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Marchés publics de l’ANPE : les professionnels au bord de la crise de nerf

Quand l’ANPE maltraite ses prestataires.

Ce n’est plus un secret de polichinelle, le traitement du chômage s’est transformé en un vaste marché où les pouvoirs publics ont abandonné au privé la part du travail que leurs agents ne peuvent ou ne veulent plus assumer.

 

L’ANPE et l’Assedic ont tous deux recours aux marchés publics pour faire fonctionner la machine à réinsérer.

Ces prestataires externes, dont il est dit souvent qu’ils prospèrent grassement sur ce terreau fertile de l’accompagnement, ne semblent pas tous logés à la même enseigne.

En effet, si l’Assedic, organisme géré paritairement, se montre plus généreux avec ses prestataires - généralement des gros cabinets qui ont leurs entrées au Medef - il n’en est rien du côté de l’ANPE qui se conduit tel le mammouth qui écrase ses petits - le plus souvent des associations de petite taille dont les résultats de placement sont tout aussi équivalents, sinon meilleurs que les premiers cités.

Une différence d’appréciation des coûts des prestations d’accompagnement qui va de 1 à 10 entre les futurs pacsés, de quoi alimenter toutes les rumeurs sur l’avenir de la fusion en gestation et la cohérence de ses arbitrages futurs.

Fin 2007, l’ANPE décide de mettre fin aux conventionnements qui la liait à une kyrielle de prestataires extérieurs (associations, cabinets privés) avant de lancer de nouveaux appels d’offres via les marchés publics, pour des prestations de BCA (bilan de compétences approfondi) et CIBLE (accompagnement à l’emploi).

Or, cette disposition, pour être conforme à la loi, n’en soulève pas moins un tollé quasi général.

Raison principale de la fronde : le mammouth a écrasé les prix au-delà du raisonnable, défiant les lois de l’économie de marché. Pour certains, la coupe est pleine, l’ANPE marquant à la fois son dédain pour les demandeurs d’emploi et son mépris pour ses partenaires historiques.

La stratégie de l’Agence heurte le bon sens commun. Habitués à se laisser malmener et dicter la loi par leur prescripteur-financeur, les professionnels de l’insertion, choqués par l’attitude de l’Agence, se rebiffent violemment.

Et ce n’est pas cette fois qu’une affaire de gros sous. En effet, nombreux sont les professionnels qui vivent leur métier avec une grande éthique et professionnalisme qui considèrent que le cahier des charges est impossible à tenir, sinon à faire l’impasse sur la qualité, un principe auquel certains n’entendent aucunement déroger.

Faute d’interlocuteur - l’agence faisant le gros dos, comme de coutume - les conseillers en insertion n’ont comme alternative que de se répandre sur les forums des sites spécialisés.

Ainsi, il est possible de prendre le pouls de la révolte qui gronde en se rendant sur le site lesocial.fr.

« Le BCA est un désastre pédagogique, le BCA n’existe plus, les chômeurs n’ont plus le droit au bilan de compétences, c’est terminé », façon de dire, qu’à ce prix (400 € en moyenne), il n’est pas possible de réaliser une prestation digne de ce nom, sans la disqualifier irrémédiablement aux yeux des demandeurs d’emploi.

« Comment s’aligner sur les conditions délirantes demandées dans cet appel d’offres ? » s’indigne JM.

« J’aimais ce que je faisais, particulièrement les bilans de compétences… Aujourd’hui, j’ai honte de ce que je vais faire et je sais qu’à la première occasion je prendrai la tangente pour faire autre chose », prévient un conseiller en insertion, dont l’organisme vient d’être retenu pour ce marché.

Même les directeurs s’expriment, une première dans un secteur où ils se font généralement très discrets « je suis un gestionnaire et, à ce prix, c’est impossible. Honte à ceux qui ont laissé passer des marchés à des prix aussi bas ».

