Libye : le massacre des Noirs
Plusieurs dizaines de milliers de migrants noirs sont mis en esclavage en Libye, dans un système très bien organisé. Que cela soit un simple particulier qui spécule en achetant et revendant un esclave pour gagner 50 dinars, ou des marchands qui achètent et vendent des esclaves par lots de 100, ce système immonde et barbare est en train d'appauvrir toute l'Afrique dans l'indifférence de la communauté internationale.
Il suffit d'aller dans n'importe quelle association de quartier qui aide les personnes migrantes et de demander qui est passé par la Libye. Aussitôt, les regards s'assombrissent. Certains n'osent pas prendre la parole, d'autres lâchent quelques mots : « C'est la mort là bas. », « En Libye tout le monde a des armes, même les enfants. », « Tu peux pas marcher dans la rue quand tu es noir, sinon tu te fais attraper. ».
A force d'insistance, la parole se libère : « Il y a des prisons partout. Une maison, une cave, un garage, on nous enferme partout. J'ai même vu une ancienne bibliothèque d'université transformée en prison. ».
Qui est ce « on » qui enferme toutes ces personnes ? « Un peu tout le monde », répond l'un d'eux. « Les blancs », répond un autre. En écoutant ces témoignages, durant des heures, des jours, on découvre un système très bien organisé avec de gros points de vente, comme ce « château » dans les environs de Tripoli, construit par la main d’œuvre gratuite des esclaves et dont le business est géré par quatre frères. « On était environ 500, entassés dans des pièces, dans le noir. On n'avait pas assez d'air pour respirer. Chaque jour, des Libyens venaient, choisissaient des gens pour les acheter et partaient avec eux. Environ 200 personnes noires étaient achetées et vendues par jour. Les gardiens étaient drogués, complètement imprévisibles. Ils pouvaient nous tirer dessus à tout moment. »
Des lieux atroces comme celui-ci, en Libye, il y en a beaucoup, tous recouvrant leur lot d'horreurs. « On avait peur d'aller à la prison de Sebha car tous ceux qui en sortent ont le crane brûlé. Là-bas, ils s'amusent à mettre le feu aux cheveux. »
« On était enfermés dans une ferme dans un champ de dattes. Les hommes étaient fouettés trois fois par jour et les femmes étaient violées jusqu'à ce qu'elles ne puissent plus marcher. Si on voulait fuir, ils nous tiraient dessus. »
Les geôliers sont des particuliers, des familles, des milices, tous armés jusqu'aux dents.
En écoutant les rescapés, ceux qui génèrent le plus de peur sont les « Asma Boys » (« les vilains garçons »). Ce sont des groupes de jeunes qui attrapent les Noirs, souvent sur les embarcations de fortune en mer, avec des jet ski munis d'armes lourdes. Ils les séquestrent et les torturent tous les jours en attendant que leur famille envoie de grosses sommes d'argent de leur pays.
Par exemple dans cette ancienne casse de voitures à Zaouïa transformée en prison par les Asma Boys : « On était peut-être un millier entassés dans un hangar, tellement nombreux qu'ils n'arrivaient pas à fermer la porte. Alors ils nous fouettaient devant la porte afin qu'on pousse pour essayer d'entrer, puis ils refermaient la porte et nous laissaient dans le noir, sans manger ni boire. Certains mouraient étouffés. Le lendemain, ils nous prenaient un à un, appelaient nos familles et nous fouettaient devant le téléphone pour demander de l'argent. ».
Ainsi, aux quatre coins de l'Afrique, de nombreux villages se cotisent, des parents vendent leur maison ou leur commerce pour libérer leur proche. Ces sommes d'argent sont colossales et viennent enrichir ces marchands d'esclaves qui s’achètent des armes et agrandissent leur pouvoir et leur influence.
On pourrait continuer à décrire ces horreurs pendant longtemps, les récits de ces femmes, hommes et enfants dépassent tout ce que l'on peut imaginer. Certains témoignages révèlent des faits datant de 2012, cela fait des années que ce commerce s'est structuré jusqu'à devenir une institutionnalisation de l'esclavage. Et il ne cesse de croître.
Cette année, un rapport du Bureau des droits de l'homme de l'ONU et de la Mission d'appui des Nations unies en Libye (MANUL) a révélé une « généralisation » en Libye de la « détention prolongée et arbitraire et des violations systématiques des droits de l'homme en détention ». Ils précisent dans ce rapport qu'il n'est pas possible de quantifier le nombre de ces prisons illégales et l'ampleur du phénomène.
Cette mise en esclavage de dizaines de milliers de personnes, tout comme l'indifférence de la communauté internationale à ce sujet, rappelle les heures les plus sombres de notre histoire. Il est temps de faire circuler l'information, de donner la parole aux personnes migrantes qui sont passées par là et de faire pression sur la Libye pour que cesse ce que certains d'entre eux appellent le « massacre des Noirs ».
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