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Les mèmes, ces virus de l’esprit : création

D’où vient la nouveauté ? Comment peut-on être créatif ? Une première approche à ces questions peut consister à mieux percevoir le phénomène créatif. Dans ce but, nous avions introduit dans l’article précédent la notion d’élément culturel transmissible, qui peut être une idée, une mode vestimentaire ou un air de musique ; ces éléments culturels transmissibles sont qualifiés de mèmes et sont en quelque sorte les atomes d’une certaine forme de pensée propre à l’humain. Sans plus attendre rentrons dans le vif du sujet.

D’une certaine manière toute action, tout mouvement, toute pensée est création. Néanmoins nous nous intéressons ici à un type de création bien particulier, celui de l’apparition d’un nouveau mème.

La création de mèmes est un phénomène assez mystérieux, on parle parfois d’épiphanie et de sérendipité. Pour illustrer le phénomène, on raconte que les meilleures idées se trouvent dans les baignoires ou dans les vergers lorsque les pommes tombent. En quelque sorte lorsque l’esprit est suffisamment libéré du tumulte et du chaos quotidien. Cela suppose donc une certaine disponibilité, à laquelle il faut ajouter de façon sous-jacente un élément de sélection. Cet élément de sélection peut résulter par exemple des ’’pré-occupations’’ d’une personne au sujet d’un problème qu’elle cherche à résoudre depuis des jours. Dans sa recherche, de nombreux critères par rapport à une solution possible vont se mettre en place, et lorsque les muses lui présenteront un mème adéquat, la personne sera prête à le reconnaître. Mais que sont les muses, me direz-vous, d’où vient cette inspiration ? Selon les points de vue, certains l’appellent hasard, inconscient, connexions neuronales, travail, créativité... Pour moi le mystère reste entier, toujours est-il que nous ne sommes plus dans le domaine du contrôlable, et ce, même si les conditions d’émergence d’un nouveau mème le sont. 

Quand nous parlons de création, nous parlons ici de l’apparition de quelque chose qui n’existait pas auparavant - on pourra penser à la roue - ou d’un usage inédit, par exemple une tige de fer pour solidariser deux éléments : le clou. Puisque cette chose n’existait pas, elle ne pouvait pas être prévisible. Cela remet d’ailleurs en cause, à mon sens, les philosophies déterministes et montre les limites de toute prévision, qu’elle soit économique, météorologique, sociétale. En effet, pour faire une prévision, on a besoin d’un modèle, mais comment prendre en compte les conséquences d’une innovation qui n’existe pas encore ?

Cependant on peut retracer a posteriori les éléments qui amenèrent à une création et on se rend compte que bien souvent cette création relève d’un assemblage fortuit de mèmes. Pour illustrer la création, prenons n’importe quel objet autour de nous, par exemple un stylo. Si l’on retrace son histoire, il y a plusieurs milliers d’années apparurent les dessins et symboles que l’on pouvait tracer sur le sol. Il semble que c’est ainsi que l’écriture soit née, suivie par différentes techniques pour la conserver : des tablettes d’argiles, des sculptures dans les pierres. Puis le papier finit par apparaître et s’imposer en raison de son poids, et ce malgré une durabilité moindre. Différentes techniques furent alors utilisées pour marquer ce papier, des encres furent développées ainsi que des instruments pour les appliquer, comme la plume d’oie et le stylo plume. Il suffit aujourd’hui d’aller dans un rayon papèterie pour voir la profusion de technologies autour du papier et du stylo. Et cela continue à évoluer, le clavier remplace pour beaucoup le stylo, et l’utilisation de la voix pour une certaine forme d’écriture se généralisera peut-être un jour.

Ce qui est fascinant, c’est que vous pouvez vous amuser à essayer de retracer l’histoire de n’importe quel objet de votre entourage et vous vous apercevrez non seulement qu’il est le fruit d’une longue suite d’évolutions plus ou moins directes, mais qu’un nombre immense de participants ont été impliqués d’une manière ou d’une autre.

Evolution, tel est le maître mot. En trois phrases, l’évolution est une suite successive d’améliorations et de combinaisons de différents mèmes qui en créent de nouveaux. Ces mèmes sont voués à disparaître pour la plupart, à se perpétuer pour certains, à faire partie de la longue chaîne de création d’un ou de plusieurs nouveaux mèmes pour d’autres. Quant à d’autres mèmes encore il est possible qu’ils se fassent remplacer par de nouveaux mèmes de façon partielle ou totale.

Nous avons surtout parlé d’objets qui nous entourent, mais une profonde analogie peut se faire avec la théorie de l’évolution proposée par Darwin. Certes, dans le détail, les supports des mécanismes d’évolution des objets, des idées, des plantes et des animaux sont différents : pour la vie l’un des mécanismes de l’évolution est la mutation de la chaine d’adn, pour la pensée l’état de nos connaissances ne permet pas de se prononcer sur ce que les anglophones apellent parfois un aha moment, mais cela viendra peut-être avec l’IRMf (l’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle). Néanmoins dans leurs effets et leurs réalisations, les processus de création semblent de nature similaire et la compréhension de la création dans un des domaines jette des lumières sur la création dans un autre.

Pour que cette réalité puisse apparaître clairement, il faudrait bien sûr approfondir cette analyse brossée à grands traits dans un souci d’économie. Néanmoins le lecteur attentif ne cessera de trouver confirmation de ces dires dans ce qui l’entoure. Ainsi, les idées ne se créent pas ex nihilo, mais apparaissent après une succession de nombreuses petites évolutions, souvent le fruit du hasard, ou du moins d’actions dont le dénouement est par essence imprévisible. Et même si la généralisation semble un peu rapide, telle est la nature de nos vies elles-mêmes.

La vie, les pensées, les objets, tout est soumis à ce processus d’évolution, seuls quelques éléments que l’on pourrait qualifier de primordiaux et qui auraient existé de tous temps échappent peut-être à ce phénomène. On pense ici aux ondes-particules composant les atomes.
 
Pour terminer cet article nous discuterons de quelques ouvertures que cette visions des choses amène.

 
Creative Commons License
Cette création est mise à disposition sous un contrat Creative Commons.

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