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Accueil du site > Tribune Libre > Les curieux absents de la politique de l’emploi

Les curieux absents de la politique de l’emploi

Comme beaucoup, je ne crois plus depuis longtemps aux plans, dispositifs et projets de tout poil venus "d'en haut" qui aurait pour effet de relancer globalement l'emploi.

Non parce que l'idée est saugrenue, mais par fatigue d'avoir crié dans le désert ce que tout un chacun constate avec quatre sous de logique, souvent au péril de ma propre carrière. Si je peux ici critiquer ce que j'ai vu sans danger, il n'en était pas de même lorsque j'étais salarié d'une entreprise menant des actions (dites) d'insertion ... Sociale, professionnelle, ...

On constatera que le terme même d'Insertion ne figure plus dans les textes officiels, pour être trop entachés d'échecs successifs. Il a volontairement été supprimé lorsque le RMI s'est muté en RSA.
 
Aprés mon exclusion des entreprises associatives, celles qui tentent difficilement le grand écart entre le social caritatif et la compétence économique, j'en suis venu à créer ma propre entreprise (la première des cinq en 1987) et à effectuer un premier travail, en accord avec mes convictions, en direction des publics que l'Education Nationale classe pudiquement dans la boîte "infra V", soit en deça du niveau de (feu) le Certificat d'Etudes primaires réapparu discrètement sous le nom de Certificat de Formation Générale. 
 
A l'époque, on vient d'inventer le les Centres de Bilans Interinstitutionnels de Compétences qui ont pour mission d'évaluer et d'orienter les chômeurs et on peut se demander comment sont évaluées les compétences des publics "peu lecteurs", lorsque tous les exercices d'évaluation sont écrits, souvent avec des consignes complexes.
 
Sur cette photo le car de l'entreprise ARTCOM, dans sa fonction expérimentale Système d'Evaluation Informatisé, un multimédia interactif pionnier.
Je vais d'abord vous proposer ci-desssous un article que j'ai écrit en début 2010 (gratuitement, hors de tout projet ou de fait d'actualité).
Je laisserai en suspens la question qui se pose à la fin : "inventer de nopuveaux emplois". Et je vous proposerai ma réponse dans un second article.
Pour revenir à mon titre : les premières grandes "absentes" de la politique de l'emploi sont : Les idées qu'on ne cherche pas, qu'on se refuse à considérer parce qu'elles déplaisent aux marchés.


========== L'article cité

L' Insertion des jeunes (non-qualifiés)

"Contre le chômage, on a tout essayé " affirmait François Mitterand, amer, à la fin de son mandat. A t-on bien évalué le problème, ses causes et ses solutions ?
On peut se demander par quelle alchimie magique un stage d'insertion pour des jeunes proches de l'illettrisme réussirait à pallier aux lacunes de 10 années d'échec scolaire ou pourquoi une mission locale réussirait mieux que l'ANPE à mettre des "primo-demandeurs" à l'emploi.

C'est une pratique bien française que de chercher à résoudre les problème en superposant les structures. Dans ce domaine on a inventé le "traitement social du chômage" qui a surtout eu pour effet de sortir des statistiques les jeunes en insertion.

Les dispositifs successifs
Précisons que j'ai vécu de l'intérieur tout ce que je cite.

Après le premier choc pétrolier le chômage s'aggrave de façon inquiétante, notamment celui des jeunes sans qualification.
Raymond Barre, qui n'y croit pas, met en oeuvre en 1979 un premier PACTE pour l'emploi des jeunes, et en 1980 un second. On parle alors d'INSERTION pour ceux qui ont un fort déficit de formation initiale, et de QUALIFICATION pour les autres, l'ensemble étant conçu sur le mode de l'alternance (théorie en centre -pratique en entreprise).
Ces dispositifs seront violemment critiqués par la CFDT dans le livre "La mascarade des plans Barre".

Dès l'élection de François Mitterand (1981), Pierre Mauroy confie à Bertrand SCHWARZ - auteur du livre "une autre école"- une mission d'étude, et un grand dispositif comprenant de nombreux stages d'insertion et de qualification, et la création des missions locales. C'est le secteur associatif qui assurera le travail.