Et de prévenir ceux qui seraient tentés de s’en satisfaire : « Vous êtes aussi responsables que ces centres "pourris" qui salissent la profession ».

Une situation bien inquiétante, à l’heure où vont se mettre en place progressivement l’Offre raisonnable d’emploi (ORE) et la sécurisation des parcours, toujours en discussion au Sénat.

Pour le coup, on se demande quelle mouche a piqué l’agence. Voudrait-elle se saborder qu’elle ne s’y prendrait pas autrement, d’autant que l’arbitrage rendu va laisser près de 10 000 professionnels sur le carreau.

Dans le contexte éminemment tendu de la fusion avec l’Unedic, se pose la question de la portée du message envoyé par l’agence, tant à ses partenaires historiques, qu’aux demandeurs d’emploi et - qui sait ? - à son futur « pacsé ».

Dans ces conditions, autant dire que le reclassement des chômeurs s’annonce périlleux, avec un traitement social du chômage à plusieurs vitesses : un accompagnement pour les chômeurs indemnisés de l’Unedic pris en charge par des professionnels aguerris, l’autre pour les déclassés de l’Agence (rmistes, allocataires de l’ASS…) qui pourraient bien être pris en charge par un bataillon de stagiaires, comme on pourra le lire sur le forum.

Le Rubicon est franchi et on ne sait maintenant jusqu’où on va aller dans ce grand n’importe quoi qui s’annonce...

 


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9 réactions à cet article    


  • Alfan 3 juillet 2008 15:55

    ... Je suis bref. Je ne suis pas étonné par de tels dysfonctionnements !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!


    • Belle lurette 3 juillet 2008 16:24

      avec le fonctionnement de l’anpe que vous décrivez , si un chomeur retrouve du travail, il ne voudra absolument pas le perdre, de peur de se retrouver dans ce système.


      • elder 3 juillet 2008 17:07

        J’ai fait une préstation, il y a quelque annèes, dans une association de soit-disant ré-insertion faisant 90% de son chiffre d’affaire avec l’ANPE.
        Dans cette association, les cadres étaient payés plus de 2000€ net/mois, le directeur roulait en voiture de luxe etait habillé chez Dior (il s’agissait d’un ancien dircab socialiste) et avait acheté sa femme en russie et lui avait donné un poste fantome et tres bien payé dans l’assoc’.
        De l’autre côté les stagiaires n’avaient à disposition que du materiel vetuste, les non cadres étaient tout juste payés (pour des niveaux d’étude conséquent). De plus cette assoc’ avait mise en place un système complétement illégal de choix des stagiaires (de façon a cummuler les "reussites" et de ce fait le pognon).
        Alors le fait d’assainir ces magouilles (en fait je crois qu’il s’agissait d’en créer de nouvelles) ne peut être que positif s’il s’agit de réguler le gaspillage de l’argent public.
        Dernier détail cette assoc’ avait des antennes dans toute la région parisienne et n’était donc pas une petite structure mais une véritable magouille institutionalisée.


        • Yohan Yohan 3 juillet 2008 18:32

          @ Bonjour Elder
          Ce sont justement ces structures tentaculaires et sans scrupule qui savent y faire pour conserver leurs marchés avec l’ANPE. Elles n’hésitent donc pas à s’aligner sur le moins disant pour être sûr de remporter le marché. A vil prix au besoin, car de toute façon, elles feront, comme vous le dites, leur petit business sur le dos de leurs formateurs vacataires (ou stagiaires) mal payés et sur le dos indirectement des chômeurs.

          Le dumping n’est d’ailleurs pas une bonne solution et dire que l’ANPE fait bien de baisser ses tarifs au motif que ce genre de prestataires sont de toute façon trop bien payés pour ce qu’ils font, est un raccourci dangereux, car au final, le marché va à ces exploiteurs d’abord.
          Je crois qu’il est nécessaire de promouvoir les audits qualité, avec contrôles sur pièces des références des formateurs, du prestataire et les liens contractuels réels avec les employeurs. De plus, je crois avoir lu sur le forum qu’une personne chargée de ces marchés aurait déclaré se moquer de la qualité.


