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Accueil du site > Tribune Libre > Michel Onfray ou les hésitations d’un « hédoniniste »

Michel Onfray ou les hésitations d’un « hédoniniste »

La lecture des blogs, si elle réserve souvent peu de surprises, permet cependant de suivre en direct les hésitations, les affirmations et les convictions de ceux qui les rédigent. Il me semble très intéressant de s’attarder un instant sur le blog de Michel Onfray (avec le soutien logistique du Nouvel Obs) et de tenter d’y suivre la démarche politique du célèbre philosophe d’Argentan. Comme souvent avec les blogs, la lecture des commentaires complète et éclaire les propos de l’auteur et dans ce cas précis elle nous apporte un contre-discours polémique à la hauteur des interventions politiques du philosophe. Si nous avions suivi avec intérêt le compte rendu de sa rencontre avec Sarkozy, la logique même de ce blog nous entretenait dans un suspense naturel : pour qui va-t-il alors voter ? Il n’est pas inutile de rappeler cependant les épisodes précédents : soutien sans faille à une candidature unique d’un représentant antilibéral, puis soutien à José Bové, sans oublier le revirement vers Besancenot (après le premier tour). Mais la lecture de sa dernière intervention nous laisse entrevoir, comme le disait Claudel, que « le pire n’est pas toujours sûr ». On y lit une charge virulente contre la candidate du PS où l’on retrouve à la fois des attaques personnelles et des approximations plus que discutables. Libre à chacun de lire ses propos, de les approuver, de les condamner ou de les ignorer, et je n’entends pas ici me livrer à une analyse littéraire ou philosophique de ces lignes hargneuses. Mais à l’heure où la question des « intellectuels », de l’intensité contemporaine de la « lumière » française ne cesse de se poser, il est très utile, et révélateur, de s’attarder sur les hésitations de Michel Onfray. La polémique voudrait que l’on s’arrête un instant sur l’impact et la légitimité intellectuelle du philosophe, mais là encore, savoir si Onfray est ou n’est pas un philosophe ne semble pas être une question féconde, encore moins celle de savoir si « l’agité du bocal » a trouvé dans « l’hédoniniste du bocage » un descendant à sa mesure. On pardonnera l’usage des ces formules qui sentent un peu, je le concède, la presse « collabo », pour s’attarder sur la fonction philosophique ou « politique » d’une telle position. Dans ces temps d’affrontement, Michel Onfray est libre d’annoncer ses choix, ses doutes. Il est libre de le faire de la façon qu’il estime la plus juste, avec le choix des armes et des termes. Mais d’un philosophe, si ce terme a un sens, on attend une démarche philosophique ; on espère un texte où chaque mot, chaque hésitation, fasse l’objet de la plus scrupuleuse des analyses. Si Michel Onfray nous dit qu’il ne souhaite pas « croire sur parole » l’appartenance de Mme Royal à la gauche, on se dit qu’il va mettre en place une petite causerie dialectique qui finira par le convaincre, par nous convaincre. Mais de quoi ? Que Ségolène est « la fille du pompidolisme », que « son fantasme autoritaire et disciplinaire est mal dissimulé par le sourire et les tailleurs de sa féminitude. » ? J’en passe... Comment l’exigence d’un philosophe peut-elle se complaire dans un style et des attaques aussi vulgaires, dans l’emploi de mots aussi « bêtement » bas ? Comment comprendre ces propos et ce fiel, et les lire à la lumière d’une quelconque exigence philosophique ? Le positionnement idéologique de Michel Onfray n’engage que ceux qui le suivent ; il est peut-être respectable si on le lit comme un pamphlet ; il peut même séduire par sa charge et la grossièreté de son efficacité. Il ne faut jamais oublier que s’il peut ainsi s’exprimer, c’est bien parce que le Nouvel Obs reconnaît en lui un philosophe singulier et je suppose que c’est à ce titre qu’il dispose de cet « outil ». On savait qu’il est possible pour un philosophe d’être un traître, selon l’appréciation que l’on porte sur l’œuvre d’Heidegger ; on découvre à présent qu’il est possible pour un philosophe de renier ce qui doit faire l’armature même sa pensée pour n’en livrer que les « rôts » les plus douteux. La pente même vers laquelle il nous attire porte avec elle son cortège de formules assassines, son florilège de formules à l’emporte-pièce, sa dangereuse contraction radicale. Et il faut être bien philosophe pour résister à cet attrait. Je crois qu’il faut se rendre sur le site de Michel Onfray , http://michelonfray.blogs.nouvelobs.com/, lire ce qu’il écrit, mais le lire en se disant toujours : c’est un philosophe qui parle ! Je n’appartiens pas, hélas, à cette catégorie que je tiens en très haute estime, mais s’il devait exister un syndicat pour les représenter, nul doute qu’il trouverait là l’occasion d’un solennel désaveu. A Caen, nous avons pu assister à la montée en puissance du « phénomène » Onfray : rapt symbolique du terme d’université populaire, sensibilisation à l’hédonisme : les rencontres du mardi relevant tout autant du « verdurinisme » de province que de la nécessaire remise à niveau. Un homme à la démarche didactique aussi louable ne saurait être attaqué ! Et voilà qu’en quelques lignes il nous offre sur un plateau la légitime question de sa validité. Ce n’est pas son « ni-nisme » qu’il faut accabler, mais bien l’usurpation d’une parole que l’on pouvait croire fondée et qui, au final, n’est même plus partisane. Qu’une partie de l’extrême gauche se perde dans la question déchirante et asphyxiante de la pureté n’étonne plus personne. Qu’un philosophe (et il n’est pas question de se livrer ici à un classement hierarchique) corrompe à ce point l’éthique et son outil de travail mérite cependant d’être signalé, ne serait-ce que pour souligner le déclin d’une certaine France. Après tout, s’il n’hésite pas à renvoyer Mme Royal à des penchants vychistes, libre à nous, ses simples lecteurs, de lui dire que le style utilisé dans ses derniers articles fleure bon le « Je suis partout ».


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4 réactions à cet article    


  • bernard29 candidat 007 3 mai 2007 12:42

    j’ai lu certains des articles du blog de Monsieur Onfray. Sincèrement, il n’y a que grossiéretés,insultes, attaques ad hominem tout azimut. Je suis extrêmement étonné de la pensée « Café du commerce » que ce blog développe.

    je n’ai pas trouvé trés intelligente l’attaque de Sarko sur mai 68, mais quand je pense à ces personnalités médiatiques dites « intellectuelles », les « miller et autres onfray » on peut quand même se poser des questions. non ?

    La meilleure pour Onfray restant quand même la défense indéfectible du régime démocratique de la Véme République. ( article dans le nouvel obs il y a déjà quelque temps.).


    • Jacques RICHAUD 3 mai 2007 22:47

      MICHEL ONFRAY est un de ces intellectuels « inconstants » qui à chaque période de la vie politique se sentent en droit non seulement d’engager leur parole publique, ce qui est très respectable ; mais ne savent s’empêcher de manier l’invective et parfois l’insulte, comme pour mieux affirmer leur « radicalité » parfois sans lendemain...

      J’avais en février proposé la tribune ci dessous : « Michel Onfray à encore changé de parfum... » résumant les errances du personnage : En 2002 il avait soutenu Olivier Besancenot(qui ne lui avait rien demandé) ; en décembre 2006 il soutenait Ségolène avec des mots très durs pour les « antilibéraux » en recherche d’une candidature unitaire ; en janvier 2007 il rejoignait José Bové avec cette fois des mots trés durs pour le pcf et la lcr, époque ou fut écrite la chronique ci dessous...

      Mais ce n’était pas terminé, un mois plus tard il abandonnait José en rase campagne avec cette fois des mots assassins pour la mouvance « alter » et déclarait que Clémentine Autain avait eu raison (de ne pas soutenir la candidature José Bové) ; puis affirmait soutenir désormais Olivier Besancenot...Déja a ce stade, ce que pensait MichelOnfray, tout le monde s’en fichait...

      Puis on le vit en conversation avec Nicolas Sarkozy pour le compte de la revue « Philosophie Magazine » (nos 8 avril 2007) et au décours de cet entretien il publiait sur son blog en deux parties un portrait sans appel du personnage...

      Mais à la veille de l’échéance ultime sa voix n’ira pas faire barrage à l’individu dont il avait assez bien décrypté la « dangerosité »,...il votera blanc ? Au fond tout le monde s’en fout, non ?

      Tous ceux qui pensent avoir des raisons de craindre la politique annoncée savent que les luttes sociales ne sont pas renforcées mais affaiblies par des cautions douteuses et aussi inconstantes, alors ...une voix fait le choix de ne pas contrer l’adversaire d’hier et donc de favoriser son élection...tchaooo mister Onfray...

      En souvenir de cette « intuition », l’article de février : « MICHEL ONFRAY A ENCORE CHANGE DE PARFUM.... »

      « On peut donc être, ce qui est mon cas, antilibéral et défenseur du capitalisme » (Michel Onfray)

      Dans un portrait négocié avec « le Figaro » notre philosophe multimédia nous avait avoué que jadis il s’aspergeait « d’Eau Sauvage » (de chez DIOR) jusqu’au jour où « il est tombé en arrêt devant la publicité d’ « Egoïste » (de chez CHANEL). Cet épisode attendrissant sur le rituel matinal de notre hédoniste national au sortir de sa douche nous a été encore rappelé dans l’excellent dernier numéro de « le Plan B » (février-mars 2007, nos 6) dans lequel est décerné à MICHEL ONFRAY la « laisse d’Or » réservée à une certaine élite...

      Je laisse aux Lacaniens l’interprétation de la fascination du héros pour le parfum « Egoïste » ...Cela n’a déjà plus d’importance car l’infidèle a déjà changé de parfum depuis...Après avoir en 2002 soutenu ouvertement Olivier Besancenot (dont la marque de parfum PTT n’a pas eu le succès espéré) ; il se prononçait le 30 décembre 2006 pour « Désir d’Avenir », le parfum du Grand Soir (de chez SEGOLENE) en appelant à voter « doublement utile » pour la charmeuse.

      C’est dans cette période de réveillon (laïc bien entendu) qu’il écrivit sans doute sa « chronique mensuelle » Nos 20, publiée au début janvier 2007, dans laquelle il réglait leur compte de façon impitoyable a ses anciens amis et leurs alliés d’hier. Ce morceau d’anthologie mérite publicité compte tenu de la suite des événements :

      La Chronique Mensuelle de Michel Onfray N° 20 - janvier 2007 GAUCHISME, KANTISME, INFANTILISME « Le ridicule dans lequel la gauche de la gauche se vautre dans la perspective des prochaines élections présidentielles (me) fait peine à voir. J’imagine la droite réjouie de ces pitreries et la gauche libérale plus ravie encore jubilant du boulevard que lui taillent à coup de hache les états majors de la LCR, du PC, à quoi il faut ajouter José Bové en personne flottant dans les habits d’un général de Gaulle, souhaitant le plébiscite en quittant le terrain pendant la bataille, alors que son appel du 18 juin se réduit au démontage d’un préfabriqué américain de boîtes à mauvais casse-croûtes....... Le gauchisme est un kantisme en même temps qu’un infantilisme - et trop souvent avec lui l’anarchisme. A camper sur des positions radicales, raides et strictes, dogmatiques et catéchétiques, sans aucun souci du réel, ils pensent en chambre un monde refait à leurs dimensions militantes. Enfermés dans leur logique tribale - organisation, militantisme, collage d’affiches, réunions de salle polyvalentes, slogans de manifestation, banderoles, distributions de tracts -, ils croient benoîtement qu’en dehors de leur campement la politique n’existe pas. Ni le Peuple, une plus grave erreur.... Infantiles, ils le sont.... La gauche radicale est à repenser - à déchristianiser elle aussi car elle préfère l’icône et l’image (le film comme dirait l’autre !) à la matérialité du monde réel... Et ce pour le plus grand bonheur des libéraux. »

      MICHEL ONFRAY a sans aucun doute le droit de penser cela, qui nous révèle au passage le danger extrême d’une overdose de « Désir d’Avenir ». Heureusement notre athée national fut atteint par la grâce en janvier 2007 pour changer à nouveau de parfum. Contre toute attente c’est désormais « OSER BOVE » qui le séduit, avec la senteur du terroir et de la philosophie profonde de la France d’en bas qui se ruine pour acheter ses cassettes...

      Ceux qui se réjouissent de ce soutien inespéré devraient s’intéresser à la pensée réelle de ce nouvel alter-sponsor. Il est peu probable qu’il a pris le temps de lire nos « Cent vingt cinq propositions » avant de signer l’appel « Oser Bové » ! Le SOCRATE de CAEN a déjà sa pensée propre qu’il n’a pas manqué d’étaler dans le Nouvel Observateur puis sur les ondes de France-Inter : Il approuve un « capitalisme non libéral » dont la définition donnerait sans doute des migraines à DIOGENE au fond de son tonneau ; il soutien « un régime présidentiel fort » qui ressemble plus au projet du petit Nicolas qu’au chapitre institutions de notre programme ; il se définit lui-même comme un « gaullo-gauchiste » parvenant à insulter en une seule formule deux héritages de notre histoire nationale ; enfin il a confirmé jusqu’à l’épuisement depuis octobre 2006 au côté d’autres intellectuels médiatiques, son soutien « sans réserve aucune » à la chronique islamophobe de Robert Redeker, initiant lui-même la pétition qui réclamait le droit de dire et d’écrire n’importe quoi, condamnant par avance tous ceux qui oseraient dire qu’il ne peut y avoir de liberté d’expression sans responsabilité. Du droit de dire n’importe quoi à « Oser Bové » la boucle est -elle bouclée ? Enfin pour apothéose MICHEL ONFRAY « défend la constitution de la cinquième république, qui ne doit pas être remise en cause », excluant toute idée de sixième République...

      « OSER BOVE » le parfum de l’imposteur MICHEL ONFRAY, serait demain aussi le parfum de l’imposture si ceux-là, qui se réclament de l’alternative antilibérale ne renonçaient pas publiquement à un soutien pour le moins douteux. Toutes les craintes sont permises car aux critiques déjà émises, un certain Pierre Nicolas le samedi 10 février 2007, confirmait sur le très contrôlé site « unisavecbové » toute l’estime du mouvement pour celui qui « ose BOVE » avec eux...Il est des trait-d’union dont il conviendrait de se demander entre qui et quoi ils prétendent se situer. Même ceux qui ne soutiennent pas JOSE BOVE pensent que celui-ci mérite mieux que de voir sa campagne se terminer dans la confusion des idées et le renoncement aux ambitions qui furent un temps communes. Osons demain la Sixième République avec ceux qui la veulent, pas avec des imposteurs.

      JACQUES RICHAUD 13 février 2007 (Collectif ex-unitaire 31)


      • waren waren 4 mai 2007 01:21

        L’attitude de Michel Onfray est d’autant plus regrettable qu’elle tranche avec les diverses appréciations de la qualité littéraire et analytique du texte qu’il a mis en ligne voici un mois environ, suite à son entretien pour le magazine Philosophie avec le candidat de l’UMP. Sans doute faut-il voir dans son attitude de repli frileux qui se donne des airs bravaches une forme de cette « tentation romantique de la ruine » dont je parle par ailleurs, qui agite beaucoup les cerveaux fatigués de nombreux occidentaux post-trentenaires, et pas seulement ceux des intellectuels. Pour ma part, et après avoir trouvé les arguments de M. Onfray bien pauvres, je conseille surtout de lire la « réponse » d’Ariane Mnouchkine - encore plus belle et mieux écrite - en forme de demande à tous ces amis qu’elle voit comme perdus dans ce monde qui ne les berce plus d’illusions et se laissent tenter par une forme de lâcheté qui se drape dans une pureté assez égotique et malsaine. Ce texte, intitulé « Allez vous vraiment faire ça ? » est accessible sur le blog d’Ariane Mnouchkine : http://mnouchkine.blogs.liberation.fr/


        • Stéphane ARLEN Stéphane ARLEN 4 mai 2007 16:52

          Comme vous le dites, l’article que vous commentez a été publié sur son blog, c’est-à-dire sur des pages écrites vite pour une grande réactivité à l’actualité, et non pas dans un livre qui permet plus de réflexion et de recul. Vos reproches me semblent donc infondés.

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