Par la suite, B.SCHWARZ initiera le dispositif "Nouvelles qualifications" qui donnera peu de résultats malgré l'intérêt de l'initiative.

1988, Michel Rocard instaure le RMI, pour les adultes (plus de 25 ans) sans ressources. Il exige pour les allocataires un contrat individuel d'insertion avec formation et recherche d'emploi.
 
Puis on inventera en 1990 le "Plan local d'Insertion" qui vise à rationaliser les nombreux dispositifs, et les contrats CES (Contrat Emploi Solidarité) qui permettent aux personnes en difficulté d'insertion d'effectuer un travail de 20heures/semaine auprès d'une collectivité et de recevoir une formation complémentaire en vue d'une remise au travail. Ces contrats ne sont pas sans rappeler les TUC (Travaux d'Utilité Collective) mis en place plus tôt par Michel Delebarre.

En 1993, Martine Aubry, initie le dispositif PAQUE (Préparation active à la qualification et à l'emploi), qui ressemble au plan Schwarz, avec une organisation différente, une prime pour l'organisme à chaque mise à l'emploi, et une très timide tentative d'inventer de nouveaux emplois qui ne donne rien de très significatif. L'arrivée d'Edouard Balladur et son collectif budgétaire met un point d'arrêt à l'aventure (certains centres de formation ne s'en relèvent pas).

Le volet "emploi" du récent plan banlieue de Fadela Amara, sous des allures plus branchées (avec des "coaches" en guise de formateurs-grand frère), reprend les mêmes idées.

Deux types de problèmes
Chaque dispositif arrive suite à une augmentation significative du nombre de chômeurs qui crée l'électrochoc.
Il existe deux familles de causes qui augmentent le chômage :

Coté entreprises : c'est la chute de grands secteurs industriels (métallurgie, sidérurgie, textile ), l'informatisation et la robotisation, la délocalisation, ect...
Coté individus : c'est l'absence de formation initiale et professionnelle et le déficit d'employabilité (savoir se lever, respecter des horaires et des rêgles, ...).

Sur les grands bassins d'emploi ouvrier, il a été démontré que l'appareil scolaire s'est habitué à fournir de la main-d'oeuvre non qualifiée. On se trouve très en porte-à-faux lorsque l'offre massive d'emplois de premier niveau de qualification disparaît.
On a longtemps cru à tort que le problème résidait dans une mauvaise communication entre l'offre et la demande. En y regardant de près, il n'y a que très peu d'emplois non couverts, y compris les moins intéressants.
 
La centration sur les individus
 
Tous les dispositifs ont tenté d'agir au niveau du chômeur en lui apprenant la recherche active d'emploi, en tentant de colmater ses lacunes scolaires, professionnelle et d'employabilité.
Cette pratique permanente ne s'attaque qu'à une partie du problème, le plus grave étant le déficit d'emploi adapté au public demandeur. On peut toujours tenter de préparer 1000 chômeurs, s'il n'existe que 100 emplois à la sortie, l'opération est vaine pour 90% d'entre eux qui sortiront du dispositif un peu plus aigris.
Il faut aussi se rappeler que les tenants de l'économie libérale apprécient un "certain volant" de chômage qui refroidit bien des revendications salariales, ceux qui possèdent un emploi s'estimant privilégiés.
L'invention de nouveaux emplois
Depuis que l'idée d'insertion existe, on entend parler de "nouveaux gisements d'emplois" et ce sont toujours les mêmes serpents de mer qui reviennent : l'environnement, l'aide à la personne, la qualité de la vie .... Ceci indique certes des "besoins" d'emplois, mais pas leur financement. Un vrai emploi est un emploi directement productif.
Certains pensent aujourd'hui qu'avec la fin de l'ère pétrole, et la protection de la planète, on sera obligé de repenser la place de l'emploi dans l'économie, mais on est encore dans le rêve ... 

================= Fin d'article

PS : l'image d'illustration est un artpaint de mes créations personnelles (ne confondez pas avec un Pollock) pour mettre un peu de couleur.