        • Blé 4 juillet 2008 06:37

          Moi je travaille dans une assos pas très importante mais on y retrouve les mêmes ingrédiants que dans une plus grande : les professionnels sur le terrain payés au lance pierres avec du matériel vétuste alors que les cadres ont voiture de fonction, salaire de cadre, bonnes conditions de travail et quand il y a un problème, ce n’est pas eux, c’est le ou la salarié-e qui sert de bouc émissaire. Les financeurs le savent parfaitement ( A N P E, Mission Locale, etc...) mais là n’est pas le problème.
           
          L’urgence est de maintenir un système qui mette les citoyens en situation de "soumission", toujours fautifs. Sachant d’une part, que les salariés de l’insertion professionnelle sont en concurence à l’intérieur de leur assos ou de l’entreprise ce qui amène une absence de solidarité entre collègues et rend les conditions de travail plus difficile et d’autre part, les chômeurs étant sous contraintes , je ne pense pas que dans ces conditions, les cadres de l’insertion professionnelle ont intérêt à ce que cela change.

          Mon statue de subordonnée vis à vis de l’employeur ne m’empêche pas de penser que je paye des impôts qui subventionnent entre autre ce type d’action,et quand je vois comment les choses se passent au sein d’une association dite de "Culture Populaire", je constate que la "décivilisation" avance à grands pas.

          La déshumanisation s’accélère.


          • Yohan Yohan 4 juillet 2008 09:59

            @ bonjour Blé

            Effectivement, l’esprit associatif se délite et les verrous sautent les uns après les autres. La déhumanisation, comme vous dites, s’amplifie et c’est chacun pour soi


          • Christoff_M Christoff_M 4 juillet 2008 09:50

             Nous avons vécu ce système de bradage et de sous traitance dans l’imprimerie et le pré presse....

            Pendant dix ans des boites ont fermé, les prix ont baissé entrainant des milliers de licenciement, et maintenant des boites ouvrent tenues par des gestionnaires qui payent les employés spécialisé mille euros de moins, prennent beaucoup de temps partiels et d’intérimaires, donc la qualité a chuté et le service client est médiocre, mais c’est moins cher !!

             Cette opération bien tolérée par l’état et le MEDEF a permis de mettre à genou le syndicat du livre, mais par contre pas de problème pour de nombreux cadres qui se sont recyclés par réseaux dans les agences de pubs ou les studios graphiques à 10000euros par mois + voiture et frais de fonctionnement.... en augmentant les heures et en les payant moins.... les employés qualifiés du secteur ont perdu mille euros voir pour certains la moitié de leur salaire en dix ans, pas les gérants....

            la crise est la ou on veut bien la faire surgir.... de meme que les conflits potentiels justifie la spéculation sur l’énergie....

            il n’y que les naifs pour croire que les crises actuelles et les mutations qu’elles entrainent ne sont pas sciemment entretenues au bon moment, par exemple pour passer une loi ou une réforme !!
            Spécialité française ou la plupart de nos députés sont déja des eurodéputés aux ordres de puissances extraterritoriales....


            • Yohan Yohan 4 juillet 2008 10:15

              @ Christoff

              Il est vrai que l’imprimerie a inauguré la tendance il y a déjà plus de dix ans, en partie à cause de l’informatisation (PAO,...) mais aussi à cause de l’"offshorisation" de la production, au début vers l’Italie et la Belgique (moins chers,) et maintenant plus loin encore. Les entreprises ne sont lancés dans une guerre des prix pour survivre et ce sont les ouvriers qui ont bien sûr trinqué en premier.


