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Le Vatican par Christophe Dickès

Le Vatican est souvent associé, sans que l’on sache vraiment pour quelles raisons objectives, aux divagations mêlant légendes, complots et secrets. Christophe Dickès docteur en histoire, spécialiste du catholicisme, nous plonge dans l’univers complexe et passionnant de la papauté. Par ailleurs, il a dirigé le Dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège. Il a récemment publié un essai sur L’Héritage de Benoît XVI. Il est également le fondateur de Storiavoce, une webradio consacrée à l’histoire. Avec cet ouvrage fort intéressant de 270 pages, il analyse les « vérités et légendes » du Vatican.

 

Dès les premières lignes, Dickès rappelle que : « dans l’histoire, rarement une institution a suscité autant de fascination et de passions que le Vatican et le Saint-Siège  ». Il prend le temps de poursuivre son idée : « beaucoup de fantasmes aussi, des critiques sûrement, jusqu’à l’expression parfois d’une violence sans retenue ». Les agressions contre l’Eglise, intellectuelles ou physiques, s’intensifient depuis des années au point même qu’en Europe un prêtre catholique a été égorgé par un musulman, alors qu’il célébrait la messe (1). L’auteur déclare que « contrairement à une idée reçue, l’anticléricalisme ou l’antipapisme possèdent des racines profondes, bien antérieures à la période contemporaine  ». Il suffit de se remémorer, par exemple, les persécutions anti-chrétiennes sous l’Antiquité pour comprendre que l’Eglise, depuis sa naissance, subit constamment des attaques dont certaines découlent de la haine.

 

Lorsqu’on étudie la papauté, la question centrale à se poser est la suivante : pour quelles raisons cette institution semble attirer sur elle des idées extravagantes voire délirantes ? L’auteur répond à cette interrogation comme suit : « le Vatican suscite toujours autant de questions. Principalement parce qu’il donne l’impression de s’entourer de nombreux secrets : secret de l’élection des Papes tout d’abord, mais aussi secret des archives, secret de la confession ou encore secret pontifical, qui n’est autre qu’un secret propre à la gestion des affaires de l’Etat  ».

 

Dickès tente de répondre, avec des faits objectifs et des propos circonstanciés, aux principales questions courantes à l’endroit de la papauté. Citons en quelques-unes pour montrer que cette étude se montre exhaustive : l’infaillibilité pontificale donne-t-elle tous les pouvoirs au Pape ? Le Vatican est-il riche ? Est-il misogyne ? A-t-il protégé des pédophiles ? Entretient-il des liens avec la mafia ? La curie est-elle un panier de crabes ? Jean-Paul1er a-t-il été assassiné ? Benoit XVI a-t-il renoncé sous les pressions extérieures ? Du communisme à l’islamisme, le Saint-Siège est-il naïf avec les totalitarismes ? Un Pape peut-il être en rupture avec ses prédécesseurs ? Ces questions sont intéressantes. Elles montrent surtout que le catholicisme embrasse tous les pans de la vie sociale et concerne toutes les interactions humaines. 

 

Toutefois, avec humilité et justesse intellectuelle, Dickès précise lui-même dans son avant-propos que « les réponses à ces questions n’ont pas la prétention d’épuiser le sujet. C’est pourquoi nous demanderons l’indulgence du lecteur qui nous pardonnera les manquements et les oublis inhérents à ce genre ». Cette position s’explique logiquement par le fait « qu’un historien ne referme jamais ses dossiers. Dans les couloirs de l’histoire il doit rester humble et accepter la contradiction  ». Histoire vient « du grec istoria qui signifie enquête  » et la présente revient - entre autres - sur la nomination du Pape.

 

A ce sujet, l’auteur énonce avec pédagogie que « l’élection d’un Pape n’en est pas pour autant un sacrement. Très schématiquement, on ne devient pas Pape comme on devient prêtre. Le prêtre est ordonné, c’est-à-dire qu’il participe physiquement au pouvoir spirituel du Christ-Prêtre. Pour devenir prêtre il est consacré. Le Pape, lui, reçoit un « mandat » : il est élu au cours d’un conclave par le Sacré Collège qui rassemble les cardinaux du monde entier. Le Pape n’est donc pas sacré « souverain pontife » comme l’était le roi de France à Reims. Le Pape devient Pape à l’instant même où il accepte l’élection une fois qu’une majorité au deux tiers s’est portée sur son nom ». L’explication nous paraît limpide. 

 

Cependant, certains ne comprennent pas ou se moquent du « rôle de l’Esprit-Saint  » dans l’élection d’un Pape. Avec le chapitre « Le Pape est-il choisi par l’Esprit-Saint ? » , l’auteur répond très justement à ce questionnement : « Dans le dictionnaire de théologie catholique, il est mentionné que l’Esprit-Saint assiste les électeurs dans le cadre du plan de Dieu, appelé aussi communément Providence, afin de garder l’Eglise dans le droit chemin. Mais cette assistance divine, n’enlève rien à la liberté du choix qui doit s’opérer par les moyens ordinaires. La liberté du cardinal électeur peut aussi l’amener à refuser la grâce et l’assistance du Saint-Esprit, même si Dieu, toujours dans une perspective théologique n’abandonnera jamais l’Eglise qui n’appartient pas aux hommes mais à Lui seul ». La croyance en Dieu n’exclut nullement le libre arbitre et les mauvais choix.

 

Un attribut papal qui choque la modernité concerne l’infaillibilité pontificale. Effectivement, elle « renvoie à un pouvoir incontesté et incontestable alors que nous vivons dans un monde relativiste où l’autorité est en crise ». Il poursuit son analyse en expliquant que « les revendications contre l’infaillibilité relèvent aussi d’une crise de vérité et de l’identité ». Autre aspect qui anime et alimente les théoriciens du complot : les archives secrètes du Vatican. En réalité, il existe un réel malentendu concernant cette appellation car « les archives secrètes du Vatican n’ont donc de secret que le nom. Ou plutôt le qualitatif « secrètes » doit être interprété dans le sens ancien du terme : privé et réservé au souverain ». D’une manière générale et indépendamment de cette précision étymologique, tout le monde a des secrets. Pour quelles raisons le Pape n’en aurait-il point ?

 

Dickès aborde de nombreux sujets concernant la papauté et le Vatican, sans pour autant clore le sujet - comme il reconnaît lui-même - car ce dernier reste vaste, éminemment complexe et finalement inépuisable. Toutefois, ce livre constitue une agréable entrée en matière pour celles et ceux qui veulent découvrir réellement le Vatican, loin des calembredaines que nous pouvons lire dans Le Vatican inconnu, Les secrets du Vatican, Le Vatican indiscret, Dossier secret du Conclave, etc. Sans jamais oublier son rôle d’historien, l’auteur pose un regard objectif et lucide sur la mission du Pape, son pouvoir, la diplomatie vaticane, ses enjeux et les réactions papales face aux totalitarismes. En effet, derrière l’image si particulière du Vatican dans l’histoire des hommes, il y a un Etat, un chef, une administration, une politique étrangère, une doctrine, mais nullement une ingénierie machiavélique fomentant des complots ou conservant dans ses archives des inavouables secrets. 

 

 

Franck ABED

 

 

(1) Jacques Hamel, né le 30 novembre 1930 à Darnétal et mort le 26 juillet 2016, dans sa 86e année, en l'église Saint-Étienne de Saint-Etienne-du-Rouvray, est un prêtre catholique français de l'archidiocèse de Rouen, martyr de l'Eglise catholique, assassiné par deux terroristes musulmans.


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13 réactions à cet article    


  • Christian Labrune Christian Labrune 23 avril 2018 11:35

    @Franck Abed
    Encore un bouquin que je n’aurai probablement pas le temps de lire parce que j’en ai bien déjà une vingtaine ouverts sur mon plumard , mais je suis quand même au premier quart de votre réconciliation impossible et je ne désespère pas d’en avoir assez vite achevé la lecture. Je vous en parlerai donc une autre fois. Je ne vois pas non plus une réconciliation possible entre un sans-culottisme primaire qui perdure et une approche critique et informée de la chose politique.

    J’ai quand même l’impression que ce bouquin sur le Vatican doit être un peu partial, et justifiant ce qui, d’un point de vue philosophique, n’est pas bien sérieux ; par exemple, le dogme de l’infaillibilité pontificale ou le recours à l’Esprit Saint dans les élections ; toutes choses qui me font doucement rigoler.

    Evidemment, on peut toujours, à la manière de Pascal, avoir une « idée de derrière la tête » et se dire : si l’Eglise avait un peu continué d’être crédible, surtout dans cette période où l’islam en France ne rencontre plus aucun obstacle et reçoit même quelquefois la bénédiction du bas clergé, la situation ne pourrait pas être pire, mais c’est une position théologico-politique quasi voltairienne, fort éloignée des préoccupations des grands mystiques et de dogmes tombés progressivement en déshérence. Dans cette perspective où il y aurait un discours publié pour les ignorants, qu’il faudrait bien appeler propagande religieuse, dans la grande tradition des missions chrétiennes, et un autre plus ésotérique réservé à quelques initiés qui sauraient comment on fabrique du divin, mais qu’il faudrait bien s’interdire de divulguer, il n’y aurait plus de philosophie possible.

     


    • Franck ABED Franck ABED 23 avril 2018 13:47

      @Christian Labrune

      Merci de votre avis circonstancié. Cependant pourriez-vous me dire si vous êtes croyant ? Si oui, quelle religion ? Merci.

    • Christian Labrune Christian Labrune 24 avril 2018 13:29

      Merci de votre avis circonstancié. Cependant pourriez-vous me dire si vous êtes croyant ?
      ...................................................................... ...
      @Franck ABED
      C’est une question que je ne me pose même pas. Je veux bien penser, dans les limites évidemment assez étriquées de l’organe qui peut me servir à ça, et j’ai même une certaine propension à aimer ces sortes d’exercices, mais croire, non : cela me demanderait trop d’efforts ; il faudrait dresser des échafaudages qui ne seraient même pas assurés de résister un seul instant au plus petites tempêtes du doute.

      Je suis né dans le catholicisme ; j’ai même retrouvé naguère dans mes papiers un « certificat d’instruction religieuse » délivré par l’évêque de Bourges ! Mais je n’ai jamais pu prendre au sérieux les religions, même si les débats théologiques me passionnent. Je suis aussi naturellement athée que pourrait l’être un Chinois, tout en hésitant quelquefois à me définir comme tel, parce qu’il y a une croyance dans l’athéisme que je ne partage pas non plus. Je ne dirais pas pour autant que je suis agnostique. Je mets les choses au pire : Dieu existe, et il existe en père sévère et barbu tel que le montre la peinture chrétienne. Qu’est-ce que cela change ? Rien. Rien du tout. C’est son affaire, et tant pis pour lui ! Un peu comme Alfred de Vigny, je considère qu’il faut répondre « par un froid silence », au « silence éternel de la divinité ».

      Je parlais des athées. Beaucoup paraissent avoir reçu la révélation que Dieu n’existe pas mais s’il leur apparaissait, il est probable que cela changerait tout et qu’ils se convertiraient sur le champ, parce que cela irait dans le sens de leur intérêt, d’où le lamentable argument du pari dans Pascal. Mais les grands mystiques, des gens comme Thérèse d’Avila ou Jean de la Croix, ont beaucoup médité sur cette question-là : faut-il être chrétien et se comporter comme tel parce qu’on veut avoir quelque chance de se retrouver à la fin in paradisum ? Il n’y faut pas penser, disent-ils, mais les moralistes du XVIIe siècle, tel La Rochefoucauld et même Pascal, qui ont médité sur les pièges de l’amour-propre, savent bien qu’on y pense encore lors même qu’on croit n’y penser plus du tout. Il était donc à peu près inévitable, du fait d’un plus grand raffinement de l’éthique au milieu de la période classique, que tout l’édifice de la mystique s’effondrât. Il ne resterait plus que des rites, et des calculs d’intérêt assez naïfs, dignes de la boutique, et fort éloignés d’une exigence authentiquement philosophique.

      Il reste que c’était bien beau, le catholicisme. La pompe funèbre au temps de Louis-le-Grand, cela avait une autre gueule qu’une ridicule cérémonie au crématorium du Père-Lachaise ! Et les cathédrales ! Et les grandes orgues, et toute la musique sacrée, dont je ne me lasse pas ! Une société ne peut guère se passer des rites qui lui donnent une identité. Au fond, je dois être un peu confucianiste !


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 24 avril 2018 13:50

      @Christian Labrune Bonjour. J’ai l’impression que vous parlez pour moi , avec beaucoup plus de talent .Merci.


    • zygzornifle zygzornifle 23 avril 2018 15:04

      C’est une secte autorisée avec pignon sur rue comme toute les grandes religions , le Vatican a autant de cadavres sur la conscience que les 2 dernières guerres mondiales ....


      • Franck ABED Franck ABED 23 avril 2018 19:48

        @zygzornifle

        C’est une blague ? Si oui, elle n’est pas drôle. Si votre propos est sérieux, il montre votre méconnaissance historique...

      • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed MADJOUR 23 avril 2018 19:25

        Le Vatican est juste la tombe de St Pierre ! 


        Il n y a plus ni secrets, ni fascination, ni motif à faire rêver les crédules ! 

        C’est quoi donc un Pape et il représente quoi ? L’Eglise « victime.. », vous dites ? Et tout le mal que l’Eglise a infligé aux populations de tous les Continents depuis des siècles ? Vous oubliez que ce vaticus n’a jamais condamné les atrocités des guerres européennes ? Vous ne voyez pas que ce Vaticus ne dit rien sur le terrorisme franco-occidental ?

        Et ce François qui s’est même mis au service du Bidule de Bruxelles !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Ce Papus qui a accepté une « Médaille » offerte par le VI Reich de Bruxelles !!! Il aime les « distinctions » ce Papus, il aime l’argent aussi ??? La Foi devrait lui suffire, non ?

        Pas de différence entre les amples gandouras et les soutanes auréolées : Ils ne croient pas en Dieu, il ne devraient pas parler en son nom !

        • Yann Esteveny 23 avril 2018 22:10

          Message à Mr Franck Abed,

          Je vous remercie d’abord pour la présentation de l’ouvrage que vous faites. Mr Dickès aborde des questions pertinentes afin de démystifier l’institution. Détromper les victimes d’une image médiatique du Vatican fourni par les médias et les ennemis de l’Eglise est une bonne chose.

          Vous écrivez : « Un attribut papal qui choque la modernité concerne l’infaillibilité pontificale. » Sans vouloir polémiquer inutilement sur un sujet largement débattu entre chrétiens, il est également possible d’écrire : Ce qui peut choquer un chrétien est un Concile qui promulgue le cadre moderne de l’infaillibilité pontificale. Lutter contre le relativisme par du dogme altère la foi.

          Pour aller un peu plus loin que l’ouvrage, il est possible de rajouter une question pour les chrétiens : La barque de Pierre est elle sous faux-pavillon, subit-elle un piratage, ou vit-elle une situation normale ?

          Respectueusement


          • Franck ABED Franck ABED 24 avril 2018 07:04

            @Yann Esteveny

            Merci pour votre commentaire sympathique et constructif. Pour répondre à votre question la barque de Pierre subit une forte avarie...

          • oscar fortin oscar fortin 24 avril 2018 09:44

            L’état du Vatican est un véritable « pouvoir politique » largement infiltré y dominé par les puissances occidentales. Les jeux de coulisse interne sont subtilement orientés pour que l’ensemble de la institutionnalisé de l’Église, pape, évêques, prêtres servent les intérêts de ces puissances occidentales. À ce que je sache, le Vatican se fait davantage collaborateur que critique de ces puissances. Les ennemis de ces dernières seront souvent ses propres ennemis. En Amérique latine, par exemple, le Vatican et les épiscopats sont étroitement liés aux interventions des États-Unis pour contrer les mouvements populaires et s’opposer aux pays émergents. C’est le cas de l’Église au Venezuela, au Nicaragua, à Cuba, en Bolivia. Tout ça sous le prétexte de la lutte contre le communisme. Personne ne relève le fait que cette lutte contre le communisme est une lutte pour le capitalisme sauvage, pourtant dénoncé par le pape François dans son Exhortation apostolique Evangelii gaudium.


            Comme pouvoir politique, le Vatican n’échappe pas à la corruption y manipulation propres à tout pouvoir politique. Il est infiltré et dominé de l’extérieur. Ses accords secrets avec Washington, lesquels ne sont plus secrets en disent long sur le sujet.



            • Franck ABED Franck ABED 25 avril 2018 08:09

              La Papauté se relèvera toujours...


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