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Mort pour Facebook

La rivière est Vilaine. C’est son nom. Elle coule en Bretagne. Une rivière, un fleuve au vrai, qui se noie dans l’Atlantique. De nombreux affluents lui donnent par endroits des profondeurs impressionnantes : jusqu’à 6 mètres de fond.

C’est le cas là où un jeune homme de 19 ans s’est noyé. Attaché à son vélo. Il répondait à un défi Facebook. Le nom du défi : « A l’eau ou au resto ». A l’eau ? Rien à voir avec Nabila. Le défi ? Se jeter à l’eau, froide si possible, avec ses habits ou quelque chose de spécial, et demander à trois amis de faire pareil. S’ils ne remplissent pas le défi, s’ils se « dégonflent », ils devront payer le resto.

Le jeune homme s’est fait filmer dans sa tentative - la vidéo devant ensuite être postée sur Facebook au titre de preuve de sa prestation. Il a plongé avec son vélo, attaché à sa cheville par une corde de un mètre pour ne pas le perdre. Il n’a ‘as perdu son vélo. Il a perdu la vie. Le vélo l’a emporté au fond. Mort noyé sous les yeux de deux camarades qui n’ont pu le sauver.

Il y a quelques temps un autre jeune homme a plongé dans la mer tête la première, dans un petit fond : il est aujourd’hui hospitalisé, peut-être paralysé à vie.

Le désir de se mettre en danger ou en scène fat partie d’une création de son identité et d’un dépassement de soi. A 17 ans les adolescents Masaï vont lutter contre un lion avec une simple lance : rite de passage de l’enfance à l’adulte. Ici, sur Facebook, on trouve certainement un même élan à se surpasser, mais l’enjeu est nettement moins grandiose. Se jeter dans l’eau vous fait éventuellement gagner un repas au restaurant, pas une considération sociale ni un diplôme de survie. A moins d’en mourir, les héros sont petits bras. Mais bon, c’est parfois par le petit qu’on apprend le grand.

Si le désir de dépassement et le besoin de prouver socialement sa valeur sont très humains, rien n’empêche de répondre à des défis avec un minimum de réflexion. Si l’on me mettait au défi de courir un marathon, je déclinerais l’invitation. Je ne tenterais même pas de m’entraîner. Ce n’est ni dans mes ambitions ni dans mes capacités. Pas cap pour ça.

Dans ce défi Facebook, le fait de nommer trois autres personnes doit être considéré comme un voeu, pas comme une contrainte. Car non, nous ne sommes « pas cap » de tout. Et il n’y a aucune honte à cela. Nous n’avons pas plus l’obligation de payer le resto si nous ne remplissions pas le défi. L’injonction nominative n’a aucune valeur si nous n’en avons pas décidé par nous-même. Nous restons libres de choisir le domaine que nous estimons assez important pour mettre notre vie en danger.

Dans ce défi FB, avec des vidéos mises en lignes, les héros ne sont pas ceux qui se jettent dans l’eau froide. C’est inconfortable mais pas impossible. On oublie vite ceux qui sautent et que nous ne connaissons pas. Les amis du réseau ne sont pas des amis mais des modules viraux. Le héros c’est le réseau lui-même qui rend viral et diffuse rapidement des exploits qu’un groupe aléatoire a décidé. Le réseau est visité, les créateurs du défi font le buzz, et les internautes regardent défiler les vidéos l’une après l’autre. L’exploit, si c’en est un, est bien plus de réunir autant de gens pour un enjeu assez maigre que de plonger sans réfléchir.

Il serait intéressant de savoir si, depuis ce décès, la page a été davantage visitée. Page qui pourrait être sous-titrée : « A l’eau ou au resto, ou mourir pour Facebook ». Ça a quand-même plus de gueule, non ?

Image Ifremer, la Vilaine


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11 réactions à cet article    


  • pierrarnard 17 juin 2014 11:01

    Au bout d’un moment il faudra bien arriver à dissocier facebook des Darwin awards....


    • Lisa SION 2 Lisa SION 2 17 juin 2014 12:24

      Mouahh je veux être célèbre et passer à la télé pour baiser Nabila...
      N’empêche, si le ministre de l’économie voulait bien sauter de Bercy dans la Seine, on économiserait immédiatement cinquante milliards d’euros... ! https://www.google.fr/search?q=minist%C3%A8re+bercy&client=firefox-a&hs=GIs&rls=org.mozilla:fr:official&channel=sb&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ei=ExegU9uxAoaKOMrDgcgL&ved=0CAgQ_AUoAQ&biw=1222&bih=576


      • Salade75 17 juin 2014 12:47

        Bonjour,

        Il n’existe que deux choses infinies, l’univers et la bêtise humaine... mais pour l’univers, je n’ai pas de certitude absolue. (Albert Einstein)


        • Mmarvinbear Mmarvinbear 17 juin 2014 12:51

          Oui bin les défis à la con entre jeunes, on n’a pas attendu Facebook pour les inventer et les faire, hein. Quand j’étais gosse, moi et les voisins on allait jouer dans la décharge qui était pas trop loin et on passait des heures à sauter sur des planches pourries au milieu des bidons contenant je n’ai jamais su quoi.


          Le plus fou ( outre l’inconscience totale car nos parents SAVAIENT ou nous étions ), c’est que personne n’est jamais rentré avec autre chose qu’un coup de soleil parfois...

          En tout cas, il a bien ganté sa nomination aux Darwin Awards, ce con !

          • Mmarvinbear Mmarvinbear 17 juin 2014 12:51

            Gagné, bien entendu...


          • Vincent 17 juin 2014 14:42

            Bonjour,

            De tous temps les défis à la con ont existé.

            Aujourd’hui, comme pour tout, la médiatisation permet d’accélérer le processus viral, la transmission de l’information à d’autres.

            Avant il fallait attendre quelques jours voir semaines pour qu’un exploit type défis soit connu, il fallait développer les films photo et cinéma qui prouvaient le/les fait(s), ensuite venait la phase de transmission, à l’heure des récrées dans les cours des lycées et des collèges.

            Pareil à une légende urbaine, certains exploits n’étaient que des fictions au départ et on fini par être tenté et réalisés, mais à quel prix.

            Quand je parle d’exploits, de performances ou de défis, j’entends par là un comportement pas commun dans un lieu difficilement accessible apportant une reconnaissance vis-à-vis de ses copains, camarades, semblables.

            Plus jeune, j’en ai commis pas mal, poussé plus par ma curiosité et mon sens de la provocation que par l’idée du défi pur, certain on essayé de faire comme moi et se sont cassé quelques dents.

            Me sentais-je responsable, nullement, ils étaient au courant, savaient ce qu’ils risquaient, ils ont fini plâtrés.

            J’ai un ami qui lui a terminé ses jours dans un gravière, il n’avait pas vérifié le niveau de l’eau avant de plonger, là ou habituellement il y avait 2 à 3 m d’eau, ce jour là, seulement 50 cm, ses cervicales n’ont pas supporté ses 90 kg.

            Aujourd’hui ce n’est pas Facebook où ceux qui ont lancé le défi qui sont responsable du décès de cet adolescent mais lui-même, ils n’ont été que des vecteurs, influençant, certes sa décision.

            Parce que franchement, il n’y a pas besoin de réfléchir longtemps pour comprendre que nager habillé avec un bon 10 kg à la cheville relève plus de l’entraînement de commando que de la capacité physique d’un gamin de 17 ans.

            Il ne voulait pas risquer de perdre son vélo, son vélo l’a perdu.

            Mon analyse et mes propos peuvent vous paraître froids, abruptes et sans empathie, mais les faits sont là.

            Espérons que cela serve de leçon, en ce début d’été, aux ados pour leur éviter de prendre trop de risques inutiles. 


            • Intelle Intelle 17 juin 2014 19:53

              Bonjour hommelibre, je me suis permis de partager votre article sur ma page Facebook, qui ne me sert pas à lancer des défis mais à partager des infos avec mes amis et ma famille...Il y a aussi des jeunes dans ma famille qui vont sur ma page, j’espère qu’ils le liront, à moins qu’ils n’aient appris la nouvelle par les infos. Je trouve cette mort horrible, car elle est la conséquence de la stupidité et de l’inconscience de certains et c’est une de trop. Il y a eu aussi dans le passé pas si lointain, des suicides de jeunes qui ont été harcelés par des soi-disant « amis ». Mais que leur dire à ces jeunes ? Si vous insistez, ils vous traitent de ringard ou d’arriérés alors qu’on ne veut que leur bien.

              Je vous remercie de votre article.

              • hommelibre hommelibre 17 juin 2014 23:19

                Bonjour Intelle,

                J’espère qu’ils liront, c’est aussi mon but. Qu’ils voient par eux-mêmes.

                Bien à vous.


              • 65beve 65beve 17 juin 2014 23:25

                On n’est pas sérieux quand on a 17 ans - Rimbaud - (ou 19).




                • mekanik mekanik 18 juin 2014 07:03

                  ca prouve juste que le niveau scolaire a bien baissé. Si il avait travaillé se physique, il aurait su qu’il ne flotterait pas avec un vélo.

                  ca prouve aussi qu’il ne pouvait même pas avoir confiance en ses copain qui pouvaient garder le vélo

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