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7 réactions à cet article    


  • Robert GIL ROBERT GIL 20 janvier 2012 08:58

    Pour créer de l’emploi il ne faut pas alléger les charges des entreprises, qui ne sont d’ailleurs que des cotisations sociales, mais au contraire instaurer un impôt sur les sociétés indexé sur le nombre de chômeurs. Plus le nombre de chômeurs augmente, plus l’impôt augmente, le nombre de chômeurs diminue, l’impôt diminue et si le chômage disparaît, l’impôt disparaît ! Il faut que le MEDEF et le patronat n’ait aucun intérêt à ce qu’il y ait du chômage......
    http://2ccr.unblog.fr/2010/11/04/creer-de-lemploi-ou-des-richesses/


    • Francis, agnotologue JL1 20 janvier 2012 09:39

      Bonjour kaloutch,

       intéressante analyse.

      Moi j’aimerais comprendre comment une main d’œuvre lointaine et moins qualifiée que chez nous attire des entreprises qui se plaignent d’un manque de formation français !

      Bien entendu, je sais des réponses : entre autres, le droit du travail, qui n’existe pas là-bas. La concurrence étrangère, par le biais du chômage massif qu’elle induit, est un moteur de destruction massif de notre protection sociale, de notre législation sur le travail, et du pouvoir d’achat des classes laborieuses.

      Il est clair que dans cette optique, aucun dirigeant politique n’a intérêt à agir efficacement. Les (souhaitées) ’35 heures Aubry’ et le (haissable) ’Travailler plus pour gagner plus’ ont été torpillés par le patronat, pourtant petit chouchou de l’UMPS.


      • kaloutch kaloutch 20 janvier 2012 10:35

        Bonne question . Tu cites des réponses connues : ca coûte moins cher ! Lorsque ca coùte énormément moins cher, et surtout moins cher que des chaînes robotisées qui pourraient souvent accomplir certaines tâches, on préfère la main d’oeuvre low-coast.
        De la même façon que l’on envoie encore des hommes crever au fond des mines alors qu’on saurait le faire avec des robots... Mais plus cher.
        Par ailleurs la tendance est à ce que l’Europe et notamment la France soit une plate-forme de cerveaux et de commerciaux pour vendre des objets venus d’ ailleurs. c’est là que les entreprises demandent de la formation, pas pour des ouvriers. Un(e) téléprospecteurs (trices) a besoin d’un minimum de formation.
        Lorsque la Chine s’éveillera socialement et avec l’augmentation des matières premières les objets produits en chine n’en finiront pas d’augmenter et l’on regrettera .... trop tard 


        • jef88 jef88 20 janvier 2012 15:44

          En 1978 Barre a fait financer des fabriques de chemises au Maroc er en Tunisie avec des fonds publics ! La confection de la chemise a disparu en France dans les 4 ou 5 ans....
          En 1983, 60% des fabriques de meubles françaises ont déposé leur bilan !

          Naturellement , silence radio ..................
          Les fautifs étaient , bien entendu, ces salopards de (petits) patrons qui géraient si mal leurs boites !!

          Mais les gouvernements prenaient des « mesures » !!!


          • kaloutch kaloutch 20 janvier 2012 17:23

            J’ai fait une étude chez Nylstar, une boîte qui fabriquait de la fibre textile, pour étudier les problèmes de formation des personnels non-qualifiés où fleurissait une joyeux illettrisme et de gros problèmes d’audition dus au bruit que font les machines. J’ai appris plus tard que l’usine avait fermé tout juste après... les machines qui avaient couté des milliards sont certainement parties en chine ...


          • jef88 jef88 20 janvier 2012 19:18

            En ce qui concerne la qualification de la main d’oeuvre, y a t’il besoin d’un bac +5 pour faire fonctionner une machine ???
            NON !

            Avec 80% d’une classe d’age au bac Possède t’on des gens qualifiés pour le travail manuel ?
            NON !

            Faut il être con pour faire un travail manuel ?
            NON !
            Le travail manuel demande de l’intelligence : celle du matériaux, celle de l’outil et/ou de la machine, celle de la position de travail, celle de l’économie de mouvements.....
            Bref du savoir faire  !
            Mais notre système éducatif base tout sur le savoir et construit des encyclopédies à la fois hyper-spécialisées et sur pattes et dénigre le savoir faire : refrain connu « si tu ne bosse pas plus tu ira en technique »

            Et le technique, au fil des ans est devenu la poubelle de l’éducation nationale  !

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