Libido sciendi
Dans son préambule, la Constitution de 1958 reprend les principes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. L’article 11 stipule : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
Le droit français repose donc sur une saine connaissance de l’homme, qui tient compte de ses besoins fondamentaux, au premier rang desquels s’inscrit la liberté de penser. Besoins fondamentaux qu’on ne saurait réduire à des conditions sociales historiques car, depuis des siècles, donc bien avant leur légalisation, sur tous les sujets le débat fait rage.
Pour s’en convaincre, il suffit de relire les dialogues de Platon, où s’affrontent des conceptions du monde antagonistes. Les premiers siècles de l’ère chrétienne furent fertiles en controverses. On y voit la jeune Eglise de Rome se constituer en se battant farouchement avec ceux qu’elle nomme les hérétiques. Or, faut-il le rappeler, hérésie vient du grec airesis qui signifie libre choix. En notre temps obnubilé par la rentabilité, il peut sembler difficile d’admettre que l’homme manifeste une activité intellectuelle désintéressée. Mais les exemples abondent pour étayer cette constatation. Blaise Pascal inventant l’ancêtre de la machine à calculer ne formait certainement pas le projet de lancer une start up. Sa grande intelligence, dans son besoin de se déployer, s’exerçait à résoudre tous les problèmes qu’elle rencontrait. Et Galilée mettant en évidence les lois de la chute des corps n’envisageait pas de créer un bureau d’ingénierie. Pascal et Galilée se faisaient plaisir. Voilà le secret. Dans le libre exercice des facultés inhérentes à sa nature, l’homme éprouve du plaisir. Il jouit de ses facultés dans le double sens du mot jouir : posséder et ressentir du plaisir. Si tel n’était pas le cas, il renoncerait à une activité aussi difficile dont les résultats sont toujours aléatoires.
Experte es âme humaine, l’Eglise, toujours attachée à interdire la jouissance, ne s’y était pas trompée en stigmatisant ce qu’elle nommait libido sciendi. Plus tard, Freud verra dans l’activité intellectuelle une reprise sublimée de la curiosité portant sur les choses du sexe que connaissent tous les enfants au cours de leur développement psychique.
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