qui
constitue leur choix politique le plus marqué...La contestation de l’école
publique par les pauvres ! Car dans les fameux « ghettos des bourgs ruraux »,
il n’y a pas que des étrangers.
L’enthousiasme des professeurs engagés pour les enfants de «
sans-papiers » (réseau éducation sans frontière) autour desquelles toutes les
tendances semblent se réconcilier, apporte une confirmation supplémentaire. Certainement
beaucoup plus proches de leurs racines culturelles notamment pour ceux qui
viennent de pays musulmans, ils ne sont pas encore à même d’avoir le recul nécessaire
pour juger notre système scolaire, et les armes culturelles pour le contester. Ils
constituent donc une population utilisable a merci puisqu’ entièrement dépendante,
pour réaliser les phantasmes émancipateurs et illuministes du corps enseignant.
Il est particulièrement savoureux qu’on nous explique que
des enfants afghans, présents depuis 6 mois dans notre école sont déjà presque
français mais que les beurettes de troisième génération ont un problème d’intégration....
Le rapport Obin confirme le vote « gaucho-frontiste ». Même
et peut être surtout les pauvres ne font plus confiance à notre école et à ses
principes politiques pour les « émanciper ». Mais dans le cas de l’islam
contrairement a ce qui concerne le front il n’y a pas de consensus interne du
milieu enseignant : faut il exclure, accepter la contestation des principes
internes, les changer, les imposer, au besoin par la loi ? Il y a donc « débat ».
Alors ? Les fillettes voilées victimes d’enseignants qui ont
transformé l’école en champs clôt de luttes politiques intestines destinées a
combler le vide crée par leurs désillusions politiques et personnelles et
professionnelles ?
Le rapport Obin appelle les conclusions suivantes par ordre
d’importance croissant
Il serait urgent de faire un rapport « choc » sur la laïcité
des enseignants, en particulier politique car leur crédibilité dans la dénonciation
des excès religieux éventuels est liée a leur respect de la dite laïcité. Faute
de quoi, il s’exposerons toujours a des discours de type cours de récré comme «
c’est celui qui le dit qu’y l’est » ou « c’est toi qui a commencé », mais plus
vraisemblablement encore a un développement du privé.
La politisation des enseignants, des cours des programmes et
des manuels est incomparablement plus importante que sa contestation par des
musulmans ou autres
Un de ses effets pervers et de concentrer le débat sur les
angoisses des profs plus que sur les problèmes de l’école.
Ils ont réussi à imposer un débat et une loi sur un problème
finalement mineur, 1200 filles voilées. C’est un problème de prof. La question
des 38 000 enfants handicapés exclus de fait de l’école faute d’adaptation,
reste dans les tiroirs, c’est un problème d’enfants et de parents. Et ce n’est
qu’un exemple.
Un travail de fond sur l’organisation de l’EN est
indispensable.
La gestion de carrière des enseignants est un moyen et pas
une fin ou en tous cas pas LA fin prioritaire de l’école. L’égalitarisme de façade,
nuancée dans les faits par une féroce hiérarchie des diplômes n’est plus
acceptable. Oui il faut envoyer les meilleurs la ou c’est le plus difficile
quitte a les payer beaucoup plus même si les syndicats sont contre.
L’école ne peu plus continuer à être gérée en fonction d’un
présupposé, « foutez la paix » aux profs et laissez les faire ce qu’ils veulent
sous prétexte d’une autonomie qui se traduit sans doute surtout par une grande
solitude. Le travail d’équipe et la communication interne, cela s’apprend. Et c’est
facile ! Le seul passage de l’équipe de rédaction a permis dans certains établissements
de découvrir les problèmes « d’ouvrir la parole » etc...Les signes d’appartenance
religieuse sont d’ailleurs un excellent prétexte. Si ils apprennent a se parler
de voile, peut être se parleront ils de pédagogie, d’enfants, d’école. Si en
cette occasion, le rôle du chef d’établissement est reconnu, peut être lui
donnera-t-on des outils de mangement.
Surtout, il faut ouvrir l’école au monde extérieur.
La résurgence d’une agressivité laïque dans une société sécularisée
comme jamais auparavant, toutes religions confondues et Islam compris, cache
leur malaise plus général sur le sens de leurs engagements, l’efficacité de
leur action, leurs frustrations ...
Redonner une vocation a l’EN est une nécessité. Faute de
quoi, le malaise des profs ira en embellissant au détriment de notre école. Ils
sont au bord de ressusciter une guerre scolaire, pour qu’on les écoute. Si on
ne le fait pas, ils pourront faire pire comme en témoigne la montée des votes
trotskistes en milieux enseignant.
A travers les lignes du rapport Obin, on devine une profonde
insatisfaction. Sous prétexte d’islam, les profs parviennent, enfin, à nous
parler de leurs malaises et de leurs disfonctionnements.
Ce constat ouvre, peut être une porte a leur possible re-mobilisation
en faveur de ce qui est la vraie vocation de l’école républicaine, non pas
changer la société a l’ image des profs, mais donner une vrai chance dans la
vie a tous les enfants.
Le rapport montre que certains établissements ont surmonté les
problèmes. Ce sur quoi il n’insiste pas assez mais que l’on sent, c’est qu’ils
avaient certes un proviseur charismatique, une équipe soudée, mais surtout qu’ils
se sont ouverts sur l’extérieur, et tous ces éléments sont sans doute liés.
Il y a dans le dictionnaire, deux définitions de l’obscurantisme
:
1) Attitude, doctrine, système politique ou religieux visant
à s’opposer à la diffusion, notamment dans les classes populaires, des lumières,
des connaissances scientifiques, de l’instruction, du progrès. C’est l’acception
des profs quand ils nous parlent d’obscurantisme.
2) Refus d’adopter un comportement libéral, ouvert, tolérant,
dans un domaine particulier. C’est de plus en plus le jugement que les parents
portent sur l’école.
Ce qu’illustre le rapport Obin, ce n’est pas l’école face a
l’obscurantisme religieux mais bien le face a face de deux définitions de l’obscurantisme
au détriment de notre école.
Pour sauver nos enseignants et notre école de l’obscurantisme
scolaire où ils se sont enfermés, il faut les ouvrir au grand vent de la société,
aux parents, aux entreprises et, pourquoi pas, aux religions.
La publication du rapport montre que certains d’entre eux commencent, peut être, à y être prêts.
37 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON