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Accueil du site > Tribune Libre > Mediator : le mystère d’une communication déshumanisée

Mediator : le mystère d’une communication déshumanisée

Depuis que le parquet de Paris s’est saisi de l’affaire « Mediator », le mystère autour du retrait de ce médicament en France - pour le moins tardif - a quelques chances d’être éclairci dans les prochaines années. Seul le mystère entourant une communication défensive dénuée de toute compassion risque de traverser les âges.
 
Ainsi, le 16 novembre, après l’annonce chiffrée faite par l’Afssaps, le laboratoire minimisait les risques : « si on rapporte le nombre de 500 décès au nombre de patients qui ont pris le Mediator sur trente-trois ans, on arrive à un risque de 0,005 %». Puis, en ajoutant qu’ « en termes d’image, c’est déplaisant », toujours sans le moindre mot à l’adresse des millions de personnes qui en avaient consommé, Servier finissait par les convaincre de son indifférence à leur égard.

Ce n’est qu’à partir du 19 novembre que, dans un second communiqué, le laboratoire déclarait « comprendre l’inquiétude des patients et des médecins » tout en se disant « extrêmement préoccupé par les chiffres annoncés » qu’il jugeait « très éloignés du suivi de pharmacovigilance du médicament ».

Une demi-phrase marquant l’empathie, mais bientôt contredite dans l’esprit par les déclarations de Jacques Servier au journal « Le Monde » en date du 21 novembre. En effet, quand celui-ci parle d’une « fabrication » pour « embêter le gouvernement » et conclut à un « bruit médiatique disproportionné », il renforce le sentiment qu’ont les patients concernés de ne pas être reconnus dans ce qu’ils vivent.

Dans la foulée, les premières plaintes au pénal sont déposées, l’UFC « Que Choisir » déclare réfléchir à déposer une plainte « pour que toute la lumière soit faite », l’Association Française des Diabétiques (AFD) exige que « toute la lumière sois faite, au nom des trois millions de diabétiques de France, par respect des personnes décédées, de la douleur de leur famille, des inquiétudes de tous ceux ayant consommé ce médicament », avant de lancer une pétition nationale en ligne, et le groupe CRC du Sénat annonce qu’il compte faire jouer son « droit de tirage » pour demander une commission d’enquête sur le sujet.

Oscillant ainsi entre minimisation, déni de responsabilité et victimisation, le groupe Servier semble s’être enfermé dans une logique particulièrement conflictuelle avec l’ensemble des victimes et des patients concernés, aujourd’hui soutenu par nombre d’élus et acteurs de la société civile.

Dès lors, la question se pose de savoir ce qui a pu pousser la direction de l’entreprise à déployer une telle stratégie de communication de crise.

A-t-elle cru que donner des signes de considération pouvait être aussitôt interprété comme un début de reconnaissance de responsabilité ?

Ou bien, est-il possible que, animée par la « loi du plus fort », elle ait « naturellement » adopté cette posture, consciente de ce que le risque financier en cas de condamnations, même pénales, sera limité ? (Rappelons qu’en France les « class actions » n’existent pas, que le montant des dommages et intérêts n’est pas calculé en fonction de la taille de l’entreprise et que le temps judiciaire est long, ce qui permet de provisionner).

Quoi qu’il en soit, il est urgent de tordre le cou à une croyance encore largement répandue selon laquelle les marques d’empathie, et même de compassion, sont incompatibles avec le fait de se battre sur le terrain de la responsabilité. Au contraire, si la responsabilité du groupe Servier devait être retenue à terme, les juges se souviendraient de son comportement d’alors. Quant à l’opinion publique, toujours plus exigeante en termes de santé, si elle est devenue allergique à la « minimisation » et au « déni de responsabilité », elle n’en est que plus réceptive à toute forme d’humilité.

Lorsqu’on est mis en cause, à tort ou à raison, le fait d’adopter une attitude méprisant la « raison de l’autre » ne peut qu’envenimer une relation par nature conflictuelle, générant ainsi une surenchère destructrice.

Si le laboratoire Servier avait opté pour une communication réellement soucieuse de ses publics, tout en exprimant de manière neutre ses réserves ou ses désaccords, mais en s’engageant à assumer toutes ses responsabilités pour peu qu’elles soient déterminées… n’aurait-il pas quelque peu limité ce « bruit médiatique disproportionné » et les effets négatifs sur son image et celle de l’industrie pharmaceutique dans son ensemble ?


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5 réactions à cet article    


  • zototo 3 décembre 2010 12:03

    Le mediator n’est que l’arbre qui cache la foret.

    Le vaccins contre le cancer de l’uterus (papillomavirus) est interdit en espagne et au canada suite a décès, fausse couche et accésoirement une étude d’éfficacité truquée... Et pourtant, chez nous on fait de la pub pour ce poisson a tout de bras...
    Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autre.

    Tout ceci n’est qu’histoire de lobby et de corruption.
    Lobby et corruption dans la même phrase, je sais, ça fait un peu redondant...

    • Francis, agnotologue JL 3 décembre 2010 12:31

      Evidemment que l’industrie pharmaceutique n’a pas d’empathie : elle n’a pas affaire à des patients, mais à des statiqtiques.

      Cela serait excusable si elle n’était, en matière de résultats, juge et partie. En toute rigueur, les pouvoirs publics sont responsables de cet état de fait et par conséquent, de ces crimes.


      • ZenZoe ZenZoe 3 décembre 2010 15:39

        Il n’y a plus de consommateurs, plus de clients, plus de patients, il n’y a que des sources de profits à exploiter au maximum.

        Si en plus de ça, les lobbies sont soutenus par des gouvernements aussi corrompus que les labos, on arrive forcément à des dérives graves. 

        Entre l’agroalimentaire qui nous fourgue du bétail gavé de cadavres équarris, des légumes arrosés de pesticides et des graisses nettoyées aux solvants, l’industrie pétrochimique qui nous enfume à tous les sens du terme, l’industrie pharmaceutique qui nous promet la guérison avec des pilules tueuses, on est vernis !


        • voxagora voxagora 3 décembre 2010 16:41

          Je plusse votre article, mais je me demande :

          Est-ce le laboratoire lui-même qui communique, ou le fait-il faire par des « communiquants
          professionnels » qui souvent embrouillent les choses au lieu de les apaiser ?

          • antonio 3 décembre 2010 20:07

            Et pourtant ils savaient...
            Anecdote révélatrice : il y a dix huit mois environ, une dame de mes amies en sur-poids et avec un taux de glycémie un peu trop élevé (1,28 au lever ) est envoyée chez par son généraliste chez une diabétologue. Celle-ci décrète tout de suite qu’elle est pré-diabétique et qu’elle doit absolument maigrir. Elle ajoute : « Pour vous aider à maigrir, je vous prescris du Médiator. » Mon amie rétorque : « Je me sens capable de maigrir toute seule et je ne veux prendre aucun médicament pour m’y aider. »
            La « spécialiste » insiste ; mon amie continue à émettre ses réticences : « Non, je ne veux aucun produit pour perdre du poids. » La«  spécialiste » alors pousse plus loin sa « pédagogie » et va même jusqu’à faire un petit dessin : celui d’une cellule qui, grâce au Médiator absorbera mieux le sucre et la glycémie sanguine baissera...Mon amie finit par accepter la prescription...
            Peu après, elle parle de ce « médicament » à une de ses connaissances, médecin elle-aussi...et celle-ci lui dit « J’ai lu des choses très critiques sur ce produit ; à ta place, je ne le prendrai pas. »
            Mon amie alertée finit par aller voir sur Internet et qu’apprend-elle ? Ce produit est interdit en Espagne depuis plusieurs années, suspendu en Italie et sert surtout de coupe-faim ; une boîte se négocie même à 15 euros sur E-Bay !
            Bien évidemment, l’amie a jeté les boîtes à la poubelle...en a parlé autour d’elle et a appris que d’autres personnes prenaient ce poison depuis des années, ne comprenant pas d’ailleurs pourquoi elles avaient des diarrhées régulières...
            La « spécialiste » en question était une jeune femme ( 35 ans environ ) Incroyable ! Elle ignorait la nocivité du Médiator alors que sa profession exige pourtant qu’elle se tienne au courant de toutes les découvertes concernant ses prescriptions ! De plus, pour une fois, elle aurait pu se réjouir : une patiente qui veut maigrirs sans médicament, c’est une aubaine !
            Que retenir de cette historiette : un mépris sans nom pour le patient qu’on « n’écoute » pas et une légèreté criminelle dans la rédaction des ordonnances.
            Depuis 1997, les USA avaient interdit ce produit : des articles scientifiques avaient été publiés...
            Et le Médiator a continué à sévir en France...
            Et pourtant, ILS SAVAIENT mais foin des intérêts du malade...Les dirigeants du Laboratoire Servier n’ont songé qu’à leur tiroir-caisse...et pourtant, ils SAVAIENT !

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