            • Yves Despeaux 29 août 2008 11:47
              Je profite de l’article et des réactions pour communiquer les revendications de notre syndicat (contact 06.11.08.52.03)
               
               Pour une charte sociale des salariés
               de la formation professionnelle
               
               
               Le secteur de la formation professionnelle se compose de plusieurs dizaines de milliers d’organismes aux champs d’intervention les plus divers ( formation, information sur les formations et les emplois, conseil en tout genre, accompagnement…). Ainsi, une myriade de petites structures ( Missions Locales, C.I.B.C…) participent au système « Formation/Emploi » du pays ; structures aussi précaires que leurs salariés ( formateurs, psychologues, documentalistes, administratifs…) et dont la pérennité dépend pour une grande part des financeurs institutionnels (Conseil Régional, Conseil Général, ANPE, ASSEDIC, DDTEFP …)
               
               A partir de janvier 2009, quelque soit la forme que prendront concrètement les modalités de régulation du secteur de la formation, les Organismes de Formation (O.F.) devront répondre à des « appels d’offre » en vue d’obtenir , auprès des financeurs « publics », les marchés qui leur permettront d’assurer leur équilibre financier. Cette mise en concurrence effective des acteurs du secteur de la formation se fera au détriment de la qualité de leurs prestations, les stagiaires étant en premier lieu considérés selon leur rentabilité. Le discours gestionnaire prend le pas sur toute autre considération, en particulier pédagogique.
               
               Or, les salariés eux-mêmes ne sont pas épargnés. Des contrats précaires, des salaires insuffisants, des conditions de travail dégradées, une pression à la productivité, des horaires « élastiques » constituent bien souvent leur quotidien. Leur faible syndicalisation et leur isolement ne leur permettent pas d’expression collective. L’absence de délégués du personnel et de comité d’entreprise laisse le champ libre aux abus de pouvoir de toute sorte.
              Ainsi, le recours systématique aux C.D.D. d’usage permet aux directions non seulement de ne pas pérenniser les contrats des formateurs mais aussi de réaliser des économies sur la prime de fin de contrat et sur les congés payés, sans la nécessité,par ailleurs, de ne respecter aucun délai de carence.
              Harcèlement moral, discrimination et licenciement abusif participent également d’une situation générale à laquelle il convient urgemment de remédier.
               
               La précarité est ainsi la règle dans la plupart des O.F., qu’ils dépendent de fonds publics ou de financements de l’entreprise.
               
               A l’heure où les politiques prêchent l’insertion par le travail et l’exigence de qualifications, qu’attendent les financeurs pour garantir dans les faits le respect des relations sociales dans les O.F. et celui des conventions collectives ?
              S’agissant des stagiaires, de nombreuses procédures ad hoc et autres « Chartes Qualité » sont mises en place, alors que les personnels « formateur » et « administratif » doivent subir des conditions de travail dégradées ainsi que l’arbitraire de certaines directions toutes puissantes.
               
               Le syndicat SUD-FPA se fixe pour première démarche de rencontrer les principaux institutionnels ( Conseil Régional, Conseil Général, A.N.P.E., ASSEDIC, D.R.T.E.F.P.,F.A.S.I.L.D., FONDS Européen,…), si possible en intersyndicale, pour œuvrer avec eux à l’amélioration des conditions de travail et au développement des compétences des salariés de la formation professionnelle.
              Cela ne pourra prendre corps qu’avec l’intégration d’un indicateur de climat social dans les futurs cahiers des charges d’appel d’offre :
              - turn over
              - temps partiel subi
              - proportion de CDD/CDI dans la structure employeuse
              - nombre et durée des arrêts maladie et des accidents du travail
              - litiges Droit du travail
              - présence syndicale.
               
              A plus long terme, l’objectif serait de revenir sur les conventions collectives de la formation professionnelle en vue de revaloriser et d’unifier les statuts des salariés (salaire, accès de tous à la formation continue, conditions de travail…)
               
               

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