Le virus à trois faces
La Covid-19 n'est pa la pandémie la plus important au point de vue sanitaire depuis la gippe espagnole. Elle est certainement celle qui, pour le monde entier, a les conséquences les plus graves au point de vue social et économique. Le virus en est-il la cause principale ? Ou seulement le facteur déclenchant, le révélateur....
Le virus à trois faces
Une face politique
Naguère, il était question de grippe saisonnière, banale mais qui fait des milliers de morts chaque année, de grippe asiatique, de grippe de Hong Kong ou même de grippe espagnole qui ne venait pas d'Espagne mais des États-Unis et qui a tué plus que la Grande Guerre.Avec l'évolution politique, la nouvelle pandémie à coronavirus ne peut être dite chinoise, si ce n'est par Donald Trump, même si les Chinois reconnaissent qu'elle est apparue à Wuhan (1) : l'appeler maladie à Coronarovirus de Wuhan serait, pour la deuxième puissance mondiale, une offense.
Avec le langage codé scientifique, diplomatique, la pandémie sera donc nommée Covid-19 (Coronarovirus disease-2019) due au SARS-CoV-2. Qui arrive après le SARS-CoV (ou SARS-CoV-1), venu d'une autre province de Chine, Guangdon, responsable du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2002. Celui-ci a beaucoup moins infecté et tué de personnes, surtout en Chine, Hong Kong, Taïwan et en Asie du Sud-Est. Il a eu le bon goût de ne pas aller plus loin.
En 2012, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient ou MERS-CoV (Middle East respiratory syndrome-related coronavirus) est dû à un autre coronavirus : son territoire d'origine et de prédilection, ME pour Middle-East (Moyen Orient) peut-être nommé...
La politique ne joue pas que sur les mots, elle intervient aussi sur les chiffres.Toutes les statistiques publiées sont officielles. Avec des différences d'un pays à l'autre suivant la méthode de comptage utilisée diagnostic clinique, avec ou sans test, post-mortem... (En France, les morts en EHPAD n'ont pas été comptés dans un premier temps, aujourd’hui, les morts à domicile).
De plus, tous le pays n'ont pas les mêmes possibilités de compter les victimes, et tous n'ont pas la même volonté de les publier... Les comparaisons sont donc fragiles...
Une face sanitaire
Les Chinois ont, d'abord, sous estimé la gravité de la nouvelle épidémie, comme beaucoup d'autres par la suite (la grippette), puis, ayant identifié la cause, ils combattent sa diffusion avec des méthodes qui serviront de modèle au monde entier, faute de traitement et de vaccin... et avec des conséquences économiques qui vont s'accumuler.
Forts de leur expérience, ils prennent les mesures maintenant connues de tous et adoptées presque partout avec plus ou moins de succès : gestes barrières, distanciation sociale, masques, tests, isolement dans des lieux ad hoc, confinement sévère et... statistiques.
A ce jour, les chiffres publiés, ici ou là, font état de 85 à 90 000 cas en Chine dont près de 70 000 dans le Hubei et moins de 5 000 décès (2), soit 3 par million d'habitants. Contre 577 par million d'habitants en Italie, premier pays occidental touché par l'épidémie. Comme l'a dit Marco Bellochio : La cina è vicina (1956).
Les pays occidentaux, dont la France, suivent pour différentes raisons : confiance illusoire dans le nombre de cas en Chine, quelques milliers de morts dans un pays de 1,4 milliard d'habitants, soit quelques centaines à l'échelle française, précédentes épidémies restées localisées dans quelques pays lointains, croyance à l'invulnérabilité du système socio-sanitaire français, bien sûr le meilleur du monde (3) : les autorités ne prennent aucune mesure, même pas de vérifier les réserves en matériel de toute sorte...
Quand l'épidémie touche la France, avec la vigueur annoncée la semaine précédente par l'exemple italien, regardé avec une certaine condescendance (4), la France décide d'appliquer les mesures chinoises : les masques, sans masques, les tests, sans tests, l'isolement des positifs, sans locaux adaptés, finalement le confinement généralisé, sans l'énergique autorité policière chinoise mais avec l'autoritarisme versatile jupitérien habituel.
Les suspects, les malades sont confinés à domicile, avec le danger que cela implique pour les familles, par manque de place dans les hôpitaux où ils ne sont accueillis que tardivement, quand c'est possible en fonction du personnel et du matériel disponibles. Restent les gestes barrières, la distanciation, gratuits, de responsabilité individuelle sous injonctions autoritaires aidées d'amendes (5).
Tout ceci est connu. Mais comment le cinquième ou sixième ou septième pays le plus riche du monde, avec un service de santé, chaque jour déclaré exceptionnel et prêt à faire face à toute situation, en est-il arrivé à être aussi le cinquième ou sixième pour le nombre de morts par million d'habitants ???
Légèreté des pouvoirs publics face à l'épidémie ? Me Agnès Buzyn quitte le ministère de la santé le 16 janvier, pour briguer la mairie de Paris ; la conseillère santé du président de la République depuis le début du quinquennat quitte ses fonctions le 31 janvier pour seconder son mari candidat aux élections municipales à Strasbourg. Si la ministre est remplacée immédiatement, la conseillère ne le sera qu'un mois plus tard ! Comme disent certains, il n'y a pas d'urgences, seulement des gens pressés ! Et les municipales avant tout.
L'épidémie comme révélateur.
La situation était difficile à gérer. Les décisions à prendre en quelques jours. Le président, le gouvernement, inconscients ou abusés, ne sont pas seuls responsables de tous les dysfonctionnements. Tous les gouvernements précédents ont leur part de responsabilité : ils ont suivi, depuis les années Thatcher, comme bien d'autres gouvernements et avec les mêmes conséquences, la même politique économique, proclamée unique : There is no alternative !!! Une politique qui vise à obtenir les meilleurs rendements financiers immédiats.
Cette politique repose sur la réduction des coûts pour augmenter les profits avec deux principes : délocaliser au maximum la production et généraliser le flux tendu dans les échanges.
Délocaliser dans un réservoir de main d’œuvre inépuisable et bon marché. La Chine est devenue le plus important atelier du monde auquel les grandes entreprises sans usine confient la fabrication de leurs produits : pas de grèves, ni conflits sociaux sur les salaires ou les conditions de travail. Tout est sous-traité à un gouvernement à l'autorité sans faille.
Avec l'approvisionnement en flux tendu, plus besoin d'immobiliser de l'argent sous forme de stocks. Un message suffit pour adapter, par air ou par mer, immédiatement l'offre à le demande... Il est beaucoup question des masques. Ce n'était pas la seule lacune en matériel...
Habiles, les pays occidentaux organisent, à domicile, une démocratie relative, avec du pain et des jeux, et donnent la masse des travailleurs en gérance totalitaire à un pays communiste !!!
Tout est bien huilé. Aucun risque. Sauf en cas d'arrêt de l'atelier. Mais pourquoi s'arrêterait-il ? On fait confiance au gouvernement chinois et aux autres pays à bas salaires. Pas de grève possible... l'autorité locale veille au grain. Mais quand l'autorité locale, par le confinement, bloque le pays ou la région où sont concentrées les entreprises... Le flux tendu casse. La chaîne s'arrête. Tout marchait si bien...
Ici aussi, ll y avait encore de l'argent à gagner, en attaquant les avantages sociaux, en adoptant le flux tendu. Et pourquoi ne pas appliquer la loi du profit maximum aux services publics. Depuis des années, on les réduit : en pleine pandémie, le travail continue (6). Il faut rentabiliser, privatiser et appliquer les mêmes méthodes, réduire au maximum effectifs et investissements. Instaurer partout une gestion au rendement, en matériel et en personnel.
Au niveau national, cette politique rencontre de fortes résistances surtout dans les services publics : le personnel hospitalier manifestait depuis un an, les chefs de service étaient en grève administrative, non pour améliorer leur statut mais pour demander des moyens pour les hôpitaux, plus de personnel, de meilleurs traitements, financiers et humains...
La seule réponse a été autoritaire ! Jupiter a manié la foudre pour les castagner...
Inutile de maintenir des stocks de masques, de médicaments quand un coup de téléphone suffit pour les obtenir en quelques jours. Pourquoi conserver des lits d'hôpitaux libérés par les séjours hospitaliers écourtés. S'il manque des médicaments, du matériel, on en achètera. S'il manque des lits, on en ajoutera. Quant au personnel, il fera des heures supplémentaires...
Est-ce dû au hasard, si l'Allemagne avec 33 lits de soins intensifs pour 100 000 habitants contre 11 en France, compte 4 fois moins de morts par million d'habitants (108) que la France (445) ? Ce qui lui a permis de prendre en charge des malades venant d'autres pays...
Les gouvernements successifs tranchent depuis des années et le dernier se trouva fort dépourvu quand l'endémie fut venue...
La commande par téléphone ne suffit plus. Il n'y a personne au numéro que vous demandez. Les besoins chinois ou de ceux qui paient le mieux sont prioritaires…
De graves conséquences socio-économiques.
C'est entendu. La pandémie tue. Mais comment se fait-il que cette pandémie ait abouti à un blocage de l'économie mondiale alors que cela n'a pas été e cas lors d'épidémies antérieures qui ont fait souvent plus de morts en France et dans le monde (7) ?
Les délocalisations généralisées et la politique du flux tendu, efficaces financièrement, ont fragilisé le système économique mondial et conduit aujourd'hui, à son blocage. Non par le nombre de morts qui touche surtout des personnes âgée sans conséquence directe sur la production ou la distribution mais par le confinement généralisé. Devant les nombres de morts apocalyptiques, avancés par les prévisionnistes (8), les médias, non seulement les chaînes en continue, et les gouvernements eux-mêmes. Ceux-ci, après avoir failli par manque de précautions, ne disposant d'aucun moyen réellement efficaces, ont encore eu plus peur de ne pas prendre les seules mesures apparemment disponibles et utilisées partout...
Le confinement chinois bloque la fabrication, l'acheminement, on copie et on installe le confinement... Les blocages s'ajoutent au blocage. La pénurie à la pénurie...
Le tout n'a guère été amélioré par les paroles, multiples et contradictoires, du gouvernement. Même si tout était prêt depuis longtemps, il a fallu faire face avec les mots quand les choses manquaient. Il est connu que les politiques mentent souvent, mais pourquoi mentir avec ce mépris des citoyens. Parce qu'il n'y avait pas de masque, pas de test, était-il nécessaire de dire qu'ils étaient inutiles. Était-il nécessaire que la porte-parole du gouvernement dise qu'elle ne savait pas et que les Français ne sauraient pas se servir d'un masque ? Avant de les rendre obligatoires ?
Prendre comme modèle un régime totalitaire ne peut conduire qu’à des mesures autoritaires, inefficaces faute de moyens, tendance naturelle des gouvernants désemparés devant une situation nouvelle.
En quelques jours, la lutte contre la pandémie a pris la figure d'une lutte moyenâgeuse : la peste était là et l'arme absolue, le confinement généralisé, sans discernement ! Avec des conséquences visibles à court terme et inconnues à plus long terme, au point de vue économique, social, sociétal, psychologique, politique.
Si la Covid-19 n'est pas, pour le moment, la pandémie la plus meurtrière depuis la grippe espagnole, ni au niveau mondial, ni au niveau national, elle a entraîné la plus grave crise économique de l'histoire depuis 1929 ? Elle a mis en évidence la fragilité de l’organisation économique et sociale, dominante.
Le révélateur semble avoir été particulièrement efficace. Même le président Macron a été touché ! Il suffit d'entendre ses mots pleins de modestie et de promesses... (9).
Quant aux actes, il suffira de suivre, au jour le jour, comment le président et le gouvernement vont effeuiller les des propositions de la Convention Citoyenne pour le climat. Je t'aime un peu, beaucoup...
1 – Wikipedia très prudemment dit : Le dernier coronavirus humain (ou récemment humanisé, très probablement à partir d'une ou plusieurs souches portées par des chauves-souris) semble avoir émergé à Wuhan en Chine en 2019.
2 – 4 000 décès à Wuhan. Certains affirment, en réalité, 10 fois plus.
3 - Le président de la République : Nous avons en France les meilleurs virologues, les meilleurs épidémiologistes, des spécialistes de grand renom, des cliniciens aussi, des gens qui sont sur le terrain et que nous avons écouté, comme nous le faisons depuis le premier jour. Tous nous ont dit que malgré nos efforts pour le freiner, le virus continue de se propager et est en train de s'accélérer. Nous le savions (sic) , nous le redoutions.
4 - La situation de la France n'est pas celle de l'Italie. La France dispose d'un des meilleurs taux d'équipement en matériel de réanimation d'Europe, avec, pour une population équivalente à celle de l'Italie, deux fois plus de lits. Vincent Camus, directeur marketing anesthésie-réanimation de la branche française de GE Healthcare, fabricant, Les Échos 15/03/20.
5 – Le président : Le ministre de la Santé et le directeur général de la Santé vous l'ont expliqué à plusieurs reprises : pour éviter l'accumulation de patients qui seront en détresse respiratoire dans nos services d'urgence et de réanimation. Il faut continuer de gagner du temps, et pour cela, je vais vous demander de continuer à faire des sacrifices et plutôt d'en faire davantage, mais pour notre intérêt collectif.
6 – En pleine pandémie de Covid-19, le directeur de l'ARS Grand Est a confirmé le projet visant à supprimer des postes et des lits d'ici à 2025 au CHRU à Nancy. La mesure a été ajournée.
7 – Grippe asiatique : 1 à 2 000 000 de morts dans le monde, environ 100 000 en France. Grippe de Hong Kong : 1 million de morts dans le monde, 30 000 en France pour une population... Pour une population mondiale et national bien moindre. Bien sûr, il ne faut pas avoir une confiance absolue dans les chiffres et la pandémie n'est pas terminée.
8 - Le nombre de décès annoncé a été très variable. L'hypothèse haute a souvent été retenue, jusqu'à 500 000 morts en France. Selon une simulation utilisant l’intelligence artificielle (IA), le coronavirus pourrait contaminer jusqu’à 2,5 milliards de personnes en 45 jours, et parmi elles 52,9 millions pourraient mourir des suites de la maladie (Forbes, 08/02/20). Très souvent, les journalistes ne reprennent des prévisions scientifiques que la partie la plus inquiétante : le poids des mots, le choc des chiffres.
9 – Quelques mots du président : Le gouvernement prendra tous les moyens nécessaires... quoi qu’il en coûte... La santé n’a pas de prix... Beaucoup des décisions que nous sommes en train de prendre, beaucoup des changements auxquels nous sommes en train de procéder, nous les garderons parce que nous apprenons aussi de cette crise, parce que nos soignants sont formidables d'innovation et de mobilisation, et ce que nous sommes en train de faire, nous en tirerons toutes les leçons et sortirons avec un système de santé encore plus fort... Ce que révèle cette pandémie, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d'autres est une folie